Fréquence de l’hémorragie du post-partum (HPP)
La fréquence réelle de l’hémorragie du post-partum est difficile à évaluer, du fait de l’imprécision qui réside dans son diagnostic, car souvent les pertes sanguines sont sous-évaluées par l’estimation visuelle. Néanmoins, sa fréquence dans le monde est estimée à 14.000.000 de cas/ an. La fréquence des hémorragies supérieures à 500 ml serait de 18 à 26 %, celle des hémorragies sévères (supérieures à 1 litre) serait de 3 à 5 %, voire 6% après césarienne [6]
Gravité de l’HPP
L’hémorragie du post-partum est responsable de 25% des 600.000 décès survenant chaque année dans le monde [48]. Ainsi, chaque année, près de 140.000 femmes meurent d’hémorragie du post-partum, soit 389 femmes par jour [6]. Le fossé existant entre les pays développés et ceux en développement est flagrant. L’hémorragie est la cause de plus de 25% des décès maternels en Amérique Latine et Caraïbes; 30,8% en Asie ; et 33,9% en Afrique selon Khan en 2006 [48], alors que ce taux n’est que de 5% en Grande Bretagne et aux Etats-Unis. En France, l’HPP avec un ratio de 10,8 décès maternels pour 100.000 NV, constitue la première cause de mortalité maternelle [11]. Selon la quatrième Enquête Démographique et de Santé du Sénégal (EDSIV), le taux de mortalité maternelle au Sénégal est de 401 décès pour 100.000 naissances vivantes (NV) pour la période 1998 – 2005. Pourtant des progrès ont été enregistrés par rapport à la période 1986 – 1992, où ce taux était de 510 décès pour 100.000 NV [70, 73]. Ce ratio de mortalité maternelle élevé, s’explique par le faible taux d’accouchements assistés qui est de 52% en moyenne au niveau national, particulièrement en zone rurale où seule une femme sur trois (33%) bénéficie de l’assistance d’un personnel qualifié. Les accouchements faits en dehors des structures de santé posent souvent des problèmes de prise en charge lors de la survenue de complications telles que l’hémorragie du post-partum. Le traitement de cette complication nécessite des services d’urgence bien équipés, et un personnel qualifié, qui font souvent défaut dans les zones reculées. L’absence de personnel qualifié au moment de l’accouchement entraîne un retard dans le diagnostic de l’hémorragie. Ce retard se répercute sur l’ensemble du processus de transfert (retard à la prise de décision pour aller chercher des soins appropriés, retard à l’évacuation), ainsi que sur les délais et la qualité de la prise en charge.
Organisation et collecte des données
Les patientes éligibles, étaient réparties de façon aléatoire à la fin de la deuxième phase du travail, lorsque l’option de l’accouchement par voie basse était acquise, soit dans le groupe recevant du misoprostol, soit dans celui recevant de l’ocytocine qui était le groupe témoin. Le misoprostol était présenté en comprimés sécables de 200µg et l’ocytocine en ampoules injectables de 5UI. Les femmes incluses recevaient soit 400µg de misoprostol par voie orale après l’expulsion du fœtus, soit 5UI d’ocytocine en intraveineuse directe après la naissance de l’enfant. Dans les deux groupes, le cordon ombilical était clampé et sectionné entre deux pinces au ras de la vulve immédiatement après la naissance, et les autres étapes de la gestion active de la troisième phase de l’accouchement appliquées. La quantité de sang perdue était recueillie par un bassin placé sous les fesses de l’accouchée, après le clampage du cordon ombilical et l’évacuation du restant de liquide amniotique. La durée du recueil des pertes sanguines était d’environ une heure après l’expulsion du fœtus. Les épisiotomies étaient immédiatement réparées après l’accouchement. Ensuite, les pertes sanguines recueillies étaient reversées dans un bocal gradué pour obtenir leur volume exact. La tension artérielle était prise et une NFS était effectuée en cours de travail, puis deux heures après l’accouchement. Les effets secondaires habituellement rattachés au misoprostol étaient régulièrement recherchés dans le post-partum immédiat sur une durée de 6 heures : frissons, hyperthermie, diarrhée, nausées et vomissements. Les frissons étaient recherchés par observation directe ou par un simple questionnement. La température corporelle était mesurée à l’aide d’un thermomètre à mercure au creux axillaire. En cas de survenue d’une l’hémorragie du post- partum, une prise en charge habituelle était appliquée sans retard conformément au protocole de notre service.
