Interaction laser matière à haut flux et fort contraste temporel

Depuis la mise au point des premiers lasers, les performances des installations n’ont cessé d’évoluer et de s’améliorer, amenant en particulier à l’obtention d’impulsions à la fois ultra-courtes et intenses. Cette génération d’impulsions plus courtes (quelques dizaines de femtosecondes (10⁻¹⁵s)), plus puissantes (quelques terawatts), et avec un taux de répétition plus élévé (quelques Hz) a été rendue possible par la mise en place et le développement de la technique dite d’amplification à dérive de fréquence, ou Chirped Pulse Amplification (CPA) ( [Strickland and Mourou., 1985, Backus et al., 1998]).

Dans le même temps, l’utilisation de l’optique adaptative, importée de l’astronomie, permet d’améliorer la focalisation spatiale des faisceaux produits par ces lasers. Si bien que l’on arrive désormais à faire interagir une cible avec des champs lasers correspondant à des intensités couramment supérieures à 10¹⁸ W/cm2 (record actuel : 8 × 10²¹W/cm2).

Le Miroir Plasma, étude et implémentation

La compréhension du problème posé par la maîtrise du contraste temporel des impulsions ultra-courtes et ultra-intenses nous a naturellement amenés à étudier les solutions pour l’améliorer. Même si l’éventail de ces solutions est varié , beaucoup d’entre elles consistent à trouver un phénomène non-linéaire capable de discriminer le piédestal et l’impulsion principale, un phénomène que seule l’intensité atteinte par l’impulsion principale ultra-courte permet de déclencher.

L’ionisation des matériaux diélectriques, phénomène très fortement non linéaire [Quéré, 2001], correspond tout à fait à ces critères. En effet, ces matériaux, isolants électriques, présentent une bande interdite large (plusieurs eV), et sont de ce fait transparents pour les longueurs d’onde visibles. Cependant, on sait aussi que la focalisation d’une impulsion laser suffisamment intense va provoquer l’absorption du champ laser, et donc l’injection d’électrons de la bande de valence dans la bande de conduction. Si on réussit à injecter suffisamment d’électrons pour dépasser la densité critique Nc = ǫ0meω²L /e² , le diélectrique va se comporter comme un plasma, et ainsi acquérir un comportement quasi-métallique, devenant dès lors fortement réfléchissant. Cette ionisation étant un phénomène rapide, on entrevoit dès lors facilement le concept : réussir à trouver des conditions telles que le piédestal ne soit pas capable d’ioniser le matériau, alors que l’impulsion principale, plus intense, y parvient en excitant le milieu diélectrique par des mécanismes fortement non-linéaires tel que l’absorption multi-photonique, créant un plasma sur lequel elle va elle-même être réfléchie : c’est ce phénomène qui est communément appelé « Miroir Plasma ».

Plus précisément, le piédestal, même s’il ne déclenche pas l’ionisation, est naturellement un peu réfléchi. L’augmentation du contraste permise par ce dispositif sera donc directement reliée au rapport entre la réflectivité initiale, subie par le piédestal, et la réflectivité du plasma formé par l’impulsion principale. On aura donc tout intérêt à tenter de limiter la réflectivité initiale, et à déterminer les conditions qui permettent d’atteindre la réflectivité pour le plasma la plus élevée possible. Un autre élément important est que le plasma formé à la surface du diélectrique va créer un dommage à cet endroit, ce qui fait que l’on devra illuminer une nouvelle zone intacte au tir suivant : c’est une solution bien adaptée à des conditions de tir mono-coup.

Ce concept n’est cependant pas nouveau, et fut introduit dès le début des années 90 [Kapteyn et al., 1991], sous le nom d’obturateur plasma auto-induit. Dans ce premier article, toutes les idées principales concernant la mise en place pratique d’un Miroir Plasma étaient déjà envisagées, comme la nécessité de trouver des conditions de faible réflectivité initiale pour le piédestal (la suggestion de l’utilisation d’un traitement anti-reflet est présente). Les auteurs indiquent aussi que ce dispositif, destiné en priorité à être installé en fin de chaîne laser, s’attache alors à diminuer l’énergie contenue dans le piédestal et les pré-impulsions, sans se préoccuper de leurs origines. Cependant, aucune mesure systématique n’est encore réalisée, et l’effet du dispositif sur l’impulsion est constaté en étudiant les changements provoqués en focalisant l’impulsion, avec et sans passage sur le miroir plasma, sur une cible de Silicium et en observant l’émission de rayons X. Cette étude présentait une réduction de la durée de cette émission lors de l’utilisation du Miroir Plasma, attribuéé à la création d’un plasma producteur plus dense en raison de la diminution de l’ASE.

En 1993, [Backus et al., 1993] publiaient une étude portant sur la faisabilité d’un dispositif Miroir Plasma au moyen d’un jet liquide, dans le but de pouvoir accéder à de hauts taux de répétition. Une réflectivité d’environ 40% fut mesurée, avec une amélioration du contraste théorique d’environ 400, mais cette étude ne fut pas poursuivie.

Utilisant à nouveau une cible diélectrique, [Gold, 1994] a réalisé une nouvelle étude plus systématique des performances du dispositif Miroir Plasma. La solution technique retenue pour limiter la réflectivité du piédestal consistait à travailler en polarisation P à l’incidence de Brewster. En effet, lors de la réflexion d’une onde électromagnétique sur un diélectrique, il existe un angle d’incidence, appelé angle de Brewster (voir par exemple [Hecht, 1987]), où seule la composante dont la polarisation est orthogonale au plan d’incidence (S) est réfléchie. Une onde polarisée dans le plan d’incidence (P) sera donc complètement éteinte. La très faible réflectivité résiduelle provient alors d’imperfections de la surface et de l’imprécision sur l’angle d’incidence. Cette étude présente une première visualisation des profils spatiaux du faisceau avant et après le Miroir Plasma. De plus, Gold présente la première mesure directe de l’amélioration du contraste introduite par le Miroir Plasma. Pour cela, il utilise un autocorrélateur du second ordre à grande dynamique, et mesure une amélioration d’un facteur >500. A l’image de ce qui est réalisé avec les autocorrélateurs du 3e ordre, la grande dynamique est permise par l’utilisation de densités optiques bien calibrées. Cependant, cette mesure apparaît maintenant étonnante, si l’on considère une particularité de l’effet du Miroir Plasma sur l’impulsion : l’augmentation de réflectivité ayant lieu pendant l’impulsion principale, la partie du piédestal qui la suit va elle aussi être fortement réfléchie. Ainsi, on s’attend à ce que l’impulsion issue du Miroir Plasma soit très dissymétrique. Or, on sait que par conception, un autocorrélateur du second ordre ne permet pas de distinguer entre l’avant et l’arrière de l’impulsion laser, et que surtout, le niveau de signal mesuré va être le résultat de la combinaison de l’avant et de l’arrière de l’impulsion, ce qui empêche toute mesure réelle de contraste. En revanche, on peut effectivement envisager de réaliser une mesure de contraste avec un autocorrélateur du 3e ordre, qui permet de discriminer l’avant et l’arrière de l’impulsion et donc d’étudier les profils d’impulsions très dissymétriques.

Toutes ces études avaient été réalisées en plaçant le Miroir Plasma au foyer de l’impulsion. En parallèle, une utilisation pratique d’un Miroir Plasma était étudiée sur l’installation petawatt de Livermore, dans des conditions très différentes de ces études préliminaires, et sans chercher à caractériser précisément le fonctionnement [Perry et al., 1999b, Perry et al., 1999a].

Le projet SHARP (voir annexe A) a permis de relancer les études, avec dans ce cas l’objectif d’aboutir à une implémentation pratique du dispositif. Dans ce cadre cependant, le Miroir Plasma n’est qu’une des solutions parmi toutes celles qui ont été étudiées pour améliorer le contraste temporel des impulsions. Ces différentes solutions sont présentées en détail dans l’annexe A, mais on peut les résumer en deux grandes classes :

– Réduire la durée de l’ASE, afin de diminuer la fluence du piédestal sur la cible. Pour cela, le développement de cellules de Pockels rapides et celui d’un nouveau type d’amplificateur (OPCPA : amplificateur paramétrique à dérive de fréquence) a été étudié.

– Réduire le niveau du piédestal. Comme dans le cadre du phénomène Miroir Plasma, il faut utiliser un effet non-linéaire capable de discriminer entre le piédestal et l’impulsion principale. Plusieurs effets différents ont d’ores et déjà été implémentées, mais se limitent à des énergies d’impulsions relativement modestes (jusqu’au millijoule), afin de pouvoir un taux de répétition élevé. C’est pourquoi il est nécessaire de réamplifier ces impulsions au contraste amélioré, par exemple dans le concept du double CPA .

Comparé à ces solutions, le Miroir Plasma présente l’avantage principal de se situer en fin de chaîne laser, et donc de s’affranchir de toute considération sur la source du piédestal. En revanche, il est impossible de rajouter de l’énergie, et le système n’est pas adapté à des taux de répétition élevé comme on le verra par la suite.

Il est enfin important de signaler que d’autres études sur le Miroir Plasma ont eu lieu en parallèle de nos travaux, présentant d’une part des mesures directes réflectivité, en faisant varier l’intensité, la durée de l’impulsion et l’angle d’incidence [Ziener et al., 2003], et d’autre part une étude plus poussée sur la possibilité d’utiliser un Miroir Plasma dans des conditions de champ proche avec une bonne réflectivité et une qualité de faisceau conservée [Dromey et al., 2004].

Etude de l’effet Miroir Plasma

Si le concept du Miroir Plasma est simple dans son principe, il fait intervenir le phénomène de claquage optique qui reste un problème assez ouvert au niveau de la compréhension fine de son mécanisme [Quéré, 2001]. A plus forte raison, l’étude de l’évolution de la réflectivité d’un diélectrique soumis à un champ laser intense n’a donc rien d’évident, et demande une étude à caractère fondamental précise pour accéder aux paramètres et aux mécanismes qui décident des performances de réflectivité et du comportement du solide sur une large gamme de durées et d’intensités.

Cette étude à été réalisée sur le Laser LUCA (Laser Ultra Court Accordable), installation appartenant au Saclay Laser-matter Interaction Center (SLIC). De la famille des lasers CPA Titane/Saphir, il est capable de délivrer des impulsions ultracourtes et intenses, jusqu’à 100 mJ pour environ 40 fs à une longueur d’onde centrale de 800 nm.

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Table des matières

Introduction
Bibliographie
1 Le Miroir Plasma, étude et implémentation
1.1 Introduction
1.2 Etude de l’effet Miroir Plasma
1.2.1 Description des expériences
1.2.2 Performances du Miroir Plasma
1.2.3 Etude théorique du Miroir Plasma
1.3 Mise en place du dispositif
1.3.1 Discussion sur la mise en place d’un Système Miroir Plasma
1.3.2 Installation sur UHI 10
Bibliographie
2 Diagnostics de plasmas denses
2.1 Motivations
2.2 Sondage XUV de plasmas denses
2.2.1 Génération d’harmoniques dans les gaz
2.2.2 Une expérience pionnière
2.3 Expériences sur UHI 10
2.3.1 Cibles utilisées
2.3.2 Expériences sans Miroir Plasma
2.3.3 Expériences avec Miroir Plasma
2.3.4 Modélisation – Exploitation
2.4 Conclusion
Bibliographie
3 Génération d’harmoniques sur cible solide
3.1 Motivations
3.2 Inventaire historique – Etat de l’art
3.3 Modèles théoriques de génération
3.3.1 Miroir oscillant relativiste
3.3.2 Emission par oscillations plasmas électroniques
3.4 Génération d’harmoniques sur UHI 10
3.4.1 Dispositif expérimental
3.4.2 Résultats
3.4.3 Caractérisation de la source
3.5 Discussion
3.5.1 Interprétation des résultats expérimentaux
3.5.2 Perspectives d’utilisation de la source XUV
Bibliographie
Conclusion

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