Interaction ion-matière

Nous présentons ici les processus auxquels un ion projectile est soumis lors de son passage dans la matière ainsi que les phénomènes d’endommagement et de pulvérisation. L’étude d’une irradiation implique une analyse du projectile ainsi que de la cible irradiée. Si l’étude du projectile ne renseigne pas directement sur les transformations du matériau irradié, il est toutefois nécessaire de comprendre la façon dont l’énergie est déposée pour en corréler l’endommagement induit. Lors de l’irradiation d’un solide, le projectile transfère son énergie au milieu par une succession d’interactions. Les effets subits par une cible irradiée sont principalement dus au dépôt de l’énergie cinétique du projectile. Le dépôt d’énergie potentielle ne joue un rôle que dans le cas de projectiles de charge élevés. Dans la language de l’interaction ion-matière, l’énergie cinétique de projectile est exprimée en MeV/u (unité d’énergie par nucléon). Suivant la manière de dépôt d’énergie cinétique, nous pouvons distinguer deux régimes de collisions, le régime de collisions élastiques et le régime de collisions inélastiques :

Le régime de collisions élastiques (ou régime nucléaire) : Une collision élastique entre deux particules repose sur la conservation de l’énergie cinétique et de la quantité de mouvement des deux particules avant et après la collision. La structure électronique de l’atome ne change pas lors d’une collision élastique. Ceci implique que le projectile dépose son énergie par une principale interaction avec les noyaux de la cible. Au cours de cette collision, l’interaction est de type coulombien, plus ou moins écrantée. Ces transferts d’énergie conduisent à un endommagement pour tous les types de matériau (isolants et conducteurs) .

Le régime de collisions inélastiques (ou régime électronique) : Ce régime est lié aux ionisations et aux excitations électroniques des atomes de la cible. L’ion pénètre dans le matériau en ionisant et en excitant les atomes tout au long de son trajet. L’énergie du projectile est déposée sous forme d’ionisation et d’excitation des atomes. Dans ce cas, les défauts sont produits par conversion indirecte de l’énergie déposée dans le système électronique vers le réseau atomique de la cible. L’endommagement induit par ce type d’interaction dépend de la nature isolante ou conductrice du matériau irradié.

La quantité d’énergie perdue par l’ion lors de son parcours dans la cible constitue un paramètre du processus d’endommagement, et est appelé « pouvoir d’arrêt ». Ce dernier est caractéristique du milieu traversé, de la nature et à l’énergie de l’ion incident. Il est noté comme une perte d’énergie linéique du projectile (-dE/dx) et s’exprime en keV/nm.

Perte d’énergie

Selon le processus collisionnel (interactions élastiques ou inélastiques), une perte d’énergie nucléaire ou électronique sera définie. Lors d’une irradiation, la perte d’énergie totale du projectile (dE/dx)tot est la somme de la perte d’énergie nucléaire (dE/dx)n et électronique (dE/dx)e.

Il s’agit d’une simulation obtenue grâce au code SRIM [SRIM 2008] dans le cas d’une cible de Fluorure de Calcium CaF2 irradiée par un faisceau du Xe. Avec des projectiles de basse énergie (Ec < 8·10⁻⁵ MeV/u), la perte d’énergie nucléaire forme plus de 95 % de la perte d’énergie totale, la perte d’énergie électronique (dE/dx)e est alors négligeable, l’interaction est alors essentiellement nucléaire. Pour un faisceau de haute énergie (Ec > 0,2 MeV/u), la perte d’énergie électronique (-dE/dx)e contribue à plus de 95 % à la perte d’énergie totale (dE/dx)tot. L’interaction est alors essentiellement électronique. Désormais, nous définissons les projectiles lents comme ayant une perte d’énergie nucléaire beaucoup plus importante que la perte d’énergie électronique dans le matériau irradié ((dE/dx)n >> (dE/dx)e). Les projectiles rapides sont définis comme ayant une perte d’énergie électronique beaucoup plus importante que la perte d’énergie nucléaire dans la cible ((dE/dx)e >> (dE/dx)n).

Perte d’énergie nucléaire

Dans ce régime, les interactions entre l’ion incident et les atomes de la cible sont traitées comme des chocs élastiques entre deux particules dans un champ de force coulombien. L’énergie totale du projectile est transférée aux atomes de la cible, ce qui induit des endommagements dans tous les types de matériaux (isolants, semi-conducteurs et métaux…).

Perte d’énergie électronique 

La description des interactions inélastiques est complexe, le projectile interagit avec plusieurs électrons de la cible simultanément, eux-mêmes liés aux noyaux. L’ion projectile transfère son énergie au système électronique, introduisant des ionisations et des excitations des atomes tout au long de son parcours. Puis, les électrons libres transfèrent à leur tour une partie de l’énergie déposée dans le système électronique au réseau atomique. Lors du parcours de l’ion dans la cible celui-ci subit une succession de captures électroniques, il y a alors excitation et ionisation du projectile, modifiant son état de charge Z1 vers une charge effective Z1*, ceci dépendant de sa vitesse v1.

Modèles d’interaction Ion-Matière

L’endommagement des matériaux et la pulvérisation des particules secondaires sont les conséquences directes du dépôt d’énergie dans un matériau sous irradiation. Afin d’expliquer les processus conduisant à ces phénomènes, différents auteurs ont proposé des modèles tels que le modèle de la pointe thermique, de l’explosion coulombienne et le modèle de la dynamique moléculaire.

Modèle de la pointe thermique

Le modèle de la pointe thermique adapté à l’interaction ion-matière est proposé par M. Toulemonde [Toulemonde 1992]. Ce modèle est basé sur la succession de deux types d’interactions, le premier est l’interaction de l’ion avec les électrons de la cible conduisant à la création d’électrons libres et le deuxième est l’interaction des électrons avec le réseau atomique de la cible. Lorsque l’ion projectile pénètre dans la cible il y a excitation électronique et ionisation, sur un temps très court, inférieur à 10⁻¹⁵ s, après formation et thermalisation des électrons libres (10⁻¹⁴ s – 10⁻¹³ s) [Schlutig 2001, page 131], ces derniers transfèrent une partie de leur énergie au réseau atomique. La quantité d’énergie transmise au réseau atomique est gouvernée par un couplage électron-phonon [Toulemonde 1992]. Le transfert d’énergie aux atomes, autour de la trajectoire de l’ion, conduit à un échauffement du réseau atomique dans cette région. Si la densité d’énergie transférée au réseau atomique est suffisante pour une élévation de température plus grande que la température de fusion Tf du matériau, le réseau atomique devient plus fluide dans cette région, toute contrainte induite va alors relaxer. Cette fusion est suivie par un phénomène de trempe rapide, conduisant à un refroidissement de cette zone  pour revenir à la température ambiante dans une phase différente de l’initiale menant ainsi à la création d’une trace latente.

Modèle de l’explosion coulombienne

En 1965, le modèle de l’explosion coulombienne a été proposé [Fleischer 1965]. Celuici est basé sur le fait que lorsqu’un ion pénètre dans la matière il crée un cylindre d’atomes ionisés tout au long de sa trajectoire. Suivant ce modèle il est difficile de préciser le diamètre de trace du fait de la force répulsive entre les ions. Le diamètre maximal de la trace est estimé à 50 Å, dans les isolants. La présence d’une large densité de charge dans la trace du projectile conduit à la conversion de l’énergie électrostatique des atomes chargés en une énergie cinétique. Cette conversion a lieu lorsque la force de répulsion entre les ions est supérieure à la force élastique de liaison entre les atomes du matériau (constantes élastiques). Cette conversion d’énergie provoque alors une éjection d’ions secondaires de la cible. Dans le cas d’ionisation d’un isolant, la densité d’électrons libres est faible, la neutralisation des ions par les électrons libres est donc faible et l’explosion coulombienne est efficace. Ce modèle a été developpé par la suite [Lesueur 1993], par l’addition de calculs quantitatifs sur la déformation du matériau par les ondes de phonons et la dilatation du matériau. A ce jour, ce modèle ne fournit pas d’aspect quantitatif aux processus d’éjection des ions secondaires, tel que la localisation initiale de la pulvérisation et le rendement de pulvérisation des ions secondaires.

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Table des matières

Introduction
Chapitre I : Interaction ion-matière
I.1 Perte d’énergie
I.1.1 Perte d’énergie nucléaire
I.1.2 Perte d’énergie électronique
I.1.2.1 Vitesse du projectile supérieure à celle de ses électrons
I.1.2.2 Vitesse du projectile inférieure à celle de ses électrons
I.1.2.3 Vitesse de projectile équivalente à celle de ses électrons
I.2 Modèles d’interaction Ion-Matière
I.2.1 Modèle de la pointe thermique
I.2.2 Modèle de l’explosion coulombienne
I.2.3 Modèle de la dynamique moléculaire classique
I.3 Endommagements
I.3.1 Endommagement induit par des ions lents
I.3.1.1 Endommagement par perte d’Energie nucléaire
I.3.1.2 Endommagement induit par des ions lents hautement chargés positivement: effet de la charge
I.3.2 Endommagement induit par des ions rapides
I.3.2.1 Modèle excitonique
I.3.2.2 Effet de l’angle d’incidence
I.4 Pulvérisation
I.4.1 Pulvérisation induite par des ions lents
I.4.1.1 Pulvérisation induite par des ions lents hautement chargés : effet de la charge
I.4.1.2 Pulvérisation induite par collisions nucléaires
I.4.1.3 Résultats expérimentaux
I.4.2 Pulvérisation induite par des ions rapides
I.4.2.1 Modèle de la pointe thermique
I.4.2.2 Modèle de la pulvérisation par onde de choc
I.4.2.3 Résultats expérimentaux
Chapitre II : Matériaux sous irradiations
II.1 Graphite
II.1.1 Structure du graphite
II.1.1.1 SCG : Graphite monocristallin
II.1.1.2 Highly Oriented Pyrolitic Graphite : HOPG
II.1.2 Graphite sous irradiation
II.2 Le dioxyde Titane, TiO2
II.2.1 Structure du Dioxyde de Titane
II.2.2 Le dioxyde de Titane sous irradiation
II.3 Le silicium
II.3.1 Structure du silicium
II.3.2 Irradiation du silicium par des ions rapides
II.3.2.1 Endommagement dans le volume du Silicium
II.3.2.2 Endommagement de la surface du silicium
II.4 Fluorure de Calcium et Silicium
II.4.1 Structure du Fluorure de Calcium
II.4.2 Couches minces du CaF2/Si(111)
II.4.3 CaF2 sous irradiations par des ions lourds rapides
Chapitre III : Endommagements des surfaces cristallines par des ions lents
III.1 Méthode d’analyse et choix des matériaux
III.2 Dispositif expérimental
III.2.1 La diffraction à électrons lents (LEED)
III.2.1.1 Principe du LEED
III.2.1.2 Descriptif du LEED
III.2.1.3 Construction de l’image LEED
III.3 TiO2 sous irradiation
III.3.1 Préparation de la cible TiO2(100)
III.3.2 Endommagement du TiO2
III.3.2.1 Mesure de la section efficace d’endommagement
III.3.2.2 Normalisation de l’intensité
III.3.2.3 Spot 1 : Intensité et section efficace d’endommagement
III.3.2.4 Spot 2 : Intensité et section efficace d’endommagement
III.4 SCG sous irradiation
III.4.1 SCG : Structure vierge
III.4.2 Irradiation du graphite(0001) par des ions Xe14+ et Xe26+
III.5 Mesure des sections efficaces d’endommagements
III.5.1 Pourcentage de microcristaux à la surface
III.5.2 Spot 1 : Intensité et section efficace d’endommagement
III.5.3 Spot 2 : Intensité et section efficace d’endommagement
III.5.4 Spot 3 : Intensité et section efficace d’endommagement
III.5.5 Spot 4 : Intensité et section efficace d’endommagement
III.6 Création du polycristal (polygonisation)
III.6.1 Anneau1 : la section efficace de polygonisation
III.6.2 Anneau 2 : la section efficace de polygonisation
III.7 Résumé et discussions
Chapitre IV : Etude de l’endommagement du silicium par des ions rapides
IV.1 Préparation du silicium cristallin en ligne du faisceau
IV.1.1 Dispositif expérimental
IV.1.2 Principe de la STM
IV.2 Préparation du Si(111)-7×7 par chauffage direct
IV.3 Irradiation par des ions Xe à (0,6 MeV/u)
IV.3.1 Incidence normale
IV.3.2 Incidence rasante
IV.4 Irradiation par des ions Xe à (0,9 MeV/u)
IV.5 Résumé et discussion
Chapitre V : Etude de pulvérisation des ions secondaires induits par des ions rapides
V.1 Préparation des couches minces de CaF2/Si
V.1.1 Dispositif expérimental de préparation de couches minces de CaF2/Si
V.1.1.1 La balance à quartz (en anglais : Quartz Crystal MicorBalance : QCMB)
V.1.2 Procédure de la préparation de CaF2/Si
V.1.2.1 Dépôt du CaF2
V.1.3 Evolution de la structure cristalline avec l’épaisseur
V.1.4 Qualité des surfaces préparées
V.2 Dispositif expérimental pour identifier les ions émis par la technique SIMS
V.2.1 Dispositif expérimental « AoDo »
V.2.1.1 Le détecteur de projectiles
V.2.1.2 La chambre de préparation
V.2.1.3 La chambre d’irradiation
V.2.1.3.1 Spectromètre de temps de vol (technique SIMS)
V.2.2 Méthode de détection des ions secondaires
V.2.2.1 Visualisation du temps de vol
V.2.2.2 Effet de la multiplicité i sur la visualisation de spectre de temps de vol
V.2.3 Methode d’étalonnage
V.2.3.1 Cible gazeuse
V.2.3.2 Cibles solides
V.2.3.3 Méthode d’étalonnage avec la ligne de gaz
V.2.3.4 Etalonnage par calcul de temps de vol
V.3 Résultats et discussions
V.3.1 CaF2(111) massif
V.3.2 CaF2/Si(111)
V.3.3 Rendement de pulvérisation
Conclusion

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