PRINCIPAUX FACTEURS INFLUENÇANT LES CHOIX DE CONSOMMATION
Il est aujourd’hui reconnu que le succès à long terme d’une marque au travers la fidélisation et la recommandation des consommateurs ne repose pas seulement sur la satisfaction et la confiance, mais dépend surtout des capacités de la marque à créer un lien émotionnel avec le consommateur (Carroll & Ahuvia, 2006; Chaudhuri & Holbrook, 2001; Vlachos et al., 2010). L’attachement émotionnel à la marque est défini comme la force du lien cognitif et émotionnel qui relie la marque à l’individu (Park, Macinnis, & Priester, 2006). Park et al. (2006) proposent que l’attachement à la marque repose sur la prise en compte de trois types de besoins : fonctionnels, expérientiels et affectifs. Les individus seraient plus susceptibles de s’attacher à des offres (i.e., des marques ou des produits) lorsqu’elles répondent à ces trois types de besoins.
Tout d’abord, les besoins fonctionnels passent par des offres qui permettent au consommateur de gagner en autonomie tout en se sentant en sécurité. Pour cela, il est nécessaire que le consommateur puisse avoir confiance dans la fiabilité des performances. Cette confiance à l’égard de l’offre est essentielle à la formation et à la durabilité de l’attachement émotionnel. La confiance est liée à la réduction du risque perçu, ce qui va permettre à l’attachement de générer un sentiment de sécurité. Par exemple, lors des choix alimentaires, il est essentiel pour le consommateur d’avoir confiance et de se sentir en sécurité pour qu’il ne se sente pas exposé à des risques physiques de par la salubrité des aliments ou leurs valeurs nutritives.
Ensuite, les besoins expérientiels passent par des offres qui permettent au consommateur de se faire plaisir. Pour cela, il est nécessaire que le consommateur ait une modification immédiate de l’humeur via des éléments hédoniques générés par l’offre. De la même manière que le plaisir est un facteur majeur d’attachement dans les relations intimes (Bretherton, 1992), c’est aussi un facteur clé dans l’évaluation positive d’une offre et dans l’attachement émotionnel du consommateur à la marque.
Enfin, les besoins affectifs passent par des offres qui permettent au consommateur un enrichissement de soi. Ce dernier correspond à la réalisation de soi en passant par la découverte de ses vraies préférences pour se construire soi-même et pouvoir donner une image positive de soi aux autres (Ahuvia, 2005). Vlachos et al. (2010) suggèrent que l’enrichissement de soi lors de la consommation serait le facteur le plus important pour déterminer l’attachement émotionnel à une marque. En effet, les consommateurs seraient plus susceptibles de s’attacher à une marque qui les aide à définir et à conserver une image positive d’eux-mêmes (Carroll & Ahuvia, 2006) ainsi qu’à résoudre des conflits d’identité (Ahuvia, 2005).
LE RÔLE DE L’IDENTITÉ
Étant donné que dans cette thèse nous nous intéressons aux facteurs intrinsèques pouvant influencer les comportements des consommateurs, il nous semble pertinent d’aborder le sujet de l’identité. En effet, selon la théorie de la motivation identitaire (Identity-Based-Motivation, IBM ; Oyserman, 2007) l’individu orienterait ses comportements de manière conforme à son identité. L’identité peut être définie au travers des multiples catégories auxquelles l’individu s’associe par choix ou par héritage (Reed II, Forehand, Puntoni, & Warlop, 2012). Certaines catégories sont plutôt stables et objectives, par exemple le fait de s’identifier à la catégorie «européen », « parent », « enfant ». D’autres identités sont plus malléables et subjectives, par exemple le fait de s’identifier à la catégorie « sportif », « utilisateur de Mac », « enseignant ». Bien que le consommateur puisse s’identifier à toutes les catégories possibles, toutes ne seront pas nécessairement intégrées dans son identité propre. La catégorie deviendrait partie intégrante de son identité propre de consommateur lorsque l’individu aurait déjà initié un processus pour devenir le genre de personne correspondant à la représentation mentale qu’il se fait de cette catégorie (Oyserman, 2009). L’identité serait donc multicatégorielle, mais aussi située. En ce sens, l’identité s’adapterait en fonction du contexte et des contraintes de la situation. Les catégories qui composent l’identité peuvent changer au cours de la vie en fonction des facteurs culturels et sociaux et à mesure que l’individu prend connaissance de nouvelles catégories. Par exemple, la notion d’être mère évolue au fil du temps en même temps que l’enfant grandit. Par ailleurs, une ou plusieurs catégories peuvent être définies par des attributs communs ce qui permet une cohérence interne de l’identité. À l’inverse, la motivation à appartenir à deux catégories différentes avec des attributs pouvant rentrer en confrontation peut générer un conflit interne.
Cette identité mouvante et multidimensionnelle va influencer les comportements du consommateur. Ses actions et ses choix de consommation seront guidés par le besoin que ses prises de décisions soient en cohérence avec son identité (Aaker, 1997; Aguirre-Rodriguez, Bosnjak, & Sirgy, 2012). C’est le principe de congruence identitaire. Chez le consommateur, une similarité entre les aspects d’une marque ou d’un produit et son identité est nécessaire pour permettre cette congruence identitaire. Cette similarité peut être perçue au travers de la signification symbolique du produit lui-même, de la personnalité de la marque, ou encore de l’image stéréotypée de l’utilisateur qui utilise ce produit (Brannen & Frisby, 2017). Aussi, cette similarité peut se réaliser selon deux stratégies différentes. La congruence identitaire peut être reliée soit à l’identité actuelle soit à l’identité idéale du consommateur. Dans le premier cas, le consommateur peut choisir un produit ou une marque en accord avec les catégories auxquelles il s’associe. Dans le second, parce qu’ils représentent une catégorie à laquelle il aspire. Toutefois, ce serait la congruence avec l’identité actuelle qui aurait le plus d’impact sur l’attachement émotionnel à une marque (Malär, Krohmer, Hoyer, & Nyffenegger, 2011). De plus, cet impact serait modulé par trois facteurs, la conscience publique de soi, l’estime de soi (Malär et al., 2011) et l’anxiété (Vlachos et al., 2010).
LE RÔLE DE L’EXPÉRIENCE SUBJECTIVE ET DE L’EXPÉRIENCE CORPORELLE
L’expérience subjective peut être définie comme englobant plusieurs composantes telles que les humeurs, les émotions, les connaissances métacognitives et les états corporels(Schwarz, 2012). Les consommateurs tiendraient compte de leur expérience subjective et plus précisément des sensations ressenties au moment de leurs choix de consommation. La théorie des sensations comme source d’information postule que les sensations sont prises en compte dans le jugement d’une situation (pour une revue récente, voir Schwarz 2012). Cette théorie a d’abord été appliquée de manière plus spécifique à l’étude de l’influence de l’humeur (i.e., positive vs. négative) dans le cadre de jugement évaluatif (Schwarz & Clore, 1983). Dans les paragraphes suivants, nous allons présenter cette théorie car elle est à l’origine de l’idée selon laquelle l’expérience corporelle serait une source d’information pertinente pour le consommateur lors de la prise de décision (Krishna & Schwarz, 2014).
Schwarz et Clore (1983) proposent d’appliquer ce principe d’influence des sensations sur le jugement en tenant compte d’autres types de sensations pour obtenir une conceptualisation plus globale du jugement. Les individus interprètent les sensations agréables comme étant des indicateurs d’appréciation, de satisfaction, de bien-être et les sensations désagréables comme étant des indicateurs de déplaisir et d’insatisfaction. La théorie des sensations comme source d’information est constituée de quatre postulats principaux portant sur la valeur informationnelle perçue des sensations, l’utilisation de ces sensations comme base informative lors d’un jugement et leurs influencent sur la mise en place automatique de différents types de traitement de l’information (Schwarz, 2012). Le premier postulat considère que les individus tiennent compte de leurs sensations comme source d’information. Différents types d’informations peuvent être prises en compte en fonction de différents types de sensation. Selon le second postulat, l’influence d’une sensation donnée est située. Autrement dit, elle dépend de la valeur informationnelle perçue dans une certaine situation donnée. Le troisième postulat considère que l’utilisation des sensations comme source d’information fonctionne de la même manière que tout autre type d’information. Plus précisément, la pertinence perçue avec la situation augmente l’influence des sensations, alors que la prise en compte d’autres facteurs, qui est dépendante de la motivation et des ressources cognitives, diminue l’influence des sensations. Le quatrième postulat propose que les sensations puissent servir de base de jugement. Les sensations qui soulignent une situation problématique favorisent un traitement analytique alors que les sensations qui soulignent une situation inoffensive favorisent un traitement plus global. Pour résumer, les sensations influenceraient le jugement en fonction de la valeur perçue de cette information dans la situation actuelle.
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
PARTIE THÉORIQUE
CHAPITRE 1. PROCESSUS DÉCISIONNELS DANS UNE SITUATION D’ACHAT
1.1. PRINCIPAUX FACTEURS INFLUENÇANT LES CHOIX DE CONSOMMATION
Le rôle de l’identité
Le rôle de l’expérience subjective et de l’expérience corporelle
Le rôle de la stimulation multisensorielle
1.2. LES PRINCIPAUX MODÈLES DE CHOIX DE CONSOMMATION
Le conditionnement
Théorie de la formation d’habitude
Le double processus
La théorie incarnée
CHAPITRE 2. PRÉDIRE LES DÉCISIONS DES CONSOMMATEURS
2.1. LES MESURES DIRECTES
Écarts entre le déclaratif et le comportement
Biais de la cognition du consommateur
2.2. LES MESURES INDIRECTES
Implicit Association Test (IAT)
2.3. COMPLÉMENTARITÉ DES MESURES DIRECTES ET INDIRECTES
Les attitudes explicites et implicites
Modèle unitaire
Modèle à double construction
Patterns possibles entres les mesures directes et indirectes pour prédire le comportement
PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE
PARTIE EXPÉRIMENTALE
CHAPITRE 3. INFLUENCES DES RESSOURCES SOCIO-AFFECTIVES SUR LA PERCEPTION DE L’ESPACE : VERS UNE NOUVELLE
MESURE DE L’IMPACT D’UN PRODUIT ?
Influence des propriétés corporelles sur la perception visuelle de l’environnement et l’action
Influence des ressources énergétiques sur la perception visuelle de l’environnement et l’action
Influence des ressources socio-affectives sur la perception visuelle de l’environnement et l’action
La tâche de passabilité
Hypothèses
3.1 ÉTUDE 1 : LIEN CORRÉLATIONNEL ENTRE LES RESSOURCES SOCIO-AFFECTIVES ET LE JUGEMENT D’AFFORDANCE
Méthode
Résultats
Discussion
3.2 ÉTUDE 2 : INFLUENCE CAUSALE DE L’ESTIME DE SOI SUR LE JUGEMENT D’AFFORDANCE
Méthode
Résultats
Discussion
3.3 ÉTUDE 3 : MESURER L’IMPACT D’UN PRODUIT VIA LE JUGEMENT D’AFFORDANCE
Méthode
Résultats
Discussion
DISCUSSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES
Rappel des objectifs
Rappel des principaux résultats et concordance avec la littérature
Lien entre estime de soi et anxiété sociale
Effet de l’estime de soi et de l’anxiété sociale sur le jugement d’affordance
Influence du genre sur le jugement d’affordance
Influence de l’application d’un rouge à lèvres sur le jugement d’affordance
Influence du contexte social sur le jugement d’affordance
Proposition d’un cadre général explicatif des résultats
Perspectives applicatives dans le cadre de l’étude du consommateur
CHAPITRE 4. LE MOUSE-TRACKING : VERS UNE NOUVELLE MESURE DES DÉCISIONS DU CONSOMMATEUR
Le mouse-tracking
Application du mouse-tracking à la cognition sociale
Hypothèses
CONCLUSION GÉNÉRALE
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