Intensification écologique et changement climatique

Dégradation des terres et durabilité des systèmes de culture

La perte de matière organique des sols constitue un lien entre désertification et perte de fertilité des sols. Au Sahel, plusieurs pratiques participent à cette baisse de matière organique des sols comme la réduction de la durée et pratique des jachères, le brûlis, et la collecte du bois mort, des pailles et chaumes. Ces pratiques s’ajoutent aux processus naturels que sont l’érosion éolienne et l’érosion hydrique des sols. Le rapport du PNUE en 2002 (UNEP, 2002) indique une augmentation rapide de la dégradation des sols et signale un risque de chaos de l’agriculture si l’Afrique ne suit pas la voie d’un développement qui respecte l’environnement. Ce rapport souligne les différentes causes de la dégradation de l’environnement depuis les indépendances nationales jusqu’à nos jours. Il met en exergue aussi bien les aspects politiques que socioéconomiques et naturels, et remet en cause les méthodes d’exploitation qui sont incompatibles avec un développement durable. Niemeijer and Mazzucato (2002) montrent que la dégradation des terres et la destruction de l’environnement dans un pays du Sahel ne sont pas forcément liées aux pratiques agricoles locales. Cette tendance est aussi décrite par Breman et al. (2008) qui montrent que la dégradation des terres est un phénomène plus complexe au Sahel car les terres sont à l’origine très pauvres. En effet, une fois mis en culture, les sols tropicaux tendent à voir leur productivité diminuer suite à la chute rapide de leur teneur en matière organique combinée à l’acidification et à l’apparition de déficiences en éléments nutritifs, notamment l’azote et le phosphore (Khouma et al., 2005). Plusieurs études dont celle de Kintché et al. (2015) soulignent que l’insuffisance des apports organiques provoque une perte de la capacité du sol à supporter une production, et l’efficience de la fertilisation diminue de manière irréversible sur le long terme. Mais pour d’autres, les apports de fertilisants sont certes insuffisants pour obtenir des rendements élevés, mais les propriétés du sol évoluent peu et même après une longue période sans apports organiques, la réponse des cultures à des apports fertilisants reste la même (Pieri, 1989; A Ripoche et al., 2015). Au-delà des controverses sur l’importance relative des pratiques agricoles locales dans la dégradation des sols, le constat d’une productivité faible ou très faible est une réalité (Affholder et al., 2013). Cette situation est exacerbée par le niveau de pauvreté des populations qui s’accompagne en outre par une érosion de la biodiversité aussi bien chez les végétaux que dans le règne animal. Elle compromet la disponibilité des ressources pour les prochaines générations, donc le futur du Sahel. Les thèses avancées sur les rôles respectifs des changements climatiques ou de l’homme sur la dégradation des terres ont toujours fait l’objet de recherche. Leurs origines varient d’une étude à une autre (Bernus, 1984; Mortimore and Turner, 2005). A ces déséquilibres s’ajoutent l’impact des politiques d’ajustement structurel et les problèmes de gouvernance qui ont un impact plus négatif sur l’environnement sahélien à travers le manque de moyens alloué à l’agriculture. Pour inverser cette dynamique, plusieurs auteurs (Couty, 1991; Nacro et al., 2011) s’accordent sur la nécessité de développer des systèmes de culture durables qui, en plus d’être performants, conserveraient le potentiel de production du milieu. L’intégration culture élevage, en particulier, est gage de durabilité des systèmes de production tropicaux (Bocquier and González-García, 2010; Lhoste, 2004). Elle permet de répondre aux objectifs sociaux et économiques de la production et d’assurer une meilleure gestion des ressources. L’intégration agriculture élevage rend aussi tout particulièrement attractives les associations culturales de légumineuses fourragères et de céréales, surtout dans les régions à faible disponibilité foncière. Les avantages potentiels qu’offrent l’association d’une légumineuse avec une céréale sont nombreux et variés: amélioration de la fertilité du sol, principalement du fait de la fixation symbiotique d’azote atmosphérique au niveau des racines de la légumineuse, lutte contre l’érosion, production de fourrage de qualité, lutte contre les mauvaises herbes et ainsi économie d’énergie par la suppression partielle ou totale du sarclage et économie en intrants (Bocquier and González-García, 2010; Chandra, 2009; Odunze, 2002).

