Interaction du rayonnement cosmique avec le milieu interstellaire 

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Premières observations galactiques de la raie d’annihilation e+e−

Dans cette section, je vais évoquer uniquement une sélection d’observations majeures. Pour un historique plus exhaustif, je conseille au lecteur de se reporter à la revue de Prantzos et al. (2011). En 1972, Johnson et al. détectèrent pour la première fois une raie gamma extra-terrestre en direction du centre Galactique. Cette raie se situait à 476±26 keV et fut observée à l’aide d’un scintillateur NaI placé au sein d’un ballon stratosphérique. En 1975, Haymes et al. rééva-luèrent les caractéristiques spectrales de cette raie à 530±10 keV. Ils mesurèrent un flux de la raie environ deux fois plus faible (0.8±0.23×10−3 ph cm−2 s− 1) que celui de Johnson et al. (1972) (1.8±0.5×10−3 ph cm−2 s−1). Bien que l’incertitude à 1σ ne recouvrait pas la raie à 511 keV, les auteurs précédemment cités avancèrent que la raie d’annihilation e+/e− était la possible origine de cette raie gamma. Cependant, ils préférèrent suggérer que cette raie était probablement issue de la décroissance d’un isotope radioactif encore inconnue.
L’utilisation d’un détecteur Ge (à très bonne résolution spectrale) dans un ballon strato-sphérique permit à Leventhal et al. (1978) d’affirmer sans ambiguité que la raie observée dans la direction du centre Galactique était bel et bien la raie d’annihilation e+/e− à 511 keV. La raie détectée était quasiment centrée sur 511 keV (510.7±0.5 keV) et non élargie. Sa largeur à mi-hauteur (FWHM pour full width at half maximum) était inférieure à 3.2 keV. Le flux mesuré de cette raie était de (1.2±0.2)×10−3 ph cm−2 s−1.
En 1981, à l’aide du satellite High Energy Astrophysics Observatory (HEAO-3), Riegler et al. montrèrent une variabilité significative du signal galactique à 511 keV 1. En effet, entre deux campagnes d’observations successives (septembre 1979 et avril 1980) du centre Galac-tique, la mesure du flux à 511 keV chuta de manière significative (1.85±0.21×10−3 ph cm−2 s−1 puis 0.65±0.27×10−3 ph cm−2 s−1). Riegler et al. (1981) suggérèrent que l’émission d’annihilation pourrait provenir d’un point source compact et variable. Une grande partie de la communauté soutiendra cette possibilité (Lingenfelter et al. 1981, Burns 1983, Leventhal et al. 1986) en évo-quant principalement un trou noir massif dans le parsec central de notre Galaxie (« la variabilité du signal provenant soit d’un changement dans le taux d’accrétion du trou noir ou bien d’un changement dans la dynamique entre le faisceau de positrons émis et un nuage » sur la ligne de visée Terre-centre Galactique, d’après Leventhal et al. 1986). La présence d’un tel objet astro-physique au centre de notre Galaxie n’était pas encore formellement établie à cette époque. Cette variabilité fut aussi montrée par des missions ballons au cours des années 1980 (p. ex. Leventhal et al. 1986).
Share et al. (1988; 1990) réprouvèrent rapidement la variabilité de l’émission d’annihilation. En utilisant le Gammay Ray Imaging Spectrometer (GRS) à bord du satellite Solar Maximum Mission (SMM) lancé en 1980, ces auteurs montrèrent que la variation d’une année sur l’autre du flux mesuré à 511 keV était inférieure à 30% (entre 1980 et 1988). Le grand champ de vue de GRS (∼130˚) leur permit de suggérer que l’émission d’annihilation était probablement une émission diffuse et étendue. Ce que ne pouvait voir les missions ballons prônant la variabilité de l’émission à 511 keV qui ont un faible champ de vue. Quant à la variabilité détectée par le satellite HEAO-3, Mahoney et al. (1994) découvrit que les résultats de Riegler et al. (1981) étaient entachés d’er-reurs systématiques. Après une réanalyse de ses données, Mahoney et al. trouvèrent un flux de (1.25±0.18)×10−3 ph cm−2 s−1 pour septembre 1979 et un flux de (0.99±0.18)×10−3 ph cm−2 s−1 pour avril 1980. Cependant, l’hypothèse d’une source variable de positrons, au centre Galac-tique, réapparut en 1991 avec l’observation d’une source ponctuelle : le candidat trou noir 1E 1740.7-2924. Cette source fut observée par l’imageur γ SIGMA sur le satellite soviétique GRA-NAT. Bouchet et al. (1991) et Sunyaev et al. (1991) montrèrent que SIGMA détecta une raie transitoire autour de 500 keV qu’ils assimilèrent à l’annihilation de positrons avec des électrons au voisinage de la source. De par sa position proche du centre Galactique et son alignement avec un nuage moléculaire, Ramaty et al. (1992) pensait retrouver là la source compacte et va-riable des positrons Galactiques observée depuis 1972. Mais tous ces résultats furent rejetés. La raie observée ne put être réobservée par SIGMA/GRANAT (Malet et al. 1995) ainsi que par les instruments OSSE (Jung et al. 1995) et BATSE (Smith et al. 1996) du satellite Compton Gamma-Ray Observatory (CGRO) lancé en 1991. L’émission d’annihilation Galactique n’était donc pas variable mais stationnaire et la source des positrons Galactiques restait donc inconnue au début des années 1990.
