Le phytoplancton
Le phytoplancton représente les microorganismes photosynthétiques aquatiques : les cyanobactéries (procaryotes), et les microalgues (eucaryotes). Bien que ne représentant que 1% de la biomasse photosynthétique sur Terre, le phytoplancton joue un rôle clé dans le fonctionnement des écosystèmes aquatiques. Il assure notamment 45% de la production primaire de la planète et plus de 90% de la production primaire des milieux aquatiques (Geider et al., 2001). Le phytoplancton est à la base de la chaine alimentaire du fait de sa fonction de producteur primaire et son caractère autotrophe lui permet également d’assurer la fixation de plus de 10 milliards de tonnes de carbone atmosphérique par an. La matière organique et les squelettes carbonatés ainsi formés migrent ensuite par sédimentation vers le fond des océans, formant un puits de carbone primordial dans la séquestration du CO2 atmosphérique (Bowler et al., 2009). Le phytoplancton joue également un rôle important dans le cycle biogéochimique d’autres éléments clés tels l’azote ou le phosphore (Falkowski et al., 2004). Les communautés phytoplanctoniques océaniques sont principalement dominées par des cyanobactéries de deux genres, Prochlorococcus et Synechococcus. Concernant les microalgues, le nombre d’espèces de ces organismes sur la planète s’élèverait à plusieurs milliers, voire millions (Andersen, 1992; Guiry, 2012). Une étude récente estime plus précisément ce nombre à 150 000 unité taxonomique opérationnelle (de Vargas et al., 2015). De plus, cette diversité se traduit également par la répartition des espèces de microalgues identifiées à ce jour dans de nombreux groupes taxonomiques des eucaryotes (Not et al., 2012) (Figure 1). Parmi ces nombreux taxons, les diatomées sont considérées comme les plus abondantes dans le milieu océanique, principalement au niveau du littoral, et seraient responsables de 20% de la fixation de carbone par photosynthèse à l’échelle du globe. Les dinoflagellées et les haptophytes seraient, ensuite, les plus représentés (Field et al., 1998). Toutefois, l’abondance et le rôle écologique des haptophytes seraient fortement sous-estimés du fait du nombre d’espèces dont la taille, inférieure à 3 µm, rend difficile l’identification (Liu et al., 2009). Les haptophytes seraient donc un groupe majeur de l’écologie des milieux océaniques.
Les haptophytes
Les haptophytes sont des organismes unicellulaires eucaryotes majoritairement marins, photosynthétiques pour la plupart bien que certaines espèces soient mixotrophes (Tillmann, 1998). Leur taille est généralement comprise entre 2 et 30 µm, mais certaines études environnementales ont rapporté l’existence de nombreuses espèces de pico-haptophytes inférieurs à 2 µM (Moon-van der Staay et al., 2000 ; Liu et al., 2009). Les membres de ce groupe monophylétique très ancien (Figure 2) auraient divergés il y a approximativement un milliard d’années (Medlin et al., 2008). La classification phylogénique des haptophytes a d’abord été fondée sur la présence d’un haptonème. Cet appendice impliqué dans l‘adhésion au substrat, le déplacement de particules, ou la capture de proies est situé entre leur deux flagelles. La taille de ces deux flagelles distingue les deux grands groupes d’haptophytes : les Pavlovophyceae et les Coccolithophyceae. Au sein de ce dernier, se trouvent le groupe des coccolithophores, les plus connus des haptophytes, auquel appartient l’espèce modèle de ce taxon : Emiliania huxleyi. Celleci est, de fait, la plus largement étudiée et présente à sa surface des écailles de calcite appelées coccolithes caractéristiques des coccolithophores. La forme et la présence de ces coccolithes dépend des espèces et de leur cycle de vie (Brownlee et al., 2015) (Figure 3). Ces organismes étant très anciens, ils ont rapidement pris part au cycle biogéochimique du carbone et leur sédimentation est aujourd’hui encore retrouvée dans le relief de nos côtes, les falaises d’Etretat en Normandie en étant un très bel exemple.
