Avec près de 15 millions de personnes de plus de 60 ans en France et 5 millions de plus de 75 ans, la population des seniors ne cesse de s’accroître. Ainsi, d’après l’Institut National des Statistiques et des Etudes Economiques (INSEE, 2005), la proportion des plus de 60 ans passera de 21% en 2005 à 35% en 2050, et le nombre de personnes de plus de 75 ans doublera au cours de cette même période. Par ailleurs, l’espérance de vie en 2050 devrait être de 84 ans pour les Hommes et de 89 ans pour les femmes (INSEE, 2005). Le vieillissement de la population s’accompagne d’une plus grande fréquence de pathologies aiguës et chroniques et de perte d’autonomie.
Au cours du vieillissement, de nombreuses fonctions sont altérées, avec notamment une atteinte spécifique de la fonction musculaire. Ces altérations sont la conséquence de modifications de la composition corporelle et ont un retentissement majeur sur la santé et la qualité de vie des personnes âgées (Smoliner et al., 2008). Le muscle squelettique est particulièrement touché, avec une diminution de la masse et de la force musculaires. La diminution de masse musculaire n’étant pas à elle seule responsable de la diminution de force musculaire, deux termes distincts les désignent : ainsi, on appelle sarcopénie, la fonte musculaire (Muscaritoli et al., 2010) et dynapénie, la perte de force (Fujita & Volpi, 2006; Clark & Manini, 2008; Muscaritoli et al., 2010). Leurs conséquences sur l’organisme sont multiples : faiblesse, fatigabilité, risque accru de chutes et de fractures, perte d’autonomie, moindre résistance aux épisodes cataboliques…
Ce processus lié au vieillissement est majoré par la dénutrition qui constitue un facteur aggravant de morbi-mortalité (Kikafunda & Lukwago, 2005; Oliveira et al., 2009; Muscaritoli et al., 2010). La dénutrition protéino-énergétique concerne 5 à 10% de cette population vivant à domicile, ce qui représente 450 000 personnes âgées de plus de 70 ans en France. Cette prévalence augmente de façon considérable en cas d’institutionalisation (15 à 38%) et d’hospitalisation (40 à 70%) (Kagansky et al., 2005; HAS, 2007). La dénutrition protéinoénergétique des personnes âgées influence considérablement la survenue de pathologies et leur évolution (Giner et al., 1996; Hébuterne & Schneider, 2000; Kagansky et al., 2005) ; elle contribue à la surmorbidité de cette population et donc au surcoût des dépenses de santé. Ainsi, l’amélioration de l’état nutritionnel de la personne âgée apparaît-elle comme une priorité de santé publique.
Des recherches sur des stratégies nutritionnelles ou l’utilisation de nutriments spécifiques visant à prévenir ou à limiter la dénutrition et/ou la sarcopénie sont en cours de développement. Parmi les stratégies nutritionnelles proposées, nous nous sommes intéressés à la citrulline (Cit). Ainsi, il a été montré récemment qu’un régime enrichi en Cit permet d’augmenter l’accrétion protéique musculaire via une stimulation de la protéosynthèse chez des rats âgés dénutris (Osowska et al., 2006). Des travaux in vitro montrent que son action sur la protéosynthèse musculaire est directe (Moinard et al., 2007a). Enfin, ces résultats ont également été retrouvés chez l’Homme car Jourdan et coll. (2008) ont montré que la Cit stimule la synthèse protéique musculaire chez des jeunes adultes sains.
MODIFICATIONS DU METABOLISME PROTEIQUE DE LA PERSONNE AGEE
Le métabolisme protéique de la personne âgée est modifié en comparaison à celui de sujets plus jeunes (Nair, 1995). Ces modifications peuvent avoir un retentissement clinique majeur. Chez le sujet jeune sain, la synthèse protéique et la protéolyse, qui constituent le renouvellement protéique, sont en équilibre, ce qui permet d’assurer l’homéostasie protéique (Nair, 1995). Par ailleurs, une synthèse protéique supérieure à la protéolyse entraîne un gain protéique net et, a contrario, une protéolyse supérieure à la synthèse est associée à une diminution de la masse protéique. La synthèse protéique se fait à partir d’un pool d’AAs libres issus essentiellement de la voie de la protéolyse (75% des AAs utilisés pour la synthèse protéique sont issus de la protéolyse, les 25% restant étant apportés par l’alimentation). D’autres voies interviennent dans le métabolisme protéique, telles que la dégradation irréversible des AAs (oxydation des AAs avec une élimination de CO2 et d’azote via le cycle de l’urée) et les apports protéiques alimentaires qui permettent de compenser les pertes d’AAs (figure 1) (Beaufrère, 2002).
Le métabolisme protéique chez la personne âgée
Modifications dues à l’âge
Chez la personne âgée, la balance entre synthèse et dégradation protéique, est déséquilibrée en faveur de la seconde, ce qui entraîne une perte régulière de protéines. La principale différence entre sujets âgés et jeunes adultes résiderait surtout au niveau de la stimulation post-prandiale de la synthèse protéique qui est plus faible chez le sujet âgé (Nair, 1995; Volpi et al., 1998) (figure 2). Il existe un défaut de la stimulation anabolique chez le sujet âgé. Cette résistance à la stimulation postprandiale de la synthèse protéique pourrait expliquer en partie la perte des protéines musculaires au cours du vieillissement. Chez l’Homme âgé, l’effet stimulant du repas sur la synthèse protéique musculaire est diminué (Nair, 1995; Volpi et al., 1998).
