INTERET DU TRAITEMENT DE LA FEMME ENCEINTE
INTRODUCTION
Le diabète gestationnel (DG) se définit par un trouble de la tolérance glucidique conduisant à une hyperglycémie de sévérité variable, débutant ou diagnostiqué pour la première fois au cours de la grossesse, quels que soient le terme, le traitement nécessaire et l’évolution dans le post-partum (Organisation Mondiale de la Santé (OMS)) [1]. Il s’agit en fait d’un cadre hétérogène incluant à la fois les diabètes réellement induits par la grossesse (il s’agit du DG transitoire) et les diabètes préalables à la grossesse méconnus et diagnostiqués seulement à l’occasion de celle-ci (surtout le diabète de type 2 très exceptionnellement de type 1) [2].
Le diabète gestationnel et le diabète préalable à la grossesse sont connus pour leurs complications secondaires maternelles (complications obstétricales et dégénératives du diabète) et foetales (malformations foetales, prématurité, macrosomie…). La pathogénie de ces complications fait largement intervenir l’hyperglycémie maternelle mais d’autres facteurs encore mal connus pourraient être impliqués [3, 4].
Bien que l’on assiste ces dernières années à une régression de la mortalité et de la morbidité maternelle et périnatale, le DG est encore considéré comme un problème de santé publique de par sa fréquence, ses risques à court, moyen et long terme encourus par la mère et l’enfant à naître [5] et demeure toujours une grossesse à haut risque aussi bien pour la mère que pour l’enfant. Ses modalités de dépistage et ses critères de diagnostic ne font pas à ce jour l’objet d’un consensus international.
Toutefois un dépistage précoce et systématique, suivi d’une bonne prise en charge endocrinienne et obstétricale permettent une prévention des complications maternelles et foetales et une amélioration du pronostic obstétrical et périnatal.
L’objectif de cette étude prospective de 92 cas est d’analyser le profil épidémiologique, obstétrical et diabétologique des parturientes et d’évaluer le pronostic obstétrical et périnatal en soulignant les avantages d’une prise en charge optimale et adaptée de ces grossesses.
TYPE DE L’ETUDE
Notre travail est une étude prospective à visée descriptive de 92 cas réalisée du 1er janvier 2006 au 31 mai 2009.
LIEU DE L’ETUDE
Les femmes ont été suivies d’une part pour leur diabète à l’hôpital IBN Tofail de Marrakech dans le Service d’Endocrinologie et d’autre part pour leur accouchement au Centre Hospitalière et Universitaire (CHU) Mohammed VI de Marrakech dans le Service de Gynécologie-Obstétrique A.
POPULATION CIBLE
La population cible est celle des parturientes vues au cours des consultations dans les Services d’Endocrinologie et de Gynécologie-Obstétrique A. Les données ont été recueillies chez ces femmes sur la base de leur état diabétique car l’étude vise à évaluer le pronostic obstétrical et périnatal des femmes enceintes diabétiques de Marrakech. Les données ont été recueillies au cours des consultations des parturientes dans les Services d’Endocrinologie et de Gynécologie-Obstétrique A.
ECHANTILLONAGE
L’échantillonnage a été réalisé dans le Laboratoire d’Epidémiologie de la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Marrakech (FMPM). Il comprend 92 cas de femmes diabétiques recensés du 1er janvier 2006 au 31 Mai 2009.
FICHE D’EXPLOITATION
La fiche d’exploitation des dossiers comprenait cinq grandes parties « Annexe I » :
► Première partie : Identité de la parturiente (Nom, âge, profession, adresse, niveau socio-économique et niveau d’instruction)
► Deuxième partie : Antécédents. Les parturientes ont été interrogées sur leurs antécédents personnels (Antécédents (ATCDS) de diabète, d’hypertension artérielle (HTA), obstétricaux) et familiaux (diabète et HTA))
► Troisième partie : Diabète pré gestationnel. Les femmes ont été questionnées sur l’équilibre de leur diabète, le bilan dégénératif antérieur, la dernière hémoglobine glyquée (HbA1c), la glycémie moyenne et le programme préconceptionnel.
