La drépanocytose,dont l’incidence en Guadeloupe est de 1 naissance sur 304, est une maladie dépistée dans nos maternités depuis 1989 et ce de manière systématique entre J2 et J3 de vie. Cette maladie génétique résulte d’une substitution d’acide aminé au niveau du 6ème codon du gène β- globine : il s’agit d’une mutation autosomique récessive sur le chromosome 11. La conséquence est la formation d’une hémoglobine anormale qui va polymériser en milieu désoxygéné. Des globules rouges modifiés dits en faucille (anémie falciforme) vont apparaître et de multiplesmanifestations cliniques et biologiques vont en découler. Les principales expressions de la maladie sont la survenue de phénomènes vaso-occlusifs, une anémie hémolytique chronique et une susceptibilité aux infections bactériennes. Ces complicationspeuvent être mortelles et leurs facteurs de risque sont connus.L’hypoxiechronique représente l’un de ses facteurs de risque. Les causes d’hypoxie doivent être recherchées et prises en charge.Parmi ces causes d’hypoxie, le syndrome d’apnée hypopnéeobstructifdu sommeil représente une pathologie fréquente et chronique chez l’enfant.L’identification de ce syndrome estimportantenotamment chez l’enfant drépanocytaire. La prise en charge chirurgicale par l’adéno-amygdalectomie est une solution thérapeutique proposée pour lever l’obstruction mécanique et ainsi éviter les hypoxies chroniques.Le rapport bénéfice-risque de cette opération doit être particulièrement étudié carles périodes péri opératoires sont des périodes à risque élevé de crise vaso-occlusive chez l’enfant drépanocytaire.
Ce travailpropose d’étudier, de façon rétrospective, monocentriqueet sur une période de 13 ans, l’influence de l’adéno-amygdalectomie sur la saturation en oxygène et le taux d’hémoglobine chez les enfants drépanocytaires. Ces dernières variables sont des indicateurs importants de l’évolution de la maladie drépanocytaire.Les objectifs secondaires de ce travail sont de dépister au plus tôt les enfants drépanocytaires devant bénéficier d’une adénoamygdalectomie, de déterminer la période appropriée de prise en charge de ces enfants et d’évaluer nos pratiques par l’étude de la morbidité et de la survenue de complications .
La drépanocytose
Définition
La drépanocytose, encore appelée anémie falciforme, est une maladie génétique du globule rouge liée à une anomalie de structure de l’hémoglobine. Elle est due à la production d’une hémoglobine anormale, liée à une mutation du gène codant la synthèse de la chaîne β-globine.
Epidémiologie
France
Les données 2012 du programme de dépistage des nouveaux nés de la drépanocytose en France mettent en évidence 382 naissances en 2012 sur le territoire métropolitain. Les cas comptabilisés ne tiennent compteque des syndromes drépanocytaires majeurs (SDM): homozygotes SS, hétérozygotes composites S/β thalassémiques, SC,SDPunjab, SOArab et ASAntilles(1).
La prévalence des SDM observée à la naissance est de 0,12% (1/811) dans la population dépistée en 2012. 83% (310 cas dont 270 SS, 85 SC et 23S/ß) se situent en métropole et 18,8% (72 cas dont 43 SS, 25 SC et 4S/ß) en outre-mer. La prévalence en métropole est de 0,11% sur la population testée (population cible)et de 0,04% pour tous les nouveaux nés mais seulement 33% des nouveaux nés ont été dépistés. En outre-mer, la prévalence à la naissance est de 0,19% (soit 1/527 : toute la population des DOM étant dépistée). Le taux en Guadeloupe est de 0,30 à 0,32% selon les études (1)(2).
Le taux de détection observé de drépanocytose est resté globalement stable sur la période 2006-2012 en France.
Guadeloupe
Selon le centre de référence de la drépanocytose de la Guadeloupe(2), elle représente la maladie héréditaire la plus fréquente dans la population guadeloupéenne. Cinq cents quatre vingt trois cas de drépanocytose sont recensés entre 1984 et 2010 sur les iles de Guadeloupe, St Martin et St Barthélémy. Elle concerne 0,33% des enfants (n=585) nés sur ces iles entre 1884 et 2010. Les drépanocytaires SS représentent 1 naissance sur 575 (soit 310 enfants sur la période étudiée), les drépanocytaires SC 1 naissance sur 771 (soit 231 enfants sur la période). Les Hb S βthalassémie représentent 1 naissance sur 4243. Les hétérozygotes AS représentent 1 naissance sur 13 sur la période étudiée.
Génétique
L’hémoglobine adulte normale (Hb A) est une protéine constituée de 4 sous-unités de globine semblables 2 à 2 (2 chaines α et 2 chaines β). Chaque chaîne peptidiquecomprendune molécule d’hème capable defixer l’oxygène. Les gènes des chaines α sont situés sur le chromosome 16, ceux des chaines β sur le chromosome 11.