Certaines espèces d’haptophytes ont également la particularité de former des efflorescences phytoplanctoniques appelées « bloom » (Figure 4). Ces « blooms » correspondent à une très forte augmentation de la concentration d’une ou plusieurs espèces d’algues lorsque les conditions environnementales sont favorables (disponibilité en nutriments, oxygène et lumière). L’haptophyte modèle Emiliania huxleyi peut, par exemple, former des efflorescences pouvant dépasser les 100 000 km² de surface et atteindre des concentrations cellulaires supérieures à 10 000 cellules / mL. Leur rôle écologique est également important, puisque les coccolithophores participent au cycle du carbone et du calcium au travers de la formation de coccolithes. Ceux-ci étant formés de carbonate de calcium, la part imputée aux haptophytes dans la sédimentation de ce composé est estimée à environ 50% (Milliman, 1993; Shiraiwa, 2003).
L’histoire évolutive des microalgues
L’histoire débute il y a environ 1,8 milliards d’années, lorsqu’un procaryote photoautotrophe, proche des cyanobactéries actuelles, est phagocytée par une cellule hétérotrophe primitive. Suite à cette absorption, le procaryote photosynthétique n’a pas été entièrement digéré mais domestiqué par la cellule hétérotrophe via des phénomènes de perte et d’échange de gènes, de remaniements structuraux et de communication avec la cellule hôte, donnant naissance à un organite intracellulaire spécialisé dans la photosynthèse : le chloroplaste. Cet hypothèse d’endosymbiose communément admise abouti à l’émergence de trois lignées de microalgues appelées archaeplastidae (Delwiche, 1999) : les glaucophytes, les rhodophytes (microalgues rouges), et les chlorophytes (microalgues vertes) à partir desquelles les plantes terrestres auraient divergées il y a environ 900 millions d’années (Hedges et al., 2004). La grande diversité de microalgues observée à ce jour aurait ensuite émergée d’une série d’endosymbioses secondaires (endosymbiose de microalgue vertes et rouges par un hétérotrophe) (Figure 6), tertiaires et quaternaires. Cependant, l’ordre et le nombre de ces endosymbioses fait toujours débat (Keeling, 2013).
L’hypothèse endosymbiotique a été proposée par Lynn Margulis (Sagan, 1967) suite à l’observation des multiples membranes entourant les chloroplastes. En effet, bien que les chloroplastes issus d’une endosymbiose primaire ne soient entourés que par les deux membranes de la cyanobactérie GRAM négative (la membrane phagosomale ayant été perdue lors du processus de domestication) (Cavalier-Smith, 1982), les chloroplastes issus d’une endosymbiose secondaire sont, eux, entourés par quatre membranes : les deux membranes de la cyanobactérie, la membrane plasmique de l’algue phagocytée et la membrane phagosomale (McFadden, 1999) (Figure 7). Cependant chez les euglènes et les dinophlagellées issues d’une endosymbiose secondaire, la membrane plasmique de l’algue phagocytée aurait disparue, ne laissant que trois membranes autour de leur chloroplaste (Sulli et al., 1999 ; Nassoury et al., 2003). Suite à cette hypothèse, la biologie évolutive a fait un bond (bien qu’il ait fallu plus de 10 ans avant que la théorie de Lynn Margulis ne soit vraiment acceptée par la communauté scientifique). La première théorie concernant l’histoire évolutive des microalgues élaborée par Cavalier-Smith (1999) est fondée sur leur composition pigmentaire. Ainsi, les Chlorarachniophytes et les Euglènes seraient issues de l’unique endosymbiose secondaire d’une microalgue verte suivie par une divergence de ces deux lignées. Cinq autres lignées seraient elles issues de l’unique endosymbiose secondaire d’une microalgue rouge suivie par la divergence de chacune d’elles : Les cryptophytes, les haptophytes, les straménopiles et les alvéolés (regroupant les dinoflagellées et le cas particulier des apicomplexes, des parasites intracellulaires obligatoires dont certaines espèces comportent un chloroplaste entouré par quatre membranes (Lang-Unnasch et al., 1998) (Figure 8). Ces cinq lignées formant un super-groupe monophylétique, puisque issues d’une même endosymbiose secondaire, le super-groupe des chromalvéolés (Cavalier Smith, 1999). Toutefois, les straménopiles et les alvéolés regroupent des organismes variés photosynthétiques et non photosynthétiques tels que les apicomplexes, les dinoflagellés et les ciliés. La présence de ces organismes hétérotrophes au sein des chromalvéolés est surprenante puisque l’ensemble de ce super-groupe serait issu d’un évènement d’endosymbiose secondaire. L’hypothèse avancée fut que le chloroplaste, acquis par l’ancêtre commun des chromalvéolés, ait été secondairement perdu chez les chromalvéolés à ce jour hétérotrophes. Cette hypothèse fut soutenue par la présence de gènes d’endosymbiontes chez les champignons straménopiles (Tyler et al., 2006), les apicomplexes (Huang et al., 2004), les dinoflagellée non photosynthétique (Sanchez-Puerta et al., 2007) ou encore chez les ciliés (Reyes-Prieto et al., 2008). Ce super-groupe des chromalvéolés apparait donc très vaste et diversifié, et comporte finalement peu d’organismes photosynthétiques (Adl et al., 2005). Par la suite, de nombreuses études génomiques ont cherché à préciser cette hypothèse (Burki, 2014).
