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Système Ti-O-H
L’effet de la présence d’oxygène dans le titane pur sur la limite de solubilité de l’hydrogène a été étudié entre 600 et 850 °C et à une pression inférieure à 100 Pa par Yamanaka et al. par la méthode du volume constant [54]. Les résultats indiquent qu’à ces températures la présence d’oxygène diminue la solubilité de l’hydrogène dans la phase à pression de gaz fixée. Ces résultats sont en accord avec les conclusions obtenues par Hepworth et al. [55]. Ce phénomène serait dû à un « effet de blocage » selon lequel l’oxygène présent dans les sites octaédriques du titane empêcherait l’hydrogène d’occuper les sites tétraédriques voisins. Yamanaka et al. attribuent cet effet aux interactions répulsives existantes entre l’hydrogène et l’oxygène et Quach-Kamimura et al. attribuent cet effet à l’apparition de contraintes au niveau des sites tétraédriques du fait de l’expansion volumique créée par les atomes d’oxygène présents dans les sites octaédriques voisins [56].
Cependant, il est nécessaire de différencier les effets de l’oxygène sur la solubilité de l’hydrogène au-dessus (décrits ci-dessus) et en dessous de la température du palier eutectoïde (T = 300 °C) (Figure 8). Lenning et al. [57] pour le titane et Erickson et al. [58] pour le zirconium ont montré par dilatométrie que l’oxygène n’a pas d’effet significatif sur la solubilité finale de l’hydrogène en dessous de la température du palier eutectoïde.
Corrosion sèche
Thermodynamique
Les diagrammes d’Ellingham permettent d’établir la stabilité thermodynamique des oxydes lors des réactions de corrosion sèche. Ils donnent ainsi la possibilité de classer les oxydes métalliques par ordre de stabilité croissante. Ces diagrammes sont tracés pour les réactions d’oxydation d’un métal par le dioxygène (Équation 5): x M + (y/2) O2 = MxOy (5)
La force motrice de cette réaction est liée à la variation d’énergie libre. La formation d’oxyde sera thermodynamiquement possible seulement si la pression d’oxygène du milieu est supérieure à la pression de dissociation de l’oxyde en équilibre avec le métal. Les diagrammes d’Ellingham répertorient l’évolution des énergies libres de formation des oxydes en fonction de la température. Ils permettent donc de déterminer si un oxyde est thermodynamiquement stable à une température et à une pression en oxygène donnée [59]. Le diagramme d’Ellingham des principaux oxydes de titane, d’aluminium, de fer et de vanadium est présenté en Figure 11. Ainsi, quelle que soit la température, il apparait que le classement des éléments par ordre de stabilité croissante de leur oxyde est : Fe, V, Ti et Al.
Les diagrammes d’Ellingham n’apportent cependant aucune information sur la cinétique de formation des couches d’oxydes. Les cinétiques de croissance des oxydes dépendent de nombreux paramètres comme la nature du milieu oxydant, la température, la pression, l’état de surface du matériau et ne peuvent donc être étudiées qu’au cas par cas.
Milieu air ou O2
Kofstad et al. ont étudié l’oxydation du titane pur sous air entre 300 et 1000 °C (Figure 12) [61]. Ils ont identifié différentes cinétiques de prises de masse selon la température : une cinétique logarithmique pour des températures inférieures à 300 °C, une cinétique cubique entre 300 et 600 °C, une cinétique parabolique entre 600 et 850 °C et enfin une cinétique parabolique suivie d’une cinétique linéaire pour les températures supérieures à 850 °C. Les cinétiques sont donc dépendantes de la température, mais elles peuvent aussi dépendre de la durée de l’oxydation, de la pression partielle en dioxygène et des concentrations en oxygène initiales des alliages.
Les températures des transitions cinétiques ne sont pas définies de manière absolue. En effet, des transitions cinétiques peuvent avoir lieu au cours de l’oxydation à température fixée (Figure 12). Ainsi, Kofstad a montré que la cinétique logarithmique présente à 300 °C évoluait en une cinétique cubique au-delà de 300 minutes d’exposition. D’autre part, il s’avère que le maintien de la cinétique linéaire dans les conditions de l’étude dépende de la pression partielle en dioxygène. Ceci n’est pas le cas dans la gamme de température où le régime est d’ordinaire parabolique.
La compréhension des mécanismes d’oxydation est complexe du fait de la grande solubilité de l’oxygène dans le titane. Il est donc nécessaire de prendre en compte la formation d’une couche d’oxyde mais aussi la dissolution de l’oxygène provenant de l’oxyde dans le métal.