Le lancement de l’Oriented Scintillation Spectrometer Experiment (OSSE) à bord de l’obser-vatoire CGRO fut une étape majeure dans l’observation de l’émission d’annihilation. L’OSSE est le premier instrument à posséder des capacités d’imagerie à 511 keV. Il est constitué de quatre détecteurs en CsI(Tl) recouverts par un collimateur en tungstène lui conférant un champ de vue de (3.8˚×11.4˚). Cette étape fut importante car l’on pensait que la connaissance de la distribution spatiale de l’émission à 511 keV allait pouvoir nous permettre de déterminer la source des posi-trons Galactiques. En 1994, Purcell et al., avec les premières données d’OSSE, confirmèrent que l’émission d’annihilation était étendue en rejetant l’hypothèse d’une source ponctuelle. Il confir-mèrent aussi la stationnarité du signal à 511 keV en ne trouvant pas de variation significative du signal dans la direction du centre Galactique. La première carte à 511 keV de la région centrale Galactique fut obtenue par Purcell et al. (1997). Ces auteurs combinèrent les données de SMM, OSSE et TGRS (Transient Gammay-Ray Spectrometer ) pour dériver cette carte. Celle-ci est pré- sentée sur la Figure 1.2. On y distingue une émission provenant du disque Galactique superposée à celle d’un bulbe central. On y observe aussi une étrange composante qui fut nommée le Positive-Latitude Enhancement (PLE). Le PLE est situé juste au dessus du centre Galactique et a pour longitude Galactique l ∼ −2˚ et pour latitude Galactique b ∼12˚. Purcell et al. (1997) modéli-sèrent cette distribution spatiale par trois composantes géométriques simples. Le bulbe central fut modélisé par une distribution Gaussienne circulaire à deux dimensions de FWHM∼4˚, centré en (l, b)=(0˚, 0˚) avec un flux à 511 keV ≃3.3×10−4 ph cm−2 s−1. L’émission du disque fut modélisée par une distribution homogène avec une extension de ∼30˚ en longitude avec un profil Gaussien en latitude de FWHM∼12˚. Le flux associée à cette composante était de ≃1×10−3 ph cm−2 s−1. Enfin, le PLE fut modélisé par une distribution Gaussienne circulaire à deux dimensions de FWHM∼16˚, centré en (l, b)=(-2˚, 12˚) avec un flux à 511 keV ≃9×10−4 ph cm−2 s−1.
Au début des années 2000, la mise à jour des données de OSSE permit de revoir la modélisation de Purcell et al. (1997). De nombreux auteurs (Kinzer et al. 2001, Milne et al. 2001, Milne et al. 2001; 2002) reportèrent que l’émission provenait principalement d’un bulbe central étendu et d’un disque (voir Figure 1.3). Milne et al. (2001) montrèrent que le PLE n’apparaissait plus dans l’émission du continuum Positronium et apparaissait à des valeurs en flux ∼9 fois plus faible dans l’émission à 511 keV. Kinzer et al. (2001) et Milne et al. (2002) reportèrent plusieurs familles de modèles « bulbe-disque » qui pouvaient s’ajuster convenablement aux données. En fonction du modèle choisi, le ratio entre le flux à 511 keV du bulbe et du disque (ratio B/D) pourrait se situer entre 0.2 et 3.3. Concernant le taux d’annihilation de positrons dans la Galaxie, celui-ci pourrait se trouver entre 3.1 et 4.2×1043 e+ s−1. Les données de OSSE/CGRO ne contraignèrent donc pas très bien la morphologie et l’intensité relative du bulbe et du disque. Il n’était donc pas aisé de conclure catégoriquement sur la source des positrons responsables de l’émission Galactique à 511 keV.
Concernant la spectroscopie à la fin des années 1990, le détecteur Ge TGRS à bord du satellite WIND permit de fournir le spectre le mieux résolu jusqu’à présent (Harris et al. 1998). La raie détectée à 511 keV était située à (510.98±0.14) keV avec une largeur de (1.81±0.68) keV et son flux était de 1.07+0−0 113 × 10−3 ph cm−2 s− 1. Avec la mesure du continuum ortho-Ps, Harris et al. en déduisirent une fraction de Positronium de 0.94±0.04. Quelques années auparavant, Kinzer et al. (1996) déduisirent une fraction de Positronium de 0.97±0.03 avec des données OSSE/CGRO (voir la section 1.2.2 pour la définition de la fraction de Positronium).

