Interactions perceptivo-motrices dans la perception du mouvement

Interactions perceptivo-motrices dans la perception du mouvement

Ces interactions sont classiquement considรฉrรฉes comme prรฉsentes dรจs la naissance, neย  nรฉcessitant pas dโ€™apprentissage mais tout au plus une maturation des structures neurales sousjacentes.

Lois de mouvement et perception du mouvement biologique

Johansson, en 1973, a รฉtรฉ parmi les premiers ร  objectiver lโ€™รฉtonnante sensibilitรฉ du systรจme visuel humain au mouvement biologique. Il a filmรฉ des acteurs marchant, courant ou dansant dans le noir avec seulement quelques points lumineux fixรฉs aux articulations principales. Ces stimuli sont reconnus systรฉmatiquement comme des รชtres humains en mouvement par tous les sujets, mรชme avec trรจs peu de points (de 5 a 10) et lorsque les conditions de prรฉsentation sont manipulรฉes (prรฉsentation trรจs brรจve, soustraction dโ€™une composante du mouvementโ€ฆ). Il faut noter que cette compรฉtence est prรฉsente chez de trรจs jeunes enfants (36 semaines, Bertenthal et al., 1985), ce qui amรจne ร  penser quโ€™elle ne rรฉsulte pas dโ€™un apprentissage perceptif. Dans ce cadre, ce que Viviani et ses collaborateurs ont dรฉmontrรฉ, cโ€™est que cette prรฉdisposition trรจs particuliรจre ร  dรฉtecter le mouvement biologique repose sur la mise en jeu des propriรฉtรฉs intrinsรจques du systรจme moteur. Plus prรฉcisรฉment, ils ont รฉtabli que la perception dโ€™une trajectoire reprรฉsentรฉe par un point lumineux en mouvement est contrainte par les ยซ compรฉtences motrices implicites ยป du sujet. Pour cela, ces auteurs se sont basรฉs sur lโ€™existence dโ€™une loi liant vitesse et rayon de courbure de la trajectoire des mouvements humains : il y a accรฉlรฉration dans les parties rectilignes de la trajectoire et dรฉcรฉlรฉration dans les parties courbes. Cette relation, mise en รฉvidence pour les mouvements bidimensionnels de la main (Lacquaniti et al., 1983; Viviani & Terzuolo, 1982) a รฉtรฉ retrouvรฉe par la suite pour les mouvements de poursuite oculaire (De’Sperati & Viviani, 1997). Elle est interprรฉtรฉe comme la manifestation de mรฉcanismes centraux de contrรดle du mouvement. Appliquรฉe ร  la cinรฉmatique dโ€™un point lumineux, elle a des consรฉquences sur la trajectoire perรงue et peut ainsi servir ร  tester lโ€™hypothรจse dโ€™interactions perceptivo motrices dans la perception visuelle du mouvement biologique. Il est en effet possible de faire varier indรฉpendamment la forme de la trajectoire et la cinรฉmatique du point en mouvement et dโ€™observer les effets de ces manipulations sur le percept rรฉsultant. Cette stratรฉgie a รฉtรฉ appliquรฉe dans deux sรฉries dโ€™expรฉriences portant sur la perception visuelle de trajectoires elliptiques. Au cours de la premiรจre (Viviani & Stucchi, 1989), les auteurs ont fixรฉ trois cinรฉmatiques ยซ naturelles ยป possibles : soit celle dโ€™un cercle (vitesse constante), soit celle dโ€™une ellipse horizontale, soit celle dโ€™une ellipse verticale. En appliquant ces trois cinรฉmatiques sur des cercles et des ellipses de diffรฉrentes excentricitรฉs, ils ont รฉtabli que la perception subjective de la circularitรฉ est biaisรฉe lorsque la correspondance entre la cinรฉmatique et la forme ne respecte pas la loi de mouvement liant vitesse et courbure. Par exemple lorsquโ€™un point dรฉcrit une trajectoire elliptique ร  vitesse constante, celle-ci est perรงue comme un cercle. Inversement, si le point dรฉcrit un cercle mais accรฉlรจre en deux points opposรฉs de la trajectoire, il sera perรงu comme une ellipse. Dans une deuxiรจme sรฉrie dโ€™expรฉriences (Viviani & Stucchi, 1992a), cโ€™est la forme des trajectoires qui a รฉtรฉ fixรฉe. Les sujets avaient pour tรขche de faire varier la cinรฉmatique du point jusquโ€™ร  obtenir une vitesse constante. En fait, les rรฉsultats montrent quโ€™est perรงue comme constante et uniforme une vitesse qui respecte les lois du mouvement biologique. Au contraire, si la vitesse des stimuli est constante, elle est perรงue comme non uniforme. Les illusions visuelles mises en รฉvidence dans ces deux sรฉries dโ€™expรฉriences peuvent รชtre interprรฉtรฉes comme un premier exemple dโ€™interactions perceptivo-motrices : les connaissances que nous avons de nos propres mouvements contraignent nos perceptions visuelles.

Perception dโ€™actions signifiantes

La thรฉorie motrice de la perception de la parole (TMPP)

La TMPP postule lโ€™intervention dโ€™une information de nature motrice dans la perception du langage parlรฉ. Elle a beaucoup influencรฉ les rรฉflexions sur les interactions perceptivomotrices. Cette thรฉorie est parue dans sa premiรจre version en 1967 (Liberman et al., 1967), puis sous une forme rรฉvisรฉe en 1985 (Liberman & Mattingly, 1985). Elle vise ร  expliciter la maniรจre dont nous sommes capables de dรฉgager une structure phonรฉtique cohรฉrente, sur la base dโ€™un signal acoustique particulier quโ€™est la parole. En effet, des signaux verbaux physiquement diffรฉrents peuvent conduire ร  lโ€™รฉmergence dโ€™un percept invariant : le โ€˜pโ€™ est reconnu en tant que phonรจme [p] dans les syllabes [pa] et [pi], malgrรฉ des variations frรฉquentielles diffรฉrentes dans les deux cas. Il est donc nรฉcessaire que lโ€™auditeur puisse trouver dans le signal de parole une unitรฉ invariante sur laquelle baser sa catรฉgorisation. Ces unitรฉs ne pouvant รชtre trouvรฉes ร  la surface acoustique, les auteurs en ont dรฉduit quโ€™elles devaient รชtre recherchรฉes dans les processus moteurs qui permettent de produire le son. Mais quels sont exactement ces invariants moteurs รฉvoquรฉs par Liberman et ses collaborateurs ? En fait, ils ne doivent pas รชtre apprรฉhendรฉs comme des mouvements pรฉriphรฉriques (qui sont variables), mais comme des objets plus ยซ รฉloignรฉs ยป, รฉmergeant des structures neurales qui contrรดlent le mouvement. Plus prรฉcisรฉment, ces objets seraient les intentions motrices du locuteur. Lโ€™un des phรฉnomรจnes les plus citรฉs ร  lโ€™appui de la TMPP est lโ€™effet Mc Gurk (McGurk & MacDonald, 1976). Cet effet sโ€™observe typiquement lorsque lโ€™on prรฉsente ร  un sujet deux stimuli verbaux conflictuels, lโ€™un auditif et lโ€™autre visuel (une vidรฉo oรน lโ€™acteur prononce un son qui ne correspond pas ร  celui entendu). Ces deux entrรฉes (par exemple [ba] et [ga]) sont fusionnรฉes en un percept intermรฉdiaire ([da]). Le sujet nโ€™a pas conscience que le stimulus est bimodal, et pense vraiment avoir entendu le son [da]. Pour les auteurs de la TMPP, cette illusion sโ€™explique par le fait que dans les deux cas, le sujet perรงoit des intentions gestuelles, et quโ€™il nโ€™y a pas de diffรฉrence de nature entre les deux stimuli perรงus. Notons quโ€™il existe un corrรฉlat de lโ€™effet Mc Gurk chez les jeunes enfants : des bรฉbรฉs de 4 ou 5 mois prรฉfรจrent regarder un visage qui prononce la voyelle qui correspond ร  celle quโ€™ils entendent (Kuhl & Meltzoff, 1982). Ce dernier rรฉsultat, ajoutรฉ au fait que les trรจs jeunes enfants sont capables de catรฉgoriser les sons de parole (Eimas et al., 1971) sont des arguments utilisรฉs par Liberman et Mattingly (1985) dans la version rรฉvisรฉe de la TMPP pour รฉtayer lโ€™hypothรจse de la nature innรฉe des processus moteurs mis en jeu dans la perception de la parole. Pour rรฉsumer briรจvement la TMPP, on peut dire quโ€™elle conรงoit la perception de la parole comme rรฉsultant de lโ€™action dโ€™un module phonรฉtique spรฉcifiรฉ gรฉnรฉtiquement qui extrait du signal auditif de parole des invariants moteurs pour les traduire automatiquement en unitรฉs phonรฉtiques. Plus simplement, nous percevrions le signal de parole par rรฉfรฉrence ร  nos propres capacitรฉs de production.

Le systรจme miroir

Lโ€™idรฉe selon laquelle nos propres connaissances motrices sont utilisรฉes pour reconnaรฎtre et interprรฉter les mouvements des autres a aussi รฉtรฉ avancรฉe plus rรฉcemment suite ร  des รฉtudes รฉlectrophysiologiques chez le singe qui ont mis en lumiรจre les propriรฉtรฉs de rรฉponse des neurones de lโ€™aire F5 (voir figure 1) du cortex prรฉmoteur ร  des mouvements perรงus visuellement. Ces ยซ neurones miroir ยป dรฉchargent ร  la fois lorsque le singe exรฉcute une action particuliรจre et lorsquโ€™il observe un autre individu (singe ou humain) exรฉcuter la mรชme action (Gallese et al., 1996). Le mรชme type de rรฉsultat a รฉtรฉ par la suite mis en รฉvidence chez lโ€™homme grรขce ร  diverses techniques dโ€™imagerie cรฉrรฉbrale (Buccino et al., 2001; Fadiga et al., 1995; Hari et al., 1998; Rizzolatti et al., 1996). Le systรจme miroir apparaรฎt donc comme un mรฉcanisme cortical qui lie lโ€™observation et lโ€™exรฉcution dโ€™actions motrices. Cependant, ร  la diffรฉrence des hypothรจses de Viviani et collaborateurs รฉvoquรฉes ci dessus, motricitรฉ et perception nโ€™interagiraient ici pas par lโ€™intermรฉdiaire de lois gรฉnรฉrales de mouvement, mais ร  travers des reprรฉsentations de mouvements spรฉcifiques. En effet, chaque neurone miroir rรฉpond sรฉlectivement pour une action particuliรจre (Gallese et al., 1996) : il existe des neurones de ยซ grasping ยป, de ยซ holding ยป, de ยซ manipulating ยปโ€ฆ La seconde diffรฉrence notable est que le systรจme miroir nโ€™est pas sensible ร  tous les mouvements mais seulement aux actions dรฉfinies par un but, cโ€™est ร  dire motivรฉes par une intention particuliรจre. Cette dรฉcouverte a eu depuis un retentissement considรฉrable dans la communautรฉ neuroscientifique internationale et donnรฉ lieu ร  un nombre impressionnant de travaux qui ont en particulier impliquรฉ le systรจme miroir dans les comportements dโ€™imitation (Gallese & Goldman, 1998; Nishitani & Hari, 2000; Rizzolatti & Luppino, 2001) ainsi que dans lโ€™attribution dโ€™รฉtats mentaux et dโ€™intentions ร  autrui (thรฉorie de la simulation, Blakemore & Decety, 2001; Gallese & Goldman, 1998). Nous ne nous รฉtendrons pas sur cette littรฉrature, qui ne touche que partiellement ร  notre thรฉmatique. Retenons simplement que dans sa dรฉfinition initiale, le systรจme miroir est un autre exemple รฉloquent dโ€™interactions perceptivomotrices, cette fois-ci appuyรฉ par des donnรฉes neurophysiologiques. Notons pour finir quโ€™il a รฉtรฉ avancรฉ que lโ€™homologue chez lโ€™homme de lโ€™aire F5 du cortex prรฉmoteur qui contient les neurones miroir chez le singe serait lโ€™aire de Broca (Rizzolatti & Arbib, 1998). Il est donc tentant, รฉtant donnรฉes les propriรฉtรฉs fonctionnelles des neurones miroir, de spรฉculer sur leur rรดle dans la communication interindividuelle et donc dans le langage (Gallese et al., 1996; Rizzolatti & Arbib, 1998). Cette vision se rapproche de celle des tenants de la TMPP. Notons dโ€™ailleurs que certains neurones-miroir rรฉpondent aux sons systรฉmatiquement associรฉs ร  des actions particuliรจres (Kohler et al., 2002).

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Table des matiรจres

INTRODUCTION
I. THEORIE(S) MOTRICE(S) DE LA PERCEPTION : GENESE ET CONDITIONS DE MISE EN JEU DES INTERACTIONS PERCEPTIVO-MOTRICES
I.A. Gรฉnรฉralitรฉs
I.B. Interactions perceptivo-motrices dans la perception du mouvement
1. Lois de mouvement et perception du mouvement biologique
2. Perception dโ€™actions signifiantes
a. La thรฉorie motrice de la perception de la parole (TMPP)
b. Le systรจme miroir
I.C. Interactions perceptivo-motrices et reprรฉsentations spatiales
1. Ontogenรจse : le dialogue sensorimoteur
2. Espace des lieux : codage de lโ€™espace pรฉripersonnel
3. Espace des objets
a. Dissociations neuropsychologiques
b. Le systรจme ยซ canonique ยป
c. Imagerie mentale sur des objets tridimensionnels
d. Un cas particulier dโ€™objets : les formes graphiques
II. LA LETTRE
II.A. Donnรฉes sur la perception visuelle de lettres
1. Les รฉtapes initiales de la reconnaissance des mots รฉcrits
2. Donnรฉes comportementales, hypothรจses fonctionnelles
3. Troubles de reconnaissance des lettres dans lโ€™alexie pure
4. Bases neurales
II.B. Donnรฉes sur les aspects moteurs de lโ€™รฉcriture
1. Les paramรจtres invariants du mouvement : indices sur la nature des programmes moteurs
a. Invariances cinรฉmatiques
b. Invariance spatiale
2. Analyse des productions dans les agraphies dโ€™origine motrice
3. Bases neurales
4. Une autre maniรจre dโ€™รฉcrire : la dactylographie
III. INTERVENTION DE PROCESSUS MOTEURS DANS LE TRAITEMENT VISUEL DE LETTRES
III.A. Simulation du mouvement et perception de traces manuscrites
III.B. Interactions entre reprรฉsentations motrice et visuelle des caractรจres
1. Idรฉogrammes et ordre dโ€™รฉcriture des traits
2. Imagerie mentale de lettres
3. Quand lโ€™รฉcriture favorise la lecture, et quand son absence la perturbe : cas neuropsychologiques
III.C. Effets de lโ€™apprentissage simultanรฉ de lโ€™รฉcriture et de la forme visuelle des lettres
1. Les premiรจres รฉtapes de lโ€™apprentissage de la lecture et de lโ€™รฉcriture
2. Donnรฉes sur le rรดle de la motricitรฉ graphique dans lโ€™apprentissage de la lecture
PARTIE EXPERIMENTALE
I. ACTIVATIONS CEREBRALES AU COURS DE LA PERCEPTION DE LETTRES CHEZ Lโ€™ADULTE
I.A. Comparaison des activations cรฉrรฉbrales au cours de la perception et de lโ€™รฉcriture de lettres et de pseudolettres
1. Mรฉthodes
a. Protocole
Sujets
Design expรฉrimental
b. Acquisition des donnรฉes
c. Traitement des donnรฉes
Prรฉtraitements
Analyses statistiques
Oรน se trouvent les activations ?
2. Rรฉsultats
a. Analyse de groupe
b. Analyse en rรฉgions dโ€™intรฉrรชt
3. Discussion
a. Cortex prรฉmoteur latรฉral
Cortex prรฉmoteur et mouvements des yeux
Cortex prรฉmoteur et articulation subvocale
Cortex prรฉmoteur et รฉcriture
b. Rรดle de la SMA
c. Conclusion
I.B. Comparaison des activations cรฉrรฉbrales de sujets gauchers et droitiers, au cours de la perception de lettres et de pseudolettres
1. Mรฉthodes
a. Sujets
b. Design expรฉrimental et traitement des donnรฉes
2. Rรฉsultats
3. Discussion
a. vPMsup : une aire graphomotrice
b. vPMinf : un effet aspรฉcifique
c. Cortex pariรฉtal, รฉcriture et perception
d. Des stratรฉgies diffรฉrentes en perception, chez les gauchers et les droitiers ?
II. SYNTHESE
III. INFLUENCE DE LA MOTRICITE GRAPHIQUE SUR LA PERCEPTION VISUELLE DE LETTRES CHEZ DES ENFANTS PRE-LECTEURS
1. Mรฉthodes
a. Protocole
Sujets et formation des groupes
Apprentissage
Apprentissage par รฉcriture manuscrite
Apprentissage par le clavier
Tests de reconnaissance
b. Traitement des donnรฉes
2. Rรฉsultats
a. Analyses prรฉliminaires
b. Analyse finale
Rรฉponses Correctes (RC)
Rรฉponses en Miroir (RM)
c. Analyse par lettre
3. Discussion
a. Effet sur lโ€™orientation spatiale des caractรจres
b. Effet du dรฉlai post-apprentissage
c. Apprentissage et facteurs dรฉveloppementaux
CONCLUSION

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