Deux hypothèses ont été proposées pour expliquer la cinétique logarithmique observée par Kofstad en dessous de 300 °C. Selon la première hypothèse, la différence de potentiel existant entre le métal et l’oxygène adsorbé à la surface provoquerait l’apparition d’un fort champ électrique au sein de la couche d’oxyde de faible épaisseur (jusqu’à 50 Å [62]) (Mott-type mechanism). Le transfert d’électrons à travers la couche d’oxyde serait alors l’étape cinétiquement limitante et donnerait une cinétique logarithmique [62]. Selon la seconde hypothèse, l’aire effective subissant l’oxydation ne serait pas constante du fait de la formation désordonnée de la couche d’oxyde. La formation localisée de l’oxyde provoquerait une augmentation non uniforme de son épaisseur et donnerait alors une cinétique de gain de masse globale logarithmique [63]. Aucune de ces deux hypothèses n’est néanmoins privilégiée.
Dans le domaine de température où le régime logarithmique est observé, la croissance de l’oxyde prévaut sur la dissolution de l’oxygène dans le métal étant donnée sa faible vitesse de diffusion dans le métal à ces températures. Cependant, pour des températures supérieures à 300 °C, l’épaisseur d’oxyde augmente de telle sorte que la vitesse d’oxydation diminue avec le temps. Ainsi l’étape cinétiquement limitante devient la dissolution de l’oxygène dans le métal. La cinétique logarithmique se transforme alors en une cinétique cubique.
Au cours du régime cubique, l’épaisseur de la couche d’oxyde est relativement constante. Il existe en effet un équilibre entre la vitesse d’oxydation (et donc la vitesse d’augmentation de l’épaisseur de l’oxyde) et la vitesse de dissolution de l’oxygène provenant de l’oxyde dans le métal. D’autre part, la vitesse de diffusion de l’oxygène dans le métal dépend de sa concentration en oxygène. Ainsi, la durée de la cinétique cubique diminue lorsque la concentration en oxygène dans le métal augmente. Celle-ci peut même être supprimée si le métal est saturé en oxygène.
Le passage de la cinétique cubique à la cinétique parabolique a lieu lorsque le métal devient saturé en oxygène à l’interface métal/oxyde. Cela provoque alors la reprise de la croissance de la couche d’oxyde. Cette cinétique est régie par la diffusion de l’oxygène à travers la couche d’oxyde comme le mentionne la théorie de Wagner [64]. Cela correspond alors à une croissance interne de l’oxyde (anionique). L’oxygène continue à se dissoudre dans le métal sous-jacent à l’oxyde tout au long de ce régime.
Pour des températures supérieures à 850 °C et des longues durées d’oxydation, la cinétique parabolique peut être suivie d’une cinétique linéaire. Deux mécanismes peuvent être responsables de cette succession de cinétiques. Dans le premier cas, les contraintes présentes dans l’oxyde du fait de la valeur du Pilling-Bedworth Ratio (PBR) des oxydes de titane provoquent une rupture de la couche d’oxyde. Le processus d’oxydation se poursuit et provoque la formation d’un oxyde poreux composé d’une succession de strates. La cinétique linéaire n’est autre que la somme de cinétiques paraboliques locales ponctuées par la rupture locale et successive de la couche d’oxyde [61]. Le second mécanisme est lié à la grande solubilité de l’oxygène dans le métal sous-jacent. Selon Kofstad et al. [29], le métal s’enrichit en oxygène jusqu’à atteindre la composition limite TiO0,35. Pour cette composition, d’importants changements microstructuraux ont lieu : le paramètre de maille a passe par un maximum et le paramètre c augmentera drastiquement pour une concentration en oxygène plus élevée. Ainsi, la dissolution supplémentaire d’oxygène dans le métal cause l’apparition de contraintes importantes, elles-mêmes responsables de la fissuration de cette couche. Le processus d’oxydation se poursuit alors et provoque la germination d’oxyde au sein même de cette couche de solution solide fissurée. La germination et la croissance de ces oxydes régissent alors la cinétique linéaire observée. La valeur du transus est généralement comprise dans cette gamme de température. Dans le cadre de ce second mécanisme, l’apparition de la phase serait une contribution non négligeable à l’établissement de la cinétique linéaire étant donné que l’oxygène diffuse plus rapidement dans la phase que dans la phase.