Depuis 2002 avec INTEGRAL

L’observatoire spatial International Gamma-Ray Astrophysics Laboratory (INTEGRAL) de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) a été lancé en octobre 2002 dans le but de réaliser de l’ima-gerie et de la spectroscopie fine de sources γ célestes. L’un des objectifs majeurs d’INTEGRAL est d’étudier : (1) la nucléosynthèse stellaire par la détection, la cartographie et la spectroscopie d’objets astrophysiques ou de structures émettrices de rayons γ et (2) la raie d’annihilation e+/e− Galactique (Winkler et al. 2003). C’est pour cela que se trouve à son bord (aux côtés de trois autres instruments) le Spectrometer onboard INTEGRAL (SPI ; pour obtenir plus d’informations sur INTEGRAL et les autres instruments, je recommande au lecteur de lire Winkler et al. 2003 et le travail de thèse de Lonjou 2005). Je résume dans le paragraphe suivant les caractéristiques importantes de SPI. Pour une description exhaustive, je recommande au lecteur de se référer à Vedrenne et al. (2003), Lonjou (2005) et Martin (2008).
SPI est un spectro-imageur γ optimisé pour la spectroscopie de très haute résolution dans la gamme 20 keV−8 MeV. Son plan de détection est constitué de 19 détecteurs germanium haute-pureté (représentant une surface collectrice de 508 cm2) entouré d’un blindage actif (système d’anti-coïncidence en BGO) permettant de réduire le bruit de fond dû à l’interaction du rayonne-ment cosmique avec les détecteurs en Ge et les éléments du satellite entourant ceux-ci. La matrice de détecteurs est surmontée par un masque codé, constitué d’une mosaïque d’éléments opaques en tungstène et d’éléments transparents, conférant à l’instrument des capacités d’imagerie. Avec ce dispositif, SPI possède un champ de vue de ∼16˚, idéal pour l’observation des émissions diffuses, et une résolution angulaire de ∼(2.5–3)˚, résolution bien supérieure à celle d’OSSE/CGRO. Ces caractéristiques instrumentales permettent donc de cartographier, avec une résolution sans pré-cédent, l’émission d’annihilation Galactique e+/e− . La très bonne résolution spectrale de 2.1 keV
à 511 keV, combinée avec ces capacités d’imagerie, vont donc permettre d’étudier finement le spectre d’annihilation pour différentes régions Galactiques.
Dans cette section, je présente les avancées majeures qui ont été réalisées par SPI/INTEGRAL concernant l’imagerie puis la spectroscopie de l’émission d’annihilation à 511 keV.

