Contexte énergétique global
Depuis le 19ème siècle, le développement de l’industrie a été le levier d’un développement économique et des sociétés dans la plupart des pays. Il a été également accompagné d’une augmentation de la consommation mondiale d’énergie (Figure 1) ainsi que des émissions de CO2 et de gaz à effet de serre (Figure 2).
D’autre part, pour pouvoir être utilisées, ces énergies fossiles subissent la combustion. Ceci est l’origine de dégagement du CO2 et d’autres composés chimiques dans l’atmosphère. Les effets indésirables de la croissance de ces émissions de CO2 et d’autres gaz à effets de serre (GES) sont déjà constatés en observant le changement climatique, l’augmentation de la température moyenne du globe et le taux de pollution croissant. La relation entre le changement climatique et le dégagement du CO2 lié à l’activité humaine a été confirmé par le GIEC dans son cinquième rapport [3] avec une certitude supérieure à 95 %. Face à tous ces problèmes, plusieurs mesures ont été prises pour réduire les émissions de CO2 et de GES via la réduction de la dépendance aux énergies fossiles d’une part et la réduction de la consommation d’énergie d’autre part.
Dans le cas de la France, au niveau politique, elle est signataire du paquet « Énergie Climat » qui fixe des objectifs énergétiques ambitieux à horizon 2020 :
♦ porter la part des renouvelables à 20 % ;
♦ réduire de 20 % les émissions de GES ;
♦ améliorer de 20 % l’efficacité énergétique .
Efficacité énergétique dans l’industrie
Le premier axe important pour réduire le besoin en énergie et ainsi les émissions de GES résultant de la production d’énergie, est l’aboutissement d’une haute efficacité énergétique. Celle-ci par définition, est le rapport entre l’énergie directement utilisée (i.e. l’énergie nécessaire pour fournir un produit ou un service) et l’énergie actuellement consommée. Un procédé est plus efficace énergétiquement s’il consomme moins d’énergie pour faire le même produit. L’industrie est l’un des secteurs énergivores ; elle consomme plus de 40 % de l’énergie finale mondiale consacrée à la production de la chaleur (Figure 4). Ce secteur est également responsable d’une grande partie (>27 %) des émissions totale en CO2 (Figure 5).
On distingue deux types d’efficacité énergétique dans l’industrie :
♦ l’efficacité énergétique passive, qui est constituée des travaux d’isolation (stockages thermiques, canalisations etc.) et de la limitation des pertes énergétiques dans le procédé industriel.
♦ l’efficacité énergétique active, qui consiste à améliorer la performance des systèmes de chauffage et de refroidissement, l’utilisation des systèmes de conversion d’énergie (pour valoriser la chaleur à basse température comme les effluents par exemple etc.), le pilotage et le contrôle de l’utilisation de l’énergie, l’intégration énergétique des flux du procédé…
Utilisation des énergies renouvelables et conséquences sur l’industrie
Un axe important permettant la réduction des émissions de GES est l’utilisation des sources d’énergies renouvelables. Plusieurs sont disponibles [5] : le soleil, le vent, la chaleur de la terre, les chutes d’eau, les marées ou encore la biomasse. L’utilisation de ces sources d’énergie participe à la lutte contre l’effet de serre et les rejets de CO2 dans l’atmosphère et facilite la gestion raisonnée des ressources locales. Le solaire (photovoltaïque, thermique etc.), l’hydroélectricité, l’éolien, la biomasse et la géothermie sont des énergies flux considérables par rapport aux « Energies Stock » tirées des gisements de combustibles fossiles en voie de raréfaction (pétrole, charbon, lignite, gaz naturel etc.). La production totale d’électricité en France à partir des énergies renouvelable en 2014 est de l’ordre de 96,1 TWh. Elle représente 17 % de la production totale d’électricité en France pour cette année. Les sources d’énergies renouvelables sont réparties entre hydraulique, éolien, photovoltaïque et d’autres sources (Figure 6).
En revanche, plusieurs problèmes sont liés à l’utilisation des énergies renouvelables. Les plus contraignants sont [7][8] :
♦ l’intermittence des énergies produites par ces systèmes ;
♦ la dépendance à la température ambiante et la météo de quelques uns de ces systèmes ;
♦ le prix d’investissement qui peut être trop élevé dans certains cas.
Ces contraintes peuvent empêcher leur utilisation ou la rendre limitée malgré le fait qu’elles représentent des sources d’énergie propres. Ainsi, l’augmentation de la part des énergies renouvelables conduira à un besoin plus important de gestion active de la courbe de charge au niveau de la demande pour palier à la volatilité de l’offre. Ce type de politique existait déjà par les incitations tarifaires et touchait surtout le secteur résidentiel. L’industrie sera également mise à contribution.
En effet, des pics de production d’énergie sont à prévoir dans quelques périodes de l’année (Figure 7) et quelques heures de la journée (Figure 8), pendant qu’elle diminue largement pendant le reste du temps. Pour essayer d’ajuster l’offre à la demande, une politique de gestion par incitation et par obligation est mise en œuvre. L’effacement de la consommation électrique ou ce qu’on appelle « lissage de la courbe de charge par pilotage de la demande » est une politique qui consiste à réduire la consommation d’un site ou d’un groupe d’acteurs, par rapport à sa consommation normale, en période de pointe journalière et/ou saisonnière de consommation électrique. L’effacement est considéré l’alternatif économique à l’installation de nouveaux sites de production d’électricité. Il la remplace pour assurer l’équilibrage du réseau lors de la baisse de production ou la hausse de consommation. Il permet également de compenser l’intermittence de la production à partir des énergies renouvelables sans sacrifier le confort des ménages et la production des entreprises. Il existe plusieurs types d’effacement du réseau électrique [10][11]:
♦ l’effacement valorisé directement par le fournisseur d’un site de consommation dans une logique d’optimisation des coûts d’approvisionnement de ce dernier ;
♦ l’effacement de consommation dans lequel des opérateurs d’effacement contractualisent avec plusieurs consommateurs et valorisent cet effacement sur le marché ;
♦ l’effacement géré par le gestionnaire du réseau auprès des consommateurs ou des fournisseurs, pour adapter les programmes de productions et de consommation à la capacité du réseau électrique ;
♦ l’effacement tarifaire où le prix de l’électricité incite à des réductions de consommation sur certaines périodes. On distingue l’effacement du type EJP (Effacement Jour de Pointe) actuellement en extinction pour les clients basse tension dont la puissance est inférieure ou égale à 36 kVA et le type « Tempo » qui est la combinaison d’un tarif horo-saisonnier selon lequel les jours sont classés en rouges, blancs et bleus dont les tarifs électriques sont décroissants respectivement.
Ainsi, la complexité de l’offre et de la demande d’énergie d’une part et la dépendance de quelques systèmes de la température ambiante d’autre part, peuvent donner lieu à un très grand choix de réseaux intégrés énergétiquement allant d’un extrême représenté par des équipements classiques et une installation très peu flexible mais avec un investissement relativement réduit, à un autre extrême représenté par un appareil (ou réseau d’appareils) ultra-flexible mais nécessitant un investissement plus important. Ainsi, l’industrie est face à deux défis : l’efficacité et la flexibilité. Dans le contexte des dernières décennies, plusieurs méthodologies ont été développées et ont permis comme précisé en §1.2 de réaliser des avancées importantes en terme d’efficacité énergétique. Seulement, ces méthodes ont atteint leurs limites face à la complexité du paysage énergétique et des procédés fluctuant. La section suivante présente ces méthodologies.
Les méthodes d’analyse et d’amélioration des procédés industriels
L’intégration énergétique, par définition, fait partie de la famille des méthodologies d’intégration de procédés [12] visant la réduction de la consommation des ressources et des émissions nuisibles à l’environnement. Elle est constituée d’un ensemble de méthodes systémiques dans lesquelles une analyse est effectuée pour évaluer le potentiel de récupération d’énergie entre les opérations et notamment les synergies thermiques. Le but de l’intégration énergétique est de réduire le besoin net total d’énergie entrant dans le système. Elle nécessite une analyse systémique qui elle-même exige une compréhension des besoins conduisant à la classification des besoins thermiques selon deux critères :
♦ Type du besoin : flux chaud à refroidir (besoin de refroidissement) ou flux froid à chauffer (besoin de chauffage).
♦ Niveaux de températures de ces flux .
Cette analyse permet l’application d’une méthode d’intégration énergétique pour évaluer le potentiel de récupération d’énergie entre les différents flux. Plusieurs méthodes d’intégration énergétique ont été proposées en se basant sur les principes (premier et second) de la thermodynamique. Ces méthodes ont été appliquées sur des procédés industriels (industries agroalimentaire [13], pétrochimique [14] etc.). Des réductions de l’ordre de 60 à 70 % de l’énergie consommée peuvent être atteintes. On distingue : la méthode du pincement, les méthodes de programmation mathématiques, la méthode d’analyse exergétique et d’autres méthodes qui sont discutées par la suite.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 Intégration énergétique des systèmes non-continus : enjeux énergétiques, environnementaux et économiques.
1.1. Contexte énergétique global
1.2. Efficacité énergétique dans l’industrie
1.3. Utilisation des énergies renouvelables et conséquences sur l’industrie
1.4. Les méthodes d’analyse et d’amélioration des procédés industriels
1.4.1. Méthode du pincement (de l’anglais « Pinch analysis »)
1.4.2. Méthodes de programmation mathématique
1.4.3. Analyse exergétique
1.4.4. Autres méthodes
1.5. L’intégration énergétique des procédés discontinus (IEPD) – Spécificités et méthodes actuelles
1.5.1. Pourquoi l’intégration énergétique des procédés discontinus (IEPD)?
1.5.2. Définition des procédés « batch » ou discontinus
1.5.3. Spécificités dans l’intégration énergétique des procédés discontinus
1.5.3.1. Types d’échanges thermiques dans les procédés discontinus
1.5.3.2. Types de stockage de chaleur
1.5.3.2.1. Stockage de chaleur sensible
1.5.3.2.2. Stockage de chaleur latente
1.5.4. Les différentes méthodes d’intégration énergétique des procédés discontinus
1.5.4.1. Méthodes basées sur la méthode du pincement
1.5.4.1.1. Analyse par intégration temporelle (de l’anglais « Time Average model »)
1.5.4.1.2. Modèle par intervalle temporel de l’anglais « Time slice model »
1.5.4.1.3. Modification de l’ordonnancement (de l’anglais « Rescheduling »)
1.5.4.1.4. Inclusion des stockages de chaleur
1.5.4.1.5. Analyse du pincement temporelle de l’anglais « Time Pinch Analysis »
1.5.4.2. Méthodes de programmation mathématique
1.5.4.2.1. Méthodes d’évaluation du potentiel de récupération d’énergie
1.5.4.2.2. Les méthodes de « rescheduling »
1.5.4.2.3. Méthodes incluant des stockages thermiques
1.5.4.3. Avantages et désavantages des méthodes dédiées à l’IEPD
1.5.4.3.1. Méthode du pincement Vs Méthodes de programmation mathématique
1.5.4.3.2. Rescheduling Vs Inclusion des stockages thermiques
1.6. Problématique de la thèse et méthodologie proposée
1.7. Conclusions
Chapitre 2 Conception de l’architecture d’intégration énergétique des procédés discontinus.
2.1. Introduction
2.2. Description du réseau
2.3. Méthode de programmation
2.4. Discrétisation de la durée du procédé
2.5. Discrétisation de la plage de température des flux
2.6. Paramètres d’entrée du modèle
2.6.1. Paramètres concernant la discrétisation du temps et celle de la plage de température
2.6.2. Paramètres concernant les flux chauds et froids
2.6.3. Paramètre concernant l ‘échange de chaleur entre les différents fluides du réseau d’intégration énergétique
2.6.4. Paramètres liés au calcul de l’exergie
2.7. Formulation mathématique du « modèle de présélection en multi-période »
2.7.1. Paramètres pré-calculés
2.7.2. Les contraintes : équations bilan d’énergie et de matière
2.7.2.1. Equations bilan sur les flux chauds et froids
2.7.2.2. Equation bilan sur les stocks
2.7.2.2.1. Equation bilan des stocks intermédiaires
2.7.2.2.2. Conditions aux limites : équations bilans du premier et dernier stock.
2.7.2.3. Conditions initiales et finales des stocks
2.7.2.4. Limiter la taille des stockages
2.7.2.5. Limiter le nombre de stockages
2.7.2.6. Loi des nœuds appliquée sur les débits
2.7.3. Fonction à optimiser
2.7.4. Exemple d’application du « modèle de présélection en multi-période »
2.7.4.1. Application du TAM aux flux du procédé
2.7.4.2. Application de la méthodologie proposée
2.8. Inclusion des systèmes de conversion d’énergie
2.8.1. Formulation mathématique
2.8.1.1. Insertion des pompes à chaleur
2.8.1.2. Insertion des ORC (Organic Rankine Cycle)
2.8.1.3. Insertion des machines trithermes (frigorifiques)
2.8.2. Modification des équations bilans des stockages thermiques
2.8.3. Modification de la fonction objectif
2.8.4. Exemple d’application
2.9. Conclusions
Chapitre 3 Conception des utilités dans le réseau d’intégration énergétiques des procédés discontinus sous contraintes du réseau d’énergie
3.1. Introduction
3.2. Description du réseau
3.3. Paramètres d’entrée du modèle
3.3.1. Paramètres concernant la discrétisation du temps et celle de la plage de température
3.3.2. Paramètres liés aux flux opératoires
3.3.3. Paramètres concernant le besoin électrique du procédé
3.3.4. Paramètres liés aux utilités
3.3.5. Paramètres liés aux échangeurs entre les différents flux
3.4. Formulation mathématique du modèle
3.4.1. Formulation mathématique de la partie thermique du réseau
3.4.1.1. Equation bilan sur les flux opératoires
3.4.1.2. Equation bilan sur les flux des utilités
3.4.1.3. Equation bilan sur les stockages thermiques
3.4.1.3.1. Equation bilan des stocks intermédiaires
3.4.1.3.2. Conditions aux limites
3.4.1.3.3. Conditions initiales et finales des stockages
3.4.1.3.4. Imposer un nombre de stockages thermiques maximal
3.4.1.4. Loi des nœuds appliquée aux nœuds du réseau
3.4.2. Formulation mathématique de la partie électrique
3.4.2.1. Gestion des besoins électriques du procédé
3.4.2.2. Equation bilan du stockage électrique
3.4.2.2.1. Conditions initiales et finales du stock électrique
3.4.2.2.2. Imposer un stockage électrique nul (optionnel)
3.4.3. Modélisation des utilités
3.4.4. Limitation du nombre des utilités utilisées (optionnelle)
3.4.5. Calcul des coûts d’investissements
3.4.6. Calcul des coûts opératoires
3.5. Fonction à optimiser
3.6. Exemple d’application de la méthodologie
3.6.1. Hypothèses de calcul
3.6.1.1. Hypothèse relatives aux performances énergétiques des composants
3.6.1.2. Hypothèses relatives aux coûts des utilités et des composants
3.6.2. Scénarios d’optimisation
3.6.3. Résultats
3.7. Conclusions
Conclusion
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