L’oxydation des alliages de titane sous air ou sous oxygène a été également largement étudiée. Gurrappa a étudié l’oxydation de l’alliage de titane quasi- IMI 834 sous air à 600 °C, 700 °C et 800 °C [65]. Pour les trois températures, les cinétiques d’évolution des épaisseurs d’oxyde sont paraboliques. Une importante pénétration d’oxygène dans le métal a également été mise en évidence : celle-ci est de l’ordre de 100 µm après 100 h d’exposition à 800 °C. Ces cinétiques sont cohérentes avec les cinétiques d’oxydation du titane pur dans les mêmes gammes de température (Figure 12). Les oxydes formés sont composés de rutile et d’alumine. L’alumine est présente sous forme dispersée dans la couche de rutile. Du et al. ont étudié l’oxydation du TA6V (+) sous air entre 650 °C et 850 °C [66]. Les cinétiques d’oxydation sont parabolique entre 650 °C et 700 °C, intermédiaire entre parabolique et linéaire entre 750 °C et 800 °C et enfin intermédiaire entre parabolique et linéaire pendant 50 h puis parabolique uniquement à 850 °C. Les oxydes sont constitués de plusieurs strates chacune constituée d’une couche de TiO2 (située en position interne) et d’une couche de Al2O3 (située en position externe). Une fine dispersion de vanadium (dont le degré d’oxydation n’est pas connu) est également présente au sein de chaque strate.
Milieu vapeur d’eau
Wouters et al. ont étudié l’oxydation du titane pur entre 650 et 850 °C sous une pression de vapeur d’eau de 20 mbar [67]. Ils ont observé une cinétique d’oxydation linéaire d’une durée allant de 5 à 20 minutes suivie d’une cinétique parabolique. Le changement de cinétique est progressif et a lieu sans rupture de la couche d’oxyde. De plus, il a été montré que l’oxydation sous vapeur d’eau est plus rapide que l’oxydation sous oxygène dans les mêmes conditions de pression. Après analyse des oxydes obtenus, Wouters et al. ont observé une couche d’oxyde compacte présentant seulement quelques pores isolés. Ils attribuent la cinétique linéaire observée aux réactions ayant lieu à l’interface externe. En effet, au début du processus d’oxydation la couche d’oxyde est si fine que la diffusion des espèces à travers celle-ci est trop rapide pour être cinétiquement limitante. Après épaississement de la couche d’oxyde, la diffusion à travers l’oxyde devient limitante et impose le régime parabolique. L’espèce diffusante a été identifiée par analyse Infra-Rouge par Hippel et al. comme étant l’ion hydroxyde HO- [68]. L’ion hydroxyde serait présent en substitution des ions O2- dans la couche d’oxyde. Selon Shannon et al., les lacunes d’oxygène sont les défauts prédominants et les ions HO- migrent par un mécanisme lacunaire [21]. De plus, l’ion hydroxyde possède une plus grande mobilité que l’ion O2- du fait de sa plus faible charge électronique. Sa diffusion est donc plus rapide qu’elle ne le serait avec l’espèce O2-. Selon ce mécanisme, une prise d’hydrogène peut s’effectuer de manière simultanée à l’oxydation. Celle-ci peut être importante comme le montre la présence de phase stabilisée par l’hydrogène dans le titane pur de l’étude de Wouters et al. (Figure 13). Aucun hydrure n’a cependant été observé dans cet échantillon. Motte et al. ont étudié l’oxydation du titane pur et du TA6V entre 650 et 950 °C sous une pression de vapeur d’eau comprise entre 0,7 et 2,4 mbar [69]. Leurs résultats diffèrent quelque peu de ceux obtenus sur le titane pur par Wouters et al.. En effet, pour les températures inférieures à 750 °C, ils ont observé un régime parabolique suivi d’un régime accéléré (non parabolique) qu’ils n’ont pas identifié. Pour des températures supérieures à 750 °C, la cinétique est plus rapide mais ne correspond à aucune loi cinétique courante. Les oxydes formés après 100 h d’oxydation à 850 °C sont constitués d’une couche d’oxyde interne microcristalline et d’une couche d’oxyde externe constituée de gros grains basaltiques (due à un phénomène de recristallisation) toutes les deux composées de rutile. Une fine couche d’oxyde riche en aluminium est présente entre les deux couches de rutile. La couche de rutile externe contient une fine dispersion de vanadium et la couche de rutile interne contient une fine dispersion d’aluminium et de vanadium.
Corrosion en milieu aqueux
Thermodynamique
Le comportement en solution aqueuse des alliages dépend du pH, de la température, de la composition de l’alliage et de la durée d’exposition. Les diagrammes de Pourbaix permettent d’établir les domaines de stabilité des espèces en fonction du potentiel et du pH de la solution. Cette partie est consacrée à l’étude de la stabilité thermodynamique du titane et des principaux éléments d’alliage (aluminium et fer) dans des conditions proches des conditions du milieu primaire des REP. Aucune donnée concernant la stabilité du vanadium dans ces gammes de pression et de température ne semble être disponible dans la littérature.
La Figure 14 présente le diagramme de Pourbaix du titane et de l’aluminium à 350 °C, 25 MPa et 10-6 mol/kg d’ions dissous [70]. Dans ces conditions, l’eau est proche de l’état supercritique. Les lignes en pointillés obliques sont les frontières des domaines de stabilité des espèces H2, H2O et O2, dans le sens de potentiel croissant. Les lignes en pointillés verticales indiquent le pH de neutralité de l’eau à 300 °C et 25 MPa (pH = 5,8). Les espèces stables dans le domaine de stabilité de l’eau sont l’oxyde TiO2 et les hydroxydes Ti(OH)3+ et Ti(OH)5- pour le titane et l’oxyde Al2O3 et les hydroxydes Al(OH)2+ et Al(OH)4 pour l’aluminium.
Il est important de préciser que les domaines de pH où l’espèce TiO2 est stable (pH compris entre 4 et 8,7) et où l’espèce Al2O3 est stable (pH compris entre 0,4 et 4,7) dépend directement de la concentration en ions dissous choisie pour réaliser le diagramme. Le domaine de stabilité du TiO2 diminue lorsque la concentration en ions dissous diminue. Cela indique que la chimie du milieu a une grande influence sur les domaines de stabilité thermodynamique des oxydes. Ceci est inhérent aux phénomènes de dissolution des oxydes. Cet aspect est abordé dans la partie 4.2.2.
Corrosion en milieu primaire et en eau supercritique
Les aciers inoxydables, les alliages base nickel et les alliages de zirconium sont utilisés depuis de nombreuses années en milieu primaire des REP. Les mécanismes et les cinétiques de corrosion de ces matériaux ont été très largement étudiés. Le but de cette partie n’est pas de décrire de manière exhaustive ces phénomènes mais de dresser un bilan succinct des principales tendances. Celles-ci pourront servir de point de comparaison aux résultats obtenus dans cette étude pour les alliages de titane.
De façon générale, les couches d’oxydes formées à la surface des aciers inoxydables sont des couches duplex constituées d’un oxyde interne et d’un oxyde externe. L’oxyde interne est une couche compacte et protectrice alors que l’oxyde externe est composé de cristallites d’oxydes ou d’hydroxydes discontinus. Par exemple, McIntyre et al. ont montré que l’oxyde se formant sur l’alliage 600 exposés au milieu primaire à 285 °C est constitué d’une couche interne riche en chrome et d’une couche externe contenant des hydroxydes de nickel, de la ferrite de nickel et de la magnétite [78]. La formation de la couche externe est attribuée à des phénomènes de dissolution et de précipitation en liens avec une saturation en nickel et en fer dans le milieu. Carrette et al. ont mis en évidence que la précipitation de ferrite de nickel n’a pas lieu lors de l’exposition d’un alliage 690 en milieu dynamique insaturé [79]. Ce résultat démontre l’influence directe de la concentration en cations métalliques dans le milieu sur les phénomènes de précipitation. Carette et al. [79] et Machet et al. [80] ont établi les cinétiques d’évolution des épaisseurs d’oxyde avec la durée d’exposition d’alliages 600 et 690 exposés au milieu primaire à 325 °C. Leurs résultats indiquent que les cinétiques diminuent de façon importante avec le temps. Ils ont respectivement mesuré des épaisseurs d’oxydes formés sur l’alliage 690 de l’ordre de 50 nm (après 500 h d’exposition) et 35 nm (après 400 h d’exposition). Les cinétiques mesurées ont été modélisées par des lois puissance (exposant compris entre 0,28 et 0,42) et logarithmique. Carrette et al. ont d’autre part mesuré une cinétique de dissolution de l’oxyde de l’alliage 690 en milieu primaire de l’ordre de 3,6.10-13 cm.s-1.
De façon générale, les couches d’oxydes formées à la surface des alliages de zirconium exposés au milieu primaire sont constituées de zircone ZrO2. La cinétique d’évolution de l’épaisseur d’oxyde avec la durée d’exposition est constituée de deux régimes cinétiques successifs : l’étape pré-transitoire et l’étape post transitoire. Lors de l’étape pré-transitoire, la cinétique est de type sub-parabolique ((m)n = k.t avec 2 < n < 3). L’oxyde est constitué d’une couche de zircone monoclinique subdivisée en deux parties. La partie externe est poreuse et constituée de nanopores interconnectés. La partie interne est dense et protectrice et constituée de nanopores isolés. La présence de zircone quadratique stabilisée par les contraintes au niveau de l’interface avec le métal est parfois observée. La transition cinétique se produit lorsque l’épaisseur d’oxyde atteint quelques micromètres. De très fortes contraintes de compression (jusqu’à 1 GPa) dans l’oxyde provoquent alors la fissuration de la couche dense. La couche d’oxyde perd alors son caractère protecteur et la vitesse d’oxydation augmente brutalement. La cinétique d’oxydation de l’étape post transitoire est linéaire. Celle-ci est en réalité composée d’une succession de transition cinétique chacune responsable de la dégradation locale cyclique de la couche et de son caractère protecteur. Contrairement aux alliages base fer et base nickel, aucun phénomène de dissolution des oxydes n’a été observé pour les alliages de zirconium [3].
Les alliages de zirconium exposés au milieu primaire sont sensibles à la prise d’hydrogène. Thomazet a établi que la prise d’hydrogène du Zircaloy-4 exposé au milieu primaire (360 °C, 3,5 ppm mas. de lithium et 650 ppm mas. de bore) est de l’ordre de 7,3.10-3 ppm mas.h -1 après la transition cinétique [4]. En comparaison, Bissor-Melloul a établi que la cinétique de prise d’hydrogène du même alliage exposé au milieu primaire à 360 °C est de l’ordre de 6,3.10-3 ppm mas.h-1 [3]. Contrairement à Thomazet, les valeurs utilisées pour calculer cette cinétique de prise d’hydrogène correspondent à des valeurs à la fois pré et post transitoire. Dans les deux cas, les auteurs ont établi qu’il existait un lien direct entre les cinétiques de corrosion et les cinétiques de prise d’hydrogène. Cette conclusion signifie que la prise d’hydrogène des alliages de zirconium en milieu primaire serait liée à la réaction de réduction de l’eau. Les auteurs s’accordent à dire que la Fraction d’Hydrogène Absorbé (FHA – qui est le rapport de la quantité d’hydrogène absorbé par l’échantillon sur la quantité totale d’hydrogène produite à la surface de cet échantillon due à la réaction de réduction de l’eau) du Zircaloy4 est comprise entre 15 % et 20 %.
Quelques études ont été menées sur la corrosion des alliages de titane en milieu primaire ou en milieu aqueux à des températures et des pressions plus élevées que celles utilisées pour le milieu primaire des REP [2], [81]–[83]. Duquesnes a étudié la prise d’hydrogène de deux nuances de T40 (de composition et de taille de grain différentes) en milieu primaire (T = 350 °C, P = 210 bar, [Li] comprise entre 0,4 et 1,2 ppm et [H2] comprise entre 12 et 30 cm3.kg-1) [2]. Il a établi que la prise d’hydrogène après 500 h d’exposition est comprise entre 9 ppm mas. et 162 ppm mas. selon la nuance de T40. Il a d’autre part caractérisé la formation d’hydrures TiH2 et des oxydes TiO2 rutile et anatase. Lu et al. ont étudié la tenue à la corrosion du titane pur en milieu eau supercritique pollué à 25 MPa et 450 °C [82]. Leurs résultats indiquent principalement que la corrosion du titane est directement dépendante de la nature du polluant. Tang et al. ont étudié la tenue à la corrosion de l’alliage Ti-0,8Ni-0,4Mo en milieu eau supercritique (25 MPa, 450 °C) polluée aux ions chlorures, aux ions phosphates ainsi qu’à l’oxygène [83]. L’oxyde formé est composé de TiO2, Ti2O3 et TiO ainsi que de cristaux de (TiO)2P2O7 situés en surface. La formation de ces cristaux est liée, selon les auteurs, à des phénomènes de dissolution et de précipitation. Ils ont estimé la vitesse de corrosion à 1,8 mm.an-1 environ. Celle-ci doit néanmoins être considérée avec précaution car elle a été établie grâce à l’épaisseur totale d’oxyde estimée par EDS. Kaneda et al. ont étudié la résistance à la corrosion de différents alliages de titane/ et exposés 500 h en milieu eau supercritique (25 MPa, 290 °C – 550 °C) [81]. Des couches d’oxydes d’une épaisseur inférieure au micromètre recouvertes par des particules dispersées sont observées après exposition à 290 °C pour tous les alliages. Après exposition à 550 °C, les épaisseurs d’oxydes formées en 500 h valent 5 µm et 20 µm environ pour les alliages et+ respectivement. La partie externe des couches d’oxydes des alliages sont enrichies en éléments d’alliage (chrome, molybdène et zirconium). Les auteurs attribuent la meilleure résistance à la corrosion des alliages par rapport aux alliages+ à 500 °C à la présence des éléments d’alliage. Cette conclusion est basée sur la considération des prises de masse et d’épaisseur totale d’oxyde.
Propriétés mécaniques des alliages,+ et-métastables
Généralités
De manière générale, les alliages biphasés+ possèdent une meilleure résistance mécanique (Tableau 3) que les alliages monophasés. Ceci est notamment lié au fait que la phase est plus dure que la phase. En effet, Ankem et al. ont déterminé par modélisation par éléments finis que les limites d’élasticités de la phase et de la phase d’un alliage Ti-Mn (84 % volumique de phase) à température ambiante étaient respectivement de 450 MPa et 900 MPa [84]. D’autre part, Feaugas et al. [85] ainsi que Mahajan et al. [86] n’ont pas observé de déformation de la phase de l’alliage biphasé Ti6246 lors de la sollicitation mécanique de celui-ci. Le plus souvent, seule l’étude de la déformation de la phase des alliages biphasés est donc réalisée. La meilleure résistance mécanique des alliages+ est également liée à la présence des interfaces / (cf. partie 5.1.3).
La proportion de phase n’est bien sûr pas le seul paramètre microstructural influençant les propriétés mécaniques des alliages de titane. Le type de microstructure d’un alliage, lié aux traitements thermo-mécaniques qu’il a subi, influence également ses propriétés mécaniques. Pour les alliages biphasés, une structure lamellaire aura tendance à augmenter la résistance au fluage et la ténacité alors qu’une structure équiaxe aura tendance à augmenter la ductilité de l’alliage et sa durée de vie en fatigue [5], [8], [87], [88].
Effet des hydrures
Sur le comportement plastique
Les hydrures sont des phases plus dures que la phase du titane. La présence d’hydrures implique donc un durcissement par effet composite comme dans les alliages de zirconium alpha. Arsene et al. ont ainsi établi que la résistance maximale du Zircaloy-2 recristallisé augmente de 7 % à 20 °C lorsque la concentration en hydrogène passe de 0 à 1000 ppm mas. [110]. Lors de la sollicitation mécanique d’un alliage de titane contenant des hydrures en deçà d’un certain seuil de déformation, la phase est déformée plastiquement alors que les hydrures ne sont que sollicités élastiquement. Au-delà de ce seuil, la déformation plastique de l’hydrure a lieu. Le franchissement des hydrures de petites tailles (dont l’épaisseur est inférieure à 400 nm) a alors lieu grâce à un mécanisme de cisaillement alors que le franchissement des hydrures de plus grande taille a lieu grâce à leur déformation plastique [36].
Sur l’endommagement
Les hydrures sont des phases fragiles pour des températures inférieures à 150 °C [36]. Briant et al. ont étudié l’évolution du comportement mécanique d’un titane de grade 2 (T40) à température ambiante en fonction de la concentration en hydrogène [111]. Ils ont mis en évidence un durcissement ainsi qu’une perte importante de ductilité des échantillons pour des concentrations en hydrogène comprises entre 32 ppm mas. et 3490 ppm mas. (Figure 29). Cet effet est attribué à la présence d’hydrures. Ils précisent également que la perte de ductilité est d’autant plus importante que la taille des hydrures est grande. Plusieurs auteurs s’accordent à dire que l’endommagement du titane hydruré est lié à des ruptures qui interviennent au sein des hydrures et non pas au niveau des interfaces hydrure/matrice métallique [36], [96], [111]. Huez et al. ont également étudié l’évolution du comportement mécanique du T40 contenant des hydrures [96]. Ils ont observé que les hydrures qui rompent sont le plus souvent ceux qui sont alignés dans le sens de la contrainte. Leur rupture implique la germination de cavités. Il est important de noter que, pour une même contrainte hydrostatique, la déformation plastique minimale nécessaire à la germination de cavités est plus faible pour le T40 contenant des hydrures que pour le T40 n’en contenant pas. Contrairement au T40 ne contenant pas d’hydrures, ce n’est pas la cinétique de croissance des cavités mais la cinétique de germination de celle-ci qui contrôle la rupture du T40 hydruré.
Texture cristallographique
Les textures cristallographiques des trois alliages ont été établies par analyse EBSD par TIMET. Elles ont été réalisées sur des échantillons polis miroir prélevés à mi-rayon des billettes selon des plans longitudinaux (i.e. contenant la direction de laminage). Elles ont été étudiées dans des zones de 16 mm², 18 mm² et 17 mm² pour le T40, le TA6V et le Ti10-2-3 respectivement. Il est possible de définir un repère orthonormé comme présenté en Figure 35 avec DL la Direction de Laminage, DN la Direction Normale ou radiale et DT la Direction Transverse ou orthoradiale. La Figure 36 et la Figure 37 présentent les figures de pôles obtenues pour la phase du T40 et du TA6V respectivement. La texture de la phase du TA6V n’a pas été étudiée étant donné sa faible fraction volumique (voir partie 2.1.5). La Figure 38 présente les figures de pôles de la phase et de la phase du Ti10-2-3 et la Figure 39 présente la cartographie d’orientations cristallographiques de la phase correspondante. Les deux directions DN et DT ne sont pas représentées et ne sont pas différenciées pour l’ensemble des figures de pôles pour des raisons d’historique de mise en forme des billettes lors de leur élaboration. En effet, la billette est formée à partir d’une barre laminée de section carrée. Du point de vue de la microstructure, il n’est pas possible de considérer que la billette obtenue possède une symétrie cylindrique. Il n’y a donc pas de sens à différencier les deux directions DN et DT, propres à la symétrie cylindrique. Seuls le plan transverse (DN, DT) et la direction DL seront distingués.
