L’endométriose est une pathologie gynécologique bénigne chronique, inflammatoire, généralement récidivante, touchant la femme en activité génitale. Elle correspond à une localisation ectopique de l’endomètre (glandes épithéliales et chorion cytogène) au niveau de :
– myomètre (adénomyose ou endométriose interne), et
– autres organes génitaux internes, pelvis ou tout autre organe à distance (endométriose externe).
Trois types d’endométriose sont à distinguer : l’endométriose péritonéale superficielle, les kystes endométriosiques, et l’endométriose profonde [36]. L’endométriose est une pathologie fréquente, source de douleurs et d’infertilité. Il s’agit d’une pathologie multifactorielle oestrogénodépendante dont la physiopathologie demeure mal élucidée, bien que l’inflammation semble y jouer un rôle central [8]. L’endométriose profonde se définit comme l’atteinte sous-péritonéale des ligaments utéro-sacrés, du rectum, de l’espace recto-vaginal ou de la vessie. La physiopathologie de ces lésions est controversée et plusieurs hypothèses s’affrontent. Les plus reconnues sont celle d’une métaplasie de reliquats des canaux de Müller et celle de « métastases » par menstruations rétrogrades ou par les vaisseaux sanguins et lymphatiques [1]. La théorie « métaplasique » expliquerait en particulier l’endométriose profonde, tandis que la « métastatique les atteintes intrapéritonéales ou ovariennes, voir pariétales en cas d’antécédent de chirurgie ou de manœuvre percutanée pelviennes [2]. L’examen clinique et les différentes techniques échographiques ont montré une sensibilité insuffisante pour la détection des implants profonds [3]. La classification per-opératoire des lésions ou staging chirurgical peut-être également limitée par les nombreuses adhérences et être incomplète. Cette difficulté du bilan d’extension a permis le développement de l’imagerie par résonance magnétique dans cette indication, et malgré quelques limitations, elle est actuellement considérée comme le meilleur examen pour détecter l’endométriose profonde [3-7]. Cet examen est d’autant plus important que la cartographie précise des atteintes profondes oriente et facilite la chirurgie d’exérèse complète, seule thérapeutique ayant prouvé son efficacité sur la disparition des symptômes. Les images en imagerie par résonance magnétique (IRM) sont multiples et variées, témoignant d’atteintes hétérogènes par leurs caractéristiques sémiologiques et leurs localisations anatomiques. Elles doivent être reconnues, compte tenu de l’impact des résultats de l’IRM sur la prise en charge chirurgicale. Nous nous proposons donc d’illustrer ces différentes atteintes au travers d’une iconographie descriptive.
Quotidiennement invalidante pour des millions de femmes, ses conséquences après plusieurs années d’évolution peuvent être graves [33]. L’endométriose touche en France 10% des femmes en âge de procréer, soit 1,5 à 2,5 millions de femmes [32]. A ce titre, l’endométriose est un enjeu de santé publique à l’origine de coûts individuels et sociétaux importants notamment dans le Maghreb en particulier au Maroc et en Algérie [34]. Bien qu’étant à point de départ gynécologique, elle peut atteindre l’ensemble des organes de l’abdomen (voire au-delà) et se manifester par des symptômes très variables, rendant son diagnostic difficile et sa prise en charge régulièrement inadaptée.
La véritable prévalence globale de l’endométriose est inconnue, principalement parce que la chirurgie (cœlioscopie «gold standard ») est la seule méthode fiable pour le diagnostic et n’est généralement pas réalisée sur les femmes sans symptômes ou signes physiques qui suggèrent fortement la maladie; en conséquence, les estimations varient avec l’indication du traitement chirurgical. La prévalence de l’endométriose asymptomatique est 1-7% chez les femmes qui cherchent stérilisation élective, 12-32% chez les femmes en âge de procréer présentant des douleurs pelviennes, 9-50% chez les femmes infertiles, et environ 50% chez les adolescents souffrant de douleurs pelviennes chroniques ou dysménorrhée. La prévalence globale de l’endométriose chez les femmes en âge de procréer est probablement entre 3% et 10%. La prévalence de l’endométriose asymptomatique serait plus faible chez les Noires et les Asiatiques plus que chez les femmes Blanches [32-33]. L’âge moyen au moment du diagnostic de l’endométriose est compris entre 25 et 35 ans. L’endométriose est rare chez les filles préménarchales mais peut être identifiée dans la moitié ou plus des adolescentes et des jeunes femmes de moins de 20 ans par une douleur ou dyspareunie pelviennes chroniques. Chez les jeunes femmes de moins de 17 ans, elle est associée à des anomalies de Müller et obstruction, du col de l’utérus ou du vagin [14, 15]. La place de l’IRM dans la prise en charge de l’endométriose pelvienne est devenue incontournable. Son rôle est capital dans le diagnostic de l’endométriose pelvienne, et ses résultats demeurent déterminants dans le choix des différentes options thérapeutiques proposées aux patientes. Il est recommandé d’effectuer l’IRM en début du cycle afin de faciliter la détection des petits foyers endométriosiques ayant saigné récemment. La vessie doit être en semi-réplétion. Certaines équipes préconisent la réalisation d’une opacification préalable du vagin par un produit de contraste, du gel d’échographie, par exemple, peut suffire [9]. L’endométriose peut être parfois responsable d’une atteinte urinaire vésicale ou urétérale, et la réalisation des séquences abdomino-pelviennes partant des pédicules rénaux jusqu’à la symphyse pubienne est alors utile pour rechercher une dilatation urétéro pyélocalicielle sus-jacente. Des séquences d’uro-IRM peuvent alors compléter l’examen pour une analyse optimale des voies urinaires.
