Intérêt d’une prise en charge spécialisée dans le syndrome de Diogène

INTRODUCTION

   L’émergence et la multiplication des unités gérontopsychiatriques ces dernières années mettent en lumière certains syndromes comme le syndrome de Diogène. Principalement connu du grand public pour la fascination mêlée de répulsion qu’il entraîne, c’est une entité qui reste peu caractérisée sur un plan éthiopathogénique. Ce syndrome fait référence à un trouble du comportement associant une négligence extrême de l’hygiène corporelle et domestique à une accumulation d’objets hétéroclites conduisant à des conditions de vie insalubre. Décrit pour la première fois en 1913 par Ernest Dupré sous le terme de « mendiant thésauriseur » (1), c’est en 1975 que la terminologie « syndrome de Diogène » est utilisée par Clark, un gériatre anglais(2). Il est depuis répertorié sous diverses appellations comme « syndrome de Pluchkine » (3), « hoarding disorder » (4) ou encore « self-neglect elderly » ; mais c’est en tant que « syndrome de Diogène » qu’il reste le plus connu. Paradoxalement il tire son nom d’un philosophe grec du IVème siècle av-JC, Diogène de Sinope, qui fut le principal représentant du « Cynisme », mettant lui-même en pratique ses convictions en vivant dans un tonneau avec un drap pour seul vêtement. De plus en plus de publications mettent en évidence qu’il s’agit bien d’un problème médical, même si les patients atteints de ce syndrome sont en général dépistés par le biais des services sociaux ou signalés par le voisinage. La fréquence de ce trouble est variable et se situe, dans une population de 60 ans et plus, entre 1.6/10000(5) et 52/10000(6) selon les études. Elle reste sous-estimée selon certains auteurs(7) car de nombreux sujets peuvent rester inconnus des services sociaux ou de santé. Toujours selon les données de la littérature, il concernerait une majorité de femmes(2,5), de personnes isolées(5) mais venant de milieux sociaux hétérogènes avec un QI normal voir élevé par rapport à la moyenne(2,8). Comme beaucoup de syndromes gériatriques, il reste peu caractérisé, et les définitions qu’on lui attribue sont aussi nombreuses que les publications traitant du sujet. Certains auteurs mettent l’accent sur la négligence corporelle et domestique(9), d’autres sur les traits de caractère « particuliers » des sujets atteints(10,11) et nombreux mettent en évidence le contraste apparent entre la « clochardisation » et les ressources financières disponibles(1,2). Néanmoins depuis quelques années et l’étude menée par Monfort en 2010(5), émerge un certain consensus autour d’un critère principal et de 3 critères secondaires (dont un au moins est nécessaire au diagnostic). Le critère principal est l’absence de demande d’aide médico-sociale. Celle-ci est à ne pas confondre avec une absence d’aide plus généraliste ; ni même avec un refus d’assistance. Ces patients qui « ne demandent rien mais ont besoin de tout » (5) se tournent parfois vers un aidant non professionnel avec acceptation d’aides minimales nécessaires à la survie(12). Les critères secondaires sont variables d’un patient à l’autre et consistent en :
– Une relation pathologique aux objets qui se traduit la plupart du temps par une accumulation ou syllogomanie pouvant entraver de manière significative la fonctionnalité du domicile. A l’inverse il peut exister un défaut d’attachement aux objets, on retrouve alors des logements vides reproduisant plus fidèlement le mode de vie de Diogène(12).
– Une relation pathologique au corps avec une négligence des soins d’hygiène et ce malgré des plaies et ulcères profonds parfois présents et donnant l’impression de ne pas les faire souffrir. Il existe fréquemment un intérêt particulier pour la conservation des excréments, souvent stockés dans des bocaux ou à même le sol.
– Une relation pathologique aux autres qui s’exprime par un repli et un isolement social de type « misanthropique ». Ces patients n’admettant dans leur entourage que de rares personnes ressources qualifiées de « porteur de panier » afin d’assurer leur subsistance. Tous ces critères, qui peuvent se retrouver dans d’autres tableaux cliniques, composent le syndrome de Diogène. L’émergence de ce syndrome, survenue récemment, est due en grande partie à la multiplication des visites à domicile, que ce soit des travailleurs sociaux, ou des équipes mobiles gérontologiques. Pour ces professionnels, ainsi que pour l’entourage du patient atteint du syndrome de Diogène, se pose rapidement la question du maintien ou non au domicile et dans quelles conditions celui-ci est réalisable. Certaines études ont mis en évidence un fort taux de morbi-mortalité à la suite de la prise en charge de ces personnes, notamment lors d’une extraction du lieu de vie(2,8,13). Ces données posent la question du bien-fondé de ces interventions, surtout lorsque celles-ci débouchent sur une hospitalisation ou sur le placement du patient dans une structure médico-sociale. Le but de cette étude va être de questionner le bien-fondé d’une prise en charge spécialisée dans le syndrome de Diogène et le rôle que celle-ci joue dans le devenir des patients.

