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Les conditions de vie dans le pays d’accueil à l’origine de risques sanitaires spécifiques chez les migrants
Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) dans son rapport annuel de 2008 sur la santé des migrants, les mouvements de populations d’une manière générale rendent les migrants plus vulnérables aux risques liés à la santé et les exposent à des dangers potentiels et à un stress accru liés aux déplacements (OMS, 2008). Lorsqu’ils sont coupés de leur pays d’origine, de leur milieu familial, en situation d’immigrés, les migrants peuvent présenter de problèmes de santé (Faye, 2011). Pour Virginie Migeot et collaborateurs (2006), la migration en elle même (par le stress qu’elle peut susciter) est un facteur qui contribue à la dégradation de l’état de santé. En outre, les auteurs évoquent aussi les facteurs culturels et le manque de soutien social comme pouvant renforcer la dégradation de l’état de santé des migrants. Claudine Herzlich (2003) expliquait comment le réseau relationnel peut procurer un soutien capable de modérer le stress suscité par certains événements, tout en sachant que le stress a des conséquences directes sur l’état de santé. Socialement, le réseau relationnel fournit des ressources matérielles, informationnelles et émotionnelles, et il participe à la satisfaction de certains besoins sociaux comme l’estime de soi et le sentiment d’appartenance. En effet, selon elle, le « capital social » ou encore « le réseau social » a une influence sur la santé des personnes.
Les conditions de l’immigration, de travail et de logement les exposent non seulement à des risques sanitaires (déconnexion des services de santé), mais aussi à des risques sociaux.
Le travail sur le saturnisme infantile chez les familles d’origine sénégalaise et malienne vivant en région parisienne, décrit par Nadia Rezkallah et Alain Epelboin (Rezkallah, Epelboin, 1997), mérite d’être signalé en raison de l’articulation de ce qu’ils interprètent comme l’adaptation à un « nouvel écosystème » et les problèmes sociaux rencontrés par les familles à Paris. Les travaux qui suivront dans cette thématique (Fassin, 2003 ; Naudé, 2000) vont décrire le saturnisme comme une maladie sociale de l’immigration. Le symptôme est plus social que culturel. Ainsi, c’est du côté des conditions sociales d’existence des migrants que l’analyse doit être conduite, plutôt que de celui de la culture et de « mauvaises pratiques » de ces personnes. L’existence de ce type de maladie chez les migrants résulte de la multiplication de plusieurs facteurs liés à leurs conditions d’existence dans le pays d’accueil et au contexte épidémiologique des régions d’origines. Les conditions de vie affectent considérablement les risques de contamination. D’après l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE), la vulnérabilité des migrants face à ces pathologies est renforcée par une exposition particulière à la précarité sociale. Cette précarité s’explique par le phénomène de sélection lié à la migration (l’immigration en France est moins sélective et n’est plus motivée par l’emploi, mais plutôt par le regroupement familial) et par la situation économique des immigrés dans le pays d’accueil (INSEE, 2010). Elle s’accompagne de difficultés d’accès à une couverture sociale effective et, par–là, de difficultés d’accès au système sanitaire et d’une moindre consommation de soins (Comiti, Patureau, 2005). Une étude (Chauvin, Parizot, Labas, 2001), de même, a montré les relations entre le statut socio–économique, les conditions de vie et l’état de santé. Ils montrent clairement que la précarité s’accompagne d’un risque accru en termes de morbidité, particulièrement en ce qui concerne les maladies transmissibles.
Néanmoins, les risques de santé ne concernent pas uniquement les situations endurées par les migrants ayant expérimenté les conditions de migrations les plus rudes. Parallèlement, le statut administratif constitue également un facteur potentiel de risque. Par exemple, les personnes en situations irrégulières ou encore sans papiers ne peuvent pas disposer des mêmes possibilités d’accès aux soins. À long terme, l’évolution ou la progression du statut juridique peut avoir des effets délétères, comme le suivi de l’évolution de la maladie et de la prise en charge du traitement (Rouand, Hoyez, 2011), même s’il existe des dispositifs qui répondent pour la plupart à un impératif juridique (stipulé par l’Union européenne ou l’OMS) de garantir un accès à la santé à toute personne indépendamment de son origine nationale.