► Quatrième partie : Grossesse actuelle. Cette partie nous renseigne d’abord sur la date de la 1ère consultation puis sur le suivi diabétologique et obstétrical. Au cours de la 1ère consultation, les parturientes ont été interrogées sur le terme de leur grossesse, les circonstances de découverte de leur diabète, le traitement pris au cours de la grossesse, les ATCDS de complications aigus de leur diabète. Ensuite un examen clinique complet (conjonctives, oedèmes des membres inférieurs (OMI), tension artériel (TA), hauteur utérine (HU), poids, taille, dextro, bandelettes urinaires, examen somatique) et un examen paraclinique (numération formule sanguine, glycémie à jeun, HbA1c, groupage, examen cytobactériologique des urines (ECBU), bilan rénal, lipidique, sérologique, dégénératif du diabète et l’échographie) leurs ont été faits.
LIMITES DE L’ETUDE
L’étude présente certaines limites relatives au remplissage de la fiche d’exploitation. Pour les parturientes du Service d’Endocrinologie, nous n’avons pas pu voir leurs dossiers obstétricaux des parturientes à l’accouchement. Les données recueillies sur les modalités de l’accouchement sont celles rapportées par les parturientes à leurs consultations en post-partum.
Pour les parturientes du Service de Gynécologie-obstétrique A, La majorité d’entre elles est venue consulter en fin de grossesse sans aucun dossier d’endocrinologie. Les données recueillies pour leurs suivis diabétologiques sont celles fournies par les parturientes ou retrouvées sur les bilans apportés.
? Pour le diabète de type 2
Neuf parturientes (14,3%) ne suivaient aucun traitement, 9 autres (14,3 %) étaient sous insuline. Deux parturientes (3,2 %) étaient d’abord mises sous ADO puis sous insuline. Le reste des parturientes (21 cas soit 33,3 %) étaient sous ADO. Le traitement n’a pas été précisé dans 2 cas (3,2 %).
? Schéma d’insuline
Pour le schéma d’insuline suivi ; 39,3 % (soit 11 cas) étaient sous 2 injections d’insuline pré-mélangée (mélange d’insuline lente et rapide), tandis que 6 parturientes (soit 21,4 %) étaient sous 3 injections (insuline intermédiaire matin et soir et insuline rapide à midi). Le schéma d’insuline n’a pas été précisé chez les autres parturientes soit 39,3 %.
? Les parturientes sous régime alimentaire
Parmi les 63 cas de diabète prégestationnel, la majorité des femmes (50 cas soit 79,4 %) ne suivaient aucun régime alimentaire en l’occurrence les diabétiques de type 2 (52,4 %). Seules 11 femmes (soit 17,5 %) ont suivi un régime alimentaire. Sept parturientes étaient sous régime alimentaire seul. Quatre autres n’étaient pas sous insuline et ne suivaient aucun régime alimentaire.
Parmi les 28 parturientes sous insuline, une seule a associé le traitement médical avec un régime alimentaire. Sur les 21 parturientes sous ADO, 3 ont associé le traitement médical avec un régime alimentaire.
DEROULEMENT DE LA GROSSESSE ACTUELLE
Surveillance de la grossesse
La surveillance de la grossesse chez nos parturientes, aussi bien de leur diabète que de leur grossesse a été insuffisante. En effet sur les 92 cas, 29 parturientes n’étaient pas du tout surveillées soit 31,5 % ; 31 parturientes (33,7 %) ont été mal suivies. Seules 32 parturientes (34,8 %) ont bénéficié d’une bonne surveillance. Cette surveillance a été assurée non seulement par les Services d’Endocrinologie et de Gynécologie-Obstétricale du CHU, mais aussi par le secteur privé et par les centres de santé.
Circonstances de révélation du diabète gestationnel
Parmi les 28 cas de diabète gestationnel, les circonstances de révélation du diabète ont été précisées chez 22 parturientes soit 78,6 %. Sur ces 22 parturientes, dans la majorité des cas (18 cas) le diabète a été découvert lors d’un bilan systématique soit 81,8 % alors que dans 18,2 % la révélation du diabète s’est faite dans d’autres circonstances avec un cas de diabète révélé lors d’un bilan de pré-éclampsie soit 4,5 % ; un cas de diabète révélé lors d’un bilan de douleur lombaire (4,5 %) ; un cas de diabète révélé lors d’un bilan d’infection urinaire soit 4,5 % ; un cas de diabète révélé par une acidocétose soit 4,5 %.