La Figure 36 indique que les axes <c> (normales des plans de base {0001}) de la maille du T40 sont situés dans le plan transverse. Les plans prismatiques {10-10} et {11-20} sont principalement perpendiculaires à DL. La Figure 37 indique que les axes <c> de la maille du TA6V sont orientés suivant la direction DL et que les plans prismatiques ne possèdent pas d’orientation particulière. La Figure 38 a) montre que les axes <c> de la maille du Ti10-2-3 sont principalement situés dans le plan transverse et que les normales aux plans prismatiques {10-10} sont majoritairement parallèles à la direction longitudinale. La figure de pôle {0001} de la phase de la Figure 38 a) et la figure de pôle {110} de la phase de la Figure 38 b) sont quasiment identiques. Cela signifie que la germination de la phase au sein de la phase lors de l’élaboration du matériau respecte la relation de Burgers [6], [7].
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Table des matières
Introduction
Chapitre I : Bibliographie
Introduction
Le titane et ses alliages
2.1. Transformations de phases
2.1.1. Titane pur
2.1.2. Alliages de titane
2.2. Microstructures
Interaction du titane avec l’oxygène et l’hydrogène
3.1. Système Ti-O
3.1.1. Solubilité
3.1.2. Diffusion
3.2. Système Ti-H
3.2.1. Solubilité
3.2.2. Diffusion
3.3. Système Ti-O-H
Corrosion des alliages de titane
4.1. Corrosion sèche
4.1.1. Thermodynamique
4.1.2. Milieu air ou O2
4.1.3. Milieu vapeur d’eau
4.2. Corrosion en milieu aqueux
4.2.1. Thermodynamique
4.2.2. Dissolution des oxydes
4.2.3. Corrosion en milieu primaire et en eau supercritique
Propriétés mécaniques des alliages de titane
5.1. Propriétés mécaniques des alliages , + et -métastables
5.1.1. Généralités
5.1.2. Plasticité et endommagement ductile
5.1.3. Rôle des interfaces
5.2. Effet de l’oxygène et de l’hydrogène en solution solide
5.3. Effet des hydrures
5.3.1. Sur le comportement plastique
5.3.2. Sur l’endommagement
Bilan
Chapitre II : Matériaux et techniques expérimentales
Introduction
Matériaux
2.1. Caractéristiques chimiques et microstructurales
2.1.1. Présentation générale
2.1.2. Composition chimique globale
2.1.3. Traitements thermomécaniques et microstructures associées
2.1.4. Texture cristallographique
2.1.5. Taux de phases
2.2. Plans de prélèvements
2.3. Procédure de préparation
Exposition au milieu primaire, chargement en hydrogène et vieillissement thermique
3.1. Moyens d’exposition au milieu primaire
3.1.1. Boucle de corrosion
3.1.2. Autoclave
3.2. Procédure de chargement en hydrogène
3.2.1. Chargement cathodique
3.2.2. Recuit d’homogénéisation
3.3. Vieillissement thermique
Techniques d’analyses
4.1. Techniques de microscopie
4.1.1. Microscopie Optique (MO)
4.1.2. Microscopie Electronique à Balayage (MEB)
4.1.3. Analyse d’image
4.1.4. MET ASTAR
4.2. Techniques d’analyses spectroscopiques
4.2.1. Spectroscopie à Décharge Luminescente (SDL)
4.2.2. Spectrométrie de photoélectrons induits par rayons X (XPS)
4.2.3. Spectrométrie Raman
4.2.4. Photoélectrochimie
4.3. Techniques de spectrométrie de masse
4.3.1. Spectrométrie de Désorption Thermique (TDS)
4.3.2. Plasma à couplage inductif – spectrométrie de masse (ICP – MS)
4.4. Diffraction des rayons X (DRX)
4.5. Techniques de localisation de l’oxygène et de quantification de l’hydrogène
4.5.1. Nanoindentation
4.5.2. Dosage par fusion totale
4.6. Moyens d’essai mécanique
4.6.1. Essais de traction sous air
4.6.2. Essais de traction sous MEB
Chapitre III : Mécanismes de corrosion
1. Introduction
Résultats expérimentaux
2.1. Après exposition en boucle à 300 °C
2.1.1. Nature des oxydes : analyses globales
2.1.2. Morphologie des oxydes : observations MEB
2.1.3. Nature des oxydes : analyses locales
2.1.4. Analyse du métal sous-jacent
2.1.5. Bilan des analyses des matériaux exposés en boucle à 300 °C
2.2. Après exposition en boucle à 350 °C
2.2.1. Analyses SDL après 296 h
2.2.2. Observations MEB en surface et en coupe après 100 h
2.2.3. Évolution temporelle de l’interface entre 100 h et 1750 h
2.2.4. Nanoindentation du T40 après 1750 h
2.2.5. Dosage de l’hydrogène
2.2.6. Bilan des analyses des matériaux exposés en boucle à 350 °C
2.3. Après exposition en autoclave à 300 °C
2.3.1. Analyses SDL après 7560 h
2.3.2. Observations MEB en surface et en coupe après 7560 h
2.3.3. Évolution temporelle de l’interface entre 3505 h et 11065 h
2.3.4. Analyse XPS (FeTiO3) après 7560 h
2.3.5. Analyse du milieu primaire par ICP-MS après 3505 h
2.3.6. Dosage de l’hydrogène
2.3.7. Bilan des analyses des matériaux exposés dans l’autoclave à 300 °C
2.4. Oxydation du TA6V en XPS-in situ
Discussion
3.1. Phénomènes de dissolution et de précipitation des oxydes
3.2. Compositions chimiques des oxydes des alliages TA6V et Ti10-2-3
3.3. Formation des différentes formes allotropiques de TiO2
3.4. Identification du défaut ponctuel diffusant majoritaire
3.5. Dissolution de l’oxygène dans le métal
3.6. Absorption d’hydrogène
3.7. Conclusion générale : mécanisme réactionnel
Chapitre IV : Cinétiques de corrosion et de prise d’hydrogène
Introduction
Résultats
2.1. Évolution temporelle de l’épaisseur de la couche d’oxyde dense : observations MEB
2.2. Estimation de l’épaisseur de métal consommé : observations MEB et analyse d’image
2.3. Évolution des quantités de TiO2 anatase et de FeTiO3 ilménite avec le temps : analyses SDL
2.4. Évolution du recouvrement de la surface par les cristallites de FeTiO3 avec le temps : observations MEB et analyse d’image
2.5. Cinétiques de prise d’hydrogène : dosage de l’hydrogène
2.6. Cinétiques de prises de masse
2.7. Bilan
Discussion
3.1. Proposition d’un modèle cinétique de corrosion
3.1.1. Rappel du mécanisme de corrosion proposé (Chapitre III)
3.1.2. Modélisation de l’évolution de l’épaisseur de la couche dense de TiO2
3.1.3. Détermination des vitesses de dissolution kD par analyse d’images
3.1.4. Conséquences de la précipitation d’ilménite sur les cinétiques de corrosion
3.1.5. Modélisation des cinétiques de prise de masse : prise en compte de la précipitation des oxydes
3.2. Comparaison des cinétiques de corrosions et de prise d’hydrogène
3.3. Extrapolation des cinétiques de corrosion et de prise d’hydrogène
Bilan
Chapitre V : Effets de l’exposition au milieu primaire sur le comportement mécanique
Introduction
Résultats
2.1. Procédure de chargement en hydrogène
2.2. Localisation de l’hydrogène ou des hydrures au sein de la microstructure
2.2.1. Après exposition au milieu primaire
2.2.2. Après la procédure de chargement
2.3. Effet de l’exposition au milieu primaire sur le comportement mécanique des matériaux
2.3.1. Essais de traction
2.3.2. Identification des modes de rupture par observation en microscopie optique
2.3.3. Observations MEB des faciès de rupture
2.4. Effet de l’hydrogène incorporé par chargement cathodique
2.4.1. A 20 °C
2.4.2. A 300 °C
2.5. Essais de vieillissement thermique : traitements thermique sous vide
2.5.1. Essais de traction
2.6. Bilan
Discussion
3.1. Distribution de l’hydrogène et des hydrures en lien avec la température et la microstructure
3.2. Effet des hydrures sur les propriétés mécaniques
3.3. Effet de l’hydrogène et de l’oxygène en solution solide sur les propriétés mécaniques
3.4. Effet du vieillissement thermique sur les propriétés mécaniques
3.5. Effet de l’exposition au milieu primaire sur les propriétés mécaniques : décorrélation des différents effets
Bilan
Conclusion
Perspectives
Références bibliographiques
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