L’approche ethnologique ou culturelle de Mary Douglas sur le risque
Les prémisses de la théorie de l’analyse culturelle voient le jour à la fin des années 1960, dès l’apparition de la canonique « De la souillure » publiée pour la première fois en 1967 (Douglas, 2001). Une des thèses et méthodes de ce livre était de considérer les maux, les souillures et pollutions comme une source à la fois de danger et de pouvoir. Il faut attendre la fin des années 1970 pour que l’anthropologue anglaise Mary Douglas s’intéresse aux risques modernes, avec la collaboration du politologue Aaron Wildavsky. Ensemble, ils écrivent l’ouvrage qui a posé les jalons de la théorie culturelle du risque : « Risk and culture », publié en 1982. Dans cet ouvrage, ils montrent que chaque culture, chaque catégorie sociale possède sa propre vision du temps, sa propre façon de se remémorer le passé et de se projeter dans le futur, et donc d’affronter le risque.
Au fil des années, Mary Douglas améliore sa théorie en distinguant ainsi deux dimensions de l’analyse culturelle du risque : Grip et Group (Douglas, 1990). Elle analyse la diversité des sociétés humaines par un classement sur ces deux dimensions que l’on peut traduire par hiérarchie interne et limite externe. La première dimension (group) renvoie à la façon dont un groupe se définit par rapport aux autres, en essayant de tracer une frontière plus ou moins nette, pour affirmer son identité propre et se distinguer du reste de la société. Quant à la seconde dimension, elle renvoie à la structure interne du groupe, à la façon dont sont régulées les relations sociales entre ses membres, selon que cette structure est égalitaire ou hiérarchisée, selon qu’elle induit une différenciation plus ou moins rigide des tâches. Le modèle grip/group est un instrument de recherche dont l’apport est tout d’abord d’établir les quatre types d’institutions sociales comme cadres de référence, afin d’expliquer les variations des perceptions du risque de paludisme.
En croisant ces deux dimensions, on obtient un espace découpé en quatre pôles culturels (individualiste, hiérarchique, égalitaire, fataliste) qui ont des rapports très contrastés aux risques (Douglas, 1978). Ces pôles expriment les principes d’ordre auxquels les individus marquent leur attachement. Ils orientent leurs actions, leurs argumentations et leurs justifications. Ils conduisent les individus à mettre les situations sous des éclairages cognitifs et axiologiques radicalement différents, en cohérence avec les contextes sociaux qui leur correspondent. Chaque type d’institution permet en effet de relier les logiques argumentaires que les individus mobilisent aux contextes sociaux dans lesquels ils agissent et, cela place l’ancrage de ces logiques argumentaires dans des institutions sociales typiques. Ce modèle permet de sortir d’une vision monolithique de la rationalité des conduites pour considérer l’adéquation des moyens choisis aux finalités poursuivies par l’individu, en fonction des institutions dans lesquelles ses conduites s’inscrivent et acquièrent des significations.
En application à notre contexte d’étude, ma population d’étude peut être découpée en quatre sous–groupes.
– Le premier sous–groupe correspond aux acteurs de santé qui gravitent autour de la prévention et de la prise en charge du paludisme. Il s’agit des médecins généralistes, des spécialistes de la médecine des voyages et/ou des maladies infectieuses et tropicales et des pharmaciens d’officine.
– Le deuxième sous–groupe concerne les voyageurs migrants qui ont le statut d’immigrés travailleurs. Ce sont dans la plupart des mariés sans enfants en France et qui effectuent régulièrement des séjours dans leur pays d’origine. Ils sont généralement dans des situations sociales et économiques favorables par rapport aux étudiants.
– Le troisième concerne les voyageurs migrants qui sont en France pour des raisons d’études : les étudiants. Ces derniers à la différence des immigrés travailleurs se situent généralement dans une situation économique précaire. Certes, ils peuvent travailler, mais la durée de travail légal annuel (960 h) imposé par la loi française relative au travail des étudiants étrangers leur permet juste de gagner de quoi vivre. Les bourses des pays d’origine sont insuffisantes par rapport au niveau de vie en France.
– La dernière catégorie, les voyageurs migrants qui ont le statut de travailleurs et qui sont parents d’enfants nés en France.
Ces sous–groupes se distinguent par leur rapport aux risques en termes d’attitude et de « portefeuille de risques », et ils ne conçoivent pas la connaissance de la même manière, ce qui influence leur perception du risque. Ainsi, comme chaque forme d’organisation sociale a ses propres valeurs, elle aura également sa propre hiérarchisation des risques et son propre « portefeuille de risques » et son propre rapport au risque. Donc, nos valeurs nous fournissent des critères pour hiérarchiser les risques (Perreti–Watel, 2010). En appartenant à une culture, le voyageur migrant dispose ainsi d’une sélection de risques qui sont propres à sa culture.
Le premier pôle est caractérisé par une limite externe et une hiérarchie interne fortes. La culture hiérarchique raisonne en termes de gestion calculée des risques. Il cherche à protéger la société. Entre typiquement dans ce registre cette « culture du risque » que les autorités et les professionnels du risque veulent apprendre aux populations. Dans le cadre de ce travail, la culture hiérarchique peut correspondre aux acteurs de santé qui sont chargés de proposer et de prescrire la prévention du paludisme et de prendre en charge les voyageurs migrants en cas de fièvre du retour. Dans ce premier pôle, de nombreuses contraintes s’entrecroisent, notamment de type organisationnel et pratique. Cependant, l’acteur de santé demande d’éviter toute prise de risque (prendre une chimioprophylaxie), toute initiative qui introduirait de l’incertitude (inobservance) lors du séjour. Son rôle dans la prévention du risque palustre est prescrit par les décideurs de santé publique qui s’occupent de la mise en place des recommandations sanitaires pour les voyageurs internationaux. Leurs rôles et statuts sont différenciés, mais interdépendants. Par exemple après l’obtention d’une prescription pour éviter le risque palustre chez le médecin généraliste ou le spécialiste de la médecine des voyages, le voyageur doit passer chez le pharmacien pour obtenir les produits prescrits par les premiers.
La culture individualiste a pour principale préoccupation de garantir la liberté d’action et d’initiative. Les individualistes possèdent une totale liberté d’entrer et de sortir du groupe et sont habitués à l’incertitude quotidienne et pour eux, le monde « change de jour en jour tel un kaléidoscope10 » (Douglas, Wildavsky, 1982 : 99). Mais, ils aiment également prendre des risques. Toutefois, en cas de problème, ils sont jugés seuls responsables des maux qui leur arrivent (Douglas, 1990). Dans ce groupe peuvent se situer les voyageurs migrants originaires d’Afrique qui ont un statut de migrant travailleur. Ils sont relativement « indépendants » et cette situation leur accorde la possibilité de choisir ou non la mesure de prévention qui leur semble être la plus adaptée pour eux et pour leur entourage d’un de point de vue économique, social et culturel. Ils ont une marge de manoeuvre entre satisfaire les attentes de la famille restée au pays et se prémunir contre le paludisme.
Quant à la culture égalitaire, elle prône pour une négociation des risques. Ses membres jouent des rôles souvent ambigus avec une forte emprise sur eux. Marcel Calvez (2006), qui a apporté une contribution sociologique à l’analyse culturelle de Mary Douglas, considérait l’institution égalitaire comme une institution « fissile, instable, qui se caractérise par l’anomie et les dissensions ; elle parvient à être stabilisée par opposition à une menace extérieure et qui permet d’affirmer et de rendre réelle la frontière qui sépare le groupe d’un extérieur et qui permet d’en appeler à une solidarité interne transcendant les conflits » (Calvez, 2006 : 7). Peuvent se trouver dans cette catégorie les voyageurs migrants qui sont en France pour leurs études. Les étudiants rentrent dans la catégorie des migrants, mais leur statut d’étudiant les différencie des autres. Avec ce statut, ils peuvent être sujets à de fortes contraintes économiques et à une négociation plus prégnante entre la prévention contre le paludisme et la réponse aux attentes de solidarité de la population non–migrante. Dans ce cas de figure, les messages préventifs peuvent difficilement être entendus et suivis.