SURVEILLANCE DU DIABETE AU COURS DE LA GROSSESSE
Traitement et suivi des parturientes
Sur les 92 femmes diabétiques, le traitement a été précisé chez 85 parturientes (soit 92,4 %). Sur ces 85 femmes, 70 ont été mis sous insuline soit 82,4 % dont la majorité (57,1 % soit 40 cas) a suivi un schéma de 3 injections d’insuline intermédiaire et rapide. Quinze parturientes n’ont pris aucun traitement soit 17,6 % dont la majorité présentait un diabète gestationnel (soit 58,8 %). Parmi les 15 parturientes sans traitement médical, 9 ont suivi un régime alimentaire (soit 60 %). Et parmi les 70 parturientes mises sous insuline, seules 4 ont suivi un régime alimentaire soit 5,7 %.
? Pour le diabète de type1
Toutes les 18 parturientes ont été mises sous insuline dont 3 sous régime alimentaire. Sur les 20 parturientes sous insuline, la majorité des parturientes (9 cas soit 45 %) ont suivi un schéma de 3 injections d’insuline intermédiaire et rapide alors que seules 4 soit 20 % ont suivi un schéma de 2 injections d’insuline pré mélangée. Le schéma d’insuline suivi n’a pas été précisé dans 7 cas.
SUITES DE COUCHES
Traitement et suivi
Plus de la moitié des femmes (36) ont été perdues de vue dans le post partum. 17 parturientes ont poursuivi l’insulinothérapie tandis que 3 parturientes ont poursuivi le traitement avec les ADO et 5 autres ont négligé leur traitement.
Durée d’hospitalisation
La durée d’hospitalisation n’excédait pas 48h en cas d’accouchement normal et en dehors de toute manoeuvre instrumentale alors qu’elle était de 4 jours en moyenne en cas de césarienne.
DISCUSSION
Historique
Les symptômes du diabète sucré sont connus depuis la plus haute antiquité, et sont déjà décrits en 1550 avant Jésus-Christ dans un manuscrit égyptien, sous le terme « urines très abondantes ». Les premiers articles rapportant les effets négatifs du diabète sur la grossesse sont apparus dans la deuxième moitié du XIXe siècle [6].
Avant la découverte de l’insuline en 1922, le diabète avait de graves conséquences sur la grossesse. En 1882, Ducan rapporte que sur 15 femmes diabétiques ayant eu 22 grossesses, 4 sont décédées au cours de la grossesse, seules 19 grossesses ont abouti à des foetus viables avec 7 décès périnataux. En 1886, Blott écrivait « le diabète vrai est incompatible avec la grossesse ». Au début du XXe siècle, quelques études rapportent chez les diabétiques enceintes une mortalité maternelle de 30 % et une mortalité périnatale variant entre 50 et 70 % [6,7].
Age moyen de découverte du diabète
L’âge moyen de découverte du diabète était de 31 ans 1 mois. Nos résultats concordent bien avec les données de la littérature à savoir que le diabète de type 1 touche le sujet plus jeune que le diabète de type 2. L’étude d’EL FADIL (35) le montre avec un âge moyen de 26 ans pour le diabète de type 1 (avant l’âge de 31 ans retrouvé dans notre étude) et de 32 ans pour le diabète de type 2 (après 30 ans dans notre série). Les mêmes chiffres ont été retrouvés dans l’étude d’EL MAIZI (33) au Maroc où l’âge moyen de découverte du diabète gestationnel était de 34 ans.
CONCLUSION
- La grossesse chez les femmes diabétiques représente un risque potentiel pour la mère et pour son enfant. Les progrès thérapeutiques acquis ces vingt dernières années ont considérablement amélioré le pronostic des grossesses chez ces femmes avec une régression de la morbidité et de la mortalité maternofoetale. Cependant ces grossesses restent plus risquées qu’en cas de tolérance glucosée normale. Ce qui fait de la grossesse diabétique une grossesse à haut risque.
Le diagnostic précoce du diabète et sa prise en charge préconceptionnelle et au cours de la grossesse sont essentiels pour le maintien de l’équilibre glycémique afin de réduire significativement l’incidence des malformations congénitales, des avortements, de la macrosomie et des autres complications liées au diabète. Cette prise en charge passe par :
La mise en place d’un vaste programme de dépistage précoce, d’information et d’éducation des femmes diabétiques avant, pendant et après la grossesse ; - La programmation des grossesses, cela implique alors l’utilisation d’une contraception efficace ;
- Un autocontrôle et une autosurveillance glycémique
- Un régime diététique optimal et adapté suivi d’une activité physique modérée régulière et adaptée ;
- La mise en place des techniques d’insulinothérapies adaptables à chaque patient en privilégiant les moyens simples ;
- Le suivi rigoureux du diabète et de la grossesse par une équipe spécialisée et multidisciplinaire (diabétologue, obstétricien, néonatologistes, réanimateur,
pédiatre).
Cette stratégie de prise en charge est le seul garant de l’amélioration du pronostic obstétrical et périnatal dans l’espoir d’atteindre un jour les objectifs fixés dans la déclaration
de Vincent « obtenir dans la grossesse diabétique des résultats quasi identiques à ceux d’une grossesse normale ».
|
Table des matières
INTRODUCTION
PLAN
SUJETS ET METHODES
RESULTATS
I) EPIDEMIOLOGIE
1- Fréquence globale
2- Age des parturientes au moment de la grossesse
3- Niveau d’instruction et profession des parturientes
4- Diabète maternel
5- Gestité et parité des parturientes
6- Antécédents de complications des parturientes
II) DEROULEMENT DE LA GROSSESSE ACTUELLE
1- Surveillance de la grossesse
2- Age gestationnel au moment de la 1ère consultation
3- Circonstance de révélation du diabète gestationnel
4- Période de révélation du diabète gestationnel
5- Facteurs de risque du diabète gestationnel
6- Examen obstétrical des parturientes
7- Surveillance échographique
8- Enregistrement du rythme cardiaque foetal
III) SURVEILLANCE DU DIABETE AU COURS DE LA GROSSESSE
1- Traitement et suivi des parturientes
2- Equilibre diabétique
3- Complications gravidiques et maternelles
4- Complications dégénératives au cours de la grossesse
IV) MODALITES D’ACCOUCHEMENT
1- Age gestationnel à l’accouchement
2- Nature de la présentation
3- Accouchement
V) ETAT DU NOUVEAU-NE A LA NAISSANCE
1- Score d’Apgar
2- Poids de naissance
3- Examen a la naissance
4- Morbidités périnatales
5- Mortalités périnatales
VI) SUITES DE COUCHES
DISCUSSION
I) GENERALITES
1- Historique
2- Définition du diabète gestationnel
3- Classification du diabète
4- Physiopathologie du diabète gestationnel
II) EPIDEMIOLOGIE
1- Prévalence du diabète gestationnel
2- Age des parturientes
3- Niveau socio-économique des parturientes
4- Type de diabète maternel
5- Age moyen de découverte du diabète
6- Répartition des parturientes selon la classification de Priscilla White
7- Parité des parturientes
8- Hérédité diabétique chez les parturientes
III) RISQUE MATERNEL AU COURS DE LA GROSSESSE
1- Effet de la grossesse sur le diabète pré-existant (complications vasculaires)
2- Répercussion du diabète sur la grossesse
IV) RISQUES FOETALES LIES AU DIABETE GESTATIONNELLE
V) MODALITES D’ACCOUCHEMENT
VI) INTERET DU TRAITEMENT DE LA FEMME ENCEINTE
DIABETIQUE
RECOMMANDATIONS
I) MODALITE DE DEPISTAGE DU DIABETE ET LES CRITERES DIAGNOSTICS
1- Comment dépister ?
2- Quand dépister ?
3- Qui dépister ?
4- Risques maternelles à long terme
II) PRISE EN CHARGE DU DIABETE GESTATIONNELLE
CONCLUSION
Télécharger le rapport complet