La structure primaire des peptides et protéines est régie par les liaisons covalentes entre les divers résidus d’acides aminés tandis que leur structuration spatiale est gouvernée par diverses interactions non-covalentes, inter- et intra-moléculaires. Les propriétés biologiques (catalyse enzymatique, transport moléculaire…) et physico-chimiques (solubilité, acido-basicité, oxydo-réduction, réponse aux radiations ionisantes…) de ces systèmes biologiques dépendent à la fois des structures primaires et secondaires, et par conséquent des enchainements de liaisons de covalence et des interactions de type liaisons hydrogène et hydrophobes. Actuellement, de nombreuses études sont menées afin de décrire, de mesurer et de comprendre les effets des interactions non-covalentes sur ces systèmes. Dans ce cadre, ce travail de thèse vise à une meilleure compréhension de l‟effet de ces interactions au sein de petits peptides et d‟agrégats. Ces effets ont été classés en trois catégories que nous présentons dans la suite successivement : (i) l‟effet sur la structure tridimensionnelle d‟une molécule ou d‟un agrégat ; (ii) l‟effet sur la structure électronique d‟une molécule l‟effet sur la réactivité et la fragmentation de molécules . Les systèmes chimiques d‟intérêt biologique que nous avons étudié sont multiples, permettant ainsi, au cours de nos travaux, de couvrir une grande diversité de situations et des effets des interactions non-covalentes.
Cas particuliers
Interactions de recouvrement
Lorsque deux atomes (molécules) s‟approchent l‟un(e) de l‟autre, il y a interpénétration de leurs nuages électroniques. D‟après le principe d‟exclusion de Pauli, des spins de même sens ne peuvent pas occuper la même position dans l‟espace. Ainsi, ils se repoussent mutuellement. Ce phénomène correspond à la répulsion de Pauli. Lorsque la distance entre les deux systèmes devient très faible, alors la répulsion de Pauli prédomine sur l‟interaction électrostatique.
Interaction hydrophobe
Dans un milieu aqueux, les molécules/groupements hydrophobes se regroupent pour minimiser le contact avec les molécules d‟eau. Les molécules de H2O vont alors former une cavité autour des molécules hydrophobes afin de créer un nombre maximum de liaisons hydrogène entre elles, ce qui entraine localement une augmentation de la structuration de l‟eau. Ce processus se nomme hydratation hydrophobe. Puisque le système résultant est plus ordonné en présence des molécules de H2O, ce processus est enthalpiquement favorable mais entropiquement défavorable. Parce que les molécules/groupements hydrophobes sont enveloppées par les molécules de H2O, des attractions favorables (van der Waals, π…π, …) entre les groupements apolaires vont s‟exercer.
Interactions non-covalentes et critères structuraux
Les interactions non covalentes dans les systèmes biologiques
Il est admis que la structure tridimensionnelle, les propriétés chimiques et indirectement le rôle des polymères biologiques tels que les peptides sont gouvernés non seulement par leur composition primaire mais aussi par diverses interactions non-covalentes. En fonction du pH physiologique, la protéine peut exister sous différentes formes comme multichargée en général par nH+ + zwitterionique par exemple.
Pour ces formes citées, certains groupements chimiques situés dans les chaînes latérales et les Nterm et O=Cterm sont susceptibles d‟être protonés ou déprotonés. Ces groupements deviennent alors chargés et permettent de créer des interactions de type ion – ion, ion – dipôle et certaines liaisons hydrogène, facteurs déterminant d‟un point de vue structural de la protéine.
ou ceux présents sur les chaînes latérales des fonctions OH, phénol, SH, cycle indole, COOH, … De là, les interactions de types dipôle – ion, dipôle – dipôle et dipôle – dipôle induit sont possibles. Les interactions de type dipôle instantané – dipôle induit se font entre les groupements apolaires des chaînes latérales, comme les groupes alkyles voire les cycles aromatiques pour des interactions de types π-stacking des protéines. Les interactions de type cation…π (cation = LysH+ et ArgH+ et π = Phe, Tyr, ou Trp par exemple) sont très souvent rencontrées dans les protéines. Dougherty et son équipe ont montré que (i) toutes les protéines de grandes tailles possèdent au moins une interaction de type cation…π, (ii) un quart des groupements indole provenant du Trp interviennent dans ce type d‟interaction avec ArgH+ ou LysH+ et (iii) que le groupement guanidinium participe davantage à ce type d’interaction que l’ammonium de la lysine.[4] D‟autres interactions de type π sont possibles dans la zone hydrophobe des biomolécules, comme les interactions de type π…HC.
