L’Enquête Nationale Périnatale de 2016 a montré qu’environ 5% des enfants naissent par la présentation du siège (1). Au-delà de 37 semaines d’aménorrhée (SA), ce type de présentation concerne environ 3% des accouchements (2). Théoriquement eutocique, sa prise en charge suscite toutefois de nombreux débats. Très récemment, le « Siège » était au cœur des Journées Nationales du Collège des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) et a fait l’objet de nouvelles recommandations pour la pratique clinique (RPC) .
L’étude randomisée internationale de Hannah et al, publiée en 2000, concluait que la césarienne programmée en cas de présentation du siège était moins à risque de morbimortalité néonatale et était donc préférable à la voie basse en cas de présentation podalique (4). L’étude franco-belge PREMODA, menée en 2002, contestait ces résultats. Elle a permis le rétablissement de l’accouchement voie basse par le siège sous réserve de l’utilisation de critères stricts d’acceptabilité (2). Néanmoins, le nombre de césariennes pour cette indication reste élevé en France, avec des taux situés entre 50,3% et 98,3% selon les maternités (5). Ainsi, le CNGOF et la Haute Autorité de Santé (HAS) recommandent de proposer systématiquement une version par manœuvre externe (VME) afin de limiter la morbidité maternelle et néonatale liée à la césarienne ou aux complications de l’accouchement par voie basse .
Version par manœuvre externe
Définition
La version par manœuvre externe (VME) a pour but de transformer une présentation pelvienne en une présentation céphalique par manipulation du fœtus à travers l’abdomen maternel. Elle est à réaliser, si possible, aux alentours de 36 37 SA, avant le début du travail et à membranes intactes. La présentation par le siège en est la principale indication, elle peut également être réalisée en cas de présentation transversale ou lors de l’accouchement des grossesses gémellaires, sur le deuxième jumeau .
Elle était déjà préconisée par Hippocrate au 4e siècle avant JC et a été décrite bien plus tard par Wigand en 1807 (9). Malgré de nombreuses controverses au cours des siècles, l’utilité de la VME est aujourd’hui indéniable. Les plus récentes méta-analyses de la Cochrane (10,11) concluaient que la VME, si elle est réalisée à partir de 36 SA, permettait de réduire significativement le nombre de présentations non-céphaliques à l’accouchement et par la même occasion, le nombre de césariennes associées à ces présentations (RR 0,57 ; IC 95% [0,4-0,82]). Ainsi, sa pratique est recommandée par de nombreuses sociétés savantes, dont le CNGOF .
Contre-indications et complications
Avant toute prise en charge, le médecin ou la sage-femme se doit d’informer la patiente, par oral et si possible par écrit, sur l’intérêt et les risques de la manœuvre, afin qu’elle puisse faire un choix éclairé (14). Pour cela, le CNGOF a communiqué une fiche d’information type à distribuer aux femmes pouvant prétendre à une VME . Il n’y a pas de consensus général pour l’éligibilité d’une VME, les contre-indications sont variables d’une source à une autre (8,9,12), d’une équipe à une autre (5). Au CHU de Caen, les contre-indications absolues retenues selon le protocole de 2012 sont les suivantes : rétrécissement pelvien excluant un accouchement par voie basse, placenta prævia, déflexion primitive de la tête fœtale, grossesse gémellaire, altération du rythme cardiaque fœtal, rupture prématurée des membranes, allo-immunisation fœto-maternelle, mort fœtale in utero, refus de la patiente. D’autres contre-indications sont relatives et discutées selon le contexte : malformation fœtale, utérus malformé (cloisonné ou double), retard de croissance intra-utérin, prééclampsie sévère, oligoamnios. Avoir un utérus cicatriciel ne fait pas partie des contre-indications, il n’a pas été rapporté d’augmentation du risque de rupture utérine (15). A la suite des dernières recommandations publiées par le CNGOF, un nouveau protocole a été rédigé .
Les plus récentes revues de la littérature concluaient que la VME était une procédure sûre, à risque faible de complications obstétricales et néonatales . On note tout de même la possibilité de complications mineures : anomalies transitoires du rythme cardiaque fœtal, rupture prématurée des membranes, métrorragies, contractions utérines. Elles surviennent dans environ 4% des VME. Des complications majeures sont également décrites : hémorragies fœto-maternelles, anomalies sévères du rythme cardiaque fœtal, hématome rétro-placentaire, procubitus du cordon, mort fœtale. Elles sont très rares, de l’ordre de 0,5%, et peuvent mener à la réalisation d’une césarienne en urgence .