Imagerie de l’émission à 511 keV

Avec seulement deux mois de données de SPI/INTEGRAL, Jean et al. (2003) et Knödlseder et al. (2003) confirmèrent très rapidement la forte émission provenant du centre Galactique. Knödlseder et al. utilisèrent un algorithme de Richardson-Lucy qui permet de déconvoluer les données brutes de SPI pour en obtenir une distribution spatiale en intensité. Cet algorithme fut déjà appliqué avec succès aux données d’OSSE/CGRO pour cartographier l’émission à 511 keV a été extraite de Knödlseder 2007). Sur la Figure 1.4b, les contours correspondent à 10−4, 10−3 et 10−2 ph cm−2 s−1 sr−1. Sur la Figure 1.4c, les contours correspondent à 10−3 et 10−2 ph cm−2 s−1 sr−1. Les trois figures ont été obtenues après la déconvolution des données de SPI par un algorithme de Richardson-Lucy.
La Figure 1.4a montre la première carte de l’émission d’annihilation obtenue par SPI, à l’aide de l’algorithme de Richardson-Lucy. On y voit une émission symétrique centrée en (l, b) = (−1˚, +2˚) avec une FWHM∼9˚. Knödlseder et al. utilisèrent une autre méthode pour contraindre la morphologie de l’émission à 511 keV : l’ajustement de modèle(s) d’émission aux données. Avec celle-ci, ils montrèrent que l’émission était compatible avec un bulbe Gaussien 2D de FWHM=8+4−3˚ centré en (l, b) = (−1 0˚± 1 3˚, 1 4˚± 1 3˚) (incertitudes à 2σ). Les deux méthodes donnent un flux total à 511 keV de ≃1×10−3 ph cm−2 s− 1. De plus, elles ne révèlent aucune émission significative en provenance du disque et du PLE, ce qu’avait pourtant révélé OSSE/CGRO (voir les contours sur la Figure 1.4a).
Avec ∼1 an de données de SPI, Knödlseder et al. (2005) présentèrent une carte de tout le ciel de l’émission d’annihilation à 511 keV (voir Figure 1.4b) et Weidenspointner et al. (2006) présentèrent la carte de tout le ciel de l’émission du continuum Positronium. Ces auteurs posèrent de nouvelles contraintes sur la morphologie de l’émission d’annihilation. L’émission à 511 keV et l’émission du continuum Positronium sont statistiquement identiques, montrant ainsi que la fraction de Positronium est identique partout dans le ciel. Concernant la morphologie de l’émission, celle-ci est toujours aussi intense en provenance du bulbe Galactique. Elle est très bien décrite par une distribution Gaussienne 2D, centrée sur le centre Galactique, avec une FWHM∼8˚. L’émission peut aussi être décrite, de manière tout autant satisfaisante, par plusieurs familles de modèles paramétriques provenant de la distribution 3D de sources de notre Galaxie : (1) des modèles contenant une seule composante bulbe/halo et (2) des modèles contenant une composante disque en plus d’une composante bulbe/halo. Un modèle constitué de coquilles emboîtées expliqua aussi de manière tout aussi satisfaisante les données de SPI. Knödlseder et al. montrèrent donc qu’une émission en provenance du disque était détectée avec une significativité de (3–4)σ (selon les modèles utilisées). Cependant, sa morphologie exacte ne put être contrainte. L’ensemble des solutions permit donc de contraindre le flux à 511 keV à (1.05±0.06)×10−3 ph cm−2 s −1 et à (0.7±0.4)×10− 3 ph cm−2 s −1 pour le bulbe et pour le disque, respectivement. Le ratio du flux B/D à 511 keV était donc compris entre 1 et 3, ce qui n’existe pour aucune autre longueur d’onde observée. Cependant, avec seulement un an de données de SPI, la morphologie de l’émission, aussi bien du disque que du bulbe, n’était toujours pas précisément contrainte. Toutefois, Knödlseder et al. ne détectèrent pas de manière significative la présence du PLE comme composante de l’émission d’annihilation. Ceci ne fut pas surprenant au vu des dernières analyses des données OSSE/CGRO (Milne et al. 2001, Milne 2004).
