EOR chimique
De très nombreux travaux [10] et de nombreux pilotes ont étés testés durant les années 1980,pour la plupart aux USA mais aucun de ces projets n’a été un succès économique. La Chine est le seul pays à avoir continué à utiliser l’EOR chimique. Elle a rencontré un certain succès, spécialement par l’utilisation de polymères, depuis une vingtaine d’années. Grâce aux succès remarqués en Chine et à la récente augmentation du prix du brut (Figure 3), l’intérêt pour l’utilisation de ces techniques a été relancé. De nombreux projets ont vu le jour au Canada,USA, Inde, Argentine, Oman et Angola. La plupart des projets d’injection de polymères ont été réalisés dans des réservoirs de grès, les carbonates restant un challenge majeur. L’injection de tensioactif n’a pas encore rencontré de réel succès à l’échelle d’un champ et reste un vrai défi spécialement pour les réservoirs à haute salinité et à haute température [7, 11]. L’utilisation d’alcalins, très peu coûteux, est également envisagée pour l’activation des espèces tensioactives naturelles des bruts acides ou lourds. Les découvertes de nombreuses réserves de pétrole lourd et extra lourd couplées à la diminution des coûts de production des tensioactifs ont relancé l’intérêt pour l’utilisation de ces techniques. Nous allons nous intéresser aux principaux mécanismes mis en jeu lors de l’utilisation de l’EOR chimique pour la récupération du brut piégé dans le réservoir. Ces techniques permettent de modifier la mobilité des phases et les forces capillaires dans le milieu poreux
Alkaline flooding
Plusieurs effets différents (réduction de l’adsorption des tensioactifs ajoutés, changement de la mouillabilité, …) sont recherchés lorsque l’on ajoute des alcalins au réservoir [20, 23, 24]. Cependant, c’est la présence de composés acides dans le brut qui est le facteur le plus important dans le processus de récupération par ajout d’alcalins. Les alcalins ajoutés,typiquement carbonate de sodium ou hydroxyde de sodium, vont réagir avec les acides organiques du brut (composants saponifiables) pour produire des tensioactifs in situ (savons) qui peuvent faire diminuer la tension interfaciale [25, 26]. L’indice d’acidité ou « Acid Number » (AN) d’un brut caractérise la quantité de savons naturels qui peuvent être générés par l’ajout d’alcalins. Les acides carboxyliques sont les constituants les plus représentés dans les différents bruts. La réduction de la tension interfaciale pour le processus Alkaline flooding dépend donc du pH de l’eau et de la concentration en acides organiques dans le brut mais aussi de la salinité.L’addition d’alcalins permet également de diminuer l’adsorption des tensioactifs sur la roche. Cet effet ne sera pas abordé dans ce manuscrit car nous ne intéresserons qu’aux interactions entre brut et alcalins et pas aux interactions avec le milieu poreux
Comportement interfacial des acides du brut
Les acides naphténiques ont une tendance forte à s’accumuler aux interfaces eau/huile. Des paramètres comme la structure moléculaire, le pH et la salinité influent sur leur affinité pour l’interface. Le comportement tensioactif d’un acide dépend de l’espèce chimique qui prédomine. Selon le pH et la salinité du milieu, il peut être sous la forme:
Acide (RCOOH) aux bas pH
Sel hydrophile (RCOO-) aux hauts pH
Sel lipophile (RCOO)nM aux pH et salinité élevées, M désignant le cation du sel associé en fonction d’une affinité spécifique. Pour vérifier le comportement tensioactif des espèces acides du brut, deux méthodes ont été utilisées : l’extraction des acides du brut afin de les dissoudre dans un solvant modèle [26, 43-45] ou bien la dissolution d’un acide gras simple dans un solvant modèle [38, 46]. Rudin et Wasan [46] ont étudié l’évolution de la tension interfaciale en fonction de la concentration en acide dans l’eau pour une huile acide modèle, acide oléique (pKa~4,8) dissout dans le décane, en présence d’alcalins. En l’absence d’alcalins, la tension interfaciale de leur système décroît lorsque la concentration en acide oléique augmente. Sans alcalins, la concentration en ions HO- est celle de l’eau soit environ 10-4 mol/m3 , il y aura donc très peu d’ions oléates formés. Plus la concentration en acide oléique augmente dans l’huile et plus la tension interfaciale diminue, ce qui indique que les acides non ionisés sont également actifs à l’interface. Lorsque les auteurs font varier le pH de leur système par ajout de soude (Figure 10), pour différentes concentrations en acide gras, ils observent que la tension interfaciale diminue de plusieurs ordres de grandeur et qu’elle passe par un minimum de tension interfaciale pour une concentration en soude donnée.