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Table des matières
Introduction générale
I. Le phytoplancton
II. Les haptophytes
III. L’histoire évolutive des microalgues
IV. Intérêt biotechnologique et valorisation des microalgues
1. Alimentation animale
2. Santé humaine
3. Alimentaire
4. Bioremédiation
5. Biocarburants
V. Mieux comprendre le métabolisme et sa régulation pour optimiser la production de composés d’intérêt
VI. La transcription chez les eucaryotes
VII. La régulation de la transcription
1. Les facteurs de transcription : structure et fonctionnement
2. Les FTs dans la régulation de la transcription : action combinée de nombreux acteurs
VIII. L’importance des FTs dans l’histoire évolutive des organismes
IX. Les FTs comme cibles moléculaires pour l’orientation métabolique
X. Contexte et présentation de l’étude
Chapitre 1 : Identification in silico des facteurs de transcription (FTs) dans le génome de microalgues : vers une meilleure compréhension de l’histoire évolutive des microalgues.
I. Développement d’un pipeline bio-informatique pour l’identification in silico de FTs dans le génome de T. lutea
1. Introduction
2. Principaux résultats
II. L’identification de familles de FTs pour la compréhension de l’histoire évolutive des microalgues
1. Introduction
2. Principaux résultats
III. Transcription factors in microalgae: genome-wide prediction and comparative analysis, Thiriet-Rupert et al 2016
IV. Résultats complémentaires : Apport du génome de l’haptophyte Chrysochromulina tobin à cette étude comparative.
V. Bilan et perspectives
Chapitre 2 : Identification de FTs impliqués dans l’orchestration des remaniements métaboliques constituant la réponse spécifique de la souche mutante de T. lutea à un stress azoté
I. Introduction
II. Application d’une stratégie visant à identifier les régulateurs potentiels de
l’établissement d’un phénotype mutant chez un organisme non-modèle : Tisochrysis lutea.
1. Corrélation entre profil d’expression des gènes et dynamique des caractères phénotypiques pour compléter l’annotation fonctionnelle
2. Identifier les FTs candidats et leur rôle dans l’établissement du phénotype mutant par l’analyse de réseaux de régulation des gènes
III. Confirmation de l’implication des FTs MYB-2R_20 et MYB-rel_11 dans le recyclage de l’azote et du carbone lors d’une privation azotée chez la souche 2Xc1 de T. lutea
IV. Résultats complémentaires : L’analyse de réseaux de co-expression des FTs offre une vue globale de la régulation de la réponse au stress azoté
V. Bilan et perspectives
VI. Matériels et methods
Conclusions générales et perspectives
I. De l’identification des FTs dans le génome de microalgues à l’élucidation de leur histoire évolutive
II. Identification de régulateurs de la réponse de T. lutea 2Xc1 à un stress azoté : comprendre la production de lipides de réserve dans la perspective de futures approches de bio-engineering
Bibliographie
Annexes
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