Avec plus de 4.5 ans d’accumulation de données SPI, Weidenspointner et al. (2008a) révélèrent de manière significative l’émission d’annihilation du disque Galactique 2 (voir Figure 1.4c). Ces auteurs réussirent aussi à réduire le nombre de modèles qui s’ajustent de manière satisfaisante aux données de SPI. Ces modèles ne se trouvèrent plus qu’au nombre de deux (voir Figure 1.5). Ils montrent tous les deux que l’émission d’annihilation est principalement concentrée dans la région |l| . 50˚ et |b| . 10˚ (Bouchet et al. 2010 montrèrent la même tendance). Ces deux modèles sont cependant différents. Le premier modèle est la combinaison (1) d’un bulbe représenté par deux distributions Gaussienne 2D, une étroite et une large, de FWHM∼3˚ et de FWHM∼11˚ et (2) d’un disque épais étendu en latitude avec une FWHM∼7˚. Le second modèle est quant à lui la combinaison (1) d’un modèle de halo stellaire (le modèle de Robin et al. 2003) et (2) + disque épais » et sur celle de droite, on a le modèle « halo + disque fin » (voir texte pour plus de détails). Les contours correspondent à 10−4, 10−3 et 10−2 ph cm−2 s−1 sr−1.
d’un disque plus fin étendu en latitude avec un FWHM≃4˚. Pour ces deux modèles, le modèle du disque a été obtenu en utilisant la paramétrisation du disque stellaire jeune de Robin et al. (2003). Le modèle avec le halo donne un flux total à 511 keV de ≃2.9×10−3 ph cm−2 s−1 et un ratio de flux B/D de ∼2.9. Le modèle avec le bulbe donne, quant à lui, un flux total à 511 keV de ≃1.7×10−3 ph cm−2 s−1 et un ratio de flux B/D de ∼0.8. Le flux du modèle avec le bulbe est bien inférieur à celui du modèle avec le halo stellaire. Ceci provient du fait que : (1) le halo stellaire est par définition très étendu spatialement et possède une faible émission bien au delà du plan Galactique et (2) SPI/INTEGRAL n’a pas les capacités de détecter cette émission de faible brillance de surface.
Une autre caractéristique morphologique importante fut détectée. Il s’agit d’une asymétrie dans l’émission du disque par rapport au centre Galactique. Weidenspointner et al. (2008b) mon-trèrent que l’émission provenant du disque était 1.8 fois supérieure dans les longitudes négatives (-50˚< l <0˚) que dans les longitudes positives (0˚< l <50˚). Cette asymétrie n’est cependant contrainte qu’à un niveau de confiance de 3.8σ. Avec une autre analyse, Bouchet et al. (2010) ne trouvèrent pas cette asymétrie dans l’émission du disque. Récemment, Skinner et al. (2010) montrèrent que l’existence d’une asymétrie dans l’émission à 511 keV est très probable. Cepen-dant, la forme prise par cette asymétrie dépend fortement de la modélisation du bruit de fond lors de l’analyse des données de SPI. Skinner et al. affirmèrent que l’asymétrie peut être : (1) le décalage de la grande distribution Gaussienne 2D utilisée par Weidenspointner et al. (2008a) à une longitude l ≃ −1 5˚, (2) une émission différente du disque Galactique entre les longitudes né-gatives et positive ou bien (3) une combinaison des deux. Skinner et al. (2012) confirmèrent cette tendance en analysant conjointement les données SPI/INTEGRAL, SMM/GRS, OSSE/CGRO et TGRS/WIND.

