Problème thermique et hydratation du béton
La réaction d’hydratation du ciment est la combinaison de plusieurs réactions chimiques exothermiques. De plus, ces réactions sont thermo-activées. Dans une structure massive au jeune âge, la géométrie, les propriétés thermiques du matériau, les conditions aux limites du problème et l’avancement de l’hydratation du ciment conduisent alors à une augmentation de la température au cœur du béton. Cette hausse de la température dans le béton a des conséquences mécaniques sur le comportement de la structure. Même limitée au ciment Portland, l’hydratation des ciments est complexe. En effet, le ciment Portland est composé de nombreux constituants qui réagissent lorsqu’ils sont mis en présence d’eau. Mais chacune de ces phases a sa cinétique propre. De plus, l’hydratation du mélange de ces différentes phases ne peut pas être décrite comme la superposition des différentes réactions chimiques. Dès lors, l’étude précise de la cinétique de l’hydratation d’un ciment est délicate. Le présent travail n’aborde pas cette question de l’hydratation avec ce type d’approche. Le ciment est considéré globalement comme un matériau anhydre qui réagit avec l’eau ; dans cette démarche, la réaction d’hydratation s’écrit sous la forme suivante :
ciment anhydre + nH =⇒ hydrates + Q (1.1)
où Q est la quantité de chaleur globale dégagée par la réaction d’hydratation.
Transferts thermiques
La chaleur peut être échangée de trois façons différentes :
— par changement d’état.
— par conduction : ce transfert d’énergie se fait sans déplacement de matière à l’échelle macroscopique, c’est un phénomène de type diffusif. Les échanges de chaleur à travers le béton s’établissent selon ce mécanisme.
— par convection et par rayonnement : les échanges de chaleur entre le béton et son environnement s’expliquent par ces deux modes de transfert. Les conditions aux limites du problème thermique sont par conséquent liées à la modélisation de ces deux phénomènes.
La nature poreuse du béton induit également un transfert thermique à travers le déplacement de l’eau dans le béton, ce phénomène est connu sous le nom d’effet Dufour. Au jeune âge, les températures maximales atteintes sont suffisamment faibles pour négliger cet effet [Bazant et Thonguthai, 1978].
Propriétés thermiques du béton
Les caractéristiques thermiques d’un béton sont dépendantes de la nature de ses constituants ainsi que de sa formulation. Néanmoins, théoriquement une simple loi des mélanges sera fausse. En effet, avec le développement de la réaction d’hydratation, de nouveaux produits apparaissent et une partie de l’eau libre initiale change d’état thermodynamique. De plus, les propriétés thermiques des constituants du béton évoluent avec la température. Par conséquent, au jeune âge, les paramètres de l’équation de la chaleur sont liés à la composition du béton, au degré d’hydratation et à la température.
Conditions aux limites du problème thermique
Diverses études ont été menées afin de modéliser les conditions aux limites du problème thermique. Les transferts de chaleur entre le béton et son environnement sont souvent pris en compte par des lois facilement implantables dans un code aux éléments finis. L’estimation des paramètres de ces modèles est beaucoup moins aisée et dépend de nombreux facteurs liés au milieu extérieur et à la géométrie de la structure. Deux principaux types d’échanges sont envisageables : les échanges par convection et les échanges par rayonnement.
Conditions aux limites de type convectif
La convection est dite naturelle lorsque le transfert thermique est la conséquence d’une différence de température entre l’air et la couche d’air limite autour du béton. La masse volumique de l’air présente alors un gradient et une circulation de l’air se met en place. La convection est dite forcée, lorsque les mouvements de l’air ont une cause externe (le vent par exemple). Le flux de chaleur à travers la surface d’échange ϕconv s’écrit sous la forme suivante :
ϕconv = hconv(Ts −Text) (1.16)
où hconv est le coefficient d’échange par convection, Ts la température à la surface du béton et Text la température ambiante. La valeur du coefficient d’échange n’est calculable que pour des géométries assez simples et des conditions environnementales contrôlées. Dans le cas de conditions ambiantes quelconques, plusieurs relations empiriques existent dans la littérature, toutes prennent en compte la vitesse du vent, Vwind (exprimée en m.s−1 ). Plusieurs relations proposées dans la littérature sont décrites par Azhena [Azenha, 2009] : en l’absence de vent , la plupart de ces formules prédisent une valeur du coefficient de convection proche de 5 W.m2 .K−1 . De même, selon les règles Th-U [TH-U, 2012], la relation suivante est proposée :
hconv = 4+4.Vwind (1.17)
Briffaut et al. [Briffaut et al., 2012a] proposent un calcul de ce coefficient à partir d’une analyse adimensionnelle (théorème de Vaschy-Buckingham). Cependant cette méthode implique de faire des hypothèses sur les principales grandeurs intervenants dans le phénomène de convection. Lee et al. [Lee et al., 2009] mesurent un coefficient de convection sur un béton en cours d’hydratation, sa valeur est comprise entre 10 et 25 W.m2 .K−1 (0 < Vwind < 4m.s−1 ).
Conditions aux limites de type rayonnement
Les transferts thermiques s’effectuent également par rayonnement. Tout corps émet un rayonnement électro-magnétique si sa température est supérieure à 0 K. Chaque corps interagit différemment à ce phénomène, le rayonnement peut être réfléchi, absorbé puis réémis par rayonnement ou transmis.
Identification des paramètres du modèle thermo-chimique par calorimétrie semi-adiabatique
La loi d’Arrhenius qui lie la cinétique de la réaction d’hydratation à la température implique l’identification de deux paramètres : l’énergie d’activation de la réaction d’hydratation, E hyd a , et l’affinité chimique qui dépend du degré d’hydratation, A(ξ). De plus, le calcul de la chaleur dégagée par la réaction d’hydratation nécessite de connaître la chaleur latente d’hydratation Lhyd. Un calorimètre semi-adiabatique développé au laboratoire ([Chen et al., 2011]) permet de caractériser l’hydratation du béton. Il est constitué d’une enveloppe en polystyrène (matériau de faible conductivité) limitant les échanges thermiques par les faces latérales, inférieure et supérieure. L’éprouvette en béton est un cylindre de diamètre 15 cm et de 30 cm de hauteur. Elle est coulée dans un moule en carton puis placée dans le calorimètre. L’évolution de la température est suivie à l’aide d’un thermocouple placé au cœur de l’éprouvette. L’ensemble du dispositif est placé dans une salle où la température subit peu de variations.
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Table des matières
Introduction
I Interactions entre le béton et son environnement
1 Problème thermique et hydratation du béton
1.1 L’hydratation du béton : une source de chaleur au jeune âge
1.1.1 Avancement de la réaction d’hydratation et degré d’hydratation final
1.1.2 Exothermie et thermo-activation de la réaction d’hydratation
1.2 Transferts thermiques
1.2.1 Propriétés thermiques du béton
1.2.1.1 Conductivité thermique
1.2.1.2 Capacité thermique massique
1.2.1.3 Conclusions
1.2.2 Conditions aux limites du problème thermique
1.2.2.1 Conditions aux limites de type convectif
1.2.2.2 Conditions aux limites de type rayonnement
1.2.2.3 Influence des aciers en attente sur les conditions aux limites
1.2.2.4 Conclusions
1.3 Identification des paramètres du modèle thermo-chimique par calorimétrie semiadiabatique
1.3.1 Détermination des paramètres du modèle thermo-chimique
1.3.2 Étalonnage du dispositif
1.3.3 Résultats
1.4 Simulation thermo-chimique d’une structure massive au jeune âge
1.5 Conclusion
2 Dessiccation du béton
2.1 Grandeurs et facteurs d’intêret du réseau poreux dans la dessiccation du béton
2.1.1 Porosité du béton
2.1.1.1 Distribution des tailles de pores
2.1.1.2 Porosité volumique totale
2.1.1.3 Autres paramètres
2.1.2 Teneur en eau du béton et grandeurs associées
2.1.2.1 La teneur en eau volumique ou massique et le degré de saturation
2.1.2.2 L’humidité relative interne
2.1.2.3 Conclusions
2.2 Mécanismes de transfert dans les milieux poreux
2.2.1 La diffusion
2.2.2 La perméabilité
2.2.3 Mécanismes de transferts dans un milieu poreux non saturé
2.2.3.1 Perméabilité et diffusion dans un milieu poreux non saturé
2.2.3.2 Isothermes d’adsorption/désorption
2.2.3.3 Conclusions
2.3 Modélisation des transferts hydriques dans le béton
2.3.1 Modélisation des transferts hydriques en milieu poreux
2.3.1.1 Conservation de la masse
2.3.1.2 Perméabilité et diffusivité effective
2.3.1.3 Mouvement Darcéen de l’eau liquide vs diffusion de la vapeur
2.3.1.4 Validation de la modélisation
2.3.1.5 Conclusion
2.4 Comparaison des cinétiques de séchage d’éprouvettes de morphologies différentes
2.4.1 Influence de la taille et de la morphologie des éprouvettes sur la dessiccation du béton
2.4.1.1 Comparaison des cinétiques de séchage d’éprouvettes cylindrique et prismatique
2.4.1.2 Comparaison des cinétiques de séchage unidirectionnel et bidirectionnel
2.4.2 Étude expérimentale
2.4.2.1 Comparaison des cinétiques de séchage d’éprouvettes cylindrique et prismatique
2.4.2.2 Comparaison des cinétiques de séchage d’éprouvettes avec des surfaces d’échanges différentes
2.4.2.3 Conclusion
2.5 Conclusion
II Comportement mécanique différé du béton
3 Déformation thermique et retrait endogène
3.1 Déformations thermiques
3.1.1 Coefficient de dilatation thermique au jeune âge
3.2 Déformation de retrait endogène
3.2.1 Mécanismes
3.2.2 Mesure du retrait endogène et du retrait d’auto-dessiccation du béton B11
3.2.2.1 Mesure du retrait endogène
3.2.2.2 Gonflement au très jeune âge
3.2.2.3 Mesure du retrait d’auto-dessiccation
3.3 Conclusion
4 Fluage propre du béton sous sollicitation uniaxiale
4.1 Introduction
4.1.1 Influence de la composition du béton sur la déformation de fluage propre
4.1.1.1 Rapport granulat/ciment
4.1.1.2 Rapport eau/ciment
4.1.1.3 Type de granulats et présence de fibres
4.1.2 Micro-mécanismes à l’origine de fluage
4.2 Modélisation du fluage propre
4.2.1 Cinétique de fluage propre à long terme
4.2.2 Influence de l’âge de chargement sur la complaisance de fluage propre pour un béton mature
4.2.3 Cinétique de fluage propre durant l’hydratation du béton
4.2.3.1 Influence du degré d’hydratation sur la cinétique de fluage propre
4.2.3.2 Modélisation de la complaisance de fluage au jeune âge
4.2.4 Influence de la température sur la déformation de fluage propre
4.2.4.1 Fluage propre sous température constante d’un béton mature
4.2.5 Influence du degré de saturation sur la déformation de fluage propre
4.2.5.1 Modélisation de l’influence du degré de saturation sur la complaisance de fluage propre
4.2.6 Influence du chargement mécanique sur la déformation de fluage propre
4.2.6.1 Limites de la relation de linéarité entre le fluage propre et la contrainte
4.2.6.2 Couplages entre la déformation de fluage propre et l’endommagement
4.2.6.3 Modélisation du couplage fluage propre/endommagement
4.2.6.4 Rupture d’une éprouvette de béton sous chargement maintenu
4.2.6.5 Type de sollicitation : traction ou compression
4.2.7 Schéma numérique
4.3 Essais de fluage propre
Conclusion