INTERACTIONS ENTRE ENERGIE NUCLEAIRE ET ENERGIES RENOUVELABLES VARIABLES

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Flexibilitรฉ des rรฉacteurs nuclรฉaires : limites

ยซ Un centre nuclรฉaire de production dโ€™รฉlectricitรฉ est une installation nuclรฉaire de base source de rayonnement ionisants et dโ€™effluents radioactifs ยป (Kerkar and Paulin, 2008). La conduite dโ€™un rรฉacteur nuclรฉaire impose le respect strict des rรจgles de sรปretรฉ tout en conservant une disponibilitรฉ maximale pour satisfaire le besoin client. Les rรจgles de sรปretรฉ, propres aux propriรฉtรฉs physiques intrinsรจques ร  un rรฉacteur, ainsi que les rรจgles dโ€™autorisation de rejets radioactifs, limitent la manoeuvrabilitรฉ des rรฉacteurs nuclรฉaires. Ainsi, les designs sont conรงus pour un nombre de variations de puissance maximal admissible pendant la vie du rรฉacteur, une rampe de puissance maximale, une puissance minimale de fonctionnement (Pmin, rรฉacteur), une durรฉe minimale et maximale de fonctionnement ร  puissance intermรฉdiaire, un nombre dโ€™arrรชts et de dรฉmarrages dรฉfinis, associรฉs ร  des durรฉes spรฉcifiรฉes. Dans cette partie, les limites de fonctionnement en suivi de charge des rรฉacteurs nuclรฉaires sont expliquรฉes et les valeurs limites sont exposรฉes lorsquโ€™elles sont disponibles dans la littรฉrature ouverte.
Pour protรฉger les personnes et lโ€™environnement des rayonnements, trois barriรจres sont interposรฉes
entre le combustible et ces derniers : la gaine du combustible, le circuit primaire et lโ€™enceinte de confinement du bรขtiment rรฉacteur. Les Spรฉcifications Techniques dโ€™Exploitation (STE) dรฉfinissent le
ยซ domaine de fonctionnement autorisรฉ ยป qui รฉtablit des critรจres limites dโ€™exploitation en conditions normales pour assurer lโ€™intรฉgritรฉ des trois barriรจres en cas dโ€™accident. Ces critรจres sont par exemple la limitation de la tempรฉrature du combustible et de la gaine, ou la protection contre le phรฉnomรจne dโ€™interaction entre la pastille dโ€™uranium et la gaine (IPG). Lโ€™IPG joue un rรดle majeur dans la limitation de la manoeuvrabilitรฉ des REP (Bruynooghe et al., 2010), (Kerkar and Paulin, 2008). Ce phรฉnomรจne limite la durรฉe des paliers bas et le nombre de transitoires rรฉalisables. Pouvant aller jusquโ€™ร  percer la premiรจre barriรจre de confinement, il sโ€™agit dโ€™une corrosion sous contrainte de la gaine due dโ€™une part au comportement thermomรฉcanique du crayon combustible22 (gonflement, fractionnement de la pastille, โ€ฆ) et dโ€™autre part ร  la prรฉsence de produits de fission corrosifs. Dans les meilleures conditions dโ€™exploitation, le flux de puissance doit รชtre le plus homogรจne possible dans le coeur pour รฉviter la prรฉsence de points chauds. Lโ€™ensemble de ces contraintes donnent lieu ร  des rรจgles dโ€™exploitation prรฉcises (Kerkar and Paulin, 2008).
Les moyens de contrรดle de la puissance du coeur sont mobilisรฉs pour suivre un ยซ programme de tempรฉrature en fonction de la puissance ยป demandรฉe ร  la turbine, tout en rรฉgulant la rรฉactivitรฉ23 et la distribution spatiale de puissance dans le coeur (Kerkar and Paulin, 2008). Le principe repose sur lโ€™introduction plus ou moins importante dโ€™absorbants de neutrons dans le coeur, ร  la source des rรฉactions de fission. Deux moyens de contrรดle sont utilisรฉs dans les REP : les grappes de contrรดle, composรฉes dโ€™absorbants de neutrons, plus ou moins insรฉrรฉes dans le coeur pour faire varier sa rรฉactivitรฉ ; lโ€™acide borique (bore soluble), absorbant dissous en plus ou moins grande concentration dans le modรฉrateur (eau) du circuit primaire (lโ€™eau ralentit les neutrons pour quโ€™ils aient une plus grande probabilitรฉ de dโ€™engendrer des fissions). Les grappes de contrรดle sont utilisรฉes pour des variations rapides de la rรฉactivitรฉ tandis que le bore compense les effets lents de variation de la rรฉactivitรฉ (รฉpuisement du combustible avec lโ€™avancement dans la campagne par exemple). Son utilisation implique le rejet dโ€™effluents dans lโ€™environnement. Comme la tendance est ร  la minimisation de ces rejets, lโ€™utilisation des grappes de contrรดle est privilรฉgiรฉe dans la mesure du possible. Le fonctionnement au bore limite le nombre de transitoires admissibles (fonction de la quantitรฉ de bore) et les rampes de puissance possible (vitesse de dilution et de borication) (Kerkar and Paulin, 2008).