Pertes sanguines
L’évaluation des pertes sanguines au cours de la délivrance est peu pratiquée, sachant que dans notre contexte de travail, une partie du sang est souvent absorbée dans le linge de la patiente. Pour pallier cette difficulté, plusieurs moyens ont été utilisés. Ils vont des moyens plus rudimentaires (« Kanga » en Tanzanie) aux plus modernes, sac en plastique gradué qui sont placé sous les fesses de la parturiente au moment de la délivrance. Pour une évaluation fiable des pertes sanguines dans notre étude, nous avions utilisé deux bassins de lit : le premier servant à recueillir les le liquide amniotique au moment de l’expulsion du fœtus, l’autre n’étant utilisé que secondairement pour le recueil des pertes sanguines après le clampage du cordon ombilical. Un bocal gradué permettait une mesure précise. Aucune différence significative n’était observée dans notre expérience entre les deux groupes en les comparant sur la base des pertes sanguines moyennes. Ce volume était de 196,5 ml dans le groupe misoprostol contre 208,3 ml dans le groupe ocytocine. Ces résultats sont semblables à ceux de Walley [77], Gupta [3] et Bulgaho [15] qui avaient utilisé le misoprostol à des doses respectives de 400µg et de 600µg par voie orale ou rectale. Cependant, Villar [75] dans sa revue systématique qui était consacrée à l’utilisation du misoprostol dans la prévention de l’hémorragie du post- partum immédiat, avait montré par comparaison du misoprostol aux autres utérotoniques usuels (ocytocine, méthylergométrine) une supériorité de ces derniers dans la réduction des pertes sanguines au cours de la délivrance. Dans notre travail, la comparaison statistique des deux groupes sur la base de la survenue d’hémorragie de plus de 500 ml, n’avait montré aucune différence. La fréquence de l’hémorragie du post- partum était de 6,49% dans le groupe misoprostol contre 9,33% avec le témoin. El Refaey [32] avec 500µg de misoprostol par voie orale versus 0,5 mg de la méthylergométrine en intramusculaire n’avait pas trouvé de différence notable entre ces deux groupes. De telles constatations ont aussi été rapportées par Walley [77] avec 400µg de misoprostol par voie orale contre 10UI d’ocytocine en intramusculaire. Caliskan [18] avait par contre trouvé en Turquie des résultats contraires. Dans cette étude, il y avait plus d’HPP dans le groupe misoprostol qu’en cas d’association ocytocine 5UI – 0,5 mg de méthylergométrine IM. Cependant, cette étude est critiquable du fait que certaines patientes qui présentaient des facteurs de risque d’hémorragie du post- partum (anémie, hydramnios, pré éclampsie) avaient été incluses. Ces résultats avaient été corroborés par Villar [75] qui montrait, après intégration de 3 essais cliniques randomisés portant sur 1441 patientes, que des pertes sanguines supérieures à 500 ml étaient plus fréquentes dans le groupe misoprostol que dans celui des autres utérotoniques. Concernant l’hémorragie du post-partum grave, sa fréquence était de 1,29% dans le groupe misoprostol contre 2,66% avec l’ocytocine. Notre taux d’hémorragie du post-partum grave dans le groupe misoprostol était inférieur à celui rapporté par Walley [77] qui n’en avait pas observé et à celui de Bamigboye [4] avec 400µg par voie rectale (4,8%). Toutefois nos résultats étaient quasi similaires à ceux d’El Refaey [32] en grande Bretagne (2%).
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : EPIDEMIOLOGIE ET PREVENTION DE L’HEMORRAGIE DU POST-PARTUM
1. EPIDEMIOLOGIE
1.1. Fréquence
1.2. Gravité
1.3. Facteurs étiologiques
2. PREVENTION
2.1 Prévention pendant la grossesse
2.2. Prévention pendant le travail
2.3. Prévention pendant la délivrance
DEUXIEME PARTIE : NOTRE TRAVAIL
1. But et objectifs
1.1. But
1.2. Objectifs
2. Cadre de l’étude
2.2. Les locaux
2.2. Le personnel
2.3. Les activités
3. Méthodologie
3.1. Type d’étude
3.2. Taille de l’échantillon
3.3. Critères d’inclusion et de non inclusion
3.4. Organisation et collecte des données
3. 5. Paramètres
3.6. Analyse des données
4. RESULTATS
4.1. Caractéristiques générales
4.1.1. Age
4.1.2. Lieu de résidence
4.1.3. Parité
4.1.4. Indice de masse corporelle (IMC)
4.1.5. Age gestationnel
4.1.6 Poids des nouveau-nés
4.2. Comparaison de l’efficacité thérapeutique du misoprostol à celle de l’ocytocine
4.2.1. Aspects cliniques
4.2.2. Aspects biologiques
4.2.3. Aspects thérapeutiques
4.3. Tolérance des médicaments
5. Commentaires
5.1. Aspects cliniques
5.2. Aspects biologiques
5.3. Aspects thérapeutiques
5.4. Effets secondaires
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES
ANNEXES
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