La durabilité des systèmes agricoles est un concept qui relie les dimensions écologiques, économiques, sociales et environnementales de l’agriculture (Francis et al, 1990). Milleville and Serpantié (1994) définissent la durabilité dans sa dimension écologique en termes de maintien ou de redressement de l’état des ressources productives du milieu en fonction de la nature et de la productivité du système agricole, et en prônant des mécanismes qui peuvent être mis en œuvre par les acteurs eux-mêmes (pratiques de jachère, apports de matière organique, dispositifs anti-érosion). Or la rapide croissance de la population rurale ramenée à l’espace agricole a entraîné une baisse drastique des disponibilités en terre par habitant. La disponibilité en terres potentiellement cultivables en Afrique sahélienne diminue. Au Mali notamment, la superficie des terres cultivables estimée à 2,35 ha/habitant en 2000 ne serait plus que de 0,65 ha/habitant en 2050 (Alexandratos, 2005). Les adaptations locales pour faire face à cette saturation de l’espace ont été comme partout au Sahel, la réduction de la superficie et de la durée des jachères (Floret et al., 1993; Floret and Pontanier, 1999; Wezel and Haigis, 2002), l’utilisation des terres marginales pour l’agriculture (Raynaut, 2001), avec pour conséquence la baisse des rendements agricoles (Pieri, 1989). Les baisses de rendements enregistrées dans plusieurs pays mettent en lumière les relations étroites entre l’expansion démographique, la détérioration de l’environnement et la stagnation de l’agriculture (Milleville and Serpantié, 1994).

Intensification écologique et changement climatique

Dans les zones de savane subhumides d’Afrique de l’Ouest et du Centre, le modèle de production agricole inspiré par la révolution verte reste celui proposé le plus souvent aux agriculteurs et aux éleveurs (Dugué et al., 2012). Ce mode de production mobilise des intrants chimiques, des équipements et des races et variétés sélectionnées. Ce modèle de production est proposé par les structures de développement ou le secteur privé aux agriculteurs qui sont aussi demandeurs pour le mettre en place malgré ses limites et les risques encourus (Dugué et al., 2012). Mais ces agriculteurs sont aussi détenteurs de savoir-faire reposant sur des processus écologiques qui permettraient un fonctionnement des agroécosystèmes plus efficace et plus durable. Le défi de doubler la production agricole d’ici 2050 incite à réinventer une agriculture autre pour le Sud dont fait partie l’Afrique Subsaharienne (Dufumier, 2010; Dugué et al., 2012; Tscharntke et al., 2012). Dans le contexte du changement climatique, cette agriculture doit prendre en compte la diversité écologique des milieux, la croissance démographique des populations, l’économie de l’eau et enfin, le respect de l’environnement. Le concept d’intensification écologique a été inventé pour définir l’ensemble des principes et des moyens nécessaires pour augmenter la productivité primaire dans les principaux agroécosystèmes céréaliers du monde (Cassman, 1999) . Selon Chevassus-au Louis and Griffon (2008) et plusieurs autres auteurs (Affholder et al., 2008; Bommel et al., 2010; Hubert et al., 2010; Mikolasek et al., 2009), l’intensification écologique, consiste à s’appuyer sur les processus écologiques mis naturellement à disposition par les écosystèmes pour produire en plus grande quantité et plus durablement. L’augmentation de la productivité peut être obtenue en capitalisant sur les processus écologiques dans les agro-écosystèmes (par exemple, la fixation biologique de N2 atmosphérique), visant à réduire l’utilisation et le besoin d’intrants externes (Tittonell and Giller , 2013). Les processus écologiques de facilitation interspécifique sont basés sur les interactions exercées au niveau microbiologique, nutritionnels, physicochimique, hydrique, et plus généralement dans le partage des ressources entre êtres vivants dans l’écosystème. Un large éventail de services écologiques et écosystémiques assure une augmentation stable des rendements et la survie des plantes (Valet and Lafontaine, 2014). Les systèmes de culture innovants pour l’intensification écologique doivent être évalués avec des indicateurs agronomiques, environnementaux et économiques (Affholder et al., 2014). Cette approche qui va de pair avec la préservation de l’environnement permettra de réduire les nuisances par la baisse des intrants et du travail, de mieux valoriser les ressources rares et épuisables comme l’eau et le sol ou encore de contribuer à la conservation de la biodiversité afin de reconstituer les services écologiques que l’agriculture peut rendre à la société (Bonny 2011). La diversification des (agro)écosystèmes intégrés aux arbres et arbustes devra également permettre la diversification agricole aux différentes échelles pertinentes qui pourrait répondre aux problèmes dus à la globalisation (Tittonell, 2014).

Face aux évolutions des conditions de production notamment la raréfaction des ressources naturelles par habitant, l’augmentation du prix des matières premières nécessaires à la production agricole, les effets négatifs des systèmes de production actuels, le changement climatique, les agriculteurs et les décideurs ne peuvent pas se tenir à l’écart des recherches menées pour une intensification durable et plus agro-écologique de l’agriculture. A l’instar de nombreuses contributions scientifiques, le rapport du Groupement Intergouvernemental d’Experts sur le Changement climatique (IPCC, 2014), indique que le changement climatique pourrait affecter de manière négative la sécurité alimentaire dans de nombreuses régions du monde et particulièrement pour les régions vulnérables telles que l’Afrique subsaharienne. D’après la littérature, l’une des raisons principales de la vulnérabilité au changement climatique observée dans les pays de l’Afrique subsaharienne est la forte dépendance de leur économie à une agriculture essentiellement pluviale (Lobell and Burke, 2010; Mendelsohn, 2008; Mohamed et al., 2002; Rosenzweig and Parry, 1994). Le changement climatique est par définition une variation statistiquement significative de l’état moyen du climat dans sa variation persistante sur une longue période de temps (décade ou plus) (Cooper et al., 2001). Plusieurs études ont montré une augmentation attendue des températures dans l’ensemble de la zone Afrique de l’Ouest avec un réchauffement moyen de l’ordre de 2,8°C (Guan et al., 2017a; Sultan et al., 2014) . Ce changement dans la configuration du climat pourrait affecter négativement les rendements du sorgho, l’une des principales cultures vivrières de l’Afrique de l’Ouest (Sultan et al., 2014). Dans ce contexte, la perception qu’ont les agriculteurs des changements climatiques en cours pourrait déterminer dans une large mesure le type d’options techniques de gestion qu’ils choisissent d’adapter (Thomas et al., 2007). Bryan et al., (2009), mentionnent qu’il est important de mieux comprendre la perception qu’ont les agriculteurs des changements climatiques, les mesures d’adaptation actuelles et la prise de décisions afin d’éclairer les politiques visant à promouvoir des stratégies d’adaptation efficaces dans le secteur agricole. Une nouvelle forme d’agriculture permettant d’augmenter ou de stabiliser les rendements s’impose. Pour arriver à des recommandations appropriées sur l’intensification des agrosystèmes, il est souvent nécessaire de mener des études sur plusieurs sites agroécologiques. Cependant, étudier les variations spatiales et temporelles de la productivité des systèmes de cultures à l’aide d’ expérimentations s’avère chronophage et coûteux (Knörzer et al., 2011). Pour remédier à ces limites matérielles, des modèles de simulation des cultures ont été utilisés (Boote et al., 1996) pour l’évaluation de la productivité actuelle et future des systèmes de culture.

