Interactions non covalentes dans les protéines
On peut subdiviser les interactions non covalentes en quatre grandes catégories [4] : dans la première, on trouve les interactions électrostatiques entre groupements portant des charges nettes positives et négatives, qui correspondent aux interactions non covalentes les plus fortes. On peut classer dans un second groupe, toutes les interactions électrostatiques de type dipolaire. Le troisième type de liaisons est à relier au précédent : c’est celui des liaisons hydrogènes. Finalement, on trouve dans une catégorie un peu à part les liaisons dites hydrophobes.
Interactions ioniques
L’interaction ionique entre deux groupements portant une charge nette positive ou négative (soit au sein d’une molécule soit entre deux molécules) est la plus forte des interactions non covalentes. Ces interactions peuvent conduire à un effet attractif (charges opposées) comme répulsif (charges du même signe). L’énergie d’interaction peut atteindre quelques centaines de kJ par mole, proche de l’énergie d’une liaison covalente.
Interactions de type dipolaire
Une molécule n’a pas besoin d’une charge nette pour participer à des interactions électrostatiques : la présence d’un moment dipolaire (Fig. I.1) permanent μ suffit à faire interagir les molécules polaires via des liaisons non covalentes. Pour des protéines, plusieurs niveaux de dipôles peuvent exister : la liaison peptidique est un exemple de tel dipôle (Fig. I.2), mais l’assemblage parallèle de plusieurs dipôles dans une hélice alpha conduit à un macrodipôle de moment nettement plus important. Finalement la présence de charges de signes opposés dans une protéine définit également des dipôles via la distribution de charges [5].
Un dipôle interagit avec son environnement électrostatique (ions, autres dipôles, quadripôles, dipôle induit, etc.) La force de ces interactions dépend surtout de la nature du partenaire et suit l’ordre ion > dipôle > quadripôle > dipôle induit. Les dipôles interagissent moins que les ions entre eux.
Interactions ion-dipôle
Dans un champ électrique, par exemple le champ généré par un ion, un dipôle va s’aligner en fonction de la charge de l’ion de façon à créer une force attractive entre l’ion et le dipôle (Fig. I.3). Les interactions ion-dipôle, bien que moins fortes que des interactions ion-ion, sont à la fois importantes pour la structure intrinsèque d’une protéine (interaction électrostatiques entre des charges au sein d’une protéine) et pour l’interaction entre la protéine et le solvant (par exemple, l’interaction entre une chaîne latérale de la lysine chargée positivement et des molécules d’eau qui entourent la protéine).
Interactions dipôle-dipôle
En l’absence d’un champ électrique extérieur, deux dipôles interagissent entre eux. Deux dipôles linéaires s’alignent soit tête-bêche soit colinéaires, alignés de façon à maximiser les interactions attractives (maximum global ou local). Par contre un alignement parallèle côte à côte ou colinéaire opposé conduit à une forte répulsion.
L’exemple des hélices alpha dans les structures de protéines illustre parfaitement les interactions dipolaires . Une hélice alpha est un élément structural secondaire d’une protéine , où chaque spire de l’hélice est reliée à la suivante par l’alignement des moments dipolaires des liaisons peptidiques. Ceci conduit à la formation d’un macrodipôle, somme des moments dipolaires individuels de toutes les liaisons peptidiques de la chaîne [6]. Deux hélices peuvent elles-mêmes s’aligner de façon antiparallèle pour maximiser l’interaction entre macrodipôles. Comme pour la section précédente, la présence d’un moment dipolaire dans l’eau conduit à des interactions de ce type entre la protéine et le solvant.
Dipôles induits
Il n’est pas nécessaire qu’une molécule possède une charge permanente ou un dipôle permanent pour qu’elle soit impliquée dans des interactions de type électrostatique : la présence d’un champ électrique (généré par une charge ou un dipôle extérieur) peut suffire à déplacer les électrons des orbitales d’une molécule. Ce déplacement se traduira par l’apparition d’un moment dipolaire dans la molécule en présence d’un champ électrique. La propriété physicochimique qui caractérise la facilité avec laquelle un dipôle peut être induit dans une molécule est la polarisabilité. L’interaction avec des dipôles induits est moins forte qu’avec des dipôles permanents puisqu’une partie de l’énergie d’interaction est utilisée pour l’induction du dipôle [6]. Il est important de noter qu’à la différence des charges et des dipôles permanents, les interactions impliquant un dipôle induit dépendent peu de l’orientation dans l’espace de la molécule dans laquelle le dipôle est induit ; ceci est très important lorsqu’on les compare aux interactions liées à un dipôle permanent qui sont extrêmement directionnelles comme montré ci-dessus. On subdivise ces types d’interactions suivant la nature de la charge extérieure générant le champ électrique.