La connaissance des sites de protonation des acides aminés est importante pour comprendre certains processus biologiques, comme la photosynthèse[5] ou la respiration cellulaire[6] puisqu‟ils impliquent des transferts de protons au sein des protéines. La détermination des acidités et basicités intrinsèques des acides aminés isolés et des peptides est essentielle pour localiser les différents sites de protonation et comprendre l‟ensemble de ces processus biologiques. C‟est pourquoi, que ce soit expérimentalement ou théoriquement, la mesure et le calcul de ces données intrinsèques intéressent un grand nombre de chercheurs.
Les composés halogénés sont utilisés dans le domaine thérapeutique. Par le biais de la cristallographie par rayons X (partie 1.3.1) des complexes de type protéine…ligand halogéné (=récepteur…médicament), il a été prouvé que ce type d‟interaction est bien présent dans les systèmes biologiques,[15,16] et qu‟il est important pour la spécificité de la reconnaissance moléculaire .
Le repliement des biomolécules : structure secondaire
Dans les peptides, les chaines (poly)peptidiques se structurent grâce aux différentes interactions non-covalentes inter- et intramoléculaires citées précédemment. La structure secondaire résultante peut avoir la forme d‟une hélice, d‟un feuillet voire d‟un « globule » (structure approximativement sphérique). La localisation et le nombre de liaisons hydrogène existantes entre les groupements carbonyles et les NH amide permettent de stabiliser ces diverses structurations, ce qui fait de cette interaction -NH…O= la plus importante dans les systèmes biologiques. De nombreuses études théoriques et expérimentales ont pour objectifs de comprendre la structuration en hélice en fonction de la nature des interactions, du nombre de résidu, de l‟état de charge et/ou de la nature de la charge (cation métallique ou proton).[18- 28] Les modèles utilisés sont souvent des poly acides aminés qui adoptent soit une structure en hélice, soit une structure globulaire. Par exemple, une étude conjointe entre expérience et théorie de polyalanines complexées par Na+ a montré que ces deux types de structures coexistent, ce qui est le cas pour l‟octa peptide AlanNa+ avec n = 8 où la structure en hélice (b) est plus stable de seulement 2.6 kJ mol-1 par rapport à la forme globulaire (a) .
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : INTRODUCTION
I.1. Les interactions non-covalentes
I.1.1. Interactions électrostatiques
I.1.2. Cas particuliers
I.2. Pourquoi s’intéresser aux interactions non covalentes ?