Spectroscopie de l’émission à 511 keV

La très bonne résolution spectrale de SPI a fait de cet instrument un outil idéal pour étudier le spectre de l’émission d’annihilation e+/e− . Etudier le spectre d’annihilation est une analyse complémentaire à l’étude de la morphologie de l’émission. En effet, le spectre de l’émission d’an-nihilation permet de sonder le milieu d’annihilation des positrons dans la Galaxie. Par sa forme, le spectre nous permet d’obtenir des informations cruciales sur la composition (fraction d’ioni-sation, densité des éléments chimiques) et la température du milieu dans lequel les positrons s’annihilent. Par ses caractéristiques physiques et thermodynamiques, une phase d’annihilation du milieu interstellaire va favoriser tel ou tel mode d’annihilation et ainsi le spectre d’annihilation des positrons dans cette phase en sera affecté (voir la section 2.3 pour plus de détails).
Comme évoqué dans la section 1.1.1, la signature radiative de l’annihilation d’un positron est, en théorie, constituée d’une raie d’annihilation à 511 keV et d’un continuum ortho-Positronium entre 0 et 511 keV. La raie à 511 keV est due à l’annihilation directe entre un positron et un électron mais aussi à l’annihilation d’un des deux états possibles du Positronium : le para-Positronium, dont les spins du positron et de l’électron sont anti-parallèles. Le second état du Positronium est l’ortho-Positronium qui lui s’annihile en donnant naissance à trois photons et formant un continuum en énergie entre 0 et 511 keV. L’ortho-Positronium est caractérisé par le fait que les spins du positron et de l’électron sont parallèles. Lors de la formation d’un « atome » de Positronium, un para-Positronium est formé 25% du temps et un ortho-Positronium est formé 75% du temps. Leur instabilité est très marquée : la durée de vie du para-Positronium est de ∼0.125 ns et celle de l’ortho-Positronium est de ∼140 ns.
Les mesures dans le spectre d’annihilation des intensités de la raie à 511 keV et du continuum Positronium permettent de déduire la fraction de positrons qui s’annihile via la formation de Positronium dans le milieu interstellaire (par la suite, cette fraction sera nommée la fraction de Positronium fP s). Avec ce que nous avons dit précédemment, l’intensité de la raie à 511 keV (I2γ ) est I2γ ∝ 2 × (1−fP s) + 2 × 1 ×fP s (1.1).
Les supernovae de type Ia (SNe Ia) sont des événements qui sont généralement associés à des explosions thermonucléaires de naines blanches, composées de carbone et d’oxygène, de masse initiale ≃1 M⊙ (Hoyle et Fowler 1960). Ces explosions sont issues d’une combustion nucléaire explosive provoquée par l’accrétion continue de matière, par la naine blanche, d’une étoile com-pagnon de la séquence principale ou d’une géante rouge 3 (Whelan et Iben 1973, Nomoto et Sugimoto 1977, Nomoto 1982). Lorsque la masse de la naine blanche atteint la masse limite de Chandrasekhar (∼1.4 M⊙), la fusion du coeur de carbone se déclenche et s’emballe jusqu’à ce que l’énergie libérée dépasse l’énergie de liaison gravitationnelle de la naine blanche. A cet instant, celle-ci explose et disparaît totalement en éjectant toute sa matière dans le MIS à des vitesses pouvant atteindre 20 000 km s−1 (pour plus d’explications, voir par exemple la revue de Hillebrandt et Niemeyer 2000).
Le mécanisme d’explosion des SNe Ia est à l’heure actuelle encore débattu. La combustion nucléaire pourrait se propager en principe par détonation ou par déflagration. Cependant, la déto-nation a été exclue par le fait qu’elle ne produit quasiment pas d’éléments de masse intermédiaire (éléments entre le carbone et le nickel) dont la présence est observée dans les spectres des SNe Ia (Arnett 1969a, Nomoto et Sugimoto 1977). La déflagration produit du 56Ni ainsi que des éléments de masse intermédiaire mais a besoin d’être accélérée pour pouvoir exploser l’étoile. Ceci peut être fait par interaction avec la turbulence comme présenté par Nomoto et al. (1984) avec son célèbre modèle W7, modèle qui permet de reproduire une bonne quantité d’observables des SNe Ia. Un autre modèle tout aussi triomphant est le modèle de transition déflagration-détonation (DDT), aussi appelé modèle à détonation retardé, proposé la première fois par Khokhlov (1991). Ce modèle permet de reproduire tout aussi bien les observables associées aux explosions de SNIa dont les courbes de lumière (voir par exemple Hoeflich et Khokhlov 1996, Gamezo et al. 2004, Mazzali et al. 2007). Cependant, le mécanisme expliquant cette DDT reste encore inconnu.
56Ni Un élément certain concernant les SNe Ia est que la courbe de lumière bolométrique de celle-ci est alimentée par la décroissance radioactive du 56Ni suivi de celle plus longue du 56Co (Truran et al. 1967, Colgate et McKee 1969, Kuchner et al. 1994). Les produits de ces décroissances, photons et positrons, sont piégés dans l’éjecta de la supernova et vont le chauffer et l’ioniser. Cette énergie pouvant ensuite être réémise sous forme de photons UV ou optique (Axelrod 1980). Le 56Co est produit par la décroissance par capture électronique du 56Ni qui est produit en grande quantité dans les SNe Ia. D’après les observations, les SNe Ia produisent une valeur typique de 0.6 M⊙ (Branch et Khokhlov 1995). Ensuite, le 56Co fraîchement synthétisé va décroître en 56Fe par capture électronique dans ≃80.5% des cas et par décroissance β+ dans ≃19.5% (= fβ56+ ) des cas, avec un temps de vie moyen de τ56 ≃ 111 jours. La chaîne de décroissance émettrice β+ peut donc s’écrire : 8 8 days + νe , 56Co∗ 1 ns 56Co + γ811 9keV + γ158 4keV , 56Ni −−−−−→ 56Co∗ −.