Dans un coeur de rรฉacteur, une variation de rรฉactivitรฉ conduit ร  des phรฉnomรจnes physiques qui amplifient ou diminuent cette variation initiale de rรฉactivitรฉ. Le coeur des REP est naturellement stable puisquโ€™une รฉlรฉvation soudaine de rรฉactivitรฉ conduit ร  des contre-rรฉactions nรฉgatives qui diminuent instantanรฉment la rรฉactivitรฉ du coeur. Deux contre-rรฉactions principales existent. Lorsque la puissance du coeur augmente, la tempรฉrature du modรฉrateur (eau) augmente ce qui diminue sa densitรฉ. Lโ€™eau moins dense assure un moins bon ralentissement des neutrons issus de la fission et diminue ainsi leur chance dโ€™engendrer de nouvelles fissions. De mรชme, lorsque la tempรฉrature du coeur augmente, le noyau fertile24 dโ€™uranium 238 aura plus de chances de capturer des neutrons. Ces deux effets stabilisants, sโ€™opposent naturellement rapidement ร  une variation de la rรฉactivitรฉ du coeur.
A une รฉchelle de temps plus longue (de quelques heures), dโ€™autres effets liรฉs ร  lโ€™empoisonnement du coeur par les produits de fission jouent un rรดle important dans le contrรดle de la puissance du rรฉacteur.
Le xรฉnon 135 est le produit de fission qui est le plus fort absorbant de neutrons thermiques (ou neutrons lents). Toute variation de puissance est amplifiรฉe par lโ€™effet xรฉnon. Cโ€™est un effet instable dont la constante de temps est de quelques heures, ce qui permet ร  lโ€™opรฉrateur dโ€™intervenir. Ce phรฉnomรจne est compensรฉ par une borication ou une dilution de lโ€™eau primaire. Pour plus de dรฉtails sur la physique des rรฉacteurs nuclรฉaires, on pourra se rรฉfรฉrer ร  lโ€™Annexe 3.
Cโ€™est lโ€™effet xรฉnon qui impose un dรฉlai dโ€™une journรฉe environ pour redรฉmarrer le rรฉacteur de lโ€™รฉtat ร  froid ร  la pleine puissance (Kerkar and Paulin, 2008). On peut distinguer deux types dโ€™arrรชts dโ€™un rรฉacteur. Lโ€™arrรชt ร  froid est un รฉtat du rรฉacteur nuclรฉaire ยซ dans lequel lโ€™รฉtat du fluide de refroidissement se rapproche de celui qui correspond aux conditions ambiantes de pression et de tempรฉrature ยป (ASN, 2016). Lโ€™arrรชt ร  chaud est un รฉtat de rรฉacteur nuclรฉaire ยซ dans lequel la pression et la tempรฉrature du fluide de refroidissement sont maintenues ร  des valeurs proches de celles du fonctionnement en puissance ยป (ASN, 2016). Lโ€™arrรชt ร  chaud impose une durรฉe de redรฉmarrage moins grande que lโ€™arrรชt ร  froid (quelques heures contre au moins une journรฉe). Lโ€™usure du combustible avec lโ€™avancement dans le campagne joue รฉgalement sur la capacitรฉ du rรฉacteur ร  manoeuvrer25. En effet, la moins grande rรฉactivitรฉ du combustible est compensรฉe par une diminution de la concentration en bore jusquโ€™ร  son retrait complet en fin de campagne. Le manque de bore en fin de campagne empรชche la compensation des effets physiques comme lโ€™effet xรฉnon. Le rรฉacteur ne peut plus participer au suivi de charge aprรจs 90% de la campagne. Il peut simplement participer au rรฉglage de frรฉquence (EDF, 2013), (Keppler and Cometto, 2012). Lโ€™ensemble de ces phรฉnomรจnes physiques a orientรฉ lโ€™รฉvolution des modes de pilotage des REP vers plus de flexibilitรฉ. Les premiers rรฉacteurs construits en France, de type CP0, รฉtaient pilotรฉs grรขce au mode A. Ce mode de pilotage permet des variations lentes de puissances. Les grappes et le bore permettent les variations journaliรจres. Le bore est aussi utilisรฉ pour compenser lโ€™รฉpuisement du combustible et lโ€™effet xรฉnon dรฉcrits plus haut. La dilution et la borication du modรฉrateur est de plus en plus lente avec lโ€™avancement dans la campagne (plus faible concentration en bore) et est limitรฉe par le volume du systรจme de contrรดle volumรฉtrique et chimique du circuit primaire (gestion du volume de bore). Lโ€™accroissement du parc nuclรฉaire a incitรฉ le constructeur de REP, Framatome ร  lโ€™รฉpoque, ร  dรฉvelopper un nouveau mode de pilotage plus flexible. Le mode G, mis en oeuvre dรจs 1985, permet dโ€™effectuer des variations rapides de charge grรขce ร  lโ€™utilisation concordante de grappes plus ou moinsย  absorbantes dites noires et grises pour faire varier la puissance du coeur. Ce mode de pilotage a aussi lโ€™avantage de rรฉduire grandement le rejet dโ€™effluents. Aujourdโ€™hui, les unitรฉs de types CPY et P4 fonctionnent toutes avec le mode G, soient 48 des 58 rรฉacteurs franรงais en exploitation. Les rรฉacteurs de type CP0 et N4 fonctionnent avec le mode A. Au dรฉpart, les paliers N4 avaient รฉtรฉ conรงus pour fonctionner avec le mode X plus avancรฉ mais ce dernier a รฉtรฉ abandonnรฉ car il pouvait poser des problรจmes de sรปretรฉ dans des configurations particuliรจres (Kerkar and Paulin, 2008). Lโ€™EPRTM aura des capacitรฉs de manoeuvrabilitรฉ encore plus รฉlevรฉes grรขce ร  un nouveau mode de pilotage, le mode T.
Complรจtement automatique, il permet une rรฉduction accrue de rejet dโ€™effluents (Choho, 2013). Le Tableau IIโ€”1 prรฉsente les limites thรฉoriques de manoeuvrabilitรฉ associรฉes aux diffรฉrents paliers du
parc nuclรฉaire. Ce qui y est prรฉsentรฉ est thรฉorique en fonctionnement classique. Dans la rรฉalitรฉ, les
rampes maximales admissibles sont de 5%Pn, rรฉacteur/min (dimensionnement du retour instantanรฉ en puissance) pour lโ€™ensemble des rรฉacteurs, mรชme les CP0 et N4.
Au niveau europรฉen, les opรฉrateurs nuclรฉaires collaborent depuis 1990 pour รฉtablir les spรฉcifications minimum ร  respecter pour les nouveaux designs de rรฉacteurs en termes de sรปretรฉ, de performances et de capacitรฉ de flexibilitรฉ ร  travers la publication du document ยซ European Utility Requirements ยป, actualisรฉ rรฉguliรจrement, la derniรจre rรฉvision datant de 2012. Il pointe, en particulier, la nรฉcessitรฉ de continuer ร  amรฉliorer les potentiels de flexibilitรฉ des centrales nuclรฉaires. Les exigences minimales prescrites sont de deux suivis de charge par jour, cinq par semaine et 200 par campagne (European Utility Requirements, 2012). Cependant, Lebreton (2012) indique des valeurs hautes ร  ne pas dรฉpasser pendant la durรฉe de vie du rรฉacteur : le nombre de suivis de charge maximal est dโ€™environ 20 000 pour les REP (40 ans) et 36 000 pour lโ€™EPRTM (60 ans).