Asphaltènes aux interfaces
Le squelette hydrocarboné des molécules d’asphaltènes étant constitué de carbone et d’hydrogène, il est par conséquent de nature apolaire. Alors que les hétéros éléments contenus dans les asphaltènes sont de nature polaire. Du fait de cette dualité, les asphaltènes ne peuvent satisfaire leur double affinité dans l’huile ce qui les rend susceptibles de s’adsorber aux interfaces eau-huile de façon à ce que leurs groupes polaires soient en contact avec les molécules d’eau et que leur partie apolaire se trouve dans l’huile, entrainant ainsi une diminution de la tension interfaciale quand leur concentration croit à l’interface. Cette migration à l’interface est appelée adsorption. Malgré un comportement analogue aux tensioactifs, la structure complexe des asphaltènes fait que leur mécanisme d’adsorption est différent, souvent irréversible. Leur cinétique d’adsorption est aussi beaucoup plus lente que les tensioactifs usuels à cause de leur poids moléculaire élevé qui réduit leur coefficient de diffusion [51]. D’autres [50, 70] l’attribuent à une réorganisation des asphaltènes adsorbés à l’interface, car la cinétique est trop lente pour être seulement due au temps de diffusion des espèces du volume vers l’interface. Rane et al.[71] pensent que seuls certains asphaltènes (monomères) sont tensioactifs, du coup la cinétique observée pourrait être liée à de la diffusion. Acevedo et al. [49] ont observé une adsorption du type échelon pour des asphaltènes (extraits à l’heptane) à l’interface eau-toluène. Ils expliquent ce comportement par l’adsorption des asphaltènes sous différents états d’association (molécules ou agrégats) suivant la concentration. Des travaux similaires sur des interfaces eau-silice suggèrent qu’après la saturation de l’interface, des agrégats continuent à s’adsorber et forment des multicouches. Poteau et al. [72] ont montré que le pH à une forte influence sur les propriétés interfaciales des asphaltènes. A l’interface eau/toluène, pour des pH faibles et élevés, les groupes fonctionnels portés par les asphaltènes deviennent chargés, augmentant alors leur caractère hydrophile et augmentant leur activité interfaciale. Les asphaltènes s’accumulent plus facilement à l’interface quand ils sont chargés, cet effet se renforce pour des pH élevés car les asphaltènes possèdent plus de fonctions acides que basiques.
Propriétés acido-basiques des asphaltènes
Comme nous l’avons abordé précédemment, les asphaltènes sont des molécules amphotères qui portent des fonctionnalités acides et basiques. Dutta et Holland [73] ont identifié les acides et les bases présents dans les asphaltènes en utilisant différentes méthodes de titrations potentiométriques en milieu non aqueux. Ils ont comparé les courbes de titrage des asphaltènes à celles de systèmes modèles dans des solvants identiques pour relier les pKa obtenus à des structures moléculaires. Ils ont identifié plusieurs classes d’acides et de bases : Les fonctions acides des asphaltènes sont classées en trois types :
-les acides carboxyliques (pKa<4) ;
les acides phénoliques (4<pKa<9) ;
-les acides indoliques (9<pKa<12).
Les fonctions basiques des asphaltènes sont portées par :
Les pyridines (pKa>2) ;
Les pyrazines ou les sulfoxydes (0<pKa<2) ;
Les amides (pKa<0).
Ils ont également mesuré que les quantités d’acides forts (pKa<4) et de bases fortes (pKa>2) sont faibles dans les asphaltènes, ils ne constituent que 10-20 % des fonctionnalités acides et basiques présentes dans les asphaltènes.Des études comparatives de l’évolution de potentiel zêta en fonction du pH pour le brut [74, 75] ont permis de compléter les résultats de Dutta et Holland en identifiant une représentation modèle du brut par un pKa de 4,4 et un pKb de 1 pour les fonctions acides et basiques du brut. Les mesures de potentiel zêta pour des asphaltènes dissouts dans un solvant [52, 76] ont montré un comportement analogue à celui du brut en fonction du pH [77, 78]. Des questions persistent sur la présence des bases du brut dans les fractions maltènes et les asphaltènes. Simon et al. [79] ont étudié le TBN (Total Base Number qui caractérise la basicité d’une huile, ce terme sera détaillé ultérieurement dans la partie Matériel et méthodes) de ces deux fractions et ont également comparé les compositions élémentaires des asphaltènes précipités à l’hexane (C6 asphaltènes) avec la fraction basique du brut. Ils ont mesuré que les bases du brut sont principalement une sous fraction des maltènes, principalement dans les résines. Dans leur cas spécifique, 85% des bases se situent dans la fraction maltène ce qui signifie qu’une partie des asphaltènes basiques ont été extrait dans les maltènes. Selon Barth et al. [80] l’interprétation la plus plausible concernant le lien entre le TBN et la teneur en asphaltènes est que les bases stabilisent la dissolution ou la dispersion des asphaltènes dans le brut. Les propriétés physiques et chimiques des asphaltènes sont liées aux groupes fonctionnels qui les composent. La présence de groupes fonctionnels carboxyliques dans les fractions asphaltènes [73] favorise des interactions avec d’autres composés basiques du brut présents dans les résines ce qui peut expliquer la présence d’asphaltènes dans les maltènes.