Le dernier pôle est celui des résiduels ou la culture fataliste. Pour Tobias Girard (2013), les membres du groupe appartenant à cette culture fataliste pratiquent le culte de la sécurité et de la soumission aux menaces sans s’invertir dans des mouvements de contestation. Rentre dans cette typologie, le groupe de voyageurs migrants qui ont des enfants nés en France ; leurs enfants n’ont jamais eu une expérience du paludisme. Les parents se sentent obligés de les faire suivre les recommandations promues par le centre, car ils n’ont pas l’expérience. Les enfants nés hors des pays d’endémie palustre sont généralement perçus comme plus vulnérables, car ils n’ont que peu de prise sur leurs situations ni sur les risques encourus lors du retour temporaire. Ce sentiment de vulnérabilité serait donc un signe de soumission et de respect des recommandations comme le démontre le cas de beaucoup de parents rencontrés en situation de consultation à Santé–Voyage au chapitre 4 de ce travail.
Ce qui a retenu mon intérêt, c’est que cette approche offre la possibilité de partir de l’individu dans ses actions et justifications pour analyser la correspondance entre les valeurs, les croyances et les relations sociales. Les choix que le voyageur migrant d’origine africaine fait vis–à–vis de la prévention du paludisme dépendent des possibilités et des contraintes qu’offre le contexte social, économique et culturel dans lequel il agit. Ce contexte est « la résultante de la sédimentation d’innombrables décisions individuelles passées, créant la structure des coûts et la distribution des avantages qui constituent le cadre des décisions présentes. » (Douglas, 1978 : 5) Elle permet de mieux comprendre la façon dont les individus se comportent face aux risques, de mettre en valeur à la fois ce qui se retrouve dans l’ensemble d’une société particulière et les dissemblances qui peuvent exister entre les individus de groupes sociaux différents. Ainsi, le sous–groupe auquel appartient chaque enquêté va en grande partie moduler son rapport aux risques, c’est–à–dire leur façon de les percevoir et de les hiérarchiser entre eux.
L’apport de l’analyse culturelle, et singulièrement de la typologie grid/group des institutions sociales, est d’introduire différentes modalités d’existence de l’ordre social pour expliquer les variations dans les perceptions du risque de paludisme. Cela conduit à montrer que les perceptions des risques et les attitudes à leur égard ne sont pas l’expression d’émotions irrationnelles, ou d’un défaut d’éducation, comme les professionnels du risque tendent souvent à considérer les perceptions profanes, mais qu’elles expriment des préférences pour un certain mode de vie et d’organisations relationnelles. Je vais montrer par exemple l’importance des relations sociales entre le voyageur migrant et sa famille non-migrante dans le processus décisionnel de recourir ou non à la chimioprophylaxie.
Le cadre d’analyse de Douglas permet donc d’expliquer les différentes perceptions du risque, en reliant leur comportement face au risque palustre à la culture du groupe auquel ils appartiennent. Denis Duclos (1994) qui a analysé cette théorie culturelle du risque dans une perspective durkheimienne considère que « l’attitude des acteurs face aux menaces dépend essentiellement de leur position sociale » (Duclos, 1994 : 347). Ce cadre demeure aussi important dans l’étude des perceptions et des interprétations que les individus ont du risque. On peut donc s’attendre, face au risque palustre lors du retour temporaire, à trouver différentes raisons invoquées par les voyageurs migrants et les acteurs de santé qui peuvent être cohérentes avec les finalités que chaque acteur enquêté privilégie. Cette typologie se présente ainsi comme un instrument d’analyse dynamique, évolutive, dans la mesure où les perceptions que les voyageurs migrants ont du risque palustre ne sont pas figées. Elles peuvent évoluer dans le temps en fonction des expériences de la maladie et de leur nature et des contextes social et géographique dans lesquels se déroulent ces expériences.
