Intérêt des techniques de remédiation de la cognition sociale dans le cadre de la schizophrénie à début précoce

La schizophrénie à début précoce est une maladie d’origine neurodéveloppementale rare, autour de 0.04 % des enfants et adolescents sur la cohorte NIMH (1), avec un début insidieux, un pronostic péjoratif et des thérapeutiques nécessitant une prise en charge intensive, y compris d’un point de vue médicamenteux avec une utilisation fréquente de la CLOZAPINE (2). Il s’agit d’un trouble du spectre de la schizophrénie peu connu et reconnu, difficile à diagnostiquer, parfois suspecté. Comme chez l’adulte, ses bases anatomopathologiques et psychopathologiques semblent hétérogènes (1). L’efficacité du traitement médicamenteux est modérée dans le cadre des symptômes négatifs et cognitifs de la maladie, ce qui nécessite le recours à d’autres thérapeutiques non médicamenteuses afin d’améliorer le fonctionnement familial, scolaire et social de la maladie (2). Les approches cognitive sociale constituent un abord intéressant dans ce contexte. Elles sont utiles pour comprendre les difficultés interpersonnelles que l’on retrouve dans le trouble du spectre de la schizophrénie. On retrouve quatre domaines principaux de la cognition sociale : la reconnaissance des émotions, la perception et les connaissances sociales, le biais d’attribution et la théorie de l’esprit. Nous nous intéresserons aux outils permettant de l’évaluer, aux structures cérébrales qui sont impliquées, et les liens entre ces concepts et la notion de fonctionnement social que nous tenterons de définir. Le développement de la cognition sociale chez l’enfant et l’adolescent, et leur défaillance dans le cadre du trouble du spectre de la schizophrénie et l’hypothèse de la dysconnectivité cérébrale. Enfin, nous illustrerons ces difficultés avec plusieurs cas cliniques.

Avec la mise en évidence d‘un déficit des processus cognitifs dans le trouble du spectre de la schizophrénie (3), des outils ont été développés et appliqués chez l’adulte depuis plus d’une dizaine d’années. Il s’agit de la remédiation cognitive, qui a été initialement développée pour entraîner les processus cognitifs élémentaires (mémoire, attention, fonctions exécutives) défaillants dans le cadre de la schizophrénie, puis ses principes ont été appliqués plus récemment aux domaines de la cognition sociale. L’objectif de ces outils est d’améliorer le pronostic fonctionnel des patients en leur permettant de mieux comprendre les enjeux en situation d’interaction afin qu’ils puissent mettre en place des comportements adaptés en fonction de leurs objectifs propres.

LES APPROCHES COGNITIVES SOCIALES

La cognition sociale désigne (4) l’ensemble des processus cognitifs impliqués dans les interactions sociales, en incluant la perception et le traitement de l’information sensorielle, puis l’intégration de ces informations et leur l’interprétation conformément aux schémas et représentations, et enfin la génération de réponse (verbale, comportementale, idéatoire…).

Il s’agit d’un domaine qui a été largement étudié au cours des 15 – 20 dernières années avec la réalisation d’une conférence de consensus pour harmoniser les définitions des différents domaines pertinents dans le cadre des études sur la schizophrénie. Elle a été organisée par la NIIMH (National Institute of Mental Health) en 2008 (4). Cinq domaines principaux se dégagent :
– La reconnaissance des émotions,
– La perception sociale et la connaissance sociale,
– Le style attributionnel,
– La théorie de l’esprit.

Ces domaines ont été développés de façon plus ou moins indépendantes, dans des domaines variés comme chez l’animal (la théorie de l’esprit par exemple a été abordée en tant que tel pour la première fois dans une étude princeps de Premack et Woodruff (5) « Does the chimpanzee have a theory of mind ? » en 1978), le sujet sain (en passant par le développement de l’enfant), et plus tard en psychopathologie. Ces différents domaines sont en relation et permettent à l’individu sain une compréhension profonde des interactions sociales avec les autres et vis-à-vis de soi en formulant des hypothèses sur l’état mental de son interlocuteur (ou de soi), l’objectif final étant de faire une prédiction sur le comportement d’autrui ou son propre comportement. Le bon fonctionnement de la cognition sociale est également dépendant de l’intégrité des processus cognitifs élémentaires (attention, mémoires, fonctions exécutives, vitesse de traitement …).