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Table des matières

INTRODUCTION
Chapitre I : Introduction générale
1.1 Dégradation des terres et durabilité des systèmes de culture
1.2 Intensification écologique et changement climatique
1.3 Besoins de modéliser les systèmes de culture
1.4 Modélisation des cultures associées
1.4.1. Généralités sur les modèles de cultures associées
1.4.2. Le choix du modèle STICS
1.5 Objectif et démarche de l’étude
1.5.1 Objectif de l’étude
1.5.2 Démarche de la recherche
1.6 Plan de la thèse
Chapitre II: Farmers’ perception and adaptation strategies to climate change in central Mali
ABSTRACT
2.1 INTRODUCTION
2.2 MATERIAL AND METHODS
2.2.1 Study area
2.2.2 Data collection on farmers’ perception
2.2.2.1 Focus groups
2.2.2.2 Individual surveys
2.2.3 Analysis of meteorological data
2.2.4 Comparison of meteorological data with farmers’ perception
2.2.5 Statistical analysis of the drivers of farmers’ perception and the links between perception and implementation of adaptation
2.3 RESULTS
2.3.1 Climate-related changes mentioned by farmers during focus group discussion
2.3.2 Climate-related changes perceived by individual farmers and drivers of perception
2.3.3 Analysis of measured historical climate indicators
2.3.4 Comparison of meteorological data with farmers’ perception
2.3.5 Adaptation strategies of Béguéné farmers in response to climate change
2.3.6 Link between perception and implementation of adaptation strategies
2.4 DISCUSSION
2.4.1 Farmers’ perception of climate change and their drivers
2.4.2 Comparison of farmers’ perception of climate change with meteorological data
2.4.3 Relevance of the agricultural adaptation strategies mentioned by farmers
2.4.4 Link between farmers’ perception of climate change and implementation of adaptation options
2.5 CONCLUSION
Chapitre III : Can STICS crop-soil model simulate the performance of rainfed sorghum-cowpea intercropping in a tropical environment of sub-Saharan Africa ?
ABSTRACT
3.1 INTRODUCTION
3.2 MATERIAL AND METHOD
3.2.1 Study Area
3.2.2 Experimental design
3.2.3 Measurements in experimental plots
3.2.3.1 Soil measurements
3.2.3.2 Plant measurements
3.2.3.3 Weather data
3.2.4 Assessment of sorghum cowpea intercropping system performance
3.2.5 General description of STICS soil-crop model
3.2.5 Description of Stics model and intercrop version specificities
3.2.6 Model parameters, calibration and evaluation
3.2.6.1 Setting of model parameters
3.2.6.2 Calibration procedure
3.2.6.3 Model evaluation
3.3 RESULTS
3.3.1 Weather data
3.3.2 Model calibration
3.3.2.1. Sorghum and cowpea phenology
3.3.2.2. Simulation of in-season soil water, LAI and aboveground biomass (AGB)
3.3.2.3 Simulation of above-ground biomass, plant N, number of grains and grain yield at harvest
3.3.3 Simulation of the impact of intercropping, fertilizer and variety on crop yield and LER
3.4. DISCUSSION
3.4.1 Promising features of the calibrated model
3.4.2 Avenues to improve model calibration
3.4.3 A calibrated intercrop model to explore options for sustainable intensification in land constrained sub-Saharan Africa
3.5 CONCLUSION
Chapitre IV : Is cereal legume intercropping a relevant adaptation to climate variability and climate change ?
4.1 INTRODUCTION
4.2 MATERIALS AND METHODS
4.2.1. Study Area
4.2.2 Experimental data, model calibration and model evaluation
4.2.3 Climate scenarios
4.2.4 Virtual experiment: crop model simulations with historical and future climate
4.2.5 Analysis of options performance with current and future climate
4.2.6 Quantify the potential for adaptation of the crop management options
4.3 RESULTS
4.3.1 Performance of crop model with regard to experimental data
4.3.2 Historical and future climate at Ntarla
4.3.3 Simulated average performance of crop management options and their inter-annual variability
4.3.4 Assessment of adaptation potential of the crop management options
4. 4 DISCUSSIONS
4. 4.1 Simulation of climate models
4.4.2 Average calorie productivity and its coefficient of variation for the different crop management options
4.4.3 Impact of adapting different options to climate variability and change
4.4.4 Limitations of the study
4.5 CONCLUSION
CONCLUSION

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