Déformation d’un corps élastique
Elasticité
La manière dont un objet répond à une contrainte change selon les propriétés mécaniques du matériau considéré et sa géométrie. Les formes rencontrées dans cette thèse présentent la particularité d’avoir une (ou deux) longueur très grande devant les autres. Les ailes de l’insecte mécanique du Chapitre 3 sont des plaques minces dont l’épaisseur est petite par rapport aux deux autres directions ; et le nageur du Chapitre 4 s’apparente lui à une poutre élancée, c’est à dire que les dimensions de sa section transverse sont petites devant sa longueur . Du fait de leurs géométries, ces deux types de structures se déforment préférentiellement en flexion et en torsion : les plaques peuvent plier dans les deux directions x et z , et les poutres quant à elles peuvent fléchir mais aussi se tordre autour de leur ligne neutre (qui est la ligne centrale en pointillés rouges). Toutefois, si l’on ne s’intéresse qu’à la flexion dans une seule direction, comme c’est le cas pour les illustrations de la Figure 2.1, alors les deux systèmes sont équivalents et peuvent être décrits par les mêmes équations (si ce n’est que la masse et la flexibilité seront définies par unité de longueur pour la plaque). C’est ce qu’il se passe en pratique pour les corps élastiques étudiés dans cette thèse : dans le Chapitre 3 la présence d’un bord d’attaque rigide contraint l’aile à ne plier que selon sa corde, et le dispositif expérimental du Chapitre 4 restreint les déformations du nageur à de la simple flexion dans un plan.
Modes en milieu fini
Dans cette section, nous nous plaçons dans un cas de figure où l’équation dynamique (2.22) peut être linéarisée, afin de discuter des particularités liées au fait que les structures flexibles que l’on étudie ont une taille finie. Lorsqu’on considère les vibrations de flexion dans un système borné, les extremités ont une influence directe sur la dynamique des ondes qui s’y développent. A cause des réflexions multiples aux bords du domaine, une perturbation se propageant dans le milieu évolue vers un état d’onde stationnaire. Pour une structure flexible donnée, il existe un nombre infini mais dénombrable d’états stationnaires solutions de son équation dynamique, que l’on appelle modes propres. La forme spatiale de ces modes est sélectionnée par les conditions aux limites imposées. Nous nous intéressons plus particulièrement ici aux modes propres de déformation de la poutre encastrée-libre introduite précédemment ; cas simple qui permet de modéliser le comportement des différents systèmes élastiques rencontrés.
Interactions fluide/structure
Problème couplé fluide/solide
Jusqu’à présent, nous n’avons pas pris en compte la présence de fluide autour de l’objet élastique. L’existence de fluide aux frontières du solide déformable modifie sa dynamique de façon parfois complexe à cause du couplage entre les deux milieux. Le solide se déforme sous l’action des contraintes fluides à l’interface ; en retour, cette déformation affecte le champ de l’écoulement et donc aussi par conséquent, la direction et l’intensité des forces fluides appliquées sur l’objet (de Langre (2002); Païdoussis (1998, 2004); Childress (1981); Doaré (2012)). La dynamique des deux milieux évolue donc conjointement. Cette boucle de rétroaction peut être simplifiée dans certains cas. Par exemple, lorsque la vitesse caractéristique de l’écoulement est grande devant les vitesses de déformation du solide, le solide devient un élément de frontière immobile qui impose des conditions aux limites au fluide. A l’inverse, lorsque la dynamique de l’écoulement est lente devant celle du solide, le fluide peut être considéré au repos ; on néglige alors l’écoulement de base au regard de celui généré par les vibrations du solide. L’importance du couplage va également dépendre du rapport de masse entre le fluide et le solide. Plus la masse de fluide mis en mouvement par l’objet augmente par rapport à celle du solide en question, plus sa dynamique s’en trouve modifiée.
Dans les cas où il n’est pas possible de négliger l’action du solide sur le fluide, ou l’inverse, il faut alors résoudre les jeux d’équations des deux domaines qui sont liés par les conditions à l’interface. Ces conditions sont à la fois de nature cinématique (égalité entre la vitesse du solide et du fluide) et dynamique (équilibre des contraintes à l’interface). Pour les configurations complexes, le problème est souvent traité de façon numérique avec des codes de calculs qui résolvent le fluide et le solide simultanément (e.g. Kolomenskiy et al. (2013)), ou alors de façon partitionnée avec un code qui fait transiter l’information entre les deux (e.g. Kang et al. (2011)). Dans les systèmes abordés ici, il est toutefois possible de modéliser le couplage analytiquement de façon simplifiée. L’approche adoptée consiste à découpler les équations de chaque milieu en trouvant une expression analytique qui décrit l’action du fluide sur le solide. Dans la partie suivante, nous traitons le cas d’une poutre en interaction avec un écoulement parallèle ; cas rencontré au Chapitre 4, dans le cadre de l’étude d’un long nageur cylindrique qui se propulse en propageant une onde de vibration transverse le long de son corps.
