Interaction rayonnement de haute énergie et matière

Interaction rayonnement de haute énergie et matière

L’interaction entre la lumière et la matière est le cœur de nombreuses études sur des vastes domaines d’énergie. Les processus étudiés dépendront bien entendu de l’énergie incidente de la lumière. Par exemple, la lumière infrarouge permet d’étudier les mouvements de vibration et de rotation dans une molécule, le rayonnement ultraviolet peut servir à étudier les liaisons chimiques, et les rayons X permettent d’avoir accès aux couches électroniques les plus internes d’un atome. De nombreuses études à très hautes résolutions ont été effectuées dans le domaine des rayons X « mous », c’est-à-dire pour des énergies comprises entre 100 eV et 1 keV environ. Cette gamme d’énergie donne notamment accès aux électrons 1s des éléments de la deuxième période de la table périodique des éléments et a permis de sonder des états excités en couche interne. A ces énergies, la durée de vie des états excités ou ionisés en orbitale 1s est de l’ordre de quelques femtosecondes, ce qui peut notamment permettre d’étudier les effets de la dynamique nucléaire sur la liaison chimique, comme nous le verrons ultérieurement.

La nouvelle station de spectroscopie d’électrons installée sur la ligne de lumière GALAXIES au centre dédié au rayonnement synchrotron SOLEIL, et dont nous reparlerons en détail dans le chapitre 2, nous permet d’avoir accès à la gamme d’énergie des rayons X, dits, « tendres », c’est-à-dire entre 1 et une dizaine de keV, typiquement. A ces énergies, la limitation antérieure était la résolution instrumentale qui ne permettait pas l’étude fine des phénomènes, ni celle de processus très peu probables comme l’étude des doubles trous de cœur (voir plus bas).

Dans la gamme des rayons X tendres, nous avons accès aux électrons 1s des éléments de la troisième période, dont la durée de vie des états excités/ionisés est de l’ordre de la femtoseconde. Une fois l’espèce dans un état instable (ionisé ou excité en couche K), elle va tendre à se désexciter : il existe deux voies de relaxation, l’une radiative via émission d’un photon X, l’autre non radiative via émission d’un électron dit Auger. La probabilité de l’une ou l’autre des voies dépend du numéro atomique Z comme montré dans la figure 1.1. On observe qu’à Z faible, l’effet Auger est beaucoup plus probable que la fluorescence X. Les deux courbes se croisent autour de Z=32 (atome de germanium) pour la couche K. Le choix de la spectroscopie d’électrons comme méthode expérimentale tient du fait que dans le cas des systèmes étudiés, le chlore (Z=17) et le néon (Z=10) au seuil K de ces atomes et l’iode (Z=53) au seuil L, la désexcitation via effet Auger représente environ 90 à 95 % des voies de relaxation.

Les trois thématiques que nous avons décidé d’étudier dans cette thèse sont : la dynamique nucléaire ultra-rapide, les interférences entre états électroniques et la spectroscopie d’états doublement excités/ionisés en couche interne. Dans le premier cas, nous tirons avantage de la durée de vie ultra-courte des états intermédiaires peuplés pour étudier les effets de l’élongation de la liaison chimique sur les spectres d’électrons Auger à une échelle de temps de l’ordre de la centaine d’attosecondes. Dans le deuxième cas, nous profitons d’un autre effet des courtes durées de vie des états intermédiaires, à savoir les grandes largeurs naturelles en énergie. De fait, différents états intermédiaires se recouvrent et peuvent être peuplés de manière cohérente. Les interférences pouvant en découler dans l’étape de relaxation nous donnent des informations essentielles sur les processus de corrélation entre électrons, et plus précisément sur les processus de « shake » sur lesquels nous reviendront ultérieurement.

Enfin, un autre avantage de travailler avec un rayonnement très énergétique est que nous pouvons peupler des états doublement ionisés ou simultanément ionisés/excités. Ces états nommés « doubles trous de cœur » nous servent à étudier d’autres processus de corrélations électroniques, à savoir le partage du moment angulaire du photon incident et de l’excès d’énergie du photon incident. Par la suite, nous commencerons par définir le processus d’absortpion, puis aborderons les trois thématiques décrites précédemment, en explicitant également les processus étudiés dans les trois cas.

Dynamique nucléaire ultra-rapide

L’étude de la dynamique nucléaire ultra-rapide induite par une excitation de cœur dans des molécules isolées a débuté au milieu des années 80, suite à l’article pionnier de Morin et Nenner [3] qui mirent en évidence la compétition entre désexcitation atomique et moléculaire dans la molécule de HBr après excitation résonante d’un électron 3d du brome vers l’orbitale 4σ∗ (LUMO). On parle d’excitation résonante, lorsqu’un électron situé initialement sur une orbitale propre (ici 3d) est promu vers une orbitale vide (ici 4σ∗ ) via le transfert de l’énergie portée par le photon incident (ici, hν = E4σ∗ − E3d). La molécule se trouve alors dans un état neutre avec une lacune en couche interne et un électron situé sur une orbitale de plus haute énergie, comme représenté sur la figure 1.3. Lorsque l’orbitale où a été promu l’électron a un caractère antiliant, la molécule se trouve dans un état dissociatif et la liaison chimique s’allonge. Dans le domaine des rayons X mous (≤ 1 keV), la durée de vie de l’état intermédiaire est de quelques femtosecondes, comparable au temps que met la molécule à se dissocier. La voie de relaxation majoritaire dans ce cas est la relaxation via effet Auger résonant spectateur. L’électron excité reste dans l’orbitale où il a été promu et ne prend pas part à la relaxation. Un électron d’une couche supérieure vient combler la lacune et un autre est émis dans le continuum, comme représenté dans la figure 1.4. La molécule se trouve dans un état simplement ionisé, mais avec deux lacunes en couche interne ou de « valence interne »et un électron sur une orbitale de valence. Notons qu’il est également possible, mais moins probable, que l’électron excité participe à la relaxation. Soit pour combler la lacune, soit pour être émis dans le continuum avec l’excès d’énergie. On parle alors d’effet Auger participateur.

Dans la molécule HBr, Morin et al. ont pu observer dans le spectre d’électrons Auger des pics larges correspondant aux désexcitations moléculaires décrites par : hν + HBr → HBr∗ → HBr+∗ + e− Auger, et des pics fins étant la signature de la désexcitation atomique, i.e. hν + HBr → H + Br∗ → Br+∗ + e− Auger.

De façon quantique, on peut décrire la section efficace σof d’une transition comportant une excitation de l’état fondamental de la molécule (ou d’un atome) décrit par la fonction d’onde Ψo vers un état intermédiaire décrit par la fonction d’onde Ψc, et la relaxation de cet état intermédiaire vers un état final décrit par la fonction d’onde Ψf via effet Auger résonant, comme :

σof ∝ |hΨf |Q|Ψci hΨc|D|Ψoi|2 .

Peu de temps après, Aksela et al. [4, 5] menèrent des mesures similaires en excitant de façon résonante l’atome de chlore au seuil 2p dans la molécule HCl vers les orbitales de valence (LUMO et Rydberg) et montrèrent que la dissociation de la molécule est plus favorable lorsque l’électron 2p est promu vers l’orbitale 6σ (LUMO), qui a un caractère antiliant, -la molécule se trouvant alors dans un état dissociatif-, que dans les orbitales de  Rydberg où la molécule est dans un état lié. Suivant ces exemples, d’autres molécules ont été étudiées, comme H2O par Hjelte et al. [6] où les auteurs ont montré qu’après excitation résonante de l’oxygène au seuil 1s et promotion de cet électron vers l’orbitale 4a1, il y avait compétition entre la désexcitation moléculaire et la désexcitation après dissociation de la molécule en fragments O∗H et H neutre. Cette compétition entre la désexcitation moléculaire ou désexcitation après fragmentation est due au fait que le temps de dissociation de la molécule est comparable à la durée de vie de quelques femtosecondes de la lacune créée en couche interne. Pour sonder la dynamique nucléaire à de telles échelles de temps, on peut réaliser des expériences pompe-sonde résolues en temps ou se servir de « l’échelle de temps interne » de la molécule. Dans le premier cas, le développement de nouvelles sources de lumière comme la génération d’harmoniques d’ordres élevés ou les lasers à électrons libres permettent d’atteindre des impulsions de l’ordre de quelques femtosecondes, voir attosecondes [7, 8, 9, 10, 11, 12, 13] qui est l’ordre de grandeur du mouvement électronique. Dans ces cas, la résolution temporelle est directement donnée par les caractéristiques des sources. L’autre possibilité pour avoir accès aux informations sur la dynamique électronique ou nucléaire, est de se servir de la technique appelée « core-hole clock ». L’idée de cette méthode, est d’utiliser la durée de vie de l’état excité avec une lacune en couche interne comme d’une référence temporelle [14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23]. Plus récemment, ces études ont été étendues au domaine des rayons X tendres qui donne accès aux seuils K des éléments de la troisième période de la classification périodique, où l’état intermédiaire excité a une durée de vie ≤ à la femtoseconde. Les premières expériences démontrant la dynamique nucléaire sub femtoseconde dans le domaine des Xtendres ont été des mesures de diffusion inélastique résonante ou RIXS (Resonant Inelastic X-ray Scattering) sur les molécules HCl [24], CH3Cl [25] et CH3I [26]. Après une excitation résonante le système (atome ou molécule) peut également se relaxer via l’émission d’un photon. Lorsque la lacune créée est comblée par l’électron excité, le photon émis aura la même énergie que le photon incident. On parle de diffusion élastique. La lacune peut également être comblée par un autre électron d’une couche située à plus haute énergie.

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Table des matières

1 INTRODUCTION
1.1 Cadre général
1.2 Interaction rayonnement de haute énergie et matière
1.3 Processus d’absorption
1.4 Dynamique nucléaire ultra-rapide
1.5 Interférences entre états électroniques
1.6 Doubles trous de cœur
2 DESCRIPTION DU DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL
2.1 Le rayonnement synchrotron
2.1.1 Bref historique
2.1.2 Le centre dédié au rayonnement synchrotron SOLEIL
2.1.3 La ligne de lumière GALAXIES
2.2 HAXPES
2.3 Traitement des données
2.3.1 Calibration en énergies
2.3.2 Résolution instrumentale
3 DYNAMIQUE NUCLÉAIRE ULTRA-RAPIDE
3.1 Formalisme
3.1.1 Définition des sections efficaces de diffusion
3.1.2 Description des facteurs Franck-Condon
3.1.3 Approximation de l’équation de Kramers-Heisenberg
3.1.4 Durée effective de diffusion
3.2 Résultats expérimentaux
3.2.1 La molécule CH3Cl
3.2.1.1 Eléments de spectroscopie et spectres Auger résonant
3.2.1.2 Etude des courbes de dispersion et de largeur à mi-hauteur
3.2.1.3 Comparaison avec la spectroscopie RIXS
3.2.2 La molécule HCl
3.2.2.1 Eléments de spectroscopie et spectres Auger résonant
3.2.2.2 Etude des courbes de dispersion et de largeur à mi-hauteur
3.2.3 La molécule CH3I
3.3 Discussion
3.3.1 Elargissement dû à la durée de vie
3.3.2 Parallélisme des courbes d’énergie potentielle
3.3.3 Calcul des pentes des courbes d’énergie potentielle
3.4 Conclusion
4 INTERFÉRENCES ENTRE ÉTATS ÉLECTRONIQUES
4.1 Formalisme
4.1.1 Interférences entre deux états électroniques séparés
4.1.2 Recouvrement de plusieurs états électroniques
4.1.3 Inclusion de la dynamique nucléaire
4.1.4 Ajustement des sections efficaces
4.2 Résultats et discussion
4.2.1 L’atome d’argon
4.2.1.1 Ajustement des sections efficaces des différents états finals
4.2.1.2 Amplitudes des processus d’excitation et de relaxation
4.2.1.3 Extraction et représentation des termes d’interférences
4.2.1.4 Probabilités des différents processus de relaxation
4.2.2 Les molécules HCl et CH3Cl
4.2.2.1 Description des sections efficaces des différents états finals dans la molécule HCl
4.2.2.2 Désintrication des différents états finals
4.2.2.3 Description des sections efficaces des différents états finals dans la molécule CH3Cl
4.3 Conclusion
5 CONCLUSION

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