Définitions

Domaine du traitement des informations émotionnelles 

Le traitement des informations émotionnelles est souvent réduit à la reconnaissance des émotions faciales, mais concerne également l’information émotionnelle contenu dans le discours, son contenu (sémantique) et sa forme (verbale, paraverbale et non verbale), des domaines plus vastes comme le domaine artistique (6) (en étudiant par exemple des réponses émotionnelles d’experts en art vs des néophytes) dans toutes ses modalités, ou encore la gestion des émotions internes en général.

Il s’agit du même processus général de perception et de traitement de l’information. A partir de stimulus de l’environnement externe et/ou interne, la reconnaissance ou plutôt l’inférence d’un contenu émotionnel est un processus automatique et rapide (7) (autour de 170 ms pour les visages) qui concerne toutes les modalités sensorielles. Par le biais d’opérations de catégorisation, ces stimulus provenant de l’environnement sont « traités », c’est à dire que des caractéristiques sémantiques sont rapidement extraites de ces données, synthétisées, résumées et utilisables (modèle du réseau de neurones).

Les circuits neuronaux permettant le traitement de l’information émotionnelle sont en lien avec l’ensemble du cerveau (8), à partir de hubs (des régions très connectées et synchronisées avec les autres dans le cadre d’une fonction, dont l’amygdale et hypothalamus entre autres). L’information émotionnelle est largement diffusée et influence le traitement des informations sensorielles de façon globale (par le biais de la mobilisation attentionnelle notamment), de même que l’efficacité du traitement des informations par le cortex visuel, auditif … ; et d’autres fonctions cognitives comme la mémoire et les fonctions exécutives. Elle est liée également à la réponse corporelle aux émotions (température, sensations physiques, rythme cardiaque…) via l’hypothalamus. Enfin, à l’intégration des sensations intéroceptives en termes d’émotion (via l’insula).

Quand on applique le traitement de l’information émotionnelle au champ de la cognition sociale, elle permet de correctement et de rapidement saisir les indices contextuels (perception visuelle, auditive, leur temporalité, …) qui permettent de comprendre la situation d’interaction, d’en extraire le contenu émotionnel et renseigne sur l’état émotionnel des protagonistes en lien avec nos propres représentations des émotions. L’objectif final en termes d’évolution étant de savoir avec qui coopérer pour mieux survivre.

En psychologie cognitive, il semblerait que le traitement de l’information émotionnelle puisse être sujet à certains biais systématiques (9). Par exemple, chez les sujets sains, la reconnaissance des émotions faciales positives (joie) est plus facilement dégagée de visages familiers (homologues à nous même, à notre famille, ceux à qui on est exposé de façon fréquente) par rapport à des visages étranger. Les émotions négatives sont alors plus souvent associées (peur, colère), même si l’expression réelle affichée est neutre. Ce concept a des applications assez larges en psychiatrie, comme par exemple dans le traumatisme chez l’enfant, dans l’autisme (10) (représentation d’émotions différentes), dans l’alexithymie .

Les études se sont principalement concentrées dans la reconnaissance des émotions faciales (12), notamment dans le cadre de la schizophrénie. Elles montrent une diminution de la capacité des patients présentant une schizophrénie à reconnaître des émotions faciales par rapport aux sujets sains. Elles suggèrent également des différences dans le traitement de l’information selon la valence émotionnelle (plus difficile de reconnapître le dégoût ou la peur chez autrui), dès le premier épisode et ce trait semble stable au cours de la maladie (l’intensité est comparable à celle observée à distance du premier épisode chez des patients stabilisés). Un déficit en reconnaissance des émotions faciales représente un déficit cognitif qui semble se développer pendant la phase prémorbide de la maladie.

Perception et connaissance sociale

La perception sociale désigne l’intégration sensorielle multimodale (stimulus visuel, auditif, …) des indices contextuels qui permettent de renseigner sur les caractéristiques concernant :

– L’interlocuteur : ses rôles, ses objectifs liés à ces rôles, ce qu’il a le droit de faire et de ne pas faire… afin de donner du sens à ses comportements, de le raccrocher au système d’interaction auquel il appartient et s’exerce lui-même.
– L’environnement : les règles, coutumes et usages liés au lieu ou à la situation d’interaction. Et ce, en lien avec nos représentations et nos savoirs sur ces mêmes rôles et règles : ce sont les connaissances sociales. L’objectif est de répondre à la question « qui », quel est le statut de l’interlocuteur / du lieu.