L’acidité et la basicité du brut
L’acidité du brut a été mesurée par la méthode de Fan et Buckley [47]. Le solvant de titration contient 50% de toluène (VWR BDH Prolabo), 49,4% d’isopropanol (Merck, 99,8%) et 0,06% d’eau distillée. L’échantillon de brut à mesurer est mélangé à 50 mL de ce solvant. 1mL d’une solution contenant 0,02 mol/L d’acide stéarique (Merck, >98%) dissout dans le solvant précédent est ajouté à chaque mesure de TAN. L’addition d’acide acétique a pour but d’augmenter les points d’inflexion lors du titrage afin d’avoir une meilleure précision sur les volumes équivalents mesurés. Les échantillons de brut sont titrés par une solution diluée de 0,05 mol/L de KOH dans l’isopropanol (Merck). Le titrage est contrôlé par un titreur automatique (T70 Mettler Toledo) relié à une électrode DGI116-solvant avec 1mol/L EtOH comme électrolyte (Mettler Toledo).
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Table des matières
Principales Notations Employées
Introduction
1 Étude bibliographique
1.1 Récupération Assistée du Pétrole (EOR)
1.2 EOR chimique
1.2.1 Contrôle de la mobilité
1.2.2 Réduction des forces capillaires
1.3 Alkaline flooding et Alkaline-Surfactant flooding
1.3.1 Alkaline flooding
1.3.1.1 Influence des alcalins
1.3.1.2 Influence de l’acidité du brut
1.3.1.3 Influence des autres tensioactifs naturels du brut
1.3.2 Alkaline-Surfactant flooding
1.3.2.1 Surfactant flooding
1.3.2.2 Interactions entre tensioactifs synthétiques et tensioactifs in situ
1.4 Objectifs des travaux de la thèse
2 Matériel et méthodes
2.1 Composition du brut étudié
2.1.1 Les asphaltènes du brut
2.1.2 L’acidité et la basicité du brut
2.2 Étude des tensions interfaciales
2.2.1 Tensioactifs synthétiques
2.2.2 Appareils de mesures
2.2.2.1 Méthode de la goutte montante
2.2.2.2 Méthode de la goutte tournante
2.3 Étude des transferts eau/huile
3 Étude du comportement interfacial entre le brut et l’eau
3.1 Évolution de la tension interfaciale en fonction de la composition de l’eau
3.1.1 Mesures à l’équilibre des tensions interfaciales eau/brut en fonction de différents paramètres (pH, type et concentration en tensioactifs)
3.1.1.1 Effet du pH
3.1.1.2 Effet combiné du pH et des tensioactifs synthétiques
3.1.1.3 Effet de la salinité
3.1.2 Effets transitoires sur la tension interfaciale eau/brut
3.1.2.1 Sans tensioactif synthétique
3.1.2.2 Avec tensioactif
3.1.3 Mesure de la tension interfaciale sur des temps longs
3.2 Évolution de la tension interfaciale en fonction de la composition de la phase huile
4 Étude des transferts de masse entre le brut et l’eau
4.1 Évolution du pH du système avec le temps
4.2 Évolution du pHf du brut dilué
4.3 Modélisation du transfert de masse entre l’huile réactive et l’eau
4.3.1 Équations et données du modèle
4.3.1.1 Théories
4.3.1.2 Confrontation du modèle avec les résultats expérimentaux
4.3.2 Étude de Sensibilité du modèle
4.3.2.1 Cas d’un acide seul dans l’huile
4.3.2.2 Cas d’une base seule dans l’huile
4.3.2.3 Cas d’un mélange d’un acide et d’une base dans l’huile
4.4 Comparaison du modèle avec les résultats expérimentaux
4.4.1 Cas d’un mélange d’acides : Acides naphténiques
4.4.2 Cas du brut
4.4.3 Effet de l’ajout de tensioactif
4.4.3.1 Cas du brut
4.4.3.2 Cas des acides et bases modèles dissouts dans le xylène
4.4.3.3 Modélisation du brut par un mélange d’acides et de bases grasses
4.4.4 Importances des asphaltènes pour les transferts de masse
4.4.4.1 Représentation par les asphaltènes au pentane (C5 asphaltènes)
4.4.4.2 Représentation par les asphaltènes à l’heptane (C7 asphaltènes)
5 Comparaison des phénomènes interfaciaux et des transferts de masse
5.1 Cas du brut lourd
5.2 Cas des asphaltènes
Conclusion
Annexe
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