Les premières études concernant les effets du vieillissement sur la dégradation protéique ont tout d’abord montré une diminution de la vitesse de dégradation protéique corps entier en période post-absorptive, survenant avec l’âge (Balagopal et al., 1997b). Des défauts de régulation de certaines voies protéolytiques (voies ubiquitine-protéasome-dépendante et lysosomale) ont été rapportés chez le sujet âgé (Martinez-Vicente et al., 2005; Vernace et al., 2007) et des études récentes montrent que l’effet inhibiteur du repas sur les voies de la protéolyse musculaire est moindre chez les rats âgés. Ainsi, différentes études expérimentales montrent que les rats âgés ne répondraient plus correctement aux signaux anti-cataboliques de l’insuline et des AAs (Capel et al., 2009; Combaret et al., 2009). A la protéolyse viennent s’ajouter des phénomènes d’oxydation et de carbonylation des protéines qui augmentent avec l’âge, ce qui affecte leur métabolisme et leur fonctionnalité (Ugarte et al., 2009; Combaret et al., 2009) et contribue à la perte de la masse protéique (Mosoni et al., 2004).
Au niveau musculaire, malgré une protéolyse musculaire augmentée en période postprandiale chez le sujet âgé et des réactions d’oxydation et de carbonylation des protéines accrues, c’est essentiellement la diminution de la synthèse protéique qui explique la perte de masse et de protéines musculaires survenant au cours du vieillissement .
Variations de la synthèse protéique suivant les compartiments corporels
Des variations du métabolisme protéique ont été constatées suivant les compartiments protéiques considérés. Cependant, nous limiterons notre analyse à la synthèse protéique aux niveaux corps entier, musculaire et splanchnique (intestins et foie) .
Au niveau corps entier
Le renouvellement protéique total exprimé par kg de poids corporel, diminue chez l’Homme au cours du vieillissement (Welle et al., 1993; Boirie et al., 1997; Morais et al., 1997; Millward et al., 1997), la vitesse de synthèse protéique de l’organisme devenant plus faible chez la personne âgée. Cependant, la composition corporelle étant profondément modifiée avec l’âge, si l’on ajuste les mesures de protéosynthèse aux changements de masse maigre, il apparaît alors que la différence observée entre sujets jeunes et âgés s’estompe voire disparaît (Robert et al., 1984; Boirie et al., 1997; Morais et al., 1997; Arnal et al., 2000b). Il est toutefois difficile de conclure quant au mode d’expression le plus pertinent. La masse maigre étant diminuée chez les personnes âgées, lorsque la protéosynthèse est raportée à celle-ci, la diminution absolue de la protéosynthèse est masquée; de plus, selon ce mode d’expression, les résultats ne rapportent pas réellement la mesure au niveau du corps entier.
Au niveau musculaire
On retrouve chez l’Homme, une diminution de la synthèse protéique spécifiquement musculaire avec l’âge (Balagopal et al., 1997b). En effet, le taux de synthèse basale de l’ensemble des protéines du vastus lateralis est inférieur de 39 % chez des sujets âgés de plus de 60 ans, par rapport à celui des adultes de moins de 24 ans (Yarasheski et al., 1993). Cette diminution de synthèse protéique musculaire toucherait préférentiellement les protéines myofibrillaires (Welle et al., 1993; Nair, 1995) et mitochondriales (Rooyackers et al., 1996; Balagopal et al., 1997b) et n’aurait aucune répercussion sur les protéines sarcoplasmiques (Balagopal et al., 1997b) (figure 3). La synthèse absolue des protéines myofibrillaires diminuerait de 44 % chez les sujets âgés comparativement à celle de sujets adultes (Welle et al., 1993). Cette altération porte essentiellement sur la synthèse des chaînes lourdes de myosine (Balagopal et al., 1997b; Toth & Tchernof, 2006). La diminution du renouvellement des protéines contractiles a des conséquences fonctionnelles et pourrait expliquer, en partie, les pertes de masse et de force musculaires observées au cours du vieillissement (Toth & Tchernof, 2006).
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Table des matières
Introduction
Données Bibliographiques
1. Modifications du métabolisme protéique de la personne âgée
1.1 Le métabolisme protéique chez la personne âgée
1.1.1 Modifications dues à l’âge
1.1.2 Variations de la synthèse protéique suivant les compartiments corporels
1.1.3. Facteurs altérant la stimulation de la synthèse protéique corps entier
1.2. Régulation nutritionnelle du métabolisme protéique
1.2.1. La régulation par le niveau d’apport protéique
1.2.2. La régulation au cours des différents états nutritionnels
1.2.3. La voie de transduction mTOR
1.3. Conséquences des modifications du métabolisme protéique et relation avec la fonction musculaire
1.3.1. Sarcopénie
1.3.2. Dynapénie
2. Stratégies nutritionnelles pour lutter contre la dénutrition
2.1. Les acides aminés
2.1.1. La leucine
2.1.2. La citrulline
2. 2. Les protéines alimentaires
2.2.1. Aspect quantitatif
2.2.2. Aspect qualitatif
2.3. La chrononutrition
2.4. Stratégies nutritionnelles et exercice physique
Objectif du Travail
Publications Originales
1. Partie expérimentale
1.1. Présentation de la publication n°1
1.1.1. Résumé
1.1.2. Matériel et méthodes
1.1.3. Résultats principaux
1.1.4. Conclusion
1.2. Présentation de la publication n°2
1.2.1. Résumé
1.2.2. Matériel et méthodes
1.2.3. Résultats principaux
1.2.4. Conclusion
2. Partie clinique
2.1. Résumé
2.2. Introduction
2.3. Méthodologie
2.4. Etat des lieux
Discussion Générale
Conclusions
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