La perception et la connaissance sociale sont très intriqués et souvent présentées ensemble, les représentations d’un rôle influant sur la perception et inversement. En psychologie cognitive, les biais d’auto-confirmation (13) correspondent au fait que généralement notre perception s’attardera sur des détails qui confirmeront notre croyance initiale. Ces biais sont présents chez le sujet sain également. Dans le cadre de la schizophrénie, les patients pourraient être davantage impacté du fait du déficit de perception et connaissance sociale. Par exemple, dans le cadre de connaissances sociales erronées, si la notion de dangerosité est un concept associé à « policier », si je vois un policier je me sentirais davantage en insécurité, ce qui confirmera que l’idée que les policiers sont dangereux. Autre exemple, s’il existe un déficit de la perception sociale, il est possible que certaines attitudes et certains indices vestimentaires soient interprétés par le patient comme étant des signes d’appartenance à la CIA (par exemple, le médecin pose les questions, ça ressemble à un interrogatoire), d’autant plus si le patient s’attend dans un contexte délirant à être espionné.

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Table des matières

A. INTRODUCTION
B. LES APPROCHES COGNITIVES SOCIALES
1. Définitions
a. Domaine du traitement des informations émotionnelles
b. Perception et connaissance sociale
c. Style attributionnel
d. Théorie de l’esprit
2. Outils d’évaluation de la cognition sociale
3. Structures cérébrales impliquées
4. La cognition sociale comme lien entre le fonctionnement social et les processus cognitifs élémentaires
a. Définition du fonctionnement social
b. Lien entre fonctionnement social et cognition sociale
c. Lien entre cognition sociale et processus cognitifs élémentaires
5. Développement de la cognition sociale chez l’enfant et l’adolescent
a. Concept de neuroplasticité et neurodéveloppement
b. Développement de la cognition sociale chez l’enfant et l’adolescent
C. LES TROUBLES DU SPECTRE DE LA SCHIZOPHRENIE : INTERET DE LA COGNITION SOCIALE
1. Description générale des troubles du spectre de la schizophrénie
a. Généralités
i. Présentation clinique
ii. Epidémiologie
b. Déficits de la cognition sociale dans la schizophrénie chez l’adulte
i. Lien avec les symptômes
ii. Cognition sociale comme marqueur-trait de la maladie
iii. Stabilité des performances en cognition sociale
iv. Lien avec le fonctionnement social
v. Liens avec l’imagerie cérébrale
c. Cadre conceptuel
i. Hypothèse neurodéveloppementale de la schizophrénie
ii. L’hypothèse de la dysconnectivité
2. La schizophrénie à début précoce
a. Critères diagnostics COS / AdOS / VEOS / EOS
b. Stabilité du diagnostic
c. Différences entre COS et AOS
d. Hypothèse de la continuité
e. Cognition sociale et schizophrénie à début précoce : revue de la littérature
i. Traitement de l’information émotionnelle
ii. Perception et connaissances sociales
iii. Biais d’attribution
iv. ToM
v. Conclusions et limitations
f. Retentissement fonctionnel
g. Vignettes cliniques
i. Cas 1
ii. Cas 2
D. REMEDIATION DE LA COGNITION SOCIALE
1. La remédiation cognitive : présentation générale, objectifs
2. Place des facteurs subjectifs
3. Techniques utilisées
4. Efficacité de la remédiation cognitive
a. Dans la schizophrénie chez l’adulte
b. Dans la schizophrénie chez le sujet jeune
c. Conclusion et limitations
5. Exemples d’utilisation chez l’enfant et l’adolescent
6. Remédiation cognitive et plasticité cérébrale
7. Remédiation de la cognition sociale
a. Quelle cible choisir ?
b. Efficacité de la remédiation de la cognition sociale chez l’adulte
c. Quelle place en psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent ?
d. Spécificités des enfants et adolescents
e. Spécificités de la schizophrénie à début précoce
f. Remédiation de la cognition sociale chez l’enfant et l’adolescent
E. ADAPTATION D’UN PROGRAMME DE REMEDIATION DE LA COGNITION SOCIALE POUR L’ENFANT ET L’ADOLESCENT
1. Programme ToMRemed
a. Présentation
b. Applicabilité de cet outil chez l’enfant et l’adolescent
2. Développement d’un outil de remédiation cognitive chez l’enfant et l’adolescent, de ToMRemed à iReHab-EOS
3. Retour sur expérience
F. CONCLUSION
G. BIBLIOGRAPHIE

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