Position du problème industriel
Dans les conditions optimales de forage, la garniture avance d’une manière continue et on ne remarque pas de grandes variations dans les paramètres de contrôle qui sont :
— la vitesse angulaire Ωo au niveau de la table de rotation (≈150 tr/min),
— le poids au crochet W OH (≈100 kN) et le couple de torsion au crochet T OH (≈50 kNm),
— et l’avancement de l’outil ROP (≈10 m/h).
Ceci semble indiquer que le poids à l’outil WOB et la vitesse angulaire au niveau de l’outil Ω ont aussi une évolution continue et sans vibration. Le changement des couches lithologiques induit des variations dans le processus de coupe qui, sous certaines conditions, peuvent conduire à des instabilités au niveau des contacts roche/outil et puits/garniture.
La présence des vibrations peut rendre le forage naturellement moins efficace (diminution du ROP) et accélère l’endommagement des éléments constitutifs du train de tiges, soit par fatigue, soit par abrasion et chocs répétés de la garniture sur les parois du puits.
Lorsqu’une rupture se produit , l’opérateur doit mettre en place l’opération de « fishing » afin de dégager le train de tiges rompu du puits de forage ; le cas échéant, il devra reforer une partie de celui-ci afin de continuer le forage du puits. À la perte de matériel, on associe donc une perte de temps et par conséquent une perte d’argent. Ces ruptures apparaissent en moyenne dans 14% des puits forés et les pertes financières associées s’estiment à plusieurs $100 000 par événement (Vaisberg et al., 2002). (Hill, 1992) a recensé les causes de 76 ruptures intervenues durant 1987 et 1990. Il en ressort que :
— la fatigue est dans 65% la cause principale,
— 13% des cas sont dus aux chargements excessifs en traction et torsion,
— et les faibles caractéristiques mécaniques représentent 8% de ces ruptures.
Les méthodes de régulations des paramètres au crochet et la maîtrise des différentes conditions environnementales ont permis de réduire certaines ruptures. (Barishnikov et al., 1995) ont analysé les ruptures survenues à Po Valley en Italie. Les sept puits concernés étaient tous des puits très profonds allant jusqu’à 6 à 7 km. Les 36 ruptures enregistrées entre 1983 et 1988 se répartissent de la façon suivante:
— 8 % dans les tiges de forage
— 44 % dans les masses tiges
— 14 % dans les HWDP (Heavy Weighted Drill Pipe)
— 14 % dans les stabilisateurs
— et 20 % dans les autres éléments de la garniture (JAR, S-Sub, PMD, XO).
Et les 56 ruptures enregistrées entre 1988 et 1994 se répartissent de la façon suivante :
— 27 % dans les tiges de forage
— 7 % dans les masses tiges
— 5 % dans les HWDP
Comment modéliser les dysfonctionnements vibratoires ?
Le comportement de la dynamique de la garniture de forage est particulièrement complexe à modéliser. En effet, la modélisation élastodynamique doit tenir compte des couplages entre les dysfonctionnements vibratoires résultant du contact roche/outil (Challamel et al., 2000; Richard, 2001; Girardot et Putot, 1997) et de ceux résultant du contact puits/garniture (Theron, 1996; Leine et al., 2002; Dutreuil, 1997). Ces études sont souvent fondées sur des modèles mécaniques basés sur une description de la garniture à un ou deux degrés de liberté (une rotation axiale φ, un mouvement axial u et un mouvement latéral v). Au fond du puits, le contact roche/outil est déterminé par le processus de coupe de la roche (frottement, ROP,…) et l’évacuation des déblais. Les interactions entre la roche et l’outil peuvent générer des vibrations caractérisées par l’angle de la rotation axiale φ ; on est alors en présence du phénomène de stick-slip (voir Fig. 1.5.a). Le stick-slip consiste en des phases d’arrêt et de redémarrage de la rotation de l’outil ; les redémarrages de l’outil s’effectuent avec une forte accélération et ceci de façon quasi périodique (Challamel et al., 2000). Ce phénomène génère des cycles d’onde de torsion C qui remontent le long de la garniture de forage. Le phénomène de stick-slip dépend du contact mécanique entre la roche et l’outil mais aussi de la rigidité de la garniture de forage. Le contact est généralement modélisé par une loi de Coulomb où µ est le coefficient de frottement. Ce coefficient de frottement est souvent supposé dépendre de la vitesse de rotation à l’outil Ω afin de générer des phases de stick-slip. (Richard, 2001) a montré que cette dépendance pouvait s’obtenir en couplant les degrés de liberté associés au mouvement axial u et à la rotation φ. Un phénomène apparaissant aussi au niveau de l’outil est le bit-bouncing . Celuici caractérise les vibrations axiales u dues aux rebonds de l’outil sur le fond du puits créant des ondes de tension/compression T, qui remontent aussi vers la surface au travers de la garniture (Girardot et Putot, 1997; Germay, 2002). Ce phénomène prend naissance dans les irrégularités de la surface de contact entre l’outil et la roche. Dans sa rotation, l’outil de forage suit toutes les irrégularités du fond du puits et il peut alors entrer dans une phase de résonance qui amplifiera les mouvements axiaux u créant ainsi des rebonds de l’outil sur le fond du puits (Theron, 1996). Le deuxième type de contact générant des dysfonctionnements se produit au niveau du contact latéral entre la paroi du puits et la garniture de forage . Des chocs peuvent se produire à ce niveau et induire une dynamique particulière caractérisée par des vibrations transversales v et des vibrations en rotation axiale φ générant des cycles de flexion M et de torsion C (Theron, 1996; Leine et al., 2002) ; ce phénomène est appelé whirling. Il résulte du phénomène de flambement dans les éléments de la garniture de forage ; la compression nécessaire au processus de forage peut induire des déflexions latérales de la garniture à l’intérieur du puits. Le train de tiges est alors animé d’une rotation excentrée qui peut générer des chocs. Cette déflection associé à la rotation induira de la flexion alternée supplémentaire. Ces vibrations, influençant le contact entre la garniture de forage et les parois du puits, créent un couplage entre tous les phénomènes. La détermination des cycles d’efforts poutres T, C et M devient alors très difficile. Toutefois, la nature de ces cycles de dysfonctionnements apparaît comme quasi périodique (Spanos et al., 2003) et donc seule la connaissance des fréquences et des amplitudes de ces cycles d’efforts permettrait de caractériser le chargement particulier d’une opération de forage. Ces dysfonctionnements sont souvent modélisés de façon indépendante. Cependant on peut trouver quelques travaux concernant les couplages entre le whirling et le stick-slip (Leine et al., 2002) ou bien ceux de (Germay, 2002) qui a utilisé le modèle de (Richard, 2001), afin de coupler les dysfonctionnements de bit-bouncing et de stick-slip.
Quelles sont les données expérimentales existantes ?
Les relevés expérimentaux peuvent nous apporter quelques éléments de réponse concernant les phénomènes dynamiques mis en jeu lors d’une opération de forage. Beaucoup de ces relevés expérimentaux in situ, que possède notamment l’Institut Français du Pétrole dans sa base de données TRAFOR, concernent la dynamique des garnitures de forage avant la rupture et certaines incluent même des phénomènes de dysfonctionnements vibratoires. Ces données contiennent les cycles des grandeurs telles que celles mesurées en fond de puits : l’accélération angulaire Ω˙ et le poids à l’outil W OB (Weight On Bit), ou bien celles mesurées en tête du puits : le poids W OH et le couple T OH au crochet (de l’anglais Weigth On Hook et Torque On Hook). Ces données nous permettront d’obtenir des informations sur les fréquences et les amplitudes des cycles de sollicitations poutres en tension T, en torsion C et en flexion M. On remarque expérimentalement que, dans le cas où l’outil de forage est un outil tricône, la fréquence des ondes de traction/compression et de torsion est de l’ordre de 3 fois la fréquence de rotation Ωo imposée à la table de rotation lors de la présence de stick-slip et de bit-bouncing (Aarrestad et al., 1986).
Comment obtenir les cycles de sollicitations poutres T, C et M s’exerçant sur la garniture ?
La modélisation complète de la dynamique du train de tiges doit nous permettre par la suite d’obtenir les cycles des efforts poutres généralisés en tension, torsion et flexion. Compte tenu de la complexité du problème liée aux contacts et aux dysfonctionnements qui amènent une non linéarité dans les équations, la méthode des Éléments Finis semble appropriée pour la résolution de ce problème. Bien qu’on trouve très peu de travaux utilisant cette méthode (Sathuvalli et al., 2005), des méthodes analytiques ou semi-numériques existent et permettent de palier les difficultés de la modélisation dynamique. Les travaux de (Patel et Vaz, 1995) se sont attachés à la dynamique du train de tiges dans un puits vertical en vue de comparer les sollicitations cycliques dues aux vibrations induites dans ce puits et les sollicitations cycliques dues à la courbure d’un puits dévié ou d’un puits horizontal. Leur modèle prend en compte les vibrations axiales, latérales et de torsion mais sans tenir compte du couplage entre elles. La garniture de forage est discrétisée en éléments masse/ressort et les équations de la dynamique obtenues par leur modélisation sont résolues grâce à des conditions limites imposées au niveau de l’outil et du crochet. Les vibrations axiales sont obtenues en imposant une évolution cyclique du poids sur l’outil constatée expérimentalement. Leurs résultats tendent à montrer que la contrainte axiale est plus élevée au niveau des tiges de forage qu’au niveau des masses tiges mais que les masses tiges sont en compression et donc elles peuvent être sujettes à des phénomènes de flambement qui créeront de la flexion supplémentaire. Le phénomène de stick-slip est aussi obtenu de façon artificielle en imposant une évolution cyclique de l’angle de rotation φ au niveau de l’outil. Leurs calculs mettent en avant une contrainte de cisaillement élevée au niveau de l’outil de forage ce qui amène à penser que ce sont les masses tiges qui souffriront le plus des ondes de torsion provenant du stick-slip. Les vibrations latérales sont obtenues en imposant un poids au crochet constant ou fluctuant. Il a été remarqué que les contraintes engendrées par ce mode de vibrations sont d’ordre négligeable devant les contraintes engendrées par les vibrations axiales et de torsion. D’autres travaux, comme ceux de (Tucker et Wang, 1999), ont permis, d’obtenir une modélisation semi-analytique plus complète de la dynamique du train de tiges. Ils utilisent une formulation avec des poutres de type Cosserat (Antman, 1996). Cependant, les complexités de la modélisation rendent les équations extrêmement non linéaires et elles ne permettent pas de résoudre correctement le problème dans son ensemble. La méthode des Éléments Finis peut nous aider à palier les inconvénients des modélisations de la dynamique du train de tiges. Cela nécessite en premiers lieux des conditions limites qui ont été discutées dans la section précédente. Une fois ces conditions limites obtenues, il est proposé de traiter ce problème avec l’aide du code Élément Finis DeepLines. Ce logiciel a été élaboré dans le but de calculer la dynamique des risers reliant les gisements d’hydrocarbure sous-marin à la plate-forme pétrolière. Il permettra de prendre en compte les non linéarités du problème dues aux contacts entre la garniture et les parois du puits. Toutefois la dynamique du riser et celle du train de tiges diffèrent un peu. En effet le train de tiges est animé d’une rotation alors que le riser ne présente que des déplacements axiaux ou latéraux. DeepLines nécessite donc quelques modifications à l’intérieur de son code afin de prendre en compte cette rotation. Dans l’Annexe A, nous présentons une méthode semi-analytique de calcul des efforts généralisés T, C et M le long de la garniture de forage. Cette méthode est largement utilisée dans le domaine industriel et se base sur une formulation quasi-statique de la garniture. Bien qu’elle ne permette pas de traduire correctement la dynamique du forage, cette méthode nous permettra d’obtenir une estimation des efforts moyens s’exerçant sur la garniture. Mais aussi de calculer le moment fléchissant engendré dans les coudes du puits de forage.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Position du problème industriel
1.2 Questions importantes et résultats existants
1.3 Objectifs et organisation du travail
2 Analyse Globale de la Connexion Vissée
2.1 Les assemblages vissés
2.2 Questions importantes et résultats existants
2.3 Présentation du modèle Élément Finis
2.4 Résultats pour un chargement en tension
2.5 Résultats pour un chargement en flexion
2.6 Conclusions
3 Analyse Locale de la Connexion Vissée
3.1 Solution d’une barre entaillée (Filippi et al. 2004)
3.2 Formulation locale de la solution d’un tube entaillé
3.3 Formulation globale de la solution d’un tube entaillé
3.4 Résultats et limitations de la solution
3.5 Application de la solution pour des connexions vissées
3.6 Étude du contact dans une connexion vissée
3.7 Formulation du champ de contraintes et résultats
3.8 Conclusions
4 Analyse en Fatigue de la Connexion Vissée
4.1 La fatigue des garnitures de forage
4.2 Questions importantes et résultats existants
4.3 Présentation et application du critère de Dang Van
4.4 Extension du critère de DVK en endurance limitée
4.5 Application au calcul de la durée de vie des connexions
4.6 Application de la méthode du point critique
4.7 Application de la méthode contrainte-résistance
4.8 Conclusions
5 Validations Expérimentales
5.1 Questions importantes et résultats existants
5.2 Dimensionnement de l’éprouvette
5.3 Détermination du coefficient de frottement
5.4 Résultats et Discussions
5.5 Conclusions
6 Conclusions
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