I.2.1. Interactions non-covalentes et critères structuraux
I.2.1.1. Les interactions non covalentes dans les systèmes biologiques
I.2.1.2. Le repliement des biomolécules : structure secondaire
I.2.2. Interactions non-covalentes et formation de complexes
I.2.2.1. Biomolécules hydratées
I.2.2.2. Biomolécules solvatées par des ions
I.2.3. Interactions non-covalentes et capture électronique
I.2.3.1. Les radiations ionisantes
I.2.4. Interactions non-covalentes et réactivité : cas des interactions avec H2O
I.2.4.1. H2O, un relai pour les transferts électroniques
I.2.4.2. H2O, un relai pour les transferts de proton
I.3. Spectrométrie de masse
I.4. Apport de la chimie théorique
I.5. Bibliographie
CHAPITRE II : METHODOLOGIES
II.1. Les méthodes ab initio
II.1.1. La méthode Hartree-Fock
II.1.2. Les méthodes post Hartree-Fock
II.1.2.1. Interaction de configurations
II.1.2.2. Le champ multi-configurationnel auto-cohérent (MCSCF)
II.1.2.3. Complete Active Space Self-Consistent Field (CASSCF)
II.1.2.4. Interaction de configurations multi-référence (MRCI)
II.1.2.5. Coupled Cluster (CC)
II.1.2.6. La théorie des perturbations : Møller-Plesset
II.2. La théorie de la fonctionnelle de la densité
II.2.1. Théorie de la Fonctionnelle de la Densité indépendante du temps (DFT)
II.2.1.1. Généralités
II.2.1.2. L’approximation de la densité locale (LDA)
II.2.1.3. L’approximation du gradient généralisé (GGA)
II.2.1.4. Les fonctionnelles meta-GGA
II.2.1.5. Les fonctionnelles hybrides
II.2.1.6. Les fonctionnelles corrigés à longue portée
II.2.1.7. Les effets de dispersion
II.2.2. Théorie de la Fonctionnelle de la Densité Dépendante du temps (TD-DFT)
II.3. Les bases d’orbitales atomiques
II.4. Les méthodes composites Gaussian-n
II.5. Les méthodes semi-empiriques
II.5.1. Généralités
II.5.2. Méthodes PM6 et PM6-DH2
II.6. Exploration des surfaces d’énergie potentielle
II.6.1. Exploration en mécanique classique
II.6.1.1. Les outils
II.6.1.1.1. Généralités
II.6.1.1.2. AMOEBA, Atomic Multipole Optimized Energetics for Biomolecular Applications.
II.6.1.1.3. Dynamique moléculaire classique
II.6.1.1.4. Simulation Monte Carlo
II.6.1.1.5. Saut de bassins
II.6.1.2. Stratégies d’exploration de surface pour les systèmes micro-hydratés
II.6.1.2.1. L’approche arbre de Darwin
II.6.1.2.2. L’approche hiérarchique
II.6.2. Les Chemins Réactionnels
II.6.3. Remarques
II.7. Les méthodes hybrides QM/MM
II.7.1. Généralités
II.7.2. L’approche ONIOM
II.8. Les effets de solvatation
II.9. Outils d’analyse
II.9.1. Les grandeurs thermodynamiques
II.9.2. La méthode NCI
II.9.3. Etude de la densité de spin
II.9.3.1. Densité de spin SCF
II.9.3.2. Densité de spin atomique
II.9.4. L’analyse de décomposition en énergie
II.9.5. Erreur de superposition de base
II.10. Bibliographie
CHAPITRE III : EFFETS DES INTERACTIONS NON-COVALENTES SUR LES PROPRIETES STRUCTURALES ET ENERGETIQUES
Partie I : Influences réciproques des interactions non-covalentes des acides aminés acétylés microhydratés
III.1.1. Introduction
III.1.2. Exploration de la surface d’énergie potentielle
III.1.2.1. Couplage des approches hiérarchique et arbre de Darwin
III.1.2.2. Amélioration de l’approche hiérarchique
III.1.3. Influences réciproques des interactions non-covalentes
III.1.4. Conclusions
III.1.5. Bibliographie
Partie II : Clusters de glycine bétaïne en phase gazeuse
III.2.1. Introduction
III.2.1.1. Définition de la glycine bétaïne
III.2.1.2. Travaux antérieurs
III.2.1.2.1. Exemple de Clusters étudiés dans la littérature
III.2.1.2.2 Clusters de glycine bétaïne dans la littérature
III.2.2. Stratégie d’étude
III.2.2.1. Stratégie d’exploration de la surface d’énergie potentielle
III.2.2.2. Base spécifique pour [GB13 + 2H]2+
III.2.3. Résultats et discussion
III.2.3.1. Structures géométriques
III.2.3.2. Nature des interactions non-covalentes intermoléculaires
III.2.3.2.1. Interactions non-covalentes dans [GBn + 2H]2+
III.2.3.2.2. Cohésion au sein des clusters [GBn + 2H]2+
III.2.3.3. Processus de fragmentations
III.2.3.3.1. Évaporation d’une glycine bétaïne neutre
III.2.3.3.2. Explosion coulombienne des clusters [GBn + 2H]2+
III.2.3.3.3 Bilan
III.2.4. Conclusions et Perspectives
III.2.5. Bibliographie
CONCLUSION GENERALE
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