Processus d’interactions de haute énergie

Interaction du rayonnement cosmique avec le milieu interstellaire

Le rayonnement cosmique (RC) est un flux de particules de très hautes énergies (pouvant aller jusqu’à ∼1020 eV) qui se propagent à des vitesses relativistes dans toute la Galaxie. Ils ont été découverts en 1912 par Victor F. Hess qui observa l’impact de l’interaction de ceux-ci avec les atomes de notre atmosphère (Hess 1912). Le RC est constitué à 99% de noyaux atomiques et de 1% d’électrons libres. Parmi les noyaux atomiques, on trouve environ 90% de protons, 9% de noyaux d’hélium et 1% de noyaux plus lourds. On pense aujourd’hui que l’origine du RC serait les supernovae, leurs restes ou encore les pulsars (pour les énergies allant jusqu’à 1019eV). Ces objets pourraient en effet fournir l’énergie nécessaire pour accélérer les particules du RC à de telles énergies par les mécanismes d’accélération de Fermi (pour une revue sur le RC, voir Klapdor et Zuber 2003, et les références associées).
C’est en 1964 que l’on découvrit la présence de positrons dans le RC (De Shong et al. 1964). Contrairement aux protons et aux électrons précédemment cités, on a toujours pensé que les po-sitrons étaient majoritairement des particules secondaires du RC. C’est à dire qu’ils résulteraient de l’interaction d’un proton ou d’un noyau plus lourd du RC primaire avec un proton ou un noyau plus lourd du MIS. Cependant, des observations récentes (voir Coutu et al. 1999, Adriani et al. 2009, Ackermann et al. 2012) ont montré que la fraction de positrons dans le RC est supérieure (et augmente progressivement) à partir de quelques GeV à ce que prédisent les modèles ne considérant qu’une contribution secondaire des positrons au RC (p. ex. Moskalenko et Strong 1998). Ainsi, cette observation inattendue pourrait être expliquée par une source additionnelle de positrons qui seraient donc primaires. L’origine exacte de ces positrons est cependant encore débattue.
Concernant les positrons secondaires, le canal préférentiel producteur de e+ va être la décrois-sance du pion 7 π+, qui lui est produit à la suite d’une interaction proton-proton (interaction pp). Celui-ci va décroître en donnant naissance à un anti-muon µ+ qui va lui même très rapidement décroître pour donner naissance à un positron. La chaîne de décroissance productrice de positrons peut donc s’écrire : π + 2 6 ×10−8 s + + νµ suivi de µ + 2 2× 10−6 s + + νe + ν¯µ , (2.11) −−−−−−→ µ −−−−−−→ e où νµ, νe et ν¯µ sont respectivement un neutrino muonique, neutrino électronique et anti-neutrino muonique. Des positrons peuvent aussi être créés en quantité plus faible par la production de kaons K, d’autres types de mésons dont les K+ se désintègrent rapidement pour donner naissance soit à des µ+ ou des π+, qui vont ensuite décroître en positrons par la chaîne de décroissance de l’équation 2.11. Tous ces canaux de production de positrons par les interactions pp du RC ont été étudiés de manière exhaustive par de nombreuses équipes (voir p. ex. Dermer 1986, Murphy et al. 1987, Moskalenko et Strong 1998). Le calcul théorique du spectre en énergie des positrons a montré que leur énergie moyenne était de l’ordre de 30–40 MeV.
Le taux de production Galactique des positrons secondaires par le RC peut être déduit, encore une fois, avec l’aide de l’astronomie γ. Les particules du RC se propagent dans la Galaxie et vont interagir avec les composantes du MIS (voir Strong et al. 2007, pour une revue sur la propagation du RC). Ces diverses interactions vont donner naissance à une émission diffuse dans le domaine du γ Les protons et les noyaux plus lourds vont principalement interagir par interactions pp qui vont produire des pions neutres π0 qui eux sont très instables et vont se désintegrer en donnant naissance à deux photons γ d’énergie supérieure à ∼100 MeV. Les électrons et positrons, avec des énergies ≥100 MeV, vont eux interagir avec les champs de radiation interstellaire par diffusion inverse-Compton et avec le gaz du MIS par rayonnement de freinage (ou Bremsstrahlung). Tous ces processus d’interaction émettent un rayonnement γ ou X dur. La présence de positrons peut aussi amener à des processus d’annihilation qui émettent dans le γ (voir chapitre 1). En utilisant ces connaissances, Porter et al. (2008) ont essayé de déterminer les contributions de chaque processus radiatif au continuum diffus X dur et γ Galactique. A l’aide du code de propagation du RC GALPROP (Strong et Moskalenko 1998), ils ont pu obtenir un modèle idéal (voir aussi Strong et al. 2004) qui explique plutôt bien la totalité de ce continuum diffus, qui s’étend du keV jusqu’au TeV. Avec ce modèle, ils déduisirent qu’un taux de production de positrons par le RC de 2×1042 e + s−1 est nécessaire pour rendre compte des observations. Cette valeur est peu dépendante du modèle utilisé, le meilleur modèle précédant cette étude nécessitait seulement 1×1042 e+ s−1.

