Interactions interspécifiques chats-humains
Les marquages
Seule l’émission d’urine sous forme de jets (chat debout avec un port de queue dressée le long d’une surface verticale) peut être assimilée à un marquage. Les chats font la différence entre les urines d’un chat émises lors d’une miction classique et les urines de ce même chat émises par jet [PASSANISI et MACDONALD, 1990]. Cette observation est en faveur de l’hypothèse selon laquelle les urines émises par jet contiendraient des sécrétions des glandes anales [PASSANISI et MACDONALD, 1990]. Une des fonctions de ces jets d’urines pourrait ainsi être le marquage des chemins communs à plusieurs chats dans le but d’éviter les confrontations [LEYHAUSEN, 1979 ; NATOLI, 1985 a], la fraîcheur du marquage informant le receveur sur le moment de passage de l’émetteur.
Les mâles explorent les marques fraîches avant les marques datant de plus d’une journée [DE BOER, 1977]. LEYHAUSEN (1979) utilise une métaphore sur les feux de signalisation tricolores pour décrire cela. Une marque fraîche pourrait être assimilée à un feu rouge signifiant qu’un chat vient juste de passer à cet endroit et que les autres chats ne doivent pas emprunter ce chemin. Une marque ancienne signerait un passage plus ancien du dernier chat, le chat qui passe par ce chemin a moins de chance de rencontrer un congénère : il s’agit en quelque sorte d’un feu orange. Enfin, une vieille marque indiquerait qu’aucun chat n’est passé à cet endroit récemment et que la voie est libre (feu vert).
Un chat utilisant à nouveau ce chemin aura tendance à faire un jet d’urine sur l’ancienne marque [DE BOER, 1977 ; LEYHAUSEN, 1979]. Par le biais des marquages urinaires, les chats sont capables de distinguer un chat familier d’un chat inconnu [PASSANISI et MACDONALD, 1990]. Ce type de marquage serait donc un vecteur d’information sur l’identité de l’émetteur mais aussi sur son âge, son statut hormonal ainsi que sur son état de santé [BRADSHAW, 1992].
Utilisation de l’espace par le groupe
Lors des 21 jours d’observation, 491 localisations de chats ont été relevées dont 323 lors de la session d’hiver (Février 2007) et 168 lors de la session d’été (Septembre 2007). Pour ces deux sessions, la répartition des ressources (abris et sources d’alimentation) dans l’enclos est identique. Les cartes de densité de population de l’enclos obtenues à la suite de ces observations permettent de dégager des zones plus peuplées que d’autres. Ces zones sont différentes entre les deux sessions d’observation (Fig.6 et 7). En hiver, le groupe se concentre autour du grand chalet (abri 1). La conception des abris 3, 4 et 7 permettent que plusieurs individus s’y abritent.
La partie de l’enclos comprenant le grand chalet (abri 1) ainsi que les abris 3, 4, 7 et 10 constitue la zone la plus fréquentée de l’enclos. Deux cent quarante-cinq localisations y ont été relevées (soit 75,8% des localisations, N=323). Dans cette zone, l’abri 1 est le plus fréquenté : 148 localisations y sont relevées (soit 45,8% des localisations, N=323). En été, la répartition du groupe est remaniée. Les chats s’éloignent des chalets pour trouver refuge dans les hautes herbes au soleil, se répartissant alors sur la totalité de l’enclos. L’abri 1 reste une zone très fréquentée : 71 localisations relevées (soit 42,2% des localisations, N=168).
Toutefois, le taux de fréquentation de la zone principale (Abris 1, 3, 4, 7 et 10) baisse : 104 localisations y sont relevées (soit 61,9% des localisations, N=168). Cette zone est donc significativement moins fréquentée en été (PE : p=0,0016 ; Fig.6).
Répartition des marquages, flairages de substrat et griffures dans l’enclos
Lors des sessions d’observation d’hiver et d’été, les marquages, flairages et « griffures » sont effectués en majorité dans la zone regroupant les abris 1, 3, 7 et 10 (Fig.10). Cette zone est incluse dans la zone principale citée précédemment (Abris 1, 3, 4, 7 et 10). Lors des deux sessions d’observation (hiver et été), trente et un marquages ont été recensés. La grande majorité sont des marquages urinaires (90%, n=28, N=31). Le reste des marquages correspond à des « griffures ». Ces traces de griffes sont assimilées à des marquages dans la mesure où elles sont précédées de flairage par l’initiateur. Le grand chalet (abri1) et le sas d’entrée de l’enclos (au nord) constituent les deux principaux sites de marquages urinaires (Fig. 10). Treize flairages ont été notés.
Ils sont donc moins nombreux que les marquages et ne leur sont pas systématiquement associés. La plupart des flairages a lieu près des abris 1 et 7 (Fig. 10). Les « griffures » non associées à des flairages sont très fréquentes, elles sont au nombre de 137. 89% (n=122, N=137) d’entre elles ont lieu près des abris 1, 7 et 10 (Fig. 10). Les variables flairage et « griffures » sont indépendantes. La comparaison du nombre et de la répartition des marquages, flairages et « griffures » en fonction de la saison met en évidence une diminution des marquages, flairages et « griffures » lors de la diminution de concentration des chats en été. Nous montrons donc ici qu’une partie du groupe de chats étudié est concentrée autour du grand chalet (abri 1) et des abris 3, 4, 7 et 10.