Interaction ion-dipôle induit
Si on considère une molécule simple qui ne porte pas de charges et qui n’a pas de dipôle permanent , la distribution des électrons et des charges positives des noyaux est initialement homogène. La présence d’un cation à proximité de cette molécule va perturber la distribution des électrons : les électrons seront attirés par le cation. Sous l’effet de cette migration, une charge nette négative apparaîtra du côté proche du cation, tandis que l’appauvrissement en électrons du côté opposé se traduira par l’apparition d’une charge positive nette de ce côté. La présence du cation a donc créé un dipôle dans la molécule, qui interagit avec la charge de façon attractive comme un dipôle permanent.
Interaction dipôle-dipôle induit
Pour l’interaction entre un dipôle et un dipôle induit, si on considère qu’un dipôle peut s’exprimer sous la forme de deux charges permanentes situées à ses extrémités, on voit que le même raisonnement que pour le cas précédent peut être suivi. Bien entendu, comme l’interaction dipôle-dipôle est plus faible qu’une interaction dipôle ion, l’énergie d’interaction est ici encore plus faible.
Interactions de van der Waals
Même en absence de groupes chargés (ions, dipôles permanents), tous les atomes et molécules interagissent entre eux. Cette interaction est le résultat d’interactions mutuelles entre des dipôles induits : si la distribution moyenne des électrons pour une molécule est homogène, la molécule présente un moment dipolaire instantané non nul puisque la distribution instantanée des électrons n’est pas homogène. Ces fluctuations instantanées dans deux molécules proches induisent mutuellement un dipôle dans chacune d’entre elles, dipôles alignés de façon antiparallèles pour maximiser l’interaction, dite interaction de van der Waals. Même si les forces d’interactions sont nettement plus faibles pour ces interactions de van der Waals que pour les autres, elles jouent un rôle important pour les biomolécules, en particulier lorsque les polarisabilités sont élevées (interactions entre groupes aromatiques). De même, la stabilité de la bicouche lipidique des membranes biologiques est assurée entre autres par l’interaction de van der Waals entre les chaînes hydrocarbonées des lipides.
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Table des matières
Partie I : Introduction générale
I.1 Interactions non covalentes dans les protéines
I.1.1 Interactions ioniques
I.1.2 Interactions de type dipolaire
I.1.2.1 Interactions ion-dipôle
I.1.2.2 Interactions dipôle-dipôle
I.1.2.3 Dipôles induits
I.1.2.3.1 Interaction ion-dipôle induit
I.1.2.3.2 Interaction dipôle-dipôle induit
I.1.2.3.3 Interactions de van der Waals
I.1.3 Liaisons hydrogènes
I.1.4 Interactions hydrophobes
I.1.5 Conclusions
I.2 Structure des protéines
I.2.1 Structure primaire
I.2.2 Structure secondaire
I.2.2.1 Caractéristiques de la structure secondaire
I.2.2.2 Méthodes spectroscopiques pour l’étude de la structure secondaire
I.2.2.2.1 Dichroïsme circulaire
I.2.2.2.2 Spectroscopie infrarouge (IR)
I.2.2.2.3 Spectroscopie de fluorescence
I.2.3 Structure tertiaire
I.2.3.1 Caractéristiques de la structure tertiaire des protéines
I.2.3.2 Méthodes classiques pour l’étude de la structure tertiaire des protéines
I.2.3.2.1 Cristallographie aux rayons X
I.2.3.2.2 Spectroscopie RMN
I.2.4 Structure quaternaire
I.2.4.1 Caractéristiques de la structure quaternaire des protéines
I.2.4.2 Méthodes classiques pour l’étude de la structure quaternaire des protéines et des macroassemblages