Intérêt de la cœlioscopie dans le diagnostic de l’endométriose
Le score ASRM (American Society for Reproductive Medecine – 1997) ou RAFS (Revisited American Fertility Society) .C’est un score macroscopique établi au décours de la cœlioscopie. Il est classiquement utilisé dans le monde entier (Tableau 1). Il permet de répertorier les lésions et classe de l’endométriose en 4 stades de sévérité. Il est fait de la somme des lésions observées, de leur localisation et de la profondeur ou de l’étendue des lésions. Il ne prend pas en compte l’activité ou le retentissement de ces lésions. La corrélation entre la sévérité de ce score et la symptomatologie de la maladie est médiocre.
Anatomie radiologique du pelvis normal et du pelvis endométriosique en IRM
Pour l’étude de l’endométriose pelvienne, la cavité pelvienne peut être divisée en trois compartiments dans le plan sagittal [4, 5, 6]:
– Compartiment antérieur,
– Compartiment moyen et
– Compartiment postérieur.
– Espace pré-vésical et récessus vésico-utérin
Ce sont des replis péritonéaux recouvrant le dôme de la vessie. Ils sont situés, respectivement, pour :
– l’espace pré-vésical, entre la paroi pelvienne antérieure et la face antérosupérieure de la vessie, et
– le récessus vésico-utérin ou cul-de-sac antérieur, entre le dôme vésical et la face antérieure du corps utérin, lieu de prédilection de l’atteinte endométriosique.
– Vessie et uretères
Les uretères passent en arrière et au dessus des vaisseaux iliaques externes et se dirigent en avant et en dedans, vers leurs méats vésicaux respectifs. Chaque uretère traverse l’espace paracervical, latéralement par rapport au ligament utérosacré. Des coupes coronales obliques en pondération T2 (obtenues parallèlement à l’axe court de l’utérus) sont utilisées pour évaluer ces rapports, et les images pondérées en T2 parasagittales sont utilisés pour évaluer les méats urétéraux.
Sémiologie
Vessie
L’IRM est un bon examen pour le dépistage et le bilan des lésions d’endométriose vésicale. La lésion se traduit par un nodule hétérogène, comportant de petits foyers hyperintenses en T1 et en T2, dans le cul de sac vésico-utérin ou la profondeur de la paroi vésicale. L’infiltration de la paroi vésicale est affirmée lorsque l’hyposignal physiologique de la musculeuse vésicale est interrompu. La détection de l’infiltration de la paroi vésicale peut être sensibilisée par l’injection de gadolinium. Dans ce cas, le traitement est la cystectomie partielle. L’IRM peut permettre en outre de rechercher des lésions associées, ovariennes et surtout postérieures, dans le cadre d’un bilan préchirurgical.
Septum vésico-vaginal
Typiquement, elles se manifestent sous la forme d’une lésion kystique en hypersignal sur les séquences pondérées en T1 témoignant de son caractère hémorragique et ont l’aspect d’un endométriome.
Sémiologie
Utérus
Les signes IRM se recoupent en partie avec les signes échographiques :
● Utérus globuleux, aux contours réguliers.
● Epaississement asymétrique des parois du myomètre (plus fréquent au niveau postérieur).
● Epaississement de la zone jonctionnelle (ZJ) supérieure ou égale à 12 mm.
Des seuils de mesure ont été proposés (inférieure ou égale à 8mm ou supérieure ou égale à 12mm avec une zone d’incertitude entre 8 et 12 mm) mais aucun ne permet d’affirmer ou infirmer la présence d’une adénomyose (sensibilité et spécificité variables selon les études).