Propagation et interactions des positrons

Ce n’est qu’au milieu des années 2000 que la communauté commença à s’intéresser à la propagation des positrons du MeV. Cette intérêt vint du fait que dans le cas où les positrons s’annihileraient près de leur source, seule configuration étudiée jusque là, il est difficile de trouver une source dont la distribution spatiale réfléchit la distribution spatiale atypique de l’émission d’annihilation (voir section 2.1). Prantzos (2006) proposa pour la première fois un scénario idéal dans lequel la propagation pourrait résoudre l’énigme de l’émission à 511 keV. Ce scénario sera discuté en section 3.1. Cependant, le processus de transport pour les particules chargées de l’ordre du MeV était mal connu contrairement à celui des particules de plus haute énergie (RC). Il fallut attendre l’étude théorique de Gillard (2008) et de Jean et al. (2009) sur les mécanismes de trans-port de ce type de particule pour avoir une image un peu plus claire de leur propagation. Par la suite, je présente donc de manière détaillée les modes de propagation identifiés par Jean et al. Puis, je présente les processus de perte en énergie que peut subir un positron lors de sa propa-gation. Ces processus, combinés avec le mode de propagation, sont cruciaux pour pouvoir (a) expliquer que les positrons s’annihilent à basse énergie au vue de la spectroscopie de l’émission d’annihilation (voir section 1.2.2), et (b) estimer une distance parcourue par un positron depuis son lieu de naissance.

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Table des matières

PARTIE 1 : CONTEXTE ASTROPHYSIQUE 
1 Observations de l’émission d’annihilation e+e− 
1.1 De la découverte du positron à 2002
1.1.1 Découverte du positron
1.1.2 Premières observations galactiques de la raie d’annihilation e+e−
1.2 Depuis 2002 avec INTEGRAL
1.2.1 Imagerie de l’émission à 511 keV
1.2.2 Spectroscopie de l’émission à 511 keV
1.3 Observations du continuum au MeV
1.4 Bilan .
2 Vie et mort des positrons galactiques 
2.1 Sources des positrons
2.1.1 Décroissance β+ de noyaux radioactifs
2.1.1.1 Les étoiles massives
2.1.1.2 Les supernovae de type Ia
2.1.1.3 Autres sources β+
2.1.2 Processus d’interactions de haute énergie
2.1.2.1 Interaction du rayonnement cosmique avec le milieu interstellaire
2.1.2.2 Production de paires e+e− au niveau des objets compacts
2.1.2.3 Le trou noir supermassif Sgr A*
2.1.3 La matière noire légère
2.2 Propagation et interactions des positrons
2.2.1 Modes de propagation
2.2.1.1 Diffusion sur les ondes magnétohydrodynamiques
2.2.1.2 Transport collisionel
2.2.2 Pertes en énergie
2.3 Annihilation des positrons
2.4 Vue d’ensemble
PARTIE 2 : MODÉLISATION 
3 Modélisation du transport des positrons dans la Galaxie 
3.1 État de l’art et motivations
3.2 Algorithme du code Monte Carlo
3.3 Modélisation des ingrédients Galactiques
3.3.1 Champs magnétiques Galactiques
3.3.1.1 Champ magnétique régulier du disque
3.3.1.2 Champ magnétique régulier du halo
3.3.1.3 Champ magnétique turbulent
3.3.2 Le milieu interstellaire gazeux
3.3.2.1 Distributions spatiales du gaz interstellaire
3.3.2.2 Modélisation des phases du milieu interstellaire
3.3.3 Distributions spatiales et énergétiques des sources de positrons
3.3.3.1 Les étoiles massives
3.3.3.2 Les supernovae de type Ia
3.4 Modélisation de l’émission à 511 keV
PARTIE 3 : APPLICATION DU MODÈLE 
4 Propagation et annihilation des positrons de la radioactivité β+ 
CONCLUSION
ANNEXE
Publication : Galactic annihilation emission from nucleosynthesis positrons
RÉFÉRENCES 

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