INTERCULTURALITÉ ET MARIAGE MIXTE

Couple mixte

   Le terme « couple mixte » a un caractère polysémique. Il appartient au  chercheur d’en attribuer une signification qui lui semble pertinente par rapport à l’objectif de sa recherche. D’une manière générale, la mixité conjugale est le résultat d’une exogamie. L’exogamie peut être sociale (mariage avec une personne issue d’une autre classe sociale), culturelle (mariage avec une personne issue d’un autre groupe culturel) ou nationale (mariage avec une personne de nationalité autre). Exogamie culturelle et exogamie nationale peuvent coïncider et c’est sur ce cas de figure que nous avons déterminé les critères de notre échantillon d’enquête. Tout d’abord, il s’agit d’un couple binational dont l’un des conjoints, femme ou homme, doit être de nationalité malgache. Ensuite, nous nous attendons à ce que le conjoint étranger, quelle que soit sa nationalité, soit né dans son pays d‘origine et y ait vécu au moins son enfance et son adolescence. Enfin, il faut que le couple, marié ou non, ait cohabité au moins durant trois années.

Culture

  Face à l’impossibilité de déterminer de manière univoque et consensuelle ce qu’est la culture, retenons les deux définitions suivantes :
– « La culture ou la civilisation est cet ensemble complexe incluant les savoirs, les croyances religieuses, l’art, la morale, les coutumes ainsi que toute disposition ou usage acquis par l’homme vivant en société » (E. B. Tylor, 1874).
– « La culture est un système universel d’orientation de l’homme, typique de chaque société, organisation ou groupe de personnes. Ce système est constitué de symboles spécifiques qui font l’objet d’une tradition au sein d’une même société. Ce système culturel influe sur les processus de connaissance (perception, pensée, évaluation) et d’action de tous les ressortissants d’une même culture et définit ainsi leur appartenance » (Professeur Alexander Thomas, 1963). A titre de synthèse, le système culturel englobe de façon complexe les manières de faire et de sentir propres aux membres d’une société donnée, et qui sont conformes au contexte dans lequel ils vivent. Dans cette optique, la culture détient deux fonctions essentielles : une fonction ontologique qui assigne une identité à la fois personnelle et sociale à son détenteur, et une fonction instrumentale qui facilite l’adaptation aux conditions de l’environnement. De ce fait, la culture n’est pas une entité figée et homogène mais elle est susceptible d’adaptation et d’évolution en fonction de l’apparition de nouvelles circonstances (Martine A. Pretceille, 1999).

Interculturel

   « Le préfixe « inter » du terme « interculturel » indique une mise en relation et une prise en considération des interactions entre des groupes, des individus, des identités » (Martine A. Pretceille, 1999 : 49). L’interculturel se met donc en place lorsque des individus ou groupes d’individus, représentants de leurs cultures respectives, entrent en contact permanent. En fonction des conditions socioéconomiques et du cadre politique d’accueil des groupes en présence, les dynamiques de rencontre peuvent soit donner lieu à des échanges ou à des transferts culturels, soit entraîner des replis et des affrontements. Dans le premier cas, il s’agit notamment de l’acculturation qui se définit par « l’ensemble des phénomènes qui résultent de ce que des groupes d’individus de cultures différentes entrent en contact, continu et direct, avec les changements qui surviennent dans les patrons de l’un ou des deux groupes » (Redfield, Linton, 1936 in op.cit., 1999 : 11). Dans le cadre de la mixité conjugale, nous postulons que les partenaires ont la capacité de s’arranger entre eux et font preuve d’imagination et de créativité pour que les deux cultures donnent naissance à une culture hybride et originale : « Connaissant les règles et normes des deux sociétés respectives, ils intègrent dans leur couple des références aux deux cultures dont ils sont détenteurs. C’est ainsi qu’à partir de deux cultures distinctes, le couple mixte en construit une nouvelle : une culture conjugale unique » (Debroise, 1998 : 60).

La perspective assimilationniste

   « Cette perspective sociologique analyse les mariages mixtes comme des indications du degré d’assimilation des immigrants dans une société donnée : plus il y aurait de mariages avec des individus de la société majoritaire, plus élevé serait le degré d’assimilation des migrants » (op.cit., 2012 : 5). Généralement, l’assimilation se manifeste par le détachement progressif par les immigrants de leur groupe d’origine suivi de l’appropriation des repères culturels de la population d’accueil. Cette théorie nous semble difficilement généralisable car il arrive qu’un groupe d’immigrants domine culturellement une population majoritaire sans pour autant constituer un frein à l’intermariage. L’histoire de chaque nation influe largement sur sa capacité à se poser en groupe dominant sur son propre territoire. Par exemple, les séquelles de la colonisation ont fait que les Français soient devenus un groupe de référence à Madagascar (rabaissement des productions locales « vita gasy » et valorisation des produits « made in France », usage de la langue française pour le paraître social, teinture des cheveux en blond, usage des produits cosmétiques « blanchissants »…) ; cependant, nous assistons encore à la multiplication des unions franco-malgaches.

L’identité en mutation

    La famille, en tant qu’institution de socialisation primaire, détient un rôle important dans la construction identitaire de l’enfant : elle lui fournit une identité première reposant sur des données objectivables (le nom, le sexe, l’ascendance, la nationalité…). C’est ce que Claude Dubar (2000) appelle l’« identité pour autrui », celle qui permet de se présenter en société. Au fur et à mesure que l’individu participe à la vie sociale, ses appartenances se diversifient. Il ressent alors le besoin d’édifier son identité personnelle, de se redéfinir perpétuellement par rapport à lui-même et par rapport à ce qu’il veut être. Face à ce constat, les sociologues Beate Collet et Emmanuelle Santelli (2012) ont montré à travers leurs études sur les trajectoires des descendants d’immigrés que la contraction d’une union mixte « correspond souvent à une remise en cause des attributions héritées » (Therrien, Le Gall, 2012 : 8) et à une affiliation à d’autres références identitaires. Les acteurs concernés passeraient donc de l’identification sociale à la construction d’une identité personnelle.

Les aspects positifs de la mixité conjugale

   La mixité est vue comme extrêmement avantageuse et ce, tant pour les partenaires d’unions mixtes que pour leurs enfants.
– L’incorporation créative : L’idée d’ »incorporation créative », initiée par les anthropologues Rosemary Breger et Rosanna Hill (1998) aux Etats-Unis, dévoile une vision positive de la mixité conjugale. En effet, celle-ci est vue comme une source potentielle d’enrichissement, non seulement pour les conjoints mais également pour leurs éventuels enfants. Par ailleurs, cette perspective valorise « le rôle actif des acteurs sociaux dans la création-construction de leur quotidien » (2012 : 9).
– L’amour comme force de changement : Maria Root (2001), psychologue clinicienne, suggère d’analyser la mixité conjugale comme une sorte de révolution tranquille. Le pouvoir de l’amour donne l’espoir que celui-ci peut transcender des barrières que les lois ne transcendent pas. La mixité conjugale est un défi porteur de découvertes et de modération par opposition aux fanatismes de tout ordre.
– La mixité comme voyage : C. Therrien (2012, 2009, 2008) aborde la mixité comme voyage (expérience de distanciation avec le « home » de l’enfance). Elle souligne le potentiel positif de la mixité conjugale tout en rendant compte de l’ambivalence dont est empreint ce voyage.
– La mixité comme reflet d’une société pluraliste : Meintel et Le Gall suggèrent que la mixité peut être le reflet d’une société pluraliste. Les unions mixtes ne conduisent pas nécessairement vers une assimilation mais transmettent un héritage pluraliste. Les parents expriment une volonté de maximiser les possibilités de ressources symboliques de leurs enfants. Les parents reconnaissent la multiplicité des appartenances identitaires à transmettre et mettent de l’avant les potentialités enrichissantes de la mixité.
– La transmission d’une identité multiple : Meintel et Le Gall ont montré que des efforts sont faits par les parents pour assurer la transmission des éléments culturels provenant des différents héritages des parents (école du samedi, vacances au pays d’origne…).
– La mixité comme héritage : Les individus issus d’unions mixtes font souvent face à des choix identitaires que ne connaissent pas de la même façon les autres enfants. Les tenants de cette théorie (Breger, Hill, 1998 ; Maxell, 1998 ; Stephan, Stephan, 1989) montrent que la mixité peut générer plusieurs aspects positifs : estime de soi positive, vision optimiste de la vie, héritage culturel enrichi, créativité, ouverture… Sultana Choudhry (2010) indique que les individus mixtes possèdent une « identité caméléon » qui leur permet de s’adapter aux situations dans lesquelles ils se retrouvent.

Les étapes de la démarche administrative

   A Madagascar, le mariage civil mixte suit les règles de tous les mariages civils cependant des dossiers supplémentaires sont à joindre par les futurs mariés. Ils doivent répondre au profil établi par les deux Etats concernés. La complexité de ce type de mariage réside dans la composition de deux cultures. En effet, la notion d’union peut varier d’un pays à l’autre. De même, la célébration et les règles à suivre diffèrent d’une culture à l’autre. D’une manière générale, la démarche tient en cinq étapes mais peut varier selon les circonstances et la nationalité du conjoint étranger :
– les futurs mariés déposent leur dossier de projet de mariage au Consulat du pays d’origine de l’étranger,
– les futurs mariés seront ensuite convoqués au Consulat, ensemble ou séparément, afin de répondre à une enquête de moralité,
– dans un délai d’environ deux mois et si il a été prouvé que les candidats ont de bonnes intentions vis-à-vis du mariage, le Consulat délivre le certificat de capacité de mariage,
– avec ce certificat de capacité de mariage que les futurs époux doivent joindre à des dossiers habituels, ils peuvent se marier dans une mairie malgache qui leur délivrera un livret de famille,
– enfin, ce livret de famille sera ensuite apporté à l’ambassade du pays d’origine du conjoint étranger qui procèdera à la transcription du mariage.
Lors du dépôt de dossier au Consulat, le conjoint étranger doit fournir les pièces et justificatifs suivants :
– une copie intégrale de l’acte de naissance antérieure à trois mois à la date du mariage,
– un document justifiant la nationalité étrangère,
– un justificatif de domicile (exemple : une photocopie de facture du téléphone).
En ce qui concerne la personne de nationalité malgache, elle doit rassembler :
– une copie intégrale et en version traduite de l’acte de naissance de moins de six à la date du mariage,
– un certificat justifiant le statut de célibataire,
– un certificat de résidence délivré par le fokontany,
– une copie de la carte nationale d’identité.
Au niveau de l’état civil malgache, voici les pièces et justificatifs requis aux futurs époux :
– un certificat de résidence de moins de trois mois,
– un certificat de célibat,
– une copie de naissance,
– le certificat de capacité de mariage.
Contrairement à l’opinion répandue, les formalités requises pour un mariage civil mixte à Madagascar se sont avérées simples pour la plupart des couples avec lesquels nous nous sommes entretenus (environ 90 % d’entre eux l’ont affirmé).

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Table des matières

– Introduction générale
– Partie I : Considérations générales
Chapitre I : Cadrage théorique
Section 1 : Questions de terminologie.
A- Couple mixte
B- Culture
C- Interculturel
D- Acteur
E- Identité
Section 2 : Les assises théoriques de la mixité conjugale
A- Les anciens cadres d’analyse qui font référence aux facteurs sociologiques explicatifs
1- La théorie de l’échange compensatoire
2- La perspective assimilationniste
3- Les unions interculturelles comme laboratoire social
4- Les théories qui placent les structures macrosociales au cœur de l’analyse
B- Les perspectives théoriques récentes qui placent l’individu au cœur de l’analyse
1- L’identité en mutation
2- Les individus en tant qu’acteurs
3- Les aspects positifs de la mixité conjugale
Section 3 : Pour un regard centré sur l’acteur
A- Les principes du paradigme interculturel
1- Axe conceptuel et épistémologique
2- Axe méthodologique
B- Justification du choix de la théorie de l’incorporation créative
Chapitre II : Le contexte d’émergence des couples malgacho-étrangers
Section 4 : Historique du peuplement de Madagascar
Section 5 : Les tendances de la littérature sur la mixité conjugale à Madagascar
Section 6 : Le mariage civil mixte
A- Les étapes de la démarche administrative
B- Statistiques relatives aux mariages civils mixtes
Chapitre III : Parcours méthodologique
Section 7 : Les étapes de la recherche
A- La phase exploratoire
B- La préparation de la descente sur le terrain
C- La descente sur le terrain
D- L’analyse des informations
Section 8 : Les types de recherche
Section 9 : Les situations de recueil des données
Section 10 : L’étude des documents
Section 11 :Construction des variables et de l’échantillonnage
A- Construction des variables
B- La méthode d’échantillonnage
Section 12: Les techniques de recueil d’informations
Section 13 : Traitement et analyse des données
A- Analyse multivariée
B- Analyse qualitative
Section 14 : Le type de démarche
– Partie II : Le rapport à l’Autre : un apprentissage perpétuel
Chapitre 4 : L’ambivalence de la mixité conjugale
Section 15 : Quantification des résultats
Section 16 : Typologie des justifications
A- Typologie des justifications pour la réponse « pour »
B- Typologie des justifications pour la réponse « contre »
Chapitre 5 : Les étapes cruciales de la mixité conjugale
Section 17 : Les premiers moments de la relation
A- La rencontre
B- Les premiers chocs culturels
Section 18 : La présentation aux familles respectives
Section 19 : L’officialisation de l’union
Section 20 : Les premières années de cohabitation
Section 21 : L’arrivée du premier enfant
Chapitre 6 : Le versant positif de la mixité conjugale
Section 22 : Les nouvelles dispositions acquises par les individus
A- Du côté des attitudes
1- L’ouverture
2- L’acceptation
3- La tolérance
4- La flexibilité
B- Du côté des aptitudes
1- La créativité
2- La recherche du consensus
3- La valorisation du dialogue
Section 23 : L’enrichissement par la différence
Section 24 : Les différentes configurations culturelles
A- Le mélange biculturel
B- La mosaïque culturelle
C- La valorisation commune d’un schème culturel
D- La domination d’un schème culturel
– Partie III : Vision prospective
Chapitre 7 : Reconsidération de la mixité conjugale
Section 25 : L’autorégulation de la mixité conjugale
Section 26 : La prédominance d’un schème culturel
Chapitre 8 : La mixité conjugale comme parcours vers un bouleversement axiologique
Section 27 : Les valeurs constitutives de la culture malgache
A- La solidarité
B- Le respect des aînés
C- La crainte des représailles
D- Le sens de l’égalité
E- La religiosité
Section 28 : Les manifestations du bouleversement axiologique
Section 29 : Les mouvements de résistance
Chapitre 9 : L’impact de la multiplication des mariages mixtes sur la société malgache
Section 30 : Le flux des métissages
Section 31 : La coexistence de la mixophilie et de la mixophobie
– Conclusion générale

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