Modèle mécanique d’insecte auto-propulsé
Dispositif expérimental
Le dispositif expérimental, qui a été conçu par Thiria & Godoy-Diana (2010), s’inspire de l’expérience du petit manège de Marey (décrite par exemple par Magnan (1934)). Pour étudier le mouvement que les ailes d’insectes exécutent en vol, ce dernier a mis au point le montage suivant : un insecte vivant est relié à un pivot central par une tige de paille, de sorte qu’il se met à entraîner le manège en rotation lorsque qu’il bat des ailes . Une paillette d’or, que l’on éclaire, est fixée sur une de ses ailes, et sa trajectoire est enregistrée grâce à un appareil photo. Cette étude fait partie des premières observations sur le vol des insectes.
De manière similaire à l’idée de Marey, le modèle mécanique d’insecte est ici monté sur un « manège » que l’on laisse libre de tourner. Cette réplique simplifiée est constituée de deux ailes qui sont actionnées grâce à un petit moteur embarqué, par le biais d’engrenages et de bielles . Les ailes sont attachées perpendiculairement à un mât radial de longueur R = 0.5m, lui même relié à un arbre vertical . L’insecte est orienté de façon à ce que la force de propulsion le fasse tourner autour du pivot central, tout en gardant la portance fluctuante produite pas ses ailes dirigée dans la direction du mât radial afin de minimiser les vibrations. Pour réduire au mieux les forces de friction, la jonction entre le pivot central et l’axe radial est assurée par un roulement à bille. Le mât radial a été réalisé en carbone (choisi pour sa résistance et sa légèreté) afin de minimiser sa flèche.
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Table des matières
1 Introduction
2 Interactions entre une structure élastique et le fluide environnant
2.1 Déformation d’un corps élastique
2.1.1 Elasticité
2.1.2 Poutre en flexion
2.1.3 Modes en milieu fini
2.2 Interactions fluide/structure
2.2.1 Problème couplé fluide/solide
2.2.2 Couplage fort : structure élancée en interaction avec un écoulement axial
2.3 Conclusion
3 Vol battu
3.1 Modèle mécanique d’insecte auto-propulsé
3.1.1 Dispositif expérimental
3.1.2 Ailes de l’insecte
3.1.3 Paramètres de contrôle
3.1.4 Grandeurs mesurées
3.2 Résultats expérimentaux
3.2.1 Analyse dimensionelle : inertie, élasticité et forces fluides
3.2.2 Performances du système
3.2.3 Cinématique des ailes
3.2.4 Dynamique de l’amplitude et de la phase
3.3 Modélisation théorique de l’aile flexible
3.3.1 Modèle non-linéaire de poutre forcée
3.3.2 Résolution par échelles multiples
3.3.3 Mesure des coefficients de frottement de l’air ξ et ξnl
3.3.4 Comparaison théorie/expérience
3.4 Discussion
3.4.1 Effets de résonance ?
3.4.2 Rôle de l’amortissement fluide
3.4.3 Optimum des performances
3.5 Conclusion
4 Nage Anguilliforme
4.1 Problématique
4.2 Théorie des corps élancés de Lighthill
4.2.1 Force de propulsion
4.2.2 Point de vue énergétique
4.3 Modèle mécanique de nageur anguilliforme
4.3.1 Nageurs
4.3.2 Dispositif expérimental
4.3.3 Paramètres de contrôle
4.3.4 Grandeurs mesurées
4.4 Résultats expérimentaux : performances et cinématique du nageur
4.5 Réponse d’une poutre immergée à un forcage ponctuel
4.5.1 Modèle fluide/structure
4.5.2 Résolution numérique
4.5.3 Comparaison prédictions théoriques – mesures expérimentales
4.5.4 Rôle prépondérant du frottement fluide quadratique
4.6 Discussion
4.6.1 Prédiction de la vitesse de nage, modèle de Lighthill
4.6.2 Efficacité mécanique
4.7 Modèle de traînée globale
4.8 Propagation d’ondes en milieu élastique fini
4.8.1 Equation dynamique d’une plaque forçée
4.8.2 Expériences de vibration
4.8.3 Influence de la dissipation sur la cinématique de la plaque
4.8.4 Perspectives
4.9 Conclusion
5 Conclusion et perspectives
Bibliographie
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