I.2.4.2.1 Chromatographie d’exclusion stérique
I.2.4.2.2 Diffraction aux petits angles (SAXS)
I.2.4.2.3 Microscopie électronique
I.3 Interactions protéine-ligand
I.3.1 Introduction aux interactions non covalentes protéine-ligand
I.3.2 Méthodes d’études des interactions protéine-ligand
I.3.2.1 Méthodes thermochimiques
I.3.2.1.1 Analyse calorimétrique par dosage isotherme (ITC)
I.3.2.1.2 Analyse calorimétrique différentielle (DSC)
I.3.2.2 Méthodes spectroscopiques
I.3.2.2.1 Fluorimétrie
I.3.2.2.2 RMN
I.3.2.2.3 Résonance de plasmons de surface
I.3.2.3 Autres méthodes
I.3.2.3.1 Electrophorèse capillaire d’affinité
I.3.2.3.2 Dialyse à l’équilibre
I.4 Etudes des complexes non covalents par spectrométrie de masse
I.4.1 Généralités de l’electrospray des protéines
I.4.2 Etudes des complexes protéine-ligand par spectrométrie de masse
I.4.2.1 Observation du complexe
I.4.2.2 Détermination des constantes d’interaction
I.4.3 Etudes structurales des complexes protéiques par spectrométrie de masse
I.4.3.1 Mesure de masse des complexes protéiques
I.4.3.2 Etude de la structure des complexes protéiques
I.4.3.3 Etude de la dynamique structurelle des complexes protéiques
I.5 Conclusion
I.6 Bibliographie
Partie II : Etude des complexes protéine-ligand intacts par spectrométrie de masse
II.A Déconvolution des interactions spécifiques et non spécifiques
II.A.1 Remarques générales
II.A.2 Abstract
II.A.3 Introduction
II.A.4 Experimental
II.A.4.1 Materials
II.A.4.2 Mass spectrometry
II.A.4.3 Deconvolution model
II.A.5 Results and discussion
II.A.6 Conclusions
II.A.7 References
II.B Influence des paramètres expérimentaux sur les constantes de dissociation
II.B.1 Introduction
II.B.2 Interaction entre CK et ses ligands dans différents tampons
II.B.2.1 Etats de charge
II.B.2.2 Interaction CK-ADP ou CK-ATP dans différents tampons
II.B.3 Interaction CK-ligand à différents pH
II.B.4 Comparaison des constantes obtenues par différents techniques
II.B.5 Conclusions
II.B.6 Bibliographie
Partie III – Développement de méthodes pour l’étude de la structure des protéines
III.A Fragmentation des protéines entières dans la cellule ICR par dissociation par
capture d’électrons
III.A.1 Introduction
III.A.2 Matériel et méthodes
III.A.3 Fragmentation de l’ubiquitine
III.A.4 Fragmentation de la myoglobine
III.A.5 Conclusions
III.A.6 Bibliographie
III.B Modification des protéines par le diéthylpyrocarbonate (DEPC)
III.B.1 Introduction
III.B.2 Réactivité du DEPC
III.B.2.1 Identification des peptides modifiés
III.B.2.2 Identification des sites de modification
III.B.2.3 Modifications non spécifiques
III.B.3 Etude des protéines par modification chimique : approche « bottom-up »
III.B.3.1 Modification de la myoglobine intacte par le DEPC
III.B.3.2 Identification des sites de modification par l’approche « bottom-up »
III.B.4 Etude des protéines par modification chimique : approche « top-down »
III.B.4.1 Identification des sites de modification par une approche « top-down »
III.B.4.2 Détermination du pourcentage de modification
III.B.5 Comparaison des différents états structuraux des protéines par modification
différentielle
III.B.5.1 Dénaturation et modification de la CK entière
III.B.5.2 Comparaison des peptides modifiés entre les deux formes
III.B.6 Conclusions
III.B.7 Bibliographie
III.C Structure de protéines étudiées par échanges hydrogène/deutérium
III.C.1 Introduction
III.C.2 Résultats
III.C.2.1 Substance P
III.C.2.2 Myoglobine
III.C.3 Conclusions
III.C.4 Bibliographie
Partie IV : Conclusion générale
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