Intégration et Souveraineté étatique

A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, face à la décadence économique d’une Europe meurtrie par la guerre et reléguée au second plan sur la scène internationale par la montée en puissance des États-Unis et de l’Union soviétique, va se poser une question fondamentale : celle de la reconstruction des économies européennes. En effet, pendant cette période trouble d’après-guerre, ces Etats européens aux souverainetés individuelles si fortes et si belligènes qu’elles les avaient conduits à des guerres dévastatrices, vont prendre conscience de la nécessité de mettre fin à leur division et vont chercher des solutions pour mettre en commun leurs ressources économiques et créer des institutions communes et efficaces, notamment à l’échelle régionale. A cet égard, il convient néanmoins de préciser que « l’idée d’utiliser le commerce international pour apaiser les tensions et rapprocher les nations » remonte à beaucoup plus longtemps que la fin de la Seconde Guerre mondiale notamment, « au moins, à la publication en 1795 du « Projet de paix perpétuelle » d’Emmanuel Kant » . Notons par ailleurs que, dans la même lancée, dès 1943, Jean Monnet, un des pères fondateurs de la CEE écrivait déjà : « Il n’y aura pas de paix en Europe si les Etats se reconstituent sur la base de la souveraineté nationale avec ses politiques de prestige et de protection économique… la création de grandes armées sera une fois encore nécessaire … L’Europe sera encore une fois reconstruite dans la peur… à moins que les Etats d’Europe ne se regroupent dans une Fédération ou une « entité européenne » qui débouche sur un ensemble économique unique (Monnet,  » Notes de réflexion « , 5 août 1943) » . C’est donc dans une telle dynamique que se sont posées, après la seconde guerre, les prémisses du phénomène de l’intégration régionale à l’égard duquel, deux constats peuvent d’emblée être établis : d’une part, sa double nature économique et politique de départ et d’autre part, l’importance de son influence européenne.

En effet, de prime abord, l’intégration régionale a pu sembler être exclusivement axée sur le domaine économique en ce qu’elle consiste principalement à rapprocher des nations entre elles pour supprimer toutes les entraves à la liberté de circulation des biens, des services, des capitaux et des facteurs de production et favoriser ainsi les échanges. Mais, en réalité, la dimension politique de l’intégration régionale n’a jamais été absente car, lorsqu’elle est apparue en Europe des suites de la Seconde Guerre mondiale, c’était aussi dans le but de surmonter d’un commun accord, les obstacles politiques qui séparaient de forts Etats souverains et les mettaient en conflit. Cette imbrication des dimensions économique et politique de l’intégration régionale est d’ailleurs fortement relevée par le Professeur Jean Coussy lorsqu’il présente cette dernière comme étant : « un objet typique de l’économie politique internationale (EPI), notamment de cette partie de l’EPI qui s’intéresse aux interactions entre économie et politique : interactions entre les dynamiques économiques et politiques; interactions entre les analystes de l’économie et les analystes de la politique; interactions entre les acteurs économiques et politiques; interactions croisées entre les dynamiques, les analystes et les acteurs » . Quant à l’importance de l’influence européenne dans le développement de la dynamique de l’intégration régionale et sa propagation un peu partout dans le monde, elle n’est plus à démontrer car il est désormais admis que, « depuis la Seconde Guerre mondiale, il a eu de nombreuses tentatives d’intégration régionale dans le monde entier » et que « l’Union européenne (UE) » y a beaucoup contribué en tant qu’ « exemple réussi » . Cette influence européenne de l’intégration est d’ailleurs particulièrement remarquable en Afrique car, comme le soulignent certains : « Les dynamiques liées à la régionalisation ont été prises en compte par les pays en développement après la Seconde Guerre mondiale, à la suite de leur accession à l’indépendance et alors que la Communauté économique européenne se constituait. (…) Depuis cette période, les tentatives de groupement ont été multiples, entre pays voisins, ou distants géographiquement, en particulier après les mouvements de désintégration des espaces politiques ».

Une convergence initiale dans la conception des rapports entre intégration et souveraineté étatique en Europe et en Afrique

Si de nos jours, les résultats de la confrontation entre souveraineté de l’Etat et intégration communautaire peuvent différer selon que l’on se situe dans le cadre de l’UE ou des organisations africaines étudiées, il n’en a pas toujours été ainsi car au départ, tant en Europe qu’en Afrique, la conception des rapports entre souveraineté et intégration était la même : les deux concepts étaient considérés comme étant fondamentalement antagoniques.

En effet, pour l’opinion majoritaire, l’intégration communautaire ou régionale et la souveraineté nationale ou étatique sont deux logiques antagonistes en ce qu’elles se trouvent en opposition entre elles. D’ailleurs, comme l’avouait Paul Henri Spaak, l’un des pères fondateurs de la construction européenne : « Entre le nationalisme et l’esprit communautaire, il n’y a point de rencontre. Ce ne sont pas deux idées complémentaires mais contradictoires (…) La solidarité internationale (et par excellence communautaire) n’exige pas seulement une vertu de compréhension mais aussi, je dois le dire et le souligner, une certaine vertu de sacrifices ». Mais, les sacrifices auxquels il est fait référence ici ne sont autres que ceux qu’implique pour les Etats membres d’une intégration régionale, le renoncement à une partie de leur souveraineté afin que l’édifice communautaire puisse subsister. S’il est clair que ceci traduit d’emblée, une opposition évidente de l’intégration communautaire à la souveraineté étatique ; peut-on pour autant, parler d’un véritable antagonisme entre ces deux concepts ?

De manière générale, qui dit antagonisme, dit opposition dans un double sens : en l’occurrence, une opposition de l’intégration communautaire à la souveraineté étatique et une opposition de la souveraineté étatique à l’intégration avec des effets mutuellement réducteurs de l’une et de l’autre. En ce sens, le Professeur Joël Rideau souligne bien que l’antagonisme dans l’espace communautaire est de double direction : l’Europe contre les Etats membres et les Etats membres contre l’Europe. Selon lui, dans le premier cas de figure, l’opposition réside dans le fait que « la construction communautaire aspirait par la méthode supranationale à un recul des souverainetés ». Quant à la « contre-opposition », elle découle du fait que cette construction communautaire a parallèlement « réveillé et exacerbé les adversaires déclarés de la supranationalité » ; d’où les nombreux phénomènes nationaux de résistance voire de rejet auxquels elle a toujours été confrontée.

Le même raisonnement de justification d’un antagonisme entre intégration et souveraineté pourrait être appliqué au contexte africain en considérant les sacrifices de souveraineté induits par les expériences d’intégration comme la première source d’opposition et les velléités souveraines des Etats comme la contre opposition. Toutefois, à notre sens, en Europe comme en Afrique, les premières réactions nationales de dénonciation des sacrifices de souverainetés induits par l’intégration – aussi virulentes qu’elles aient pu l’être (surtout dans certains Etats européens) – sont tout à fait naturelles, spontanées et compréhensibles. Il s’agit de réactions logiques d’opposition face à une nouvelle organisation supranationale nettement en porte à faux avec la souveraineté des Etats car de nature à lui porter gravement atteinte. Néanmoins, de telles réactions n’apparaissent pas comme une opposition à l’intégration communautaire d’importance égale à celle que constitue cette dernière face à la souveraineté des Etats car l’action inhibitrice de l’intégration sur la souveraineté étatique n’a pas son équivalent dans le sens opposé. C’est la raison pour laquelle, tout au long de cette première partie, nos développements sur l’antagonisme entre intégration et souveraineté étatique mettront beaucoup plus l’accent sur l’opposition de l’intégration à la souveraineté étatique en ce qu’elle domine nettement le rapport de force.

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Table des matières

Introduction générale
Première partie : Une convergence initiale dans la conception des rapports entre intégration et souveraineté étatique en Europe et en Afrique
TITRE 1 : UN ANTAGONISME HISTORIQUE ENTRE SOUVERAINETE ET INTEGRATION DANS L’UE ET DANS L’UEMOA ET L’OHADA
Chapitre 1 : L’intégration, instrument de dépassement de la souveraineté en Europe
Chapitre 2 : L’intégration, instrument de dépassement de la souveraineté en Afrique
TITRE 2 : UN ANTAGONISME FORMEL ENTRE SOUVERAINETE ET INTEGRATION DANS L’UE ET DANS L’UEMOA ET L’OHADA
Chapitre 1 : L’intégration, facteur de mise en cause interne de la souveraineté
Chapitre 2: L’intégration, facteur de mise en cause supranationale de la souveraineté
Deuxième partie : Une divergence finale dans la mise en œuvre des rapports entre intégration et souveraineté étatique en Europe et en Afrique
TITRE 1 : UN ANTAGONISME CONFIRME DANS LE CADRE EUROPEEN
Chapitre 1 : Le constat d’un réel déclin de la souveraineté
Chapitre 2 : Les effets du déclin de la souveraineté
TITRE 2 : UN ANTAGONISME INEFFECTIF DANS LE CADRE AFRICAIN
Chapitre 1 : La persistance des problèmes de souveraineté des Etats africains
Chapitre 2 : La persistance des problèmes d’intégration des Etats africains
Conclusion générale

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