Anatomie et fonction
Le rachis lombal se trouve entre le thorax et le bloc pelvien, entre les dernière côtes en haut et les ailes iliaques des os coxaux en bas. La charnière thoraco-lombale s’échelonne entre T11 et L1, englobant les côtes flottantes, et fait la transition entre deux segments difficilement dissociables sur le plan dynamique. La charnière lombo sacrale se définit comme la jonction entre la dernière partie mobile du rachis, et le bloc pelvien. Anatomiquement, elle siège entre L5 et S1 mais au niveau fonctionnel, elle prend aussi en compte l’interligne L4-L5. Elle se trouve dans un plan oblique en avant et en bas, entre l’axe rachidien et les membres inférieurs On comprend ainsi qu’on se retrouve face à une zone charnière entre le tronc, le bassin et les membres inférieurs qui nous pousse à avoir une vision anatomique « globale ». C’est pourquoi on essaiera d’avoir la vision la plus générale et fonctionnelle possible.
Après avoir rappelé de manière succincte la position anatomique de cette région, il convient désormais d’aborder la mobilité de la zone. La mobilité lombale est une mobilité d’absorption des coxo-fémorales, c’est une des raisons pour laquelle on parle de complexe lombo-pelvi-fémoral (et donc la rééducation doit rechercher une mobilité fonctionnelle incluant les coxo-fémorales).
Il est plus rigoureux de parler de région lombo-abdominale du fait de son rapport avec le ventre. En effet on a un ventre antéro-latéral droit, un antéro-latéral gauche et le rachis lombal assez central au niveau de la taille. La courbure postérieure (lordose lombaire en physiologie) et la masse abdominale antérieure (le ventre) sont interdépendantes et en rapport avec l’assiette pelvienne (socle sacro-pelvien, formant une base statique et dynamique, aussi bien liée à la hanche qu’au rachis lombal, d’où la notion de complexe lombopelvi-fémoral). Il nous semble maintenant important de définir la notion de caisson afin de mieux comprendre la région lombaire et ses liens anatomiques. Le caisson abdominal, où intervient la région lombo-abdominale se retrouve entre le caisson thoracique (la cage thoraco vertébrale contenant les poumons et le médiastin) et le petit bassin (les os coxaux et le sacrum contenant les organes recto-uro-génitaux). Encore une fois, on se trouve face à une zone charnière.
Le caisson abdominal est un volume à géométrie et pression variables, utile pour que l’abdomen vienne épouser les contours du rachis et lui offrir un appui stabilisant. Il est composé de quatre côtés. La face postérieure est formée par la poutre composite lombaire, correspondant au psoas en avant, aux vertèbres lombaires au milieu et aux paravertébraux en arrière (masse commune dense et résistante). Les deux faces latérales et la face antérieure sont enveloppées par le transverse, qui s’attache au niveau de l’apex des processus costiformes lombaires pour se terminer sur la ligne blanche. Le diaphragme ferme le caisson en haut, il a une origine sur la face antérieure des vertèbres lombaires de par son pilier principal droit (L1 à L4) et gauche (L1 et L2) liés par une arcade d’union, et de par son pilier accessoire (L2). De plus, il sépare le caisson thoracique du caisson abdominal et est « imbriqué » avec le psoas. Enfin, on retrouve le plancher pelvien qui ferme le caisson en bas. Il est important de comprendre que lorsqu’on augmente la pression intra-abdominale, on diminue les pressions sur la colonne lombaire, offrant un contrôle et une protection de cette région.
Ainsi au niveau musculaire, on retrouve plus superficiellement le grand dorsal. Il est aponévrotique à ce niveau et offre un renfort. En avant et sur les côtés, la ceinture des abdominaux s’étale sur 4 couches, dans toute les directions (transversale pour le transverse, diagonale pour les obliques internes et externes, verticale pour les grands droits) formant une véritable sangle. Enfin, au niveau des rapports nerveux de la région, on remarque que les racines spinales forment les plexus viscéraux et le plexus lombal. De plus, le rachis lombal renferme les éléments intrarachidiens (comme les étages supérieurs) sauf que la moelle épinière s’arrête en L2, prolongée par la queue de cheval. Au niveau vasculaire, l’axe aortique s’arrête au niveau de L4, les veines iliaques communes se rejoignent juste en dessous de la bifurcation aortique pour former la veine cave inférieure à hauteur de L5. Par ailleurs, la citerne du chyle est au niveau de L2-L3 (le conduit thoracique démarre à ce niveau).
Nous sommes donc en présence d’une région corporelle riche et complexe, tant sur le plan vasculo-nerveux, que mécanique et organique, avec un fort impact psycho affectif.
Traitement par ventouses sèches ou « dry cupping », critères de jugement, et mécanismes d’action supposés
L’histoire de la thérapie par les ventouses
L’histoire des ventouses est aussi ancienne que la civilisation humaine et mérite notre attention. C’est une technique ancestrale, qui a été adoptée par des cultures, des régions, des pays différents, sous diverses formes, pour traiter une pluralité de maux. Aux Jeux Olympiques de Rio de Janeiro de 2006, les traces de ventouses sur l’épaule de Michael Phelps, célèbre nageur américain aux 23 médailles d’or ont suscité l’attention et la discussion du monde entier. Chen en 2016 et Qureshi en 2017, s’accordent à dire que la première utilisation des ventouses a été mentionnée par les Égyptiens dans l’un des plus anciens traités médicaux, datant de 1550 av. J. C. : le papyrus d’Ebers [17,18]. Ces derniers ont transmis ce savoir aux cultures grecque et romaine. Hippocrate (le père de la médecine moderne) a décrit l’usage des ventouses, qui ont été largement utilisées pour traiter divers problèmes médicaux. Galen, un éminent médecin grec, chirurgien et philosophe dans l’Empire Romain était un praticien connu de cette technique. Il est important de noter, que l’historien grec Hérodote, a écrit en 400 av. J.-C. que les médecins Égyptiens utilisaient les ventouses pour une variété de maladies, incluant les maladies inflammatoires.
La thérapie par les ventouses s’est donc propagée de l’Égypte Antique jusqu’aux pratiques médicales de nombreux pays occidentaux [17]. A titre d’exemple, un chirurgien français du 16ème siècle, Ambroise Paré, était célèbre pour ses inventions d’appareils chirurgicaux y compris un dispositif de ventouses [18]. La thérapie par les ventouses a été ignorée pendant une longue période allant du milieu du 18ème siècle (la communauté médicale a fortement critiqué cette technique, expliquant sa perte de popularité) jusqu’à sa « renaissance » au milieu du 20ème siècle. Quelques pays européens ont donc changé leur attitude envers la médecine complémentaire au point de l’intégrer dans leur système de soins de santé conventionnel [19]. Aux États-Unis, il y a eu une augmentation progressive de l’utilisation des ventouses. C’est ainsi que des formations sur les ventouses sont proposées spécifiquement à un public de masseurs kinésithérapeutes, comme le propose l’ITMP.[20].
La thérapie par les ventouses étant une branche essentielle de la MTC, il convient de rappeler brièvement son histoire. Les premiers documents écrits en Chine (28 av. J.-C.) soutenaient fortement l’utilisation des ventouses et de l’acupuncture, déclarant que « plus de la moitié des maladies seraient soignées par l’acupuncture et les ventouses ». Les praticiens chinois ont continuellement contribué, tout au long des différentes dynasties, à l’avancement de la thérapie par les ventouses [18]. Les ventouses occupent aujourd’hui une place prépondérante en Chine. Les hôpitaux chinois les ont reconnues comme modalité de traitement depuis 1950. Il est nécessaire de mentionner le fait que la thérapie par les ventouses occupe aussi une place importante au Moyen-Orient. Le nom arabe est Al-Hijama qui signifie « ramener le corps à son état naturel ». Les médecins de la Grèce Antique ont donné leurs compétences dans ce domaine aux sociétés du Moyen-Orient. L’utilisation des ventouses est courante, encore aujourd’hui, dans des pays tels que l’Égypte, l’Iran et l’Arabie Saoudite [18]. On remarque une évolution matérielle au fil des siècles. Le premier instrument pour cette thérapie était une corne d’animal (avec un petit trou en haut au travers duquel le thérapeute aspirait l’air). Par exemple, on a retrouvé des tablettes d’argiles datant de l’Empire Babylonien-Assyrien (environ 700 av. J.-C) relatant cet instrument. L’utilisation de cornes a lentement cédé sa place au bambou, au verre puis au plastique [17]. Historiquement, les affections les plus communes traitées par les ventouses étaient les douleurs, les morsures, les pustules, les maux de tête, les infections et les lésions de la peau. Pour conclure, d’après les sources citées, les Égyptiens ont été les premiers à utiliser les ventouses. Les anciennes civilisations Chinoises, Grecques et du Moyen-Orient ont continué leurs pratiques et ont contribué à leur développement. De plus il y a eu une évolution matérielle et dans chaque civilisation, les ventouses ont été utilisées efficacement contre diverses affections. Actuellement, leur utilisation revient sur le devant de la scène (avec le nom de cupping).
En général, la cupping thérapie est contre-indiquée lorsqu’elle est appliquée directement sur les veines, les artères, les nerfs, les lésions ou inflammations cutanées, les orifices corporels, les yeux, les ganglions lymphatiques ou les varices. Les ventouses sont également contreindiquées sur les plaies ouvertes, les fractures osseuses et les sites de thrombose veineuse profonde. D’après Aboushanab, on peut les classifier en contre-indications absolues et relatives. En effet en attendant des données plus sécuritaires quant au cupping, il est absolument contre-indiqué chez les patients cancéreux et chez ceux qui souffrent d’une insuffisance organique (rénale, hépatique et cardiaque). De même que chez les patients utilisant un stimulateur cardiaque et chez ceux qui souffrent d’hémophilie ou de conditions similaires. On peut retrouver parmi les contre-indications relatives à l’utilisation des ventouses l’infection aiguë, l’utilisation d’anticoagulants, les maladies chroniques graves (telles que les maladies cardiaques), la grossesse, la puerpéralité, les menstruations, l’anémie, une séance récente de « wet cupping », un don de sang récent, les urgences médicales et le refus de la procédure par le patient [22]. Il convient de rappeler cependant qu’une majorité de ces contre-indications ont été énoncées pour le « wet cupping », invasif, à contrario du « dry cupping ».
Effets et mécanismes supposés d’action sur la douleur : hypothèses théoriques
D’après Rozenfeld (2016) l’utilisation du « dry cupping » pour diminuer les douleurs musculosquelettiques est à mettre en perspective avec ses effets. On distingue des effets mécaniques et physiologiques [25]. Tham (2006) a démontré (en utilisant un modèle de tissu mou) que les contraintes de traction sont plus importantes dans la région soumise aux ventouses, en particulier au centre de la ventouse et s’étendent à la couche musculaire plus en profondeur. Il a observé que pour une pression constante, une ventouse large est capable d’exercer une contrainte plus importante [26]. Ces résultats sont en corrélation avec ceux avancés par Hendricks (2006) dans une étude décrivant le comportement mécanique de la peau en fonction des mécanismes d’aspiration de différents diamètres. « L’ augmentation du diamètre de l’appareil d’aspiration entraîne des déplacements plus importants de la surface de la peau, ce qui se traduit par un soulèvement proportionnellement plus important et une contrainte résultante au niveau des couches tissulaires sous-jacentes » [27]. De plus, Zhao (2009) a étudié les effets du temps et de la pression négative sur les marques de cupping, sur 12 zones du dos de 34 personnes en bonne santé. Il a conclu qu’une application de 10 minutes à -400hPa produit une ecchymose sur le site de la ventouse, devenant de plus en plus sombre au fil de l’augmentation de l’intensité de la stimulation [28].
Pour ce qui est des effets physiologiques, il existe diverses hypothèses, tant traditionnelles que scientifiques, qui ont tenté d’expliquer les effets de la ventouse. Néanmoins, il n’existe toujours pas de données scientifiques fiables permettant de clarifier le mécanisme exact qui peut déterminer clairement l’effet thérapeutique du cupping [25]. Une des théories stipule que le cupping augmente la circulation autour de la zone traitée, permettant aux toxines emprisonnées en profondeur dans les couches de tissus mous de remonter à la surface du corps .
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Table des matières
1. Introduction
1.1 Lombalgies communes ou non spécifiques
1.1.1 Épidémiologie/définitions/facteurs de risques/conséquences
1.1.2 Définitions
1.1.3 Prise en charge selon la HAS
1.2 Anatomie et fonction
1.3 Traitement par ventouses sèches ou « dry cupping », critères de jugement, et mécanismes
d’action supposés
1.3.1 L’histoire de la thérapie par les ventouses
1.3.2 Classification, définition du « dry cupping », indications et contre-indications
1.3.3 Effets et mécanismes supposés d’action sur la douleur : hypothèses théoriques
1.4 État des lieux de la littérature scientifique
1.5 Intérêts et objectifs de la revue de littérature
1.5.1 Intérêt dans un cadre de recherche
1.5.2 Intérêt en terme de santé publique selon la HAS
1.5.3 Intérêt pour les patients, la profession
1.5.4 Objectifs de la revue de littérature
2. Méthode
2.1 Critères d’éligibilité des études pour cette revue
2.1.1 Types d’études
2.1.2 Population/pathologie
2.1.3 Intervention (stratégie thérapeutique)
2.1.4 Comparateurs
2.1.5 Critère de jugement
2.2 Méthodologie de recherche des études
2.2.1 Sources documentaires investiguées
2.2.2 Équations de recherche réalisées
2.3 Méthodologie d’extraction et de recherche des données
2.3.1 Méthode de sélection des études
2.3.2 Évaluation de la qualité méthodologique des études sélectionnées
2.3.3 Extraction des données
2.3.4 Méthode de synthèse des résultats
3. Résultats
3.1 Description des études
3.2 Risque de biais des études incluses
3.3 Effets de l’intervention sur le critère de jugement
4. Discussion
4.1 Analyse des principaux résultats
4.2 Applicabilité des résultats en pratique clinique
4.3 Qualités des preuves
4.4 Biais potentiels de la revue
5. Conclusion
Bibliographie