Le Health Belief Model (HBM)
Le Health Belief Model (HBM) a été développé dans les années 50 par un groupe de chercheurs et praticiens en psychologie sociale. Ces derniers cherchaient à comprendre les raisons de l’échec et du manque de participation des individus aux programmes de prévention ou de détection de maladie. Il a été retravaillé par la suite par Irwin Rosenstock en 1960 et par Marshall Becker en 1975. Ce modèle postule qu’un individu adopte un comportement de prévention s’il est conscient de la gravité du problème, s’il se sent concerné par le problème, si le comportement à adopter présente pour l’individu plus d’avantages que d’inconvénients et s’il est capable de l’adopter. En d’autres termes, il s’agit de quatre types de croyances qui augmentent la probabilité d’entreprendre l’action recommandée en rapport avec une condition de santé ou à une maladie. Ainsi, selon cette théorie, l’individu choisit de se prémunir ou non en fonction de :
– La perception de sa vulnérabilité : il s’agit de la probabilité subjective d’être atteint de la maladie. Plus précisément, un individu n’agit en matière de santé que lorsqu’il pense être en situation de risque et que le problème est suffisamment grave ;
– La perception de la sévérité des conséquences qui influence le comportement. C’est dans l’espoir de tirer certains avantages qu’on agit et modifie notre comportement ;
– La perception des menaces que peut engendrer la survenue de la maladie. Si la personne se sent plus susceptible de contracter une maladie grave, elle sera d’autant plus active à prendre une décision que la menace est importante ;
– La croyance en l’efficacité de l’action préventive selon la résultante de la perception de l’action préventive et des barrières. La plupart des individus ont plus de probabilité d’adopter un comportement de prévention lorsqu’ils croient avoir la capacité de réaliser le comportement souhaité et si les aspects négatifs potentiels de cette action et la perception du coût de l’action sont inférieurs aux bénéfices attendus de l’action à entreprendre (Robichaud– Ekstrand, et al., 2001).
En effet, le HBM décrit les déterminants de l’intention d’action en faisant interagir les connaissances en matière de santé (Siegrist, 1988) et l’intérêt pour la santé avec différents ordres de croyances et de perceptions, influencées par des différents facteurs (âge, sexe, ethnie, personnalité, classe sociale) (Godin, 1988).
Ce modèle permet de comprendre les facteurs psychosociaux qui déterminent la décision d’agir ou de ne pas agir dans une direction donnée. L’application de ce modèle dans le cadre de cette étude permettrait de montrer qu’il n’est pas suffisant d’informer les gens des risques et des dangers qu’ils encourent pour modifier les comportements liés à la santé. La perception que le voyageur migrant originaire des pays du Sud a du paludisme, de la gravité du risque et de l’expérience grave du paludisme est aussi importante de prendre en compte. Elles peuvent influencer les décisions d’adopter des comportements favorables à la santé et à la prévention en particulier. Ainsi, selon ce modèle, le voyageur migrant devrait prendre la décision de recours à une chimioprophylaxie antipaludique s’il réalise que le risque palustre est une menace réelle pour lui, et s’il évalue que la chimioprophylaxie permettra de minimiser la menace.
Cadrage conceptuel : éléments de définition du risque et conceptualisation de l’hypothèse générale
L’omniprésence du mot risque ne facilite pas les efforts de clarification. C’est une notion évidemment polysémique qui est au centre de la vie sociale contemporaine et de la modernité comme le dit Anthony Giddens en 1990. À l’origine, c’est le sociologue Ulrich Beck qui l’a promu en 1986, peu de temps après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Son analyse, critique et polémique, témoigne de la sensibilité de l’époque aux risques industriels et environnementaux, tout particulièrement en Allemagne. En France, c’est vers la fin des années 90, avec l’avènement du SIDA, qu’un premier cadrage des formes prises par la saillance sociale du risque est mis en place.
La question des définitions et du vocabulaire est cruciale et très délicate. On peut distinguer deux formulations illustratives de multiples essais de cadrage :
Une probabilité de dommage par exposition à un danger (Got, 2001). Cette formulation est la plus classique et elle met en avant l’essentiel des définitions modernes du risque : leur conception probabiliste. Elle s’est bâtie sur les calculs de probabilité de pertes de gains qui se sont systématisés à partir du XVIIe siècle à propos des jeux, et qui ont permis le développement extraordinaire des compagnies d’assurances. Pour ces dernières, l’approche du risque devient parfaitement définie en termes méthodologiques : comment quantifier l’aléatoire et déterminer des parts de responsabilité. Cette première orientation s’appuie sur des définitions institutionnelles et techniques du risque.
Une propriété qui concerne le passage d’un présent à un futur, que la culture savante ou populaire, les groupes, les individus attribuent à des situations qui peuvent avoir des conséquences négatives (Bajos et Ludwig, 1995). Cette définition est plus générale. Elle exprime une des perspectives clés d’une psychologie sociale du risque. Autrement dit, le travail complexe de jugement social qui aboutit à attribuer à telle ou telle situation une caractéristique de dangerosité. En effet, la réalité sociale sert de postulat et de base référentielle à l’analyse : le risque comme une représentation est décrit et interrogé en tant qu’objet et construction sociale.
Une autre manière de définir le risque consiste à opposer des conceptions objectivistes et des conceptions subjectivistes, ou encore à distinguer les approches qui font du risque une construction et celles qui s’attachent aux dimensions imaginaires et représentationnelles (Augé et Herzlich, 1984). La documentation en sciences sociales sur la notion du risque (Massé, et al., 2011 ; Massé, 2007 ; Perreti–Watel, 2010) a mis en évidence l’existence de conceptions et perceptions contrastées du risque, entre savoir savant et savoir profane, mais aussi au sein du savoir populaire. Les individus élaborent des constructions qui peuvent mobiliser des valeurs morales (celles liées au sentiment de culpabilité et de responsabilité) et conduire à des variantes dans la réinterprétation que l’individu fera du risque au gré de ses expériences vécues (Massé, et al., 2011). Ainsi, le complexe agencement de perceptions, de croyances, d’attitudes, de valeurs et de représentations sociales dans lequel repose le savoir populaire du risque (Massé, 1995) ne s’adapte pas nécessairement aux cadres institutionnels.
Une étude plus récente (Flanquart, 2016) considère le risque comme un construit social. Pour l’auteur, le risque et le social sont dépendants et on doit considérer le risque comme un phénomène construit, propre à chaque culture. Pour mettre en pratique son approche constructiviste du risque, Hervé Flanquart identifie quatre modes de construction du risque qui se structurent essentiellement autour de la question de l’émergence des risques. Ces quatre étapes du processus fonctionnent comme des pôles permettant d’établir une cartographie de cette construction sociale des risques. Cette émergence sociale du risque continue d’être importante dans les sociétés développées grâce aux progrès de la science. En conséquence, des maladies qui étaient attribuées à l’action maléfique d’un ennemi sont aujourd’hui attribuées à l’action de virus, microbes, etc. Ces maladies sont devenues des risques socialement identifiés que l’on peut réduire. Même si les incertitudes subsistent à propos de la prévention du paludisme — surtout qu’il n’existe, à ce jour, aucun vaccin sur le marché, — on sait que l’on peut minimiser le risque d’impaludation : pratiquer la démoustication, dormir sous des MII, prendre une chimioprophylaxie, porter des habits longs et couvrant les bras, etc. Face aux risques palustres, les voyageurs migrants doivent être capables de réagir, de se protéger jusqu’à certains seuils puisque la chimioprophylaxie combinée à la lutte anti–vectorielle et à l’usage des répulsifs ne garantissent pas une prévention totale.
Toutes ces approches qui tentent de définir le risque comme une construction propre des sociétés développées recouvrent–elles forcément les mêmes contenus, les mêmes valeurs, voire les mêmes perceptions que dans les sociétés en développement ? D’après Marc Spindler et Étienne Damone (2015), les approches africaines et occidentales divergent quant à la conceptualisation et l’on peut identifier une gestion différenciée des risques en Afrique, dont il s’agit d’étudier les formes et les dynamiques, sans oublier que l’Afrique est un continent pluriel Mais avec la mondialisation, cette territorialisation différenciée du risque se relativise, ce qui joue un rôle considérable dans sa diffusion, tel l’effet papillon. Dans le même sillage, François Bart et Céline Thiriot (2015 : 504) précisaient que « dans l’Afrique actuelle, le risque n’est pas seulement au coin de la case et du champ, dans les caprices du ciel, dans les épidémies de la pauvreté et du manque d’hygiène ; il est en quelques sorte aussi “modernisé” et diversifié, comme le montrent de nombreux exemples puisés dans des symboles d’une certaine modernité. » En résumé, la signification contemporaine du risque a pris une dimension mondialisée.