Modalités et technique
Afin d’éviter des complications, ou de mieux les contrôler, la réalisation d’une VME est soumise à des conditions .
La manœuvre doit être réalisée à proximité d’un bloc obstétrical. A l’arrivée de la patiente, un examen clinique et une échographie sont pratiqués afin de vérifier la présentation, préciser le type de siège, localiser le côté du dos du fœtus et le placenta, s’assurer de la quantité suffisante de liquide amniotique, estimer le poids fœtal et éliminer de potentielles contreindications. Un monitoring est installé pendant 30 minutes afin de s’assurer du bien être fœtal et d’objectiver, ou non, des contractions utérines. Une tocolyse intraveineuse par bêtamimétiques ou Atosiban est recommandée, elle permet de faciliter la version et d’augmenter significativement le nombre de présentations céphaliques à l’accouchement (RR 1,68 ; IC 95% [1,14-2,48]) .
La patiente est classiquement installée en décubitus dorsal sur un plan relativement dur, les cuisses en semi-flexion pour favoriser le relâchement de la paroi abdominale. Idéalement, la patiente est détendue et respire de manière ample et profonde pour faciliter la manœuvre.
Le médecin se place latéralement, la manœuvre s’effectue en 3 temps sous contrôle échographique. Tout d’abord le siège est refoulé vers le côté du dos fœtal, par appui du bord cubital de la main. Puis, de l’autre main, le pôle céphalique est fléchi vers la face ventrale du fœtus. Pour finir, la tête fœtale est abaissée de manière concomitante à l’ascension du siège vers le fond utérin. La rotation est progressive et le geste est effectué avec douceur, tout effort violent étant proscrit car douloureux, voire potentiellement dangereux. En cas d’intolérance maternelle, le geste est immédiatement arrêté . Quelle que soit l’issue de la VME, un monitoring est effectué pendant au moins 30 minutes. En cas d’échec de la version, une deuxième tentative peut être proposée à la patiente.
Résultats et vécu des patientes
La VME est considérée comme réussie lorsque le fœtus est en présentation céphalique à l’issue de la manœuvre, et ne prend pas en compte l’accouchement. Le taux de succès est très variable selon les séries, allant de 25 à 85% , avec une moyenne autour de 50% . Cette grande disparité peut s’expliquer par les différences entre populations étudiées et protocoles utilisés ainsi que par l’expérience variable des opérateurs. Les études ont également mis en avant des facteurs pouvant influencer le résultat de la manœuvre.
On compte tout d’abord, le terme de réalisation de la VME qui est un facteur modifiable et reconnu comme déterminant dans l’issue de celle-ci (6,12,22). La manœuvre est idéalement proposée entre 36 et 37 SA. En effet, une VME trop précoce, bien que plus facilement réalisable, augmenterait le risque de reversion spontanée et d’accouchement prématuré . Par ailleurs, Morrisson et al. ont montré qu’une tentative après 38 SA aurait une probabilité de succès 1,6 fois moindre que si elle était effectuée entre 35 et 37 SA. Ces résultats ne sont pas retrouvés dans toutes les études .
La multiparité est le facteur de succès le plus communément admis dans la littérature . La probabilité de réussite est jusqu’à 2 à 3 fois supérieure à celle des patientes primipares .
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Table des matières
Introduction
Version par manœuvre externe
a) Définition
b) Contre-indications et complications
c) Modalités et technique
d) Résultats et vécu des patientes
e) Méthodes alternatives
Hypnose
a) Définition
b) Indications et modalités
c) Hypnose médicale
d) Cas de la version par manœuvre externe
Matériel et méthode
1) Objectifs
2) Hypothèses
3) Type d’étude
4) Critères d’inclusion et d’exclusion
5) Séance d’hypnose
6) Recueil de données
7) Exploitation des données
Résultats
1) Description de la population
2) Issue de la VME
3) Ressenti de la VME par les patientes
a) Evaluation de la douleur
b) Evaluation du stress
c) Evaluation du vécu
d) Evaluation de la satisfaction
4) Intérêt des patientes porté à l’hypnose
Discussion
1) Méthodologie de l’étude
a) Points forts
b) Limites
2) Discussion
a) Influence de l’hypnose sur l’issue de la VME
b) Influence de l’hypnose sur le ressenti des patientes
c) Intérêt des patientes porté à l’hypnose
d) Analyse comparative
Conclusion
Bibliographie
Annexes