MATERIEL ET METHODES

   La population étudiée se compose de patients âgés 60 ans et plus, domiciliés dans l’agglomération marseillaise, et qui ont été signalés à l’Unité Mobile de GérontoPsychiatrie (UMGP) du centre hospitalier Valvert pour un syndrome de Diogène entre Janvier 2014 et Janvier 2017. Les critères d’inclusion reprennent ceux de l’étude de Monfort :
– Absence de demande d’aide (critère principal)
– Relation pathologique aux objets (1er critère secondaire)
– Isolement social – misanthropie (2nd critère secondaire)
– Négligence corporelle (3ème critère secondaire)
Le critère principal étant présents chez tous les patients de l’étude avec un ou plusieurs critères secondaires. Chaque patient a été rencontré au moins une fois à son domicile par divers intervenants de l’équipe mobile (infirmiers, psychiatres, psychologues…) pour attester de la réalité de l’incurie au domicile. Il a été évalué pour chacun d’entre eux : la présence de symptômes psychiatriques et la présence ou l’absence de troubles cognitifs. Ainsi que les critères sociaux et démographiques tels que l’âge, le sexe, le statut marital, le type de logement, les revenus et la présence d’un entourage familial. Ces données ont été classées afin de permettre une analyse descriptive de cet échantillon.

RESULTATS

   En 3 ans, 21 signalements ont été retenus comme correspondant à un syndrome de Diogène. Cela correspond à une moyenne 7 par an sur les 250 signalements environ que reçoit l’UMGP durant cette même période, ce qui est peu au regard de la notoriété du syndrome. Sur le territoire Marseillais comportant plus de 850 000 habitants, la population âgée de plus de 60 ans est de plus de 190 000. Ces 21 situations correspondent donc à un taux de 1.10 cas pour 10 000 habitants de plus de 60 ans, mais seulement à 0.2 cas pour 10 000 habitants tous âges confondus. Au niveau de la typologie des syndromes de Diogène (tableau 1), le critère principal, à savoir l’absence de demande d’aide, est respecté chez 100% des patients. En revanche tous ne présentent pas de syllogomanie, qui est souvent le symptôme mis en avant dans ce type de tableau, même si elle est présente chez 14 des 21 sujets. L’accumulation d’objets et la négligence corporelle restent les principaux signes, la relation aux autres de type misanthropique ne concernant que 10 patients. Sexe et âge (figure 1) L’âge moyen des sujets signalés était de 77.9 ans avec un minimum à 60 ans et un maximum à 93 ans. L’âge médian est situé dans les mêmes valeurs, à 78 ans. Cet âge correspond à celui des patients lors du signalement à l’UMGP et donc à celui de la découverte du syndrome de Diogène. 67 % des personnes signalées étaient des femmes soit un ratio est d’un homme pour deux femmes (14 femmes et 7 hommes). Mode de vie (tableau 2) 18 des 21 patients vivaient seul au domicile, avec un sujet vivant en EHPAD, et 15 d’entre eux n’avaient aucun entourage proche. Nous relevons un cas de « Diogène à deux » avec un couple marié dont les deux sujets participent au processus de « diogénisation » du lieu de vie. Même si la moitié des sujets bénéficiaient d’une retraite entre 1000 et 2000 euros mensuels, 1/3 vivaient avec de faibles revenus, inférieurs à 800 euros par mois, correspondant au minimum vieillesse. Il existe aussi une forte proportion de personnes locataires de leur résidence principale, 13 sujets soit 62% de l’échantillon. Etiologies (tableaux 1 et 3) Initialement, tous les signalements ne faisaient pas mention de l’existence d’une pathologie sous-jacente, qu’elle soit de nature psychiatrique ou autre. 4 signalements sur les 21 faisaient état d’une pathologie psychiatrique préexistante, et 13 retrouvaient une altération des fonctions cognitives. Après une évaluation clinique réalisée par les membres de l’équipe mobile, les patients ont été classés en fonction des symptômes présents, selon la classification CIM 10. Nous retrouvons une forte proportion de patients présentant des signes de troubles neurocognitifs, 47% soit 10 sur les 21. 8 présentaient des symptômes dépressifs, et 7 souffraient d’un trouble de la personnalité. La proportion de sujets souffrants de psychose est faible, 2 sujets sur les 21. 4 sujets présentaient une comorbidité addictive. Devenir (tableau 3) Sur les 21 patients recensés, 11 (soit 52%) ont été hospitalisés soit en psychiatrie, soit en médecine. Sur les 9 hospitalisés en psychiatrie 6 l’étaient sous contrainte, au moins initialement, en SDT ou en PI, selon la possibilité d’avoir recours à un tiers ou non. Pour les autres un suivi ambulatoire a été instauré, en psychiatrie ou via le réseau gérontologique général lorsqu’aucune pathologie psychique n’a pu être mise en évidence. Une mesure de protection a été demandée pour quelques un des sujets suivis en ambulatoire, ainsi que pour tous ceux qui furent hospitalisés. 3 mois après l’instauration du suivi ou la fin de l’hospitalisation 8 patients furent placés en EHPAD, ils sont 10 après 6 mois. La majorité des patients placés sont ceux souffrant d’une maladie neuro-dégénérative, seule ou associée à une dépression (6 sur les 10 sujets placés). Un suivi de ces patients a pu démontrer une bonne adaptation à leur nouveau lieu de vie pour la majorité d’entre eux. Nous ne notons qu’un seul décès parmi les sujets étudiés, et aucun des patients hospitalisés dans l’unité ne l’a été à nouveau depuis la fin de la prise en charge.

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Table des matières

II. INTRODUCTION
III. MATERIEL ET METHODES
IV. RESULTATS
V. DISCUSSION
VI. CONCLUSION
VII. FIGURES ET TABLEAUX
VIII. BIBLIOGRAPHIE

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