A lโ€™รฉchelle du parc de rรฉacteurs nuclรฉaires, la limitation des variations de puissance totale est intimement liรฉe ร  la dynamique du parc en fonctionnement et ร  ses contraintes organisationnelles, รฉconomiques et administratives. Les critรจres principaux qui rรฉgissent le choix de la participation des rรฉacteurs au suivi de charge sont :
– leur disponibilitรฉ ร  manoeuvrer : par exemple, en dehors des phases de maintenance et dโ€™essais pรฉriodiques (EDF, 2013) ;
– lโ€™avancement du rรฉacteur dans la campagne : la Pmin, rรฉacteur dโ€™un rรฉacteur varie au cours de la campagne. Aprรจs 60-65% de la campagne, le niveau de bore de plus en plus bas entraรฎne lโ€™augmentation de la Pmin,rรฉacteur jusquโ€™ร  atteindre 90% Pn,rรฉacteur ร  90% de la campagne (augmentation linรฉaire) (EDF, 2013). Le suivi de charge peut commencer aprรจs 2 semaines de fonctionnement (Lokhov, 2011) ;
– le placement des arrรชts : si par exemple, un rรฉacteur est appelรฉ ร  dรฉcaler son arrรชt pour rechargement, il sera appelรฉ en prioritรฉ pour rรฉaliser du suivi de charge de faรงon ร  prรฉserver le plus possible son combustible. La baisse de puissance permet au rรฉacteur de gagner en rรฉactivitรฉ grรขce aux effets des contre-rรฉactions (baisse de tempรฉrature du modรฉrateur et du combustible).
En moyenne, les campagnes sont prolongรฉes de 30 ร  35 Jours Equivalents Pleine Puissance26 (JEPP) (opรฉrations dites de ยซ stretch out ยป) (Kerkar and Paulin, 2008) ;
– la minimisation du relรขchement dโ€™effluents sur lโ€™ensemble du parc : au dรฉbut de la campagne, une dilution de la concentration en bore engendre moins de volumes dโ€™effluents quโ€™ร  la fin de la campagne (EDF, 2016).
Un plan dโ€™action est lancรฉ par EDF pour augmenter le nombre de rรฉacteurs aptes ร  manoeuvrer rรฉguliรจrement. Les amรฉliorations ร  venir sont plutรดt de nature organisationnelle : gestion amรฉliorรฉe de la maintenance, diminution du nombre dโ€™essais pรฉriodiques, meilleure formation des opรฉrateurs par exemple (EDF, 2013).
Les diffรฉrentes contraintes lors du fonctionnement en suivi de charge sont rรฉcapitulรฉes en Figure IIโ€” 4. Des valeurs numรฉriques sont exposรฉes lorsquโ€™elles sont disponibles dans la littรฉrature.
Deux critรจres permettant dโ€™รฉvaluer la capacitรฉ des centrales programmables ร  rรฉaliser du suivi de charge sont exposรฉs au Tableau IIโ€”2 pour diffรฉrents types de centrales : la durรฉe de dรฉmarrage et la rampe de puissance maximale. Les donnรฉes de Bruynooghe et al. (2010) ont รฉtรฉ complรฉtรฉes par celles de Savolainen et al. (2015). Les durรฉes de dรฉmarrage sont indiquรฉes pour des arrรชts ร  chaud et ร  froid.
Elles correspondent au temps nรฉcessaire pour connecter les diffรฉrents types de centrales au rรฉseau.
Les turbines ร  combustion et les centrales ร  gaz ont รฉtรฉ historiquement conรงues pour รชtre flexibles de faรงon ร  rรฉpondre rapidement ร  des gradients de puissance importants. Le ratio entre leurs coรปts fixes et leurs coรปts variables fait dโ€™elles des centrales adaptรฉes au suivi de charge. Les centrales ร  charbon et les centrales nuclรฉaires prรฉsentent globalement les mรชmes capacitรฉs de manoeuvrabilitรฉ. Bien que possรฉdant des rampes de puissance maximales admissibles plus faibles que les centrales ร  gaz, le potentiel des rรฉacteurs nuclรฉaires est plus fort de par leur puissance nominale, plus de deux fois plus รฉlevรฉe que les centrales ร  gaz.

Flexibilitรฉ des rรฉacteurs nuclรฉaires : influence sur la performance et la durรฉe de vie des composants

Le fonctionnement en suivi de charge sollicite plus le rรฉacteur que le fonctionnement en base. Dโ€™abord, les gros composants, y compris ceux qui ne sont pas remplaรงables comme la cuve, subissent plus de contraintes thermiques et mรฉcaniques. Lโ€™usure supplรฉmentaire peut apparaรฎtre au bout de quelques annรฉes de fonctionnement. Il est alors difficile de discerner lโ€™usure normale de lโ€™usure additionnelle liรฉe au suivi de charge (Keppler and Cometto, 2012). Par ailleurs, les matรฉriels non remplaรงables sont dimensionnรฉs pour un nombre dรฉfini de transitoires pendant la durรฉe de vie de lโ€™installation (seuil non pรฉnalisant puisque surdimensionnรฉ ร  la conception) et les rรจgles dโ€™exploitation en suivi de charge sont conรงues pour ne pas dรฉpasser les seuils admissibles de fatigue thermique des composants.
De plus, ce mode de fonctionnement fait appel plus frรฉquemment ร  certains systรจmes comme les mรฉcanismes de grappes ou le systรจme de contrรดle volumรฉtrique et chimique (gestion du bore). Ces matรฉriels peuvent nรฉcessiter des besoins en maintenance supplรฉmentaires. Les mรฉcanismes de grappes se change par exemple aprรจs un certain nombre de manoeuvres (EDF, 2013). Enfin, les stress thermiques et mรฉcaniques appliquรฉs ร  la pastille de combustible et ร  la gaine ont une importance de taille dans la possibilitรฉ de manoeuvrer. En particulier, le phรฉnomรจne dโ€™IPG limite le nombre de descentes en palier bas admissibles par le rรฉacteur pendant une certaine pรฉriode (les crรฉdits de descente sont rรฉcupรฉrables au bout dโ€™un certain temps ร  Pn, rรฉacteur) (EDF, 2016). Lโ€™expรฉrience franรงaise et allemande montre que le suivi de charge journalier nโ€™affecte pas le taux de rupture de gaine par IPG sur le parc (Lokhov, 2011).
Selon EDF, le fonctionnement en suivi de charge nโ€™a quasiment pas dโ€™impact sur le circuit primaire. Les consรฉquences des gradients de tempรฉrature se font surtout ressentir dans le circuit secondaire (vieillissement prรฉmaturรฉ des รฉchangeurs de chaleur, usure des tuyauteries), ce qui peut entraรฎner un taux dโ€™arrรชts fortuits plus important. Les programmes de maintenance prรฉventive incluent des contrรดles associรฉs au suivi de charge (EDF, 2013).
En comparant le nombre dโ€™arrรชts fortuits de 10 rรฉacteurs de 900 MWe opรฉrant en base par rapport ร  ceux qui participaient au suivi de charge en 2012, les rรฉsultats dโ€™EDF montrent une hausse du nombre dโ€™arrรชts fortuits pour les rรฉacteurs en suivi de charge : 2% de leurs arrรชts sont fortuits contre 1,4% pour les rรฉacteurs fonctionnant en base (EDF, 2013). Une autre รฉtude dโ€™EDF estime la
perte du facteur de disponibilitรฉ27 (kd) de ces rรฉacteurs ร  -1,8% (150 heures pendant lโ€™annรฉe) (Bruynooghe et al., 2010). Sur les bases de donnรฉes disponibles publiquement (base de donnรฉes PRIS de lโ€™AIEA (2015)), Bruynooghe et al. (2010) a rรฉalisรฉ une analyse statistique pour รฉvaluer les corrรฉlations entre disponibilitรฉ et fonctionnement en suivi de charge des rรฉacteurs en service en Europe. Ses conclusions montrent quโ€™en moyenne le nombre dโ€™arrรชts fortuits augmente avec le suivi de charge et que le facteur de disponibilitรฉ peut รชtre rรฉduit de 0,7 ร  1,4%. En rรฉsumรฉ, le suivi de charge a tendance ร  rรฉduire le facteur de disponibilitรฉ de 0,5% ร  2% environ.
La moins grande disponibilitรฉ des rรฉacteurs liรฉe ร  un surcroรฎt de maintenance et le nombre accru dโ€™arrรชts fortuits seraient responsables de lโ€™essentiel des surcoรปts liรฉs au suivi de charge (EDF, 2013). Cependant, aucune รฉtude officielle nโ€™estime les coรปts additionnels associรฉs au mode de fonctionnement en suivi de charge. Les donnรฉes techniques disponibles sont limitรฉes et le nombre de paramรจtres qui entrent en jeu est souvent trop important pour pouvoir quantifier lโ€™effet rรฉel du suivi de charge seul. En termes dโ€™investissements pour modifier les designs, aucune dรฉpense supplรฉmentaire nโ€™est nรฉcessaire sur les rรฉacteurs puisque les designs ont รฉtรฉ conรงus pour cela (sauf ร  la marge pour les rรฉacteurs les plus anciens). De plus, aucun lien nโ€™est รฉtabli entre la durรฉe de vie des rรฉacteurs et leur fonctionnement en suivi de charge (Keppler and Cometto, 2012).
La composante principale de coรปt associรฉe au fonctionnement en suivi de charge est de loin la baisse du facteur de charge (Keppler and Cometto, 2012), (Hirth et al., 2015). Dโ€™aprรจs les donnรฉes PRIS de lโ€™AIEA (2015), lโ€™รฉcart entre le facteur de disponibilitรฉ et le facteur de charge du parc nuclรฉaire franรงais entre 2008 et 2014 รฉquivaut ร  une non-production annuelle comprise entre 20 et
30 TWhe (soit environ entre 3,5 et 5% du potentiel). Cette non-production est majoritairement liรฉe ร  la participation dans les services systรจmes, puis au suivi de charge journalier (EDF, 2013).
Dโ€™aprรจs Bruynooghe et al. (2010), la perte de production associรฉe au suivi de charge journalier du parc nuclรฉaire franรงais est de 62 heures par an en moyenne (soit 0,7% du potentiel).

La pratique

Aprรจs avoir abordรฉ les aspects thรฉoriques, nous explorons maintenant le comportement actuel du parc nuclรฉaire en termes de variations de puissance. Pour ce faire, nous scindons lโ€™analyse en deux, une premiรจre analyse est rรฉalisรฉe ร  lโ€™รฉchelle du parc nuclรฉaire (profil global), lโ€™autre ร  lโ€™รฉchelle des rรฉacteurs considรฉrรฉs sรฉparรฉment. La connaissance pratique du comportement du parc nuclรฉaire aux deux รฉchelles servira de base pour lโ€™analyse prospective et nous permettra de lโ€™orienter en choisissant des indicateurs pertinents.

Flexibilitรฉ actuelle du parc nuclรฉaire

Dans une premiรจre รฉtape, nous concentrons lโ€™analyse sur le profil global du parc nuclรฉaire. Indรฉpendamment du comportement individuel des rรฉacteurs, nous interrogeons la dynamique de production nuclรฉaire ร  lโ€™รฉchelle du parc tout entier. Quelles sont les caractรฉristiques de production du parc nuclรฉaire actuel ? Comment fait-il varier sa puissance, ร  quelle frรฉquence et ร  quel moment de lโ€™annรฉe ? Peut-on observer une รฉvolution des profils annuels sur les derniรจres annรฉes ? Pour rรฉpondre ร  ces questions, nous utilisons les donnรฉes de RTE, disponibles publiquement. Elles rassemblent la production nette au pas horaire du parc nuclรฉaire entre 2008 et 2011 et au pas demi-horaire entre 2012 et 2015 (RTE, 2008-2015). Pour harmoniser les comparaisons, nous utilisons lโ€™ensemble des donnรฉes au pas horaire.
Comme nous pouvons le constater en comparant les courbes de production nuclรฉaire, leurs caractรฉristiques gรฉnรฉrales sont semblables dโ€™une annรฉe sur lโ€™autre, cโ€™est pourquoi nous choisissons dโ€™รฉtudier un profil en particulier, celui de lโ€™annรฉe 2015. Sur la Figure IIโ€”5 sont reprรฉsentรฉs les profils de consommation รฉlectrique et de production nuclรฉaire pour lโ€™annรฉe 2015 au pas horaire.
Le graphique de la Figure IIโ€”5 permet de mettre en รฉvidence une corrรฉlation forte entre le profil de
consommation et la production du parc nuclรฉaire (le coefficient de corrรฉlation est รฉgal ร  0,86). En hiver, la contribution de la puissance nuclรฉaire est majoritaire dans la pointe de consommation. En intersaison et en รฉtรฉ, la production nuclรฉaire devient frรฉquemment marginale et supรฉrieure ร  la consommation intรฉrieure. Le complรฉment dโ€™รฉlectricitรฉ produit est ainsi exportรฉ. Lโ€™รฉcart de puissance entre le niveau de production en hiver et celui observรฉ au printemps et en รฉtรฉ peut atteindre jusquโ€™ร  30 GWe environ.
Cette corrรฉlation se matรฉrialise aussi ร  lโ€™รฉchelle de la semaine et de la journรฉe. Cโ€™est ce que nous souhaitons mettre en lumiรจre grรขce ร  la Figure IIโ€”6. Les graphes reprรฉsentent la production nuclรฉaire nette, au pas horaire, sur deux semaines consรฉcutives, choisies alรฉatoirement, ร  chaque saison de lโ€™annรฉe 2015, dโ€™aprรจs RTE (2008-2015). Pour des raisons de lisibilitรฉ, la consommation intรฉrieure nโ€™y est pas reprรฉsentรฉe.

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Table des matiรจres

CHAPITRE I. INTRODUCTION GENERALE : UNE TRANSITION FRANร‡AISE ASSOCIANT Lโ€™ENERGIE NUCLEAIRE ET LES ENERGIES RENOUVELABLES VARIABLES DANS UN MIX ELECTRIQUE BAS-CARBONE DIVERSIFIE
1. Le couple รฉnergie/climat en Europe
2. La transition รฉnergรฉtique franรงaise
3. Energie nuclรฉaire et รฉnergies renouvelables variables dans le mix รฉlectrique franรงais
4. Intรฉgration des รฉnergies renouvelables variables dans un systรจme รฉlectrique : fiabilitรฉ et
marchรฉs de lโ€™รฉlectricitรฉ
5. Problรฉmatique, mรฉthodologie et choix de scรฉnarios
5.1. Problรฉmatique
5.2. Mรฉthodologie : une approche interdisciplinaire
5.3. Choix de scรฉnarios
6. Organisation de la thรจse
7. Rรฉfรฉrences
CHAPITRE II. INTERACTIONS ENTRE ENERGIE NUCLEAIRE ET ENERGIES RENOUVELABLES VARIABLES : QUELLE FLEXIBILITE PERMISE PAR LE PARC NUCLEAIRE FRANร‡AIS ?
1. Introduction
1.1. Le parc nuclรฉaire franรงais
1.2. Revue de littรฉrature : quels effets de lโ€™intรฉgration de lโ€™รฉolien et du solaire sur les variations de
puissance demandรฉes aux centrales programmables ?
1.3. Plan du chapitre
2. Etat des lieux de la flexibilitรฉ actuelle du parc nuclรฉaire franรงais : de la thรฉorie ร  la pratique
2.1. La thรฉorie
2.1.1. Flexibilitรฉ des rรฉacteurs nuclรฉaires : contexte et possibilitรฉs techniques
2.1.2. Flexibilitรฉ des rรฉacteurs nuclรฉaires : limites
2.1.3. Flexibilitรฉ des rรฉacteurs nuclรฉaires : influence sur la performance et la durรฉe de vie des composants
2.2. La pratique
2.2.1. Flexibilitรฉ actuelle du parc nuclรฉaire
2.2.2. Flexibilitรฉ actuelle des rรฉacteurs nuclรฉaires
2.3. De la thรฉorie ร  la pratique
2.3.1. Confrontation de la thรฉorie ร  la pratique ร  lโ€™รฉchelle des rรฉacteurs
2.3.2. Choix de modรฉlisation pour lโ€™analyse prospective : de lโ€™รฉchelle des rรฉacteurs ร  lโ€™รฉchelle du parc nuclรฉaire
2.4. Conclusion partielle
3. Analyse prospective de la contribution du parc nuclรฉaire ร  la flexibilitรฉ du mix รฉlectrique franรงais
3.1. Mรฉthodologie
3.1.1. Modรฉlisation prospective des profils temporels de production nuclรฉaire
3.1.2. Dรฉmarche adoptรฉe pour รฉvaluer les besoins de flexibilitรฉ du parc nuclรฉaire
3.1.3. Evรจnements extrรชmes : modรจle ยซ Pnuc basse ยป
3.1.4. Evรจnements extrรชmes : modรจle ยซ Arrรชts/dรฉmarrages ยป
3.2. Participation du parc nuclรฉaire franรงais ร  la flexibilitรฉ
3.2.1. Composition du mix รฉlectrique franรงais dans les scรฉnarios prospectifs
3.2.2. Caractรฉrisation des profils temporels de production nuclรฉaire
3.2.3. Evรจnements extrรชmes : puissances basses
3.2.4. Evรจnements extrรชmes : arrรชts/dรฉmarrages
4. Conclusion
5. Rรฉfรฉrences
CHAPITRE III. INTERACTIONS ENTRE ENERGIE NUCLEAIRE ET ENERGIES RENOUVELABLES VARIABLES : QUELS COUTS POUR UN PARC NUCLEAIRE FRANร‡AIS FLEXIBLE ?
1. Introduction
1.1. Effets de lโ€™intรฉgration des รฉnergies renouvelables variables dans un systรจme รฉlectrique sur le
taux dโ€™utilisation et la composition du systรจme rรฉsiduel
1.2. Composition optimale dโ€™un mix รฉlectrique
1.3. Coรปt de lโ€™intermittence
1.4. Plan du chapitre
2. Coรปt de la flexibilitรฉ du nuclรฉaire : mรฉthode
2.1. Dรฉmarche gรฉnรฉrale
2.2. Choix de mรฉthode pour dรฉterminer la capacitรฉ nuclรฉaire en base
2.3. Coรปt de la flexibilitรฉ du nuclรฉaire
2.3.1. LCOE du parc nuclรฉaire
2.3.2. Hypothรจses dรฉtaillรฉes de coรปts
3. Coรปt de la flexibilitรฉ du nuclรฉaire : rรฉsultats
3.1. Coรปt de la flexibilitรฉ du nuclรฉaire
3.1.1. Caractรฉristiques de parcs nuclรฉaires prospectifs fonctionnant en base
3.1.2. Energie nuclรฉaire disponible pour la modulation de puissance et coรปt de la flexibilitรฉ du nuclรฉaire dans des scรฉnarios prospectifs
3.2. Des leviers pour rรฉduire le coรปt de la flexibilitรฉ du nuclรฉaire et rendre le parc nuclรฉaire compรฉtitif avec un mode de fonctionnement flexible
3.2.1. Un levier transitoire pour rรฉduire le coรปt de la flexibilitรฉ du nuclรฉaire : opter pour un remplacement progressif du parc de rรฉacteurs REP de deuxiรจme gรฉnรฉration
3.2.2. Coรปt de la flexibilitรฉ : comparaison entre lโ€™option nuclรฉaire et lโ€™option gaz
3.2.3. Des leviers au sein du systรจme รฉlectrique pour rรฉduire le coรปt de la flexibilitรฉ du nuclรฉaire
4. Conclusion
5. Rรฉfรฉrences
CHAPITRE IV. ADAPTER LE PARC ELECTRIQUE FRANร‡AIS AUX ENERGIES RENOUVELABLES VARIABLES GRACE A UN PARC NUCLEAIRE FLEXIBLE VIA DE NOUVEAUX USAGES : UNE ANALYSE TECHNICO-ECONOMIQUE ET PROSPECTIVE DE LA COPRODUCTION Dโ€™HYDROGENE
1. Introduction
2. Un parc nuclรฉaire flexible via la coproduction dโ€™hydrogรจne : contexte et description du systรจme
2.1. Etat des lieux des marchรฉs de lโ€™hydrogรจne
2.1.1. La demande dโ€™hydrogรจne
2.1.2. La production dโ€™hydrogรจne
2.2. Offre dโ€™hydrogรจne par le parc nuclรฉaire
2.2.1. Choix des scรฉnarios
2.2.2. Description du systรจme : vers un systรจme รฉnergรฉtique hybride ?
3. Un parc nuclรฉaire flexible par la coproduction dโ€™hydrogรจne : mรฉthodologie, hypothรจses et rรฉsultats
3.1. Attractivitรฉ des segments de marchรฉ de lโ€™hydrogรจne : mรฉthode
3.1.1. Dรฉmarche gรฉnรฉrale
3.1.2. Mรฉthode dรฉtaillรฉe par segment de marchรฉ
3.1.3. Volumes des segments de marchรฉ
3.2. Attractivitรฉ des segments de marchรฉ de lโ€™hydrogรจne : rรฉsultats
3.3. Offre dโ€™hydrogรจne par le parc nuclรฉaire : mรฉthode
3.3.1. Profils de puissance nuclรฉaires disponibles pour la production dโ€™hydrogรจne
3.3.2. Coรปt de lโ€™hydrogรจne produit grรขce ร  lโ€™รฉlectricitรฉ nuclรฉaire : modรฉlisation et hypothรจses
3.4. Offre dโ€™hydrogรจne par le parc nuclรฉaire : rรฉsultats
3.4.1. Volumes disponibles pour la production dโ€™hydrogรจne
3.4.2. Coรปts de production de lโ€™hydrogรจne produit grรขce ร  lโ€™รฉlectricitรฉ nuclรฉaire
3.5. Attractivitรฉ des marchรฉs et production dโ€™hydrogรจne par le parc nuclรฉaire : quelle adรฉquation ?
3.5.1. Coรปts de production, coรปts objectifs et volumes : quelle adรฉquation ?
3.5.2. Analyse de sensibilitรฉ
3.5.3. Quel bilan CO2 pour la France ?
4. Production dโ€™hydrogรจne nuclรฉaire : quel gain pour le systรจme รฉlectrique franรงais ?
4.1. Mรฉthode : comparaison du systรจme รฉlectrique franรงais au systรจme hybride
4.2. Rรฉsultats : des synergies entre รฉnergie nuclรฉaire et รฉnergies renouvelables variables
5. Conclusion
6. Rรฉfรฉrences
CHAPITRE V. CONCLUSION GENERALE
Publications et confรฉrences
Annexes

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