La composition de l’hémoglobine varie au cours des périodes embryonnaire, fœtale et néonatale. A environ 1 mois de vie fœtale l’hémoglobine A (α2β2) apparaît mais reste minoritaire par rapport à l’Hb F. Après la naissance, le niveau d’Hb F diminue et le taux d’Hb A augmente, lacomposition de l’hémoglobine n’est pas stabilisée avant l’âge de 6 mois.
A l’âge adulte, l’Hb A représente plus de 95 % de la totalité des hémoglobines. Dans le cadre de la drépanocytose, il existe une substitution d’acide aminé de type substitution d’un acide glutamique par une valine GAG->GTG au niveau du 6ème codon du gène β- globine située sur le chromosome 11. Il s’agit d’une mutation autosomique récessive. Cette mutation entraine une hémoglobine anormale (hémoglobine S) qui possède une charge différente de celle de l’Hb A. La résultante est un changement des propriétés de stabilité et de solubilité des molécules. Ces molécules auront alors tendance à polymériser en milieu désoxygéné. La conséquence de la polymérisation de cette Hb Sest une rigidification puis une déformation des globules rouges.
Les syndromes drépanocytaires sont classés selon le type d’hémoglobine. Le terme de syndrome drépanocytaire désigne la drépanocytose homozygote (forme SS) et les hétérozygoties composites associant l’Hb S à une autre anomalie de l’Hb. La forme homozygote SS est la forme de drépanocytose la plus fréquente. Mais l’Hb S peut être associée à un autre mutant de la chaine β-globine à l’origine des autres syndromes drépanocytairescomme l’hémoglobinose SC qui est l’hétérozygotie la plus fréquente, l’hémoglobinose SD Punjabet l’hémoglobinose SO Arab.(1)
L’Hb S peut coexister avec un ou plusieurs types de thalassémie. La thalassémie est une atteinte d’une chaine de globine. L’α thalassémie affecte tous les types d’hémoglobine : Hb A, Hb F et Hb A2 et la β thalassémie seulement l’Hb A.L’hétérozygotie composite Sβ thalassémieest le syndrome drépanocytaire le plus fréquent au sein de la population méditerranéenne. Deux formes existent selon qu’il y ait ou non une synthèse partielle d’HbA.Les associations de l’Hb S avec une Hb thalassémique sont plus rares.
Historique et dépistage
La découverte de la drépanocytose a eu lieu en 1949 par Pauling. Pauling avait mis en évidence une migration électrophorétique anormale de l’hémoglobine S(1)(4). En 1956, Ingram découvre l’anomalie de structure primaire qui est la substitution d’acide aminé. Les années qui ont suivi ont permis la découverte des différentes étapes du processus physiopathologique. En France, les premiers dépistages néonataux ont été réalisés de 1979 à 1984 par le laboratoire du centre hospitalier de Pointe à Pitre en Guadeloupe. Ce dépistage était effectué à la naissance sur un prélèvement de sang du cordon ombilical. En 1984, le programme de dépistage de la drépanocytose devient systématique en Martinique et en Guadeloupe. En 1985, il s’incorpore dans le programme de santé publique financé par la CNAM. Il débute en métropole en 1986 à Créteilpuis il est introduit dans les autres DOM en 1989.
Il est réalisé en métropole pour une population ciblée depuis 1995.En d’autres termes, le dépistage de la drépanocytose en métropole est réalisé « chez les nouveau-nés dont les parents appartiennent à un groupe à risque pour cette maladie, soit essentiellement les parents originaires d’Afrique subsaharienne, des Antilles et du Maghreb (dépistage ciblé )».
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Table des matières
INTRODUCTION
GENERALITES
1. La drépanocytose
1.1 Définition
1.2 Epidémiologie
1.2.1 France
1.2.2 Guadeloupe
1.3 Génétique
1.4 Historique et dépistage
1.5 Physiopathologie, manifestations cliniques etcomplications
1.5.1 Anémie hémolytique
1.5.2 Crise vaso-occlusive
1.5.3 Infections
1.6 Drépanocytose et ORL
1.7 Pronostic
1.8 Présentation de l’unité transversale de la drépanocytose au Centre Hospitalier de Pointe à Pitre en Guadeloupe
2. Anatomie du tissu lymphoïde adéno-amygdalien
2.1 Les végétations adénoïdes
2.2 Les amygdales
2.3 Particularités chez l’enfant drépanocytaire
3. Le Syndrome Apnées Hypopnées Obstructives du Sommeil
3.1 Définition
3.2 Sévérité du SAHOS
3.3 Bilan clinique
3.4 Etiologies du SAHOS
3.5 Conséquences du SAHOS
3.6 Bilan complémentaire
3.7 Traitements
3.7.1 La chirurgie
3.7.1.1 L’adénoïdectomie
3.7.1.2 L’amygdalectomie
3.7.1.3 Particularités chez l’enfant drépanocytaire
3.7.2 La VNI
3.7.3 Les autres traitements
MATERIEL ET METHODES
1. Critères d’inclusion
2. Méthodes
RESULTATS
1. Description de la cohorte
2. Données pré opératoires
3. Données opératoires
4. Données post-opératoires
5. Comparaison des données pré et post opératoires de l’enfant SS
6. Comparaison des données pré et post opératoires de l’enfant SC
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
INDEX