Ovaires
L’atteinte ovarienne se manifeste par la présence de kystes contenant un liquide hématique, épais, et correspond aux endométriomes ovariens. Ils sont bilatéraux dans 42 % des cas et sont souvent associés à une endométriose péritonéale. Le kyste endométriosique présente un hypersignal T1 supérieur ou égal à celui de la graisse sous-cutanée très évocateur. Ce hypersignal T1 est pathognomonique lorsqu’il persiste sur les séquences pondérées T1 avec suppression de graisse permettant d’éliminer un kyste dermoïde. Un hyposignal T2 (dénommé « shading ») dans tout ou partie du kyste avec parfois des niveaux surajoutés, associé à un hypersignal T1 permet de renforcer la conviction diagnostique. La taille des lésions ovariennes est variable allant d’implant ovarien de surface ou intra-ovarien infracentimétrique à des kystes habituellement inférieurs à 5 cm et exceptionnellement supérieurs à 10 cm. Le diagnostic différentiel principal d’un endométriome est le kyste lutéal hémorragique. Ce dernier présente en général un rehaussement précoce (pariétal) et intense, contrairement à l’endométriome qui ne se rehausse pas ou peu en périphérie, et il apparaît en hypersignal sur les séquences pondérées en T2 (absence de « shading »).
Trompes
L’IRM recherchera des signes d’hydrosalpinx plus fréquents que d’hématosalpinx, l’hydrosalpinx étant la conséquence d’une distorsion d’adhésion ou d’une fibrose autour de la trompe utérine, tandis que l’hématosalpinx peut témoigner d’une hémorragie intra-luminale à partir des implants siégeant sur la muqueuse, le plus souvent non individualisés en IRM.
Dans des cas exceptionnels pourraient être visualisés en IRM les implants endométriosiques intra-luminaux bien silhouettés par le contenu liquidien siégeant dans la lumière de la trompe utérine.
Compartiment postérieur
Anatomie du compartiment postérieur
Le compartiment postérieur est occupé par le rectum et le tissu conjonctif environnant. Il est délimité anatomiquement par le fascia rectal.
– Cloison recto-vaginale
La cloison recto-vaginale est une membrane mince qui est généralement remplie de graisse. Elle est située entre la paroi vaginale postérieure et la paroi antérieure du rectum. Elle s’étend de la partie la plus profonde du cul-de-sac de Douglas à la partie supérieure du périnée. En l’absence de graisse interstitielle, les parois vaginales et rectales sont impossibles à distinguer sur les images de résonance magnétique. Lorsque le vagin et le rectum sont distendus avec du gel, leurs parois sont généralement clairement définies comme des fines structures régulières hypodenses d’une épaisseur de 3 mm voire moins.
– Région rétro-cervicale
● Ligaments utéro-sacrés (LUS)
Tendus depuis les bords latéraux du col et de l’isthme utérin jusqu’à la face antérieure du sacrum, ils ont un trajet oblique, en arrière et en haut. Normalement, ils sont en hyposignal T1 et T2. Ils se présentent sous forme de fines bandes semi-circulaires en hyposignal T2, situées de part et d’autre de la face postérieure du col utérin et se dirigeant vers le sacrum.
● Torus uterinum
C’est un petit épaississement transversal qui correspond à l’insertion initiale des ligaments utéro-sacrés au niveau de la face postérieure de l’isthme utérin.
Il n’est pas clairement visible sur les images IRM en l’absence d’un épaississement pathologique.
● Cul de sac vaginal postérieur
Les culs de sac vaginaux sont les parties les plus profondes du vagin et s’étendent dans les évidements créés par le prolongement du col dans l’espace vaginal. Le fornix vaginal postérieur ou cul-de-sac vaginal postérieur est le plus grand évidement et est situé en arrière du col de l’utérus. Il apparaît comme une cavité courbe régulière, fixée à la partie postéro-inférieure du col de l’utérus.
● Cul-de-sac de Douglas
C’est la partie la plus inférieure de la cavité péritonéale couvrant une partie du vagin et du rectum, et sa base est la limite supérieure de la cloison rectovaginale. Il n’est généralement pas clairement représenté à moins que le liquide péritonéal y soit présent ou s’il est le siège d’une atteinte endométriosique.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. Intérêt de la cœlioscopie dans le diagnostic de l’endométriose
2. Anatomie radiologique du pelvis normal et du pelvis endométriosique en IRM
2.1. Compartiment antérieur
2.1.1. Anatomie normale du pelvis antérieur
2.1.2. Sémiologie
2.2. Compartiment moyen
2.2.1. Anatomie du pelvis normal
2.2.2. Sémiologie
2.3. Compartiment postérieur
2.3.1. Anatomie du compartiment postérieur
2.3.2. Sémiologie
MATERIELS ET MÉTHODE
1. PATIENTES
2. PROTOCOLE IRM
3. RESULTATS
4. DISCUSSION
4.1. Diagnostic
4.2. IRM et endométriose pelvienne : protocole d’exploration
4.3. Place de l’IRM dans le diagnostic de l’endométriose pelvienne
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE