L’environnement semble aujourd’hui de plus en plus perçu comme une ressource finie, qu’on ne considère plus comme inépuisable ou renouvelable à l’infini. Appréhender davantage comme un bien commun, que nous avons le devoir de léguer aux générations futures, l’environnement a désormais investi la scène politique internationale et nationale. Les impacts négatifs croissants du développement et des pollutions sur l’environnement, reconnus notamment lors des conférences de Stockholm en 1972 et de Rio en 1992, ont ainsi imposé l’introduction du champ de l’environnement dans l’action publique.
Cependant, si une prise de conscience du caractère transnational des enjeux environnementaux semble avoir mobilisée les instances internationales et les Etats, force est de constater que leur appréhension dans le champ local est encore à questionner (Drobenko, 2004). La conférence de Rio a précisé le lien entre l’échelle globale et l’échelle locale, en précisant notamment le rôle essentiel des collectivités locales dans l’action environnementale . Parallèlement, en France et dans le Monde, à travers le débat sur le développement durable, rappelant le lien indissociable entre les questions environnementales et les problématiques de développement, le rôle local est renforcé, ouvrant la question de l’architecture organisationnelle des territoires.
Rapidement, la territorialisation du concept de développement durable, et en particulier des politiques environnementales, pose le problème de l’échelle d’action appropriée pour la saisie de ces enjeux environnementaux. En effet, les préoccupations environnementales dépassent le cadre des diverses structures administratives. A l’aube de profondes réformes de l’organisation territoriale française, l’intérêt de questionner les relations entre action environnementale et action locale se trouve alors renforcé.
Justification de la recherche
A la rencontre de deux mutations contemporaines
Ce projet de fin d’étude vient questionner la conciliation de deux mutations contemporaines, à savoir le développement de l’intercommunalité française, et la nécessité croissante d’intégrer les enjeux environnementaux dans les politiques publiques. Ces deux phénomènes apparaissent aujourd’hui conciliables, mais dans quelles mesures l’intercommunalité intègre-t-elle ces questions environnementales ? L’intercommunalité peut être entendue, de façon provocante, comme le souligne P.Gazagnes, comme « l’incapacité française à réformer la surface de nos territoires communaux ». Cet auteur rappelle d’ailleurs que le débat semble loin d’être clos, notamment si efficacité administrative et rationalisation de l’action publique conditionnent l’implantation des entreprises et deviennent les maîtres mots de la construction territoriale à venir. Le bassin de vie, le bassin d’emploi, le bassin d’élection et celui de l’environnement peuvent-ils prendre place sur un même territoire ? Cependant, l’intercommunalité peut aussi être définie de manière plus positive, comme « la mise en commun de compétences et de moyens lorsque le territoire d’exercice rationnel de la compétence déborde celui d’une seule commune» (Gazagnes, 2004). Parallèlement, le contexte européen tend également à favoriser le regroupement communal. L’Europe qui se construit cherche à la fois à fortifier les régions et à avoir des interlocuteurs au niveau des bassins de vie et d’emploi. Rappelons ici que la coopération intercommunale française peut prendre la forme de plusieurs types d’établissements publics intercommunaux (EPCI) : syndicats de communes, syndicats mixtes, communautés urbaines, communautés de communes, communautés d’agglomération, syndicats d’agglomération nouvelle. On les distingue notamment par leur degré d’intégration, reflété par leur régime fiscal : avec ou sans fiscalité propre. Ce sont principalement les EPCI à fiscalité propre qui se développent actuellement en France .
Parallèlement à ce développement de la coopération intercommunale, coïncide l’affirmation des préoccupations environnementales, notamment à travers leurs traductions législatives et règlementaires (Moquay, 2004). En effet, les impacts environnementaux des activités humaines, et des développements des territoires, reconnus au niveau international et national, imposent aux politiques publiques de se saisir de ces enjeux, aux différents niveaux d’actions envisageables. Plusieurs auteurs ont ainsi cerné le champ d’action publique environnementale (Theys, 1993, Larrue, 2000) via six grandes dimensions : écologique, pollution, ressources naturelles, risques, cadre de vie et patrimoine, rejoignant les thématiques considérées par le ministère chargé de l’environnement depuis 1970. Il ressort du champ de l’action publique environnementale ainsi définie que les questions environnementales dépassent les frontières administratives, tant au niveau national que local. C’est cette spécificité du champ de l’action environnementale qui le rend intéressant pour cette recherche : l’intercommunalité permet-elle la saisie au niveau local des enjeux environnementaux auparavant peu appréhendables ?
« L’intercommunalité à l’épreuve des faits » APR 2008 (PUCA)
Avec plus de 90% des communes appartenant à des groupements intercommunaux à fiscalité propre, la question de l’intercommunalité occupe désormais une place centrale dans le débat relatif aux champs d’action publique locale, qu’il s’agisse du développement économique, de l’aménagement durable du territoire ou de la cohésion sociale (PUCA, 2008). Spécificité française, en raison du maintien d’un nombre élevé de communes, l’intercommunalité s’inscrit dans un mouvement plus vaste qui enjoint les territoires locaux à devenir à la fois plus compétitifs et plus solidaires, plus dynamiques et plus respectueux de l’environnement, plus attractifs et moins dépensiers, dans un contexte marqué par la globalisation de l’économie, la métropolisation des grands centres urbains et la maîtrise des dépenses publiques.
C’est dans ce cadre là qu’a été lancé en 2008, par le Plan Urbanisme Construction et Architecture (PUCA), un appel à proposition de recherche sous le titre général «L’intercommunalité à l’épreuve des faits ». L’objet de cet appel à proposition était de susciter des projets de recherche analysant la dynamique intercommunale à partir, non pas des systèmes d’acteurs qui se constituent à cette occasion, mais des politiques qu’ils conduisent à cette échelle, ceci afin de prendre en compte deux dimensions qui semblent ne pas avoir encore été suffisamment étudiées : celle du contenu substantiel des politiques menées par les intercommunalités et celle des mécanismes effectifs de production de leurs normes (PUCA, 2008).
Le laboratoire UMR CITERES n°6173 de Tours a été retenu pour répondre à cet appel à projet, en proposant une analyse de l’intercommunalité sous l’angle des politiques environnementales. Intitulée « les politiques environnementales à l’épreuve des faits : vers de nouveaux territoires d’action ? », cette recherche vise à questionner, dans le domaine des politiques environnementales, l’hypothèse généralement admise que l’intercommunalité permet une rationalisation de l’action publique qui engendrerait « une plus grande efficacité, une plus grande cohérence et une solidarité territoriale renforcée ». En effet, pour conduire une analyse approfondie des effets de l’intercommunalité sur le contenu substantiel des politiques, il est nécessaire de restreindre l’analyse à un champ d’action donné ; compte-tenu de l’importance de l’environnement dans l’action publique des intercommunalités et des champs de compétences du laboratoire, il a été choisi d’investir le domaine de l’environnement. Plus précisément, le projet proposé vise à analyser les politiques environnementales de structures intercommunales, appréhendées à partir de cinq grandes thématiques : la gestion des déchets et des eaux usées ; les risques naturels (inondations, effondrement de cavités,…) ; les espaces naturels et le paysage ; le patrimoine bâti ; l’air, l’énergie et le climat.
Finalement, par les thématiques abordées et les dynamiques créées par le travail d’équipe, cette recherche s’avérait éclairante pour ce mémoire de fin d’étude. En effet, il permettait, d’une part, l’exploration des thématiques de recherche initialement retenues pour mon projet de recherche, à savoir l’action publique territoriale et le développement durable, et d’autre part, de bénéficier des réflexions et des dynamiques de l’équipe de chercheurs accompagnant le projet « Intercommunalité à l’épreuve des faits », ce qui participe pleinement à l’exercice d’initiation à la recherche de cinquième année. Pour ces deux raisons, la problématique de ce projet de fin d’étude s’est rapidement tournée vers l’action publique intercommunale et les politiques environnementales.
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Table des matières
Introduction
Partie I : Problématisation et Contexte général de la recherche
1. Problématisation de la recherche
11. Justification de la recherche
12. Questionnement – Problématique – Hypothèses
13. Méthodologie
2. Contexte et Sémantique
21. Emergences des politiques environnementales
22. Vers une territorialisation du principe de développement durable
23. L’action publique locale de l’environnement et le cas particulier de
l’intercommunalité
Partie II : Travail d’Investigation : les stratégies d’intégration des politiques environnementales par les Communautés de Communes
1. Présentation des terrains d’étude
2. Les compétences environnementales en général
21. Les compétences environnementales statutaires
22. Actions environnementales mises en œuvre
3. La compétence « déchet » : dénominateur commun des préoccupations environnementales communautaires
31. Fonctionnement de la compétence
32. Initiatives locales de redevance incitative
4. Bilan : Comparaison nationale des politiques environnementales intercommunales
41. Une action environnementale intercommunale certaine, mais largement conditionnée par les exigences normatives
42. Une saisie relativement disparate des enjeux environnementaux
Partie III : Bilans et perspectives
1. Bilan et retour sur les hypothèses
11. De l’identification des logiques d’action environnementale à l’ébauche d’une
typologie des communautés de communes
12. Les communautés de communes : des territoires d’actions encore loin des
territoires de projet
2. Perspectives
21. Un cycle de vie des communautés de communes : un processus de maturation
d’une intercommunalité de gestion à une intercommunalité de projet ?
22. Les risques d’une disparition prématurée des « pays » rompant le processus
d’émergence des communautés de projet
Conclusion
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