Dans le domaine du transport routier, plusieurs solutions ont été envisagées. Elles reposent sur l’utilisation de différents capteurs : caméra, sonar, radar, lidar qui permettent d’évaluer la distance de chaque objet (véhicule, piéton, etc..) présent dans la scène. De nombreux projets à l’échelle nationale ou internationale ont eu notamment pour tâche de développer des systèmes capables de remplir cet objectif. Ces travaux ont été menés dans le cadre du projet Ravioli (Radar et Vision Orientable, Lidar) regroupant des partenaires de l’Université des Sciences et Technologies de Lille, l’Université de Valenciennes et du Hainaut Cambrésis, l’Université d’Artois, l’Université du Littoral Côte d’Opale et l’INRETS de Villeneuve d’Ascq. Ce projet fédérateur a eu pour objectif de concevoir un système multicapteurs de détection et suivi d’objets en regroupant les compétences de chaque acteur.
Positionnement des problèmes
Application Transport
La lecture des statistiques d’accident du site de la prévention routière [LPR_URL] est terrible. La page « les grandes données de l’accidentologie » nous accueille froidement ainsi : « Les données de l’accidentologie : sur l’ensemble de l’année 2007, le nombre de tués sur les routes recule de 1,9 %. Il s’agit de la sixième année consécutive de baisse, soit une diminution de l’ordre de 40 % du nombre de personnes tuées en cinq ans. La baisse de la mortalité concerne surtout les conducteurs et les passagers des véhicules légers. Il n’y a pas d’amélioration pour les piétons, ni pour les usagers des deux-roues motorisés. Les nombres d’accidents corporels et de blessés sont quant à eux en légère augmentation :
− 4620 personnes ont trouvé la mort en 2007, à la suite d’un accident de la route en France (métropole), soit en moyenne 13 par jour. Par million d’habitants, la France compte encore 40 à 60 % de tués en plus que la Suède ou la Grande-Bretagne…
− 103 201 personnes ont été blessées en 2007 (soit 283 par jour en moyenne). On estime approximativement à 4 400 le nombre de blessés avec séquelles majeures : lésions avec perte de substance nerveuse (encéphale, moelle épinière, racines nerveuses) ou perte d’un membre ou destruction de grosses articulations (extrapolation d’une étude publiée dans le BEH, Bulletin épidémiologique hebdomadaire, n°19).
Cet aspect dangereux de la route est celui qui très tôt, à la fin des années 80, a conduit l’Europe, puis les Etats-Unis et le Japon dans les années 90, à proposer des programmes de recherche en vue d’améliorer la sécurité routière, de diminuer les risques tout en réfléchissant au problème de l’encombrement des routes, de la qualité de l’environnement et de leur impact sur l’économie des pays développés [Wahl, 1997]. Ces programmes sont vastes et variés avec des études aussi bien en vue d’obtenir des solutions technologiques que d’autres en vue d’approcher une meilleure connaissance des comportements humains des utilisateurs de la route. [INRETS, 2005] donne un bon aperçu, au travers de paroles de chercheurs de l’INRETS, de différents objets de recherche à l’Institut sur la sécurité de la route :
− responsabilité de l’homme : vitesse, alcool, drogues, fatigue, téléphone, véhicule mal entretenu ;
− vulnérabilité de l’homme : comportement inadapté par temps de brouillard peut être due à une mauvaise perception du comportement des autres conducteurs ou à la réduction de la distance de visibilité et celle des contrastes, atténuation des capacités de traitement des informations avec le vieillissement, influence des médicaments, vulnérabilité des motards, motocyclistes, des piétons –en particulier des enfants) ;
− rôle des infrastructures pouvant avoir un impact positif ou négatif quant à la gravité d’un accident,
− rôle du véhicule : des études sont réalisés sur la sécurité passive (son ergonomie, sa conception) pour limiter l’impact des accidents sur les passagers et sur la sécurité actif en vue d’éviter les accidents en apportant des aides à la conduite (détection de piétons, limiteur de vitesse, modification de trajectoire du véhicule…).
C’est ainsi qu’en Europe, dès la fin des années 1980, le programme ATT (« Advanced Telematics Transportation ») a été établi pour aider à l’amélioration de la sécurité routière et diminuer l’encombrement du réseau routier européen. En 1989, le programme DRIVE I (« Dedicated Road Infrastructure for Vehicle safety in Europe») incluait un large éventail de projets de recherche et de développement. Il a été suivi du programme DRIVE II et du programme PROMETHEUS (« PROgraM for an European Traffic system with Highest Efficiency and Unprecedented Safety ») en 1993.
PROMETHEUS a été divisé en trois sous-programmes industriels et quatre de recherches fondamentales. Les sous-programmes industriels se sont intéressés aux systèmes de communication et d’information :
− PRO-CAR : recherches sur les systèmes autonomes pour l’information et l’assistance aux conducteurs,
− PRO-NET : recherches sur les systèmes de communication entre véhicules,
− PRO-ROAD : recherches sur les systèmes de communication entre véhicule et infrastructure.
Les sous-programmes de recherches fondamentales ont concerné :
− PRO-ART : l’étude de méthodes et systèmes utilisant l’intelligence artificielle,
− PRO-CHIP : l’étude et le développement d’équipements de traitement intelligent embarqués à bord du véhicule,
− PRO-COM : l’étude de méthodes et la proposition de standards pour les besoins de la communication,
− PRO-GEN : la simulation de scénarios de trafic pour l’introduction des nouveaux systèmes.
D’autre part, trois organisations européennes ont vu le jour en 1989 (FEHRL) et en 1991 (ERTICO et ACEA) :
− FEHRL (« Forum of European National Highway Research Laboratories ») est « une association internationale administrée par les directeurs de chacun des instituts nationaux. Elle offre une structure coordonnée pour les intérêts des 30 centres de recherches et techniques nationaux des états membres de l’union européenne, des pays de l’EFTA et du reste de l’Europe ». Le plan de développement 2003-2007 de l’association couvre les cinq thèmes suivants : l’environnement, l’énergie et les ressources, la mobilité, les transports et l’infrastructure, la conception et la production [FEH_URL].
− ERTICO (« European Road Transport telematics Implementation Co-ordination Organisation ») a un partenariat privé-public qui représente les intérêts des constructeurs, des opérateurs, des fournisseurs de services et des administrations publiques. C’est une organisation à but non lucratif dont les objectifs sont de contribuer à la coordination des prochaines activités de la télématique dans les domaines du transport et du trafic européens. Cette organisation fournit aussi un support pour le transfert de ces activités du domaine de la recherche à celui de l’expérimentation vers des applications pratiques [ERT_URL]. Ils apportent actuellement leur soutien à des programmes promouvant les technologies ITS et leurs applications pour les thèmes de la sécurité de tous les usagers de la route, de la sûreté (usage de technologie ITS pour une mobilité plus sûre), l’augmentation de l’efficacité des réseaux de transports et l’amélioration de l’environnement, la coopération nationale et internationale.
− ACEA (« European Automobile Manufacturers Association ») représente les intérêts au niveau européen des 15 constructeurs de voitures, camions et de bus. « Cette association a été à l’origine créée en réponse aux reports graduels de responsabilités gouvernementales vers Bruxelles sur bon nombre des aspects complexes économiques, sociaux, techniques et légaux relatifs à l’intégration européenne. Son origine résulte en grande partie du besoin de représenter les contributions technologiques, industrielles et commerciales et l’intérêts des compagnies membres » [ACE_URL].
Après PROMETHEUS, les projets européens concernant la sécurité routière ont repris de l’ampleur avec le 5ème programme-cadre (1998-2002) de recherche et développement européen (PCRD), en particulier au travers du programme de recherche ADASE2 (« Advanced Driver Assistance Systems in Europe ». On retrouve au travers des projets de ce programme ADASE2 (figure 1, [AHS_URL]) et de son approche de la sécurité (figure 1, [AHS_URL]) les réflexions déjà présentes dans le programme PROMETHEUS, mais avec des réponses technologiques plus avancées.
En 2002, « eSafety », initiative de l’« Intelligent Car Initiative » (i2010, [EIS_URL]), a été lancée dans le cadre d’un partenariat privé-public dans le but « d’améliorer la sécurité routière grâce aux technologies de l’information et des communications » [eSafety, 2008]. « eSafety » dispose d’un groupe directeur co-présidé par la commission européenne et les associations ERTICO et ACEA, d’un forum de 150 membres représentant les différentes parties intéressées dans le domaine de la sécurité routière et de quatorze groupes de travail présidés par des industriels discutant de questions stratégiques ou technologiques. Cette initiative, toujours très active, vise à « accélérer le développement, le déploiement et l’utilisation de systèmes de sécurité de véhicules par des activités de coordination, d’information du public et de recherche ». Elle s’intéresse plus particulièrement aux dispositifs autonomes et aux systèmes coopératifs.
En France, différentes organisations soutiennent les recherches sur la sécurité routière telles que :
− des organisations régionales, exemple du GRRT (Groupement régionale de la Région NordPas-de-Calais pour la Recherche dans les Transports),
− des organisations nationales telles que le Predit (« programme national de recherche d’expérimentation et d’innovation dans les transports terrestres », conduit, depuis 1990, par les ministères chargés de la recherche, des transports, de l’environnement et de l’industrie, l’ADEME et OSEO ANVAR [PRE_URL], les pôles de compétitivité (11 pôles de compétitivité transports terrestres ont été labellisés CIADT, « Comité interministériel pour l’aménagement et le développement du territoire », dont le pôle de compétitivité MOV’EO sur le thème « Des automobiles & transports collectifs sûrs pour l’homme et son environnement »).
Dans le cadre du PREDIT 2 puis 3, l’action ARCOS, montée par le Directeur de Recherche de l’INRETS Jean-Marc Blosseville, (« Action de Recherche pour une COnduite Sécurisée », 2002- 2004) avait, en vue de réduire le nombre de tués de 30%, l’objectif d’accélérer le développement des 4 fonctions d’aides à la conduite suivantes : « gérer les inter-distances entre véhicules ; prévenir les collisions sur obstacles fixes, arrêtés ou lents ; prévenir les sorties de route ; alerter les véhicules en amont d’accidents / incidents »). Cette action a fédéré un grand nombre de projet de recherche du Predit jusqu’en 2004 [ARC_URL]. En balayant quelques uns des projets et des organisations européennes et françaises, nous avons pu constater l’importance qu’ont prise, en presque 20 ans, les recherches pour une amélioration de la sécurité routière. Notons que ces efforts ne sont pas propres à l’Europe mais existent également par exemple au Japon et aux Etats-Unis.
Problématique scientifique étudiée
Le cadre de cette étude s’intègre donc dans une problématique d’assistance au conducteur où l’on cherche entre autres à prévenir au plus tôt le conducteur des dangers environnants éventuels en collaboration avec un système autonome d’anticollision à partir d’un ensemble de capteurs, et plus particulièrement d’un capteur actif de type télémètre à balayage. Ces capteurs sont conçus pour effectuer un balayage angulaire de la scène (bidimensionnel ou tridimensionnel) et délivrent ainsi des mesures de distance radiale ρ et d’angle θ. Une des premières difficultés de ce genre de mesures réside dans la nature spatialement répartie d’un relevé de distance d’un objet. En effet, plusieurs points de mesure peuvent provenir en réalité d’un même objet. Il est donc nécessaire de réaliser, préalablement à tout traitement, une détection du nombre d’objets présents dans la scène. Cette étape, bien que non indispensable a priori, permet de limiter le nombre d’éléments à suivre dans la scène et ainsi de minimiser l’explosion combinatoire associée. Dans un souci de conception d’un système d’anticollision automatisé, on pourrait se limiter à cette étape de détection d’objets et s’assurer alors que leur distance reste supérieure à une certaine distance de sécurité définie a priori. Toutefois, il est clair que cette politique ne peut être satisfaisante en pratique, en raison de la nécessité que l’on a de mettre en œuvre un système d’assistance à la conduite qui ait un comportement prédictif. Pour cela, il est indispensable d’envisager une estimation des paramètres dynamiques de l’objet observé. Les méthodes de filtrage statistique permettent de réaliser cette étape en exploitant les mesures disponibles à chaque instant. Toutefois, une difficulté supplémentaire à notre cas d’étude repose sur sa nature « multi-objets » ou « multi cibles » [Coué, 2003], [Labayrade, 2003]. On ne se trouve pas dans le cas d’un objet unique présent dans la scène, où l’on chercherait à dissocier les mesures utiles d’un éventuel fouillis inévitablement présent dans ce type de données, mais dans un cas général de suivi multi-objets. La difficulté est alors d’associer efficacement et à chaque instant les mesures disponibles à chaque objet présent dans la scène et permettre ainsi une estimation de leurs paramètres dynamiques.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I Positionnement des problèmes
I.1 Application Transport
I.2 Problématique scientifique étudiée
I.3 Méthode d’estimation
I.3.1 Estimation dynamique de processus markoviens
I.3.2 Filtrage linéaire optimal : le filtre de Kalman
I.3.3 Filtrage non-linéaire
I.3.3.1 Le filtre de Kalman étendu
I.3.3.2 Le filtre de Kalman « Unscented »
I.3.3.3 Méthodes de Monte-Carlo séquentielles : l’approche particulaire
I.4 Association Temporelle de données
I.4.1 Introduction
I.4.2 Méthodes d’association de données mono-objet
I.4.2.1 Méthode du plus proche voisin (NN)
I.4.2.2 Méthode d’association probabiliste de données (PDA)
I.4.3 Méthode d’association de données multi-objets
I.4.3.1 Méthode des hypothèses multiples (MHT)
I.4.3.2 Méthode d’association probabiliste conjointe de données (JPDA)
I.5 Capteurs actifs
I.5.1 Introduction
I.5.2 La technologie laser
I.5.2.1 Domaines d’utilisation du laser
I.5.2.2 Principe des télémètres lasers utilisés pour la surveillance et l’automobile
I.5.3 Evolution des capteurs laser automobile de détection d’obstacle
I.5.4 Présentations des capteurs Sick et IBEO utilisés et de leurs données
I.5.4.1 Le capteur laser automobile IBEO LD
I.5.4.2 Les capteurs de surveillance Sick LMS 200
Chapitre II Suivi multi-objets avec intégration du contexte capteur/objet
II.1 Détection des objets
II.1.1 Introduction
II.1.2 Méthodes supervisées
II.1.2.1 Exemple de méthodes supervisées
II.1.2.2 K-means (K-moyennes)
II.1.3 Méthodes non supervisées
II.1.3.1 Méthodes de classification non supervisées rencontrées dans la littérature
II.1.3.2 Détection par classification hiérarchique ascendante
II.1.3.3 Détection séquentielle (issue de l’algorithme des nuées dynamiques)
II.1.3.4 Comparaison des méthodes de détection présentées
II.1.4 Détection des objets dans des données réelles
II.2 Suivi d’objets en mouvement
II.2.1 Filtrage
II.2.1.1 Modèles de mouvement
II.3 Association probabiliste de données
II.3.1 Association temporelle
II.3.1.1 Critère d’association
II.3.2 Gestion des pistes
II.3.3 L’approche PDAF (Probabilistic Data Association Filter)
II.4 Intégration du contexte
II.4.1 Position du problème
II.4.2 Apport des réseaux bayésiens à l’association de données
II.4.2.1 Rappels sur les réseaux bayésiens
II.4.2.2 Détermination de la probabilité de détection par réseau bayésien
II.5 Expérimentations
II.5.1 Données synthétiques
II.5.1.1 Radar à balayage
II.5.1.2 Résultats de détection et estimation
II.5.2 Résultats sur données réelles (capteur IBEO)
II.5.3 Résultats sur données réelles (capteur SICK LMS)
II.6 Conclusion
Chapitre III Détection à partir de données télémétriques
III.1 Position générale du problème de détection
III.2 Performances des systèmes de détection
III.2.1 La détection à partir de données de type radar
III.2.2 La détection pour un télémètre laser à balayage
III.3 Les données télémétriques
III.3.1 Expression des mesures
III.3.2 Imprécisions et incertitudes sur les mesures
III.4 Le clustering
III.4.1 Clustering adaptatif
III.5 La segmentation
III.5.1 Détermination par minimisation quadratique
III.5.1.1 Extraction de droites en coordonnées cartésiennes
III.5.1.2 Extraction de droites en coordonnées polaires
III.5.2 Quelques algorithmes de segmentation
III.5.2.1 Algorithme Incrémental (ou Line Tracking)
III.5.2.2 Algorithmes de type Split and Merge
III.5.2.3 Quelques autres algorithmes non implémentés
III.5.3 Détermination des autres paramètres du segment
III.5.3.1 Calcul des extrémités du segment
III.5.3.2 Calcul de la longueur du segment
III.5.3.3 Calcul du milieu du segment
III.5.4 Modélisation par des primitives de type rectangle
III.5.4.1 Détection des coins
III.5.4.2 Modélisation par un rectangle
III.6 Une nouvelle méthode de segmentation
III.6.1 Mise en évidence d’un invariant
III.6.2 Principe de la méthode de segmentation
III.6.2.1 Segmentation par recherche d’invariants
III.6.2.2 Extraction des paramètres des segments
III.6.3 Application de la méthode sur données bruitées
III.7 Evaluation de l’algorithme de détection par invariant
III.7.1 Présentation du protocole d’expérimentation
III.7.2 Evaluation et comparaison des méthodes de détection
III.7.2.1 Comparaison avec les autres algorithmes de détection
III.7.2.2 Performances de l’algorithme Inv en fonction du contexte capteur-objet
III.7.2.3 Performances de l’algorithme Inv en fonction du contexte objet/objet
III.7.3 Résultats sur données réelles
III.8 Conclusion
Conclusion générale