Dans le cadre de cette étude, je retiendrais la conception constructiviste, car susceptible de rendre compte de divers enjeux (éthiques, politiques, sociétaux, etc.), lesquels interviennent dans l’évaluation et la gestion du risque. Ce paradigme renseigne également sur les logiques d’acteurs et leurs perceptions. Dans cette perspective, le risque de paludisme peut être défini comme une construction et une représentation sociale culturellement déterminée (Peretti–Watel, 2010), une réalité possible qui n’est pas encore et qui peut ne pas être (Anaté, 2015). En suivant cette logique, le risque serait tout d’abord culturel dans la mesure où la perception que l’individu en a est culturellement définie (Peretti–Watel, 2010 : 16), immergée et engagée dans une communauté et donc attachée à des valeurs. Car, les perceptions et les rapports au risque palustre peuvent varier d’une population à une autre et d’un individu à un autre. Son appréhension et son évaluation sont déterminées non seulement par des facteurs culturels, mais aussi par les expériences individuelles. Ainsi, il y a une diversité de risques qu’on peut analyser dans des contextes relatifs et évolutifs d’hiérarchisation, mais aussi d’accumulation de risques, porteurs de complexités.
Nous présentons ci–dessous un schéma qui récapitule l’ensemble des variables susceptibles de déterminer le recours à la prévention du risque.
La stratégie du « faux patient »
Il faut noter que cette stratégie n’est pas nouvelle. Elle a été pratiquée par Van der Geest Sjaak et Samuel Sarkodie en 1998 dans un hôpital ghanéen. Après être admis dans un hôpital public au Ghana, Van der Geest Sjaak a constaté que pour comprendre ce qui passe dans un service hospitalier, il faut être un patient. Ainsi, ce dernier décida de faire jouer pendant trois jours le rôle du « faux patient » à Samuel Sarkodie. Les résultats ont montré que si Sarkodie avait dit aux autres patients qu’il était chercheur, ces derniers n’auraient pas été aussi enclins à parler avec lui. Sous le statut de chercheur, même en passant des longues heures pendant plusieurs jours avec les vrais patients, il n’aurait pas pu apprendre ce qu’il a appris en tant que faux patient. D’autres auteurs (Tomson, Sterky, 1986 ; Wolffers, 1987 ; Igun, 1994), pour étudier les activités de vente des personnes travaillant dans une pharmacie, se sont fait passer pour des clients, afin d’observer les pratiques ordinaires en cours dans les pharmacies.
J’ai utilisé cette stratégie comme première méthode pour entrer en contact avec les pharmaciens avant d’utiliser celle de chercheuse en anthropologie lors des entretiens semi–directifs. À la différence de Van der Geest Sjaak et Samuel Sarkodie (1998), mes interlocuteurs n’étaient pas des patients ou des voyageurs migrants. Il s’agissait d’acteurs de santé et je me suis fait passer pour une cliente avec une ordonnance, dans le but de saisir les conseils délivrés par les pharmaciens à leurs clients voyageurs se présentant avec une ordonnance pour la prévention du risque de paludisme. La principale raison qui m’a poussée à me faire passer pour un voyageur à destination d’un pays impaludé et muni d’une ordonnance était la difficulté d’obtenir une autorisation pour faire des observations dans les pharmacies.
J’ai joué le rôle du « faux patient » dans quatre pharmacies situées dans trois quartiers différents (un quartier périphérique, un quartier populaire et le centre–ville de Bordeaux). Deux pharmacies sont situées dans le quartier périphérique. Le choix de ces deux pharmacies de quartier se justifie par le fait que la majeure partie des personnes interrogées les fréquentaient. Quant à la pharmacie du quartier populaire, elle est réputée être une des pharmacies de Bordeaux les plus fréquentées par la population migrante. Pour la pharmacie du centre–ville, elle avait la réputation d’être la pharmacie la moins chère, à tel point que certains acteurs de santé à Santé–Voyage n’hésitaient pas à conseiller à leurs patients d’aller acheter leurs médicaments prophylactiques dans cette pharmacie.
