Interactions des nanoparticules manufacturées et des bactéries de l’environnement

Quelques propriétés des nanoparticules

              Les nanoparticules, jonction entre l’échelle atomique et le matériau, ont des particularités structurales très spécifiques. En effet, contrairement aux matériaux classiques, les nanoparticules voient leurs propriétés changer en fonction de leur taille. Elles sont soumises à la fois aux phénomènes de la physique classique et à ceux de la physique quantique lorsqu’elles sont de très petite taille. Les principales propriétés des nanoparticules sont : optiques, électriques, catalytiques, thermiques, magnétiques, mécaniques ou encore biologiques. Nous allons présenter quelques unes de ces propriétés afin d’expliquer l’intérêt que présentent les nanoparticules mais aussi l’origine des interrogations sur leur éventuelle toxicité. Les propriétés optiques des nanoparticules sont connues depuis le 9ème siècle en Mésopotamie. Les artisans utilisaient en effet des nanoparticules pour donner un aspect brillant à leur poterie. Cette technique, conservée au Moyen Age puis à la Renaissance, était basée sur l’utilisation de sels métalliques (notamment de cuivre et d’argent) qui, mélangés à de l’argile puis placés dans une atmosphère réductrice, migraient à la surface de la poterie pour finalement être réduites dans leur état fondamental métallique et former des nanoparticules de cuivre et d’argent à l’origine de l’effet brillant (lustre), Figure 3 ; (Padovani et al., 2003, Pradell et al., 2008). Par la suite, les premières suspensions de nanoparticules étudiées scientifiquement sont attribuées à Faraday (1847). Il établit le lien entre les couleurs (doré, bleu, noir ou encore rouge vif) de solutions de particules d’or (appelées « sols » d’or) et leur taille. Cette propriété était depuis longtemps exploitée pour donner leurs couleurs vives aux vitraux. Certaines nanoparticules d’oxydes métalliques ont également la particularité d’absorber dans les UV. Les nanoparticules de ZnO et TiO2 sont notamment utilisées dans les produits cosmétiques (crèmes solaires) car ils représentent une bonne protection contre les UV tout en ayant l’avantage d’être transparents (car les nanoparticules ont des dimensions inférieures aux longueurs d’onde de la lumière visible 400-700 nm). L’exposition aux nanoparticules est donc déjà bien réelle.

Bases d’une réflexion scientifique

                 Parmi les impacts potentiels des nanomatériaux sur le monde de demain, l’interaction avec le vivant constitue une interrogation majeure car les propriétés particulières aux nanoparticules, qui les rendent si intéressantes, peuvent potentiellement représenter un danger non négligeable pour les hommes et l’environnement. En effet, si certaines de leurs caractéristiques sont prometteuses pour le traitement de maladies ou l’élaboration de systèmes à libération contrôlée, elles pourraient avoir des impacts inattendus dans d’autres circonstances. La petite taille des nanoparticules pourrait par exemple leur permettre de pénétrer dans les tissus et passer la membrane cellulaire. Une fois dans la cellule, leurs propriétés catalytiques pourraient générer des espèces radicalaires (ROS : Radical Oxygen Species) et causer de sérieuses altérations dans l’ADN (ce qui constituerait un fâcheux effet secondaire de l’utilisation des crèmes solaires). Les nanoparticules sont également suspectées de pouvoir franchir la barrière hémato-encéphalique, or les conséquences de leur accumulation dans le cerveau ne sont pas encore connues. De plus, il existe un risque non négligeable de toxicité par inhalation tout particulièrement pour les personnes travaillant dans des industries fabriquant des nanoparticules. Le nez est la première barrière aux particules, malheureusement seules les plus grosses d’entre elles y sont arrêtées. Les nanoparticules ultrafines et les nanotubes de carbone pourraient donc s’accumuler dans les poumons et y provoquer des effets délétères comparables à ceux observés dans le cas de l’amiante. En ce qui concerne l’environnement, la libération incontrôlée de nanoparticules (ex : combustion des fiouls, ruissellement des nanoparticules utilisées dans les façades autonettoyantes) pourrait avoir de graves conséquences environnementales. Certaines nanoparticules sont même envisagées pour des utilisations en dépollution par exemple pour le piégeage des halogénures, arsenic, mercure, etc. (Elliott and Zhang, 2001 et Tratnyek and Johnson, 2006), leur présence dans l’environnement, notamment aquatique, ne serait donc pas anecdotique (Figure 6). Il est cependant possible que la plupart des nanoparticules ne représente pas un réel danger pour l’homme et l’environnement, mais en l’absence de données toxicologiques précises et spécifiques, le principe de précaution doit être appliqué.

Choix de la dose et du temps d’incubation

               La dose administrée et le temps d’incubation sont des paramètres fondamentaux lors des tests de toxicité. Ils sont difficiles à choisir lorsqu’il n’existe encore aucune donnée sur les concentrations environnementales et donc sur une exposition éventuelle. D’après le profil chimique de l’oxyde de cérium, établi en 2006 par Integrated Laboratory Systems pour différents instituts de santé européens, il n’existe aucune donnée sur la concentration des nanoparticules de CeO2 dans l’eau. Ils estiment cependant que les sources et voies de libération des nanoparticules dans l’environnement sont similaires à celles du CeO2 non nanométrique. D’après ce rapport, la concentration des terres rares (dont le cérium fait partie) ne dépasse pas le ng/L dans les eaux de surface. En revanche, jusqu’à 1,7 ppm de cérium ont été retrouvés dans des eaux souterraines contaminées par une fuite d’eaux usées rejetées par une mine en Californie. Au Japon, 35,4 ppm de cérium ont été retrouvés en 2001 dans des boues d’épuration. Aucune trace de cérium n’a cependant été trouvée dans les boues de stations d’épuration américaines jusqu’à présent. D’après les mesures réalisées par Park et al. (2008), l’air ambiant, à proximité de zones urbaines utilisant des additifs diesel aux nanoparticules de CeO2, contient dans le pire des cas mesurés (Newcastle) 0,6 ng de cérium par m3 d’air. Ce sont des concentrations extrêmement faibles mais qui ne sont pas forcément en rapport avec les concentrations trouvées dans l’eau. Malgré le manque d’informations sur les risques d’exposition réels, nous considérerons principalement dans cette étude des concentrations inférieures ou égales à 700 ppm de CeO2. Ces concentrations surestiment, a priori, très largement les concentrations attendues dans l’environnement. Nous restreindrons, dans certain cas, les intervalles de concentrations testées pour nous consacrer à la compréhension des phénomènes aux plus faibles doses. En ce qui concerne les temps d’incubation, étant donné que la majorité des tests ont été effectués dans l’eau ultrapure et que les bactéries ne peuvent pas y supporter un séjour prolongé, les temps d’incubation seront limités à 3 h. En effet, pour des temps plus longs, le nombre de cellules viables dans les témoins chute de manière trop importante. Les tests réalisés dans les milieux de culture ont été réalisés après 3 h mais également 24 h d’incubation.

Influence de la taille, dissolution et agrégation des nanoparticules

               En milieu solide, la toxicité des nanoparticules de ZnO de 100 nm est très importante pour les fortes concentrations (supérieures à 12 mM) (Huang et al., 2008). Or Brayner et al., 2006, montrent que des nanoparticules de 10-15 nm présentent un effet bactéricide pour E. coli à des concentrations nettement plus basses : 1,3 mM. Cependant, d’après Franklin et al., 2007, il n’y a pas d’influence de la taille des nanoparticules, ils observent en effet des toxicités identiques pour des nanoparticules de ZnO de 30 nm que pour des microparticules de ZnO ou pour la forme ionique : ZnCl2. De même, pour Zhang et al., 2007, la concentration des nanoparticules de ZnO est plus importante que leurs tailles. Les ions Zn2+ libérés lors de la dissolution des nanoparticules semblent de nouveau être à l’origine de l’effet bactéricide. Ce phénomène de dissolution est aussi mis en exergue par Franklin et al., 2007. Dans notre cas, les nanoparticules de CeO2 ne sont pas connues pour être très solubles mais ceci devra être à vérifier. Comme pour les nanoparticules de ZnO, il existe des contradictions quant à l’effet joué par la taille des nanoparticules de TiO2. Pour Adams et al., 2006, et Verran et al., 2007, elle n’a aucun effet, tandis que pour Qi et al., 2006, la toxicité augmente lorsque la taille diminue. Ces différences proviennent probablement des différences de composition des nanoparticules et des conditions dans lesquelles les tests de toxicité ont été réalisés, les nanoparticules peuvent notamment avoir tendance à s’agréger (Verran et al., 2007). De même, les nanoparticules d’argent s’agrègent dans les électrolytes forts. Par ajout d’albumine de sérum bovin (BSA) l’agrégation est évitée et l’activité bactéricide conservée (Lok et al., 2007). Sondi and Salopek-Sondi, 2004, observent également que les nanoparticules d’argent métalliques sont toxiques uniquement lorsque le contact a lieu sur un milieu solide contrairement au milieu liquide où ils ne notent qu’un retard de croissance. D’après ces auteurs, l’explication tient à l’agrégation des nanoparticules d’argent avec les composants intracellulaires des cellules mortes. Une fois les nanoparticules agrégées, elles ne sont plus bactéricides, ce qui permet aux autres bactéries du milieu de se développer normalement. A noter que la présence de peptides et protéines extracellulaires provoquent également la précipitation des nanoparticules (Moreau et al., 2007). Comme pour la dissolution, l’agrégation est un type d’instabilité courant pour les nanoparticules, nous l’étudierons lors des tests avec les NPs de CeO2.

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Table des matières

Introduction
I. Contexte – Présentation de l’étude
I.1 Le monde des nanos
I.1.1 Définition et propriétés caractéristiques des nanoparticules
I.1.2 Impact des nanotechnologies sur l’économie
I.2 Risques potentiels des nanotechnologies
I.2.1 Bases d’une réflexion scientifique
I.2.2 Conséquences : de nombreux débats de sociétés et rapports gouvernementaux
I.3 Etudes sur la « nanotoxicité » et difficultés rencontrées
I.3.1 Origine des difficultés liées à la « nanotoxicité »
I.3.2 Particularités de la toxicité environnementale
I.4 Présentation de l’étude
I.4.1 Description du modèle
I.4.2 Les études de nanotoxicité appliquées aux bactéries
I.5 Références bibliographiques
II. Présentation des modèles
II.1 Présentation des modèles biologiques
II.1.1 Synechocystis
II.1.2 Escherichia coli
II.2 Présentation des nanoparticules de CeO2
II.2.1 Applications industrielles de nanoparticules (NPs) de CeO2
II.2.2 Caractéristiques morphologiques des NPs de CeO2 utilisées lors de cette étude
II.3 Matériels et méthodes
II.3.1 Milieux tests
II.3.2 Cultures cellulaires
II.3.3 Préparation des cultures pour les tests avec NPs
II.3.4 Préparation des nanoparticules et ions
II.4 Références bibliographiques
III. Physicochimie des nanoparticules
III.1 Stabilité physicochimique des nanoparticules
III.1.1 Introduction à la stabilité colloïdale
III.1.2 Importance de la stabilité lors des tests de toxicité
III.2 Caractérisation de la stabilité des nanoparticules de CeO2
III.2.1 Agrégation
III.2.2 Oxydoréduction – Diagramme de Pourbaix
III.2.3 Suivi cinétique de la dissolution par ICP-MS
III.2.4 Modèle de réduction/dissolution
III.3 Matériels et méthodes
III.3.1 Diffusion de lumière dynamique (DLS)
III.3.2 Spectrométrie de masse quadripolaire à source plasma (ICP-MS)
III.3.3 Spectroscopie de photoélectron X (XPS)
III.4 Références bibliographiques
IV. Physicochimie des interactions entre nanoparticules et cellules
IV.1 Echelle macroscopique : floculation cellulaire en présence de nanoparticules
IV.1.1 Observation de la floculation en présence de nanoparticules
IV.1.2 Impact de la floculation dans un contexte environnemental
IV.2 Echelle microscopique : interactions spécifiques à chaque modèle biologique
IV.2.1 Différents modèles d’adsorption des nanoparticules sur les cellules
IV.2.2 Localisation à l’échelle de la cellule
IV.2.3 Influence des exopolysaccharides (EPS) de Synechocystis
IV.3 Mécanismes d’oxydoréduction lors d’un contact nanoparticules/cellules
IV.3.1 Analyses XPS
IV.3.2 Analyses XANES
IV.3.3 Conclusions sur les mécanismes d’oxydoréduction
IV.4 Matériels et méthodes
IV.4.1 Electrophorèse capillaire
IV.4.2 Mobilité électrophorètique
IV.4.3 Microscopie électronique en transmission (MET)
IV.4.4 Microscopie électronique à balayage (MEB)
IV.4.5 Analyse dispersive en énergie (XEDS)
IV.4.6 Spectroscopie d’absorption des rayons X (XANES)
IV.5 Références bibliographiques
V. Différents mécanismes de toxicité
V.1 Toxicité liée à un contact indirect avec des nanoparticules : le cas de Synechocystis 
V.1.1 Première approche sur la toxicité des nanoparticules
V.1.2 Un mécanisme indépendant de l’effet « nano »
V.1.3 Conclusion sur les toxicités indirectes
V.2 Toxicité due à un contact direct avec les nanoparticules : le cas d’E. coli
V.2.1 Augmentation de la mortalité bactérienne par contact direct avec des NPs
V.2.2 Mise en évidence d’interférences liées aux nanoparticules dans les tests de fluorescence
V.3 Toxicité des nanoparticules : début de réponse grâce à la métabonomique
V.3.1 Principe de l’étude
V.3.2 Analyse des résultats
V.3.3 Conclusion sur l’analyse métabonomique
V.4 Etude de l’influence des exopolysaccharides : construction de mutants
V.4.1 Construction des mutants d’EPS de Synechocystis
V.4.2 Résultats
V.5 Matériels et méthodes
V.5.1 Tests de survie en milieu solide (« test en gouttes »)
V.5.2 Test de survie : dénombrement de colonies (CFU)
V.5.3 Test d’intégrité membranaire (LIVE/DEAD)
V.5.4 Métabonomique
V.5.5 Construction des mutants
V.5.6 Extraction et analyse des exopolysaccharides
V.6 Références bibliographiques
Conclusion et perspectives

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