Intérêt d’étudier la dynamique de structure forestière

Intérêt d’étudier la dynamique de structure forestière

Îlots résiduels post-feu

Les feux brûlent rarement tout sur leur passage en forêt boréale (Perron et al., 2008; Perera et al., 2009; Madoui et al., 2011). Ceci se traduit par une mosaïque de peuplements d’âges, de compositions et de structures variables à l’échelle du paysage (Payette, 1992; Cyr et al., 2009). Le périmètre du feu inclut des peuplements entièrement brûlés, d’autres brûlés à différents degrés, et des peuplements épargnés (Van Wagner, 1983; Turner et al., 1997; Kafka et al., 2001; Perron et al., 2008; Madoui et al., 2011).
Les peuplements épargnés à l’intérieur du périmètre du feu, ici qualifiés d’îlots résiduels, sont également appelées forêts ou habitats résiduels (Gasaway et DuBois, 1985; Eberhart et Woodard, 1987; DeLong et Tanner, 1996; Stuart-Smith et Hendry, 1998; Dragotescu et Kneeshaw, 2012), et ils enferment en plus des arbres vivants, des chicots et des débris ligneux, des plantes arbustives et herbacées. Certains de ces îlots résiduels pourraient avoir été épargnés par les feux depuis des millénaires, et n’avoir été brûlés que lors d’un feu particulièrement sévère (Cyr et al., 2005; Bergeron et Harper, 2009; Ouarmim et al., 2015), dans ce cas, ils peuvent être considérés comme
des refuges permanents avec plus de complexité structurelle, c.-à-d., hotspot de biodiversité. D’autres ont échappé uniquement au dernier feu, probablement d’une façon aléatoire (Ouarmim et al., 20 14b) par des événements fortuits, comme le changement de direction de vent ou l’absence de combustibles limitant la propagation du feu.
Il est généralement admis que la sévérité, la fréquence et la taille des feux varient en réponse à une combinaison de facteurs, qui en retour modélise de façon hétérogène le paysage forestier (DeLong et Tanner, 1996; Turner et al., 1998; Miller et Urban, 1999; Bergeron et al., 2001). Parmi ces facteurs environnementaux, la topographie (configuration du terrain), le climat (le vent et l’humidité du sol) et les facteurs biotiques (qualité du combustible) sont les plus souvent avancés (V an Wagner, 1968; Hély et al., 2000; McRae et al., 2001; Cyr et al., 2007). En forêt boréale, la distance à un coupefeu peut être à l’origine de la persistance d’îlots résiduels (Larsen, 1997; Kafka et al., 2001; Cyr et al., 2007). Il appert aussi dans d’autres études que les caractéristiques des
peuplements de la forêt avant feu peuvent également être à l’origine de la présence ou de la persistance d’îlots résiduels (Foster, 1985; DeLong et Kessler, 2000; Kafka et al., 2001; Madoui et al., 2011; Ouarmim et al., 2014a).
Bien que l’étude des îlots résiduels post-feu remonte à un peu plus d’une trentaine d’années, on s’y intéressât davantage à leur configuration spatiale (Eberhart et Woodard, 1987; DeLong et Tanner, 1996; Stuart-Smith et Hendry, 1998; Madoui et al., 2011; Dragotescu et Kneeshaw, 2012; Madoui et al., 2015) et moins à leur dynamique après-feu. La proportion et la superficie d’îlots résiduels dans le périmètre brûlé peuvent varier dépendamment de la taille des feux, du territoire, ou des conditions locales (Eberhart et Woodard, 1987; DeLong et Tanner, 1996; Smyth et al., 2005).
Même si la moitié des feux produisent généralement des îlots de superficies inférieures à 2 ha, les grands feux consumant des milliers d’hectares produisent des îlots pouvant
atteindre une dizaine d’hectares. De plus, à cause de leur forte probabilité à rencontrer des coupe-feux (colline, ruisseau), les grands feux épargnent généralement une proportion plus élevée d’îlots résiduels, alors que les petits feux en renferment rarement (Eberhart et Woodard, 1987; DeLong et Tanner, 1996). Les études rapportent des valeurs allant généralement de 1 à 37% de la superficie des feux en îlots résiduels en forêt boréale (Eberhart et Woodard, 1987; DeLong et Tanner, 1996; Perron et al., 2008; Madoui et al., 2011; Dragotescu et Kneeshaw, 2012).
En préservant les attributs structuraux de la forêt continue d’origine avant-feu, entre autres de vieilles forêts, les îlots résiduels pourraient servir, d’une part, comme habitat refuge critique pour de nombreuses espèces forestières (Schmiegelow et al., 2006; Perhans et al., 2009; Hylander et Johnson, 2010) à savoir, les microorganismes, les insectes, les oiseaux et les mammifères (Gasaway et DuBois, 1985; Gandhi et al., 2001). D’autre part, les îlots résiduels constituent une source de propagules qui pourrait assurer la recolonisation post-feu du périmètre brûlé et le rétablissement de certaines espèces (De Long et Kessler, 2000; Mad oui et al., 20 11).
Malgré ces pistes intéressantes, pour la forêt boréale canadienne, les caractéristiques structurales d’îlots résiduels ne sont pas encore bien documentées (Schmiegelow et al., 2006). De plus, aucune étude n’a jusqu’ici, comparé la dynamique de structure de forêt boréale continue à celle d’îlots résiduels post-feu. La prise en considération de la présence dans le paysage forestier d’îlots résiduels dans les plans de gestion de la biodiversité bénéficierait d’une étude comparant la dynamique de structure des îlots résiduels issus de feu aux îlots de rétention créés par la coupe forestière. Si les feux n’opèrent aucune sélection et que les îlots post-feu sont représentatifs de la variabilité de la forêt continue, on peut s’en inspirer pour établir notre référant. Si par contre, les
îlots post-feu constituent un échantillon biaisé de la forêt continue, on se doit alors utiliser la forêt continue comme référant surtout qu’elle est à risque en forêt aménagée.

Îlots de rétention post-coupe

Au Québec, les pratiques d’exploitation conventionnelles telles que les coupes à blanc ou les coupes totales ont été remplacées, depuis la fin des années 1980, par la coupe totale avec protection de la régénération et des sols (CPRS), qui consiste essentiellement en la récolte de toutes les tiges marchandes (DHP > 9 cm) en minimisant 1 ‘impact sur les sols. Les coupes forestières totales présentent alors une taille maximale de 250 ha et les forêts résiduelles se retrouvent entre autres sous la forme de séparateurs de coupe (séparateurs secs) d’une largeur de 60 à 100 rn et d’îlots à orignaux (Alces americanus) de 3 à 10 ha (Gouvernement du Québec, 1988). La présence de ces séparateurs de coupe et d’îlots dans les parterres de coupe facilite
notamment le déplacement de la faune et leur procurer des refuges contre les prédateurs (Desrochers et Hannon, 1997). Dans sa nouvelle loi sur l’aménagement durable de son
territoire forestier, le Québec privilège désormais un aménagement écosystémique en vue d’assurer le maintien de la biodiversité et la variabilité des écosystèmes. Il s’agit d’un aménagement visant à réduire les écarts entre la forêt aménagée et la forêt naturelle, une forêt qui a évolué selon une dynamique générée par les perturbations naturelles.
Cependant, 1 ‘usage unique de la coupe totale ainsi qu’une absence de considération des effets cumulatifs qui en découlent à l’échelle du paysage sont à l’origine du rajeunissement et de la simplification de sa structure forestière (Harper et al., 2004; Bergeron et al., 2007; Kuuluvainen et al., 20 15). Dans une mosaïque forestière soumise à des révolutions de coupe relativement courtes, les massifs de vieilles forêts continues sont progressivement remplacés par des forêts résiduelles de plus faibles superficies dispersées dans une matrice dominée par des peuplements en régénération (Gauthier et al., 1996; Bergeron et al., 2002). En territoire aménagé, ces forêts résiduelles risquent d’être les seuls héritages structuraux de la forêt d’origine. Puisque plusieurs espèces dépendent partiellement ou entièrement des forêts anciennes (Drapeau et al., 2000),
leur diminution est susceptible d’influencer autant la flore que la faune (Franklin et al., 1997).
Depuis un peu plus d’une décennie, la rétention forestière, connue aussi sous d’autres
noms à savoir rétention verte, variable ou de legs biologiques (Franklin et al., 1997; Barg et Hanley, 2001 ), est la stratégie proposée au Québec pour limiter les impacts de la coupe sur la biodiversité en forêt boréale aménagée et ainsi, améliorer l’acceptabilité sociale des activités de récolte forestière (Gustafsson et al., 2012; Lindenmayer et al., 2012). La rétention forestière consiste à favoriser le maintien d’une grande diversité structurale dans les parterres de coupe et éventuellement dans la forêt régénérée (Gauthier et al., 2001; Beese et al., 2003; Gauthier et al., 2008b). Ainsi, la faune trouverait refuge et sources de nourriture dans le bois mort debout ou au sol, et sa décomposition permettrait au sol de rester fertile. De plus, les arbres vivants
permettraient d’une part d’augmenter la capacité de rétablissement post-coupe des espèces et ainsi, préserver la diversité génétique. D’autre part, la rétention d’arbres pourrait réduire l’érosion du sol. La rétention post-coupe des attributs structuraux de la forêt d’origine se fait, généralement, de façon isolée ou regroupée en îlots (Franklin et al., 1997; Doyon et Sougavinski, 2003; Work et al., 2004). Elle peut donc s’agencer à plusieurs régimes sylvicoles (Franklin et al., 1997; Beese et al., 2003; Gustafsson et al., 2012).
Or, au Québec, les modalités de rétention ne sont pas encore bien définies et les rétentions actuelles, qui sont pour la plupart purement expérimentales, préconisent des peuplements de taille relativement arbitraires (ex., îlots, séparateurs) maximisant souvent le volume de bois récolté (DeLong, 2002). De plus, la rétention est souvent réalisée selon des critères opérationnels, comme la faible valeur marchande de l’îlot, son accessibilité, sa proximité aux plans d’eau et son âge. Depuis une dizaine d’années, avec la réforme de la foresterie, notamment, par un aménagement écosystémique, on recherche surtout à améliorer les modalités actuelles de rétention variable, telle que les CPRS (coupe avec protection de la génération et des sols) sous la forme de bouquet ou
d’îlot en faisant en sorte de se rapprocher davantage des patrons laissés par les perturbations naturelles (feux), surtout en matière de taille et de caractéristiques structurales (Bergeron et al., 1999b; Harvey et al., 2002). Pour pallier ces changements, 1’ amélioration des modalités actuelles de rétention après coupe bénéficierait d’une comparaison de leur structure et de leur dynamique à celles d’îlots résiduels laissés après feu.

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Table des matières

AVANT-PROPOS
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ABRÉVIATIONS
RÉSUMÉ
CHAPITRE I INTRODUCTION GÉNÉRALE
1.1 Problématique
1.2 Intérêt d’étudier la dynamique de structure forestière
1.3 Intérêt de considérer la forêt continue comme témoin
1.4 Îlots résiduels post-feu
1.5 Îlots de rétention post-coupe
1.6 Effet de lisière
1. 7 Objectifs de la thèse
1.8 Territoire à l’étude
CHAPITRE II DEADWOOD ABUNDANCE IN POST-HARVEST AND POST-FIRE RESIDUAL PATCHES: AN EVALUATION OF PATCH TEMPORAL DYNAMICS IN BLACK SPRUCE BOREAL FOREST
2.1 Abstract
2.2 Résumé
2.3 Introduction
2.4 Material and methods
2.4.1 Study are a
2.4.2 Location of the study sites
2.4.3 Data collection
2.5 Data analyses
2.5.3 Estimation of deadwood abundance in residual patches
2.5.2 Comparison ofpost-fire residual patches versus post-harvest retention patches
2.5.3 Relationship between recent deadwood and initial stand volume
2.5.4 Factors influencing the abundance of recent deadwood in residual patches
2.6 Results
2.6.1 Abundance of deadwood after harvest and after fire
2.6.2 Effect of initial stand volume on recent deadwoodafter harvest and after fire
2.6.3 Factors influencing the abundance of recent deadwood in residual patches
2.6.4 Recent deadwood recruitment versus temporal dynamics of residual patches
2.7 Discussion
2.7.4 Factors responsible ofvariations of abundance ofpost-disturbance deadwood39
2. 7.2 Recruitment dynamics of deadwood and patch temporal dynamics
2.8 Conclusions and implications for forestry and conservation biology
2.9 Acknowledgements
2.10 References
CHAPITRE III CAN RETENTION HARVEST MAINT AIN NATURAL STRUCTURAL COMPLEXITY? A COMPARISON OF POST-HARVEST AND POST-FIRE RESIDUAL PATCHES IN THE BOREAL FOREST
3.1 Abstract
3.2 Résumé
3.3 Introduction
3.4 Materials and methods
3.4.1 Study area
3.4.2 Location of the study stands
3 .4.3 Data collection
3 .4.4 Structural classification of stands
3.4.5 Description of structural types
3.4.5.1 Internai structure complexity
3.4.5.1 Forest canopy closure
3.4.6 Factors influencing stand structure
3.4.7 Structural types in post-harvest residual patches versus natural stands
3. 5 Results
3. 5.1 Structural classification of residual patch stands
3.5.2 Complexity of structural stand types
3.5.3 Influence of TSF on structure
3.5.4 Structural types: post-harvest versus post-fire residual patches
3.6 Discussion
3.7 Conclusions and silvicultural implications
3.8 Acknowledgements
3.9 Authors contributions
3.10 Conflits of interest
3.11 References
CHAPITRE IV EDGE INFLUENCE ON STRUCTURAL ATTRIBUTES IN POST-PIRE VERSUS POST-HARVEST RESIDUAL PATCHES: IMPLICATION FOR ECOSYSTEM-BASED MANAGEMENT IN BOREAL FOREST
4.1 Abstract
4.2 Résumé
4.3 Introduction
4.4 Materials and methods
4.4.1 Study area
4.4.2 Location of the study sites
4.4.3 Sampling design and data collection
4.4.4 Data analyses
4.5 Results
4.6 Discussion
4.7 Synthesis and applications
4.8 Acknowledgements
4.9 Supporting information
4.10 References
CHAPITRE V CONCLUSION GÉNÉRALE
5.1 Implications pour la gestion de la conservation des forêts
5.2 Limites et perspectives
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE

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