Actuellement, les techniques de traitement de l’information numérique sont omniprésentes dans la vie quotidienne (télécommunications, multimedia, automobile, etc) et demandent des circuits numériques fonctionnant avec des performances (densité d’intégration, rapidité, coût, etc.) de plus en plus élevées. Cela impose des critères de plus en plus sévères à toutes les fonctions de l’électronique. Depuis près de 30 ans, la technologie numérique à base de composants semiconducteurs a démontré un progrès remarquablement continu. En effet, il est possible actuellement de réaliser des circuits intégrant, sur une puce de silicium de l’ordre du centimètre carré, plusieurs dizaines de millions de transistors fonctionnant à plusieurs centaines de MHz. Néanmoins, si la réduction des dimensions des composants électroniques, axe de recherche privilégié de ces dernières années, permet la réalisation de dispositifs toujours plus complexes et rapides, cela se fait au détriment de la consommation et de la dissipation d’énergie. Là où l’électronique semiconductrice montre ses limites, l’électronique supraconductrice ouvre la voie de l’électronique ultrarapide en associant une large bande passante à une très faible dissipation pour des systèmes complexes de haute rapidité tels que des processeurs numériques fonctionnant à des fréquences d’horloge de l’ordre de 30 GHz, des convertisseurs analogiques-numériques, des commutateurs numériques à haut débit multi-Gb/s et des amplificateurs à faible bruit [Leung 1997]. Cette technologie cryogénique dépend des propriétés physiques des matériaux supraconducteurs tels que, par exemple Nb, NbN ou YBaCuO, et de l’élément de base des circuits, la jonction Josephson permettant de réaliser des architectures uniques d’efficacité et de performance sans précédent. Les circuits numériques sont basés sur la logique à quantum de flux, une technologie qui n’a pas d’homologue en électronique semiconductrice. Par leur fréquence d’horloge pouvant atteindre plusieurs dizaines de GHz et leur très faible dissipation, les circuits numériques supraconducteurs, fondés sur un principe nouveau, la logique à quantum de flux (RSFQ : Rapid Single-Flux Quantum), connaît aujourd’hui un regain d’intérêt du fait de ses performances exceptionnelles, très au delà de celles des filières électroniques classiques .
de transmettre les données numériques sous forme d’impulsions de tension picoseconde avec une aire quantifiée de 2, 07 mV × ps, correspondant à un quantum de flux h/2e [Likharev 1991] [Mukhanov 1987] [Bunyk 2001]. Cette technologie est basée sur l’utilisation de jonctions Josephson shuntées de dimensions micrométriques ou submicrométriques. Les systèmes de mesure classiques montrent leurs limites devant les performances des signaux à caractériser. En effet, les appareils de mesure actuels utilisant eux-mêmes des composants électroniques montrent leurs limites dès qu’il s’agit de mesurer les performances de composants encore plus rapides. De plus, la réduction des dimensions des composants ultra rapides pose un problème de connectique avec les instruments de mesure.
Des solutions alternatives aux moyens de mesure actuels sont donc indispensables. L’une d’elles est basée sur le recours à l’optique. Depuis l’invention du laser par Maiman en 1960, les performances des lasers impulsionnels ont connu une évolution fulgurante supérieure à celle de la microélectronique puisque la durée des impulsions laser les plus courtes a diminué de neuf ordres de grandeur (impulsions de quelques microsecondes à quelques femtosecondes). On dispose aujourd’hui de sources lasers ultra-rapides commerciales délivrant des trains répétitifs d’impulsions dont la durée est inférieure à la dizaine de femtosecondes (1 fs = 10⁻¹⁵ s). Par un système de conversion optoélectronique ou électro-optique, il est possible, par une technique dite d’échantillonnage, de mesurer la réponse d’un composant électronique à une impulsion électrique picoseconde. Le spectre associé à cette impulsion s’étend jusqu’à plus de 1 THz, soit bien au-delà des capacités des méthodes de caractérisation classiques. Depuis une vingtaine d’années, plusieurs techniques optoélectroniques ont été développées mais elles nécessitent dans la plupart des cas un compromis sévère entre résolution temporelle, sensibilité et perturbation induite dans le circuit sous test. D’autre part, leur utilisation de manière courante pour la caractérisation est encore limitée par le manque de souplesse et la complexité du dispositif de mesure.
Dans ce mémoire nous allons étudier les interfaces optoélectroniques permettant de détecter et échantillonner les signaux ultra-brefs résultant de la commutation des jonctions Josephson shuntées qui composent les circuits RSFQ. Pour comprendre les différents phénomènes responsables de la génération des impulsions RSFQ, nous allons introduire quelques notions sur la supraconductivité en commençant par dresser un historique et citer les principaux phénomènes physiques « magiques » dans les supraconducteurs tels que l’effet Meissner. Nous décrivons ensuite l’élément de base des circuits supraconducteurs, la jonction Josephson, afin de comprendre les différentes applications de l’électronique supraconductrice.
Généralités sur l’électronique supraconductrice
Non seulement les supraconducteurs ont des comportements très différents d’un métal normal, mais ils ont aussi des propriétés uniques telles que la quantification du flux magnétique et l’effet Meissner. L’effet Meissner est le comportement diamagnétique du supraconducteur.
Un peu d’histoire sur les supraconducteurs
La supraconductivité est un phénomène présent dans certains matériaux dits supraconducteurs. Il est caractérisé par l’absence de résistance électrique et l’annulation du champ magnétique à l’intérieur du matériau (effet Meissner). La supraconductivité conventionnelle se manifeste à des températures très basses, proches du zéro absolu (−273˚C). Quelques techniques simples permettent de mettre en évidence le phénomène de la supraconductivité. D’abord, lorsqu’un matériau supraconducteur est parcouru par un courant continu, sa résistance se comporte comme celle d’un métal en fonction de la température. Le matériau est dit dans l’état normal. Toutefois, au-dessous d’une température précise, appelée température critique (Tc), le matériau n’offre plus de résistance (R=0) et il passe à l’état supraconducteur. C’est de cette façon que Heike Kamerlingh Onnes découvrit le phénomène en 1911 alors qu’il étudiait le comportement électrique de métaux très purs à basse température. Ayant peu auparavant réussi à liquéfier l’hélium (THe = 4, 21 K à pression ambiante), il avait accès à des températures encore jamais atteintes. Il est connu que la résistivité des métaux diminue linéairement avec la température jusqu’à un point où elle reste généralement constante. C’est ce qu’on appelle la résistivité résiduelle due aux impuretés présentes dans le métal. Kamerlingh Onnes a choisi d’étudier la résistance du mercure dans l’hélium liquide. Le résultat était complètement inattendu : en-dessous de 4, 15K, la résistance tombe abruptement à zéro .
La résistance nulle constitue une signature d’un supraconducteur. En 1933, Meissner et Ochenfeld découvrent un autre signe caractéristique d’un supraconducteur concernant ses propriétés magnétiques. En refroidissant un supraconducteur dans un champ magnétique constant, celui-ci écrante le champ qui le traverse en dessous de la température critique Tc . Cet état du supraconducteur est nommé état Meissner. Dans cet état, le supraconducteur est un matériau diamagnétique parfait. Le moment magnétique du supraconducteur s’oppose au champ magnétique.
Il a fallu attendre une cinquantaine d’années pour que la physique fondamentale donne la première explication du phénomène de supraconductivité. En effet, une théorie complète de la supraconductivité a été proposée en 1957 par les chercheurs américains Bardeen, Cooper et Schrieffer (théorie BCS), qui explique la supraconductivité par la formation de paires d’électrons (paires de Cooper) sous l’effet d’une interaction attractive entre électrons résultant de l’échange de phonons avec le réseau du matériau.
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Table des matières
1 Introduction
Introduction
1.1 Généralités sur l’électronique supraconductrice
1.1.1 Un peu d’histoire sur les supraconducteurs
1.1.2 Applications des supraconducteurs
1.1.3 Les différents dispositifs à base de supraconducteurs
1.1.3.1 Jonctions Josephson
1.1.3.1.1 Effet Josephson continu
1.1.3.1.2 Effet Josephson alternatif
1.1.3.2 SQUID
1.1.3.3 Les circuits numériques supraconducteurs
1.1.4 Les circuits RSFQ
1.1.4.1 Logique statique
1.1.4.2 Logique à quantum de flux
1.2 Organisation de la thèse
2 Contexte scientifique et technologique
2.1 Principe de diagnostic des circuits RSFQ
2.2 Techniques de mesure optique
2.2.1 Échantillonnage
2.2.1.1 Ancêtre de l’échantillonnage
2.2.1.2 Principes de base de la mesure par échantillonnage
2.2.1.3 L’échantillonnage en temps équivalent
2.2.2 Méthode photoconductive
2.2.2.1 Principe
2.2.2.2 Mise en oeuvre
2.2.3 Méthode électro-optique
2.2.3.1 Principe
2.2.3.2 Effet Pockels et propagation d’ondes lumineuses dans un milieu linéaire biréfringent
2.2.3.2.1 Susceptibilité et polarisation non-linéaire pour l’effet Pockels
2.2.3.3 Application au cas du tantalate de lithium (LiT aO3)
2.2.3.4 Mise en oeuvre
2.2.4 Effet Franz-Keldysh
2.3 Les interfaces de déclenchement opto-RSFQ
2.3.1 Photocommutateur supraconducteur
2.3.2 Photocommutateurs semiconducteurs
2.3.2.1 Les différents types de photocommutateurs
2.4 Bilan et choix de la technique de mesure adaptée pour la détection de signaux RSFQ
3 Théorie et Modèle
3.1 Théorie des photocommutateurs
3.1.1 Notions fondamentales sur les semi-conducteurs
3.1.1.1 Semi-conducteurs photoélectriques
3.1.1.2 Mécanismes de génération-recombinaison
3.1.1.2.1 Absorption et génération des porteurs libres
3.1.1.2.2 Processus de recombinaison
3.1.1.3 Evolution du nombre de porteurs
3.1.1.4 Contact métal-semiconducteur
3.2 Simulation du photocommutateur rapide
3.2.1 Modèle électrique
3.2.2 Simplification du dispositif pour le calcul de la photo-résistance
3.2.3 Méthode de calcul et résolution numérique
3.2.3.1 Calcul de la conduction des porteurs
3.2.3.2 Circuit électrique
3.2.4 Etude de la réponse du photocommutateur
3.2.4.1 Paramètres intrinsèques et extrinsèques du photocommutateur
3.2.4.2 Dynamique des porteurs photo-induits
3.2.4.3 Réponse du photocommutateur
3.2.4.3.1 La tension de polarisation est un signal sinusoïdal
3.2.4.3.2 La tension de polarisation est une impulsion RSFQ
4 Etude hyperfréquence des photocommutateurs
5 Conclusion
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