C’est dans cette zone qu’a lieu la plupart des marquages, flairages et « griffures ». Toutefois, l’ensemble du groupe ne vit pas dans cette zone et la répartition du groupe évolue avec les saisons : le groupe se disperse plus en été. D’autre part, nous allons voir que les interactions au sein du groupe sont peu nombreuses. Nous pourrons alors nous demander si ce faible nombre d’interactions est lié à la dispersion des chats dans l’enclos empêchant les rencontres intraspécifiques ou si les interactions ont une fonction de maintien à distance des chats les uns par rapport aux autres ?
Nature des interactions intraspécifiques
Au cours des 100 heures d’observation, 316 interactions ont été étudiées. La grande majorité de ces interactions concernent les 29 chats individualisés (228 soit 72%). Parmi les 88 (28%) interactions restantes, 77 (87%) étaient entre un chat individualisé et un chat inconnu et 11 (13%) étaient entre deux chats inconnus. Seules les interactions entre chats identifiés ont été analysées. La fréquence horaire d’interactions était d’environ 2 interactions par heure (228 pour 100h). Si tous les chats avaient interagi l’un avec l’autre 1 fois par heure, nous aurions dû observer 812 interactions, soit plus de 350 fois plus. Sur les 29 chats étudiés, 25 ont initié au moins 1 interaction. Tous ont été récepteurs d’au moins une interaction. Les interactions intraspécifiques étaient soit de type amical, « positives », conduisant à un contact, même bref, ou à une proximité entre les chats, soit de type agonistique, « négatives » – agression et/ou évitement. Sur l’ensemble des interactions la moitié concernait des interactions positives (52%; 119/228), l’autre moitié des interactions négatives (48% ; 109/228).
En ce qui concerne les interactions positives, 22 des 29 chats en ont initié au moins une (Tab.3). Deux chats n’ont été récepteurs d’aucune interaction positive. La répartition des interactions n’est pas homogène entre les chats qu’il s’agisse des interactions initiées ou de celles reçues (initiateurs ; ²=78,6, ddl=21, p<0,001; receveurs : ²=102,2, ddl=26, p<0,001). Quatre chats initiaient ou recevaient la majorité des interactions (Tab.3). L’un d’eux était à la fois initiateur et récepteur privilégié (Chat 29; Tab.3).
Valeur signalétique de la position des oreilles
Nous avons distingué trois postures d’oreilles différentes (cf §I.3.2.2.2. – méthodes). Dans quels contextes ont-elles été observées, de la part de quel(s) protagoniste(s), et quelle était la nature de l’issue des interactions dans lesquelles les différents ports d’oreilles ont été observés? Comme précédemment, de façon à ne pas introduire de biais, ces questions seront explorées en fonction d’un seul port de queue déterminé : le port de queue basse.
Parmi les 316 interactions répertoriées, nous ne prenons ici en compte que 192 interactions qui ne comportaient pas de port de queue dressée et pour lesquelles la position des oreilles de l’initiateur et celle du receveur sont connues. 39 Tant pour l’initiateur que pour le receveur, le port des oreilles droites est plus fréquent qu’attendu dans les interactions (Initiateur : ²=141,0 ; ddl=1 ; Receveur : ²=15,0 ; ddl=1). La position des oreilles de l’initiateur et du receveur ne sont pas indépendantes (²=28,70 ; ddl=4 ; p<0,001). Notamment, le fait que les deux protagonistes montrent le même port d’oreilles non droites (OC ou OCar) est plus fréquent qu’attendu (Tab.7 ; Fig.18).
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Table des matières
TABLE DES ILLUSTRATIONS
INTRODUCTION
I.SITE, SUJETS ET METHODES
I.1. Site d’étude
I.2. Sujets
I.3. Méthodes
I.3.1. Méthode d’étude de l’organisation spatiale
I.3.1.1. Prélèvement des données
I.3.1.2. Echantillonnage de la localisation des chats (organisation spatiale du groupe)
I.3.1.3. Utilisation individuelle de l’espace
I.3.1.4. Etude des marquages, flairages et « griffures »
I.3.2. Méthode d’étude des interactions
I.3.2.1. Mode de prise de données
I.3.2.2. Caractérisation des variables
I.3.2.3. Traitement des données
I.3.3. Tests statistiques
II.RESULTATS
II.1. Utilisation de l’espace
II.1.1. Utilisation de l’espace par le groupe
II.1.2. Utilisation de l’espace par les individus
II.1.3. Répartition des marquages, flairages de substrat et griffures dans l’enclos
II.2. Etude des interactions
II.2.1. Etude des interactions intraspécifiques
II.2.1.1. Nature des interactions intraspécifiques
II.2.1.2. Communications visuelle et tactile au cours des interactions intra spécifiques
II.2.2. Etude des interactions interspécifiques chats-humains
II.2.2.1. Influence de la nature du protagoniste sur la position de la queue des chats lors des interactions
II.2.2.2. Position des oreilles du chat lors des interactions interspécifiques chats-humains
II.2.2.3. Association du port de la queue et de la position des oreilles
II.2.2.4. Etude des frottements dans les interactions avec les humains
III. DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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