La justification de ce choix méthodologique d’une « observation clandestine » soulève ainsi une question déontologique et éthique : peut–on observer et recueillir des paroles des acteurs de santé dans leur lieu de travail et destinées à de vrais malades sans leur consentement et les utiliser comme données ethnographiques ? Cette question est notamment abordée par Aline Sarradon–Eck (Sarradon–Eck, 2009). Pour elle, cette question met souvent l’anthropologue dans un dilemme éthique. Sur le plan méthodologique, Aline Sarradon–Eck a procédé à la « pratique de l’insu » (Urbain, 2003 : 26) pour éviter les interférences de la situation d’enquête sur le comportement spontané du malade au cours de la consultation. Du point de vue éthique et dans la position duelle d’acteur–observateur qu’elle occupait, informer ses enquêtés au préalable et demander leur consentement comportait un risque de perturbation de la relation thérapeutique. Sjaak Van der Geest et Kaja Finkler (2004) le soulignent bien dans une brève revue de la littérature anglo–saxonne sur l’observation participante à l’hôpital. En effet, les auteurs évoquent le danger de cette méthode sur la production scientifique en ne restituant que le point de vue des professionnels. Selon eux, les chercheurs assument moins souvent le rôle de « faux » ou de « vrai » patient en insistant sur les difficultés de cette double posture, à l’hôpital peut–être davantage que sur d’autres terrains, car l’observation participante, au vrai sens du terme est un « oxymoron » (Van Der Geest, Kinkler, 2004 : 199).
Cet écart déontologique, éthique et méthodologique a été rattrapé par la réalisation d’entretiens formels avec le consentement du pharmacien dans chacune de ces pharmacies. En effet, quelques mois après avoir joué le « faux patient », j’ai contacté les pharmaciens pour un entretien formel.
Méthodes et techniques mobilisées
L’entretien semi–directif
L’entretien semi–directif est la technique d’entretien la plus utilisée dans le cadre de la méthode qualitative. Comme le disent les anthropologues Jaffré et Olivier de Sardan : « l’entretien reste le mieux privilégié, souvent le plus économique pour produire des données discursives donnant accès aux représentations émiques (emic), autochtones, indigènes, locales. Ce sont les notes d’entretiens qui constitueront la plus grosse part du corpus de données de l’anthropologue. » (Jaffré, Olivier de Sardan, 2003)
Trois guides d’entretien ont été élaborés : un guide pour les voyageurs migrants originaires des pays d’Afrique subsaharienne de Bordeaux, un guide d’entretien pour les voyageurs paludéens et un pour les acteurs de santé avec quelques questions spécifiques entre eux.
Le guide d’entretien des voyageurs migrants africains est focalisé sur les connaissances générales du paludisme, notamment en matière de prévention avant tout départ en zone d’endémicité palustre et d’offre en France et dans leur pays d’origine. Il est également focalisé sur la prévention du paludisme, sur la perception du risque palustre en contexte de migration et sur le rôle et la mobilisation des professionnels de santé –– en l’occurrence les médecins généralistes –– dans la prévention et la prise en charge de cette pathologie, et sur l’expérience du paludisme (l’expérience personnelle, sociale et familiale du paludisme, l’impact de cette expérience sur l’acceptabilité de la prévention du paludisme).
Le guide d’entretien des voyageurs paludéens comprend les mêmes thématiques que le guide des voyageurs interrogés à domicile qui ne sont pas malades, ainsi que quelques autres questions portant sur le parcours thérapeutique et la perception du risque palustre au cours de la maladie. Concernant les professionnels de la santé, le guide porte sur leurs connaissances générales sur le paludisme (prévention, prise en charge), sur la prévention du paludisme dans leur pratique de médecin généraliste (conseils sur la prévention, notamment sur la fréquence des consultations préventives sur le paludisme, le référencement des patients en cas de suspicion de paludisme, le profil des patients sollicitant des conseils de prévention avant tout voyage en zone d’endémicité palustre) et sur leur rôle dans la prise en charge du paludisme (le diagnostic de la maladie, le traitement et les difficultés rencontrées).
J’ai procédé à une enquête préalable pour tester et adapter les outils de recueil de données sur le terrain. Cette enquête a consisté en une vérification des thèmes et items des guides d’entretiens confectionnés en les testant sur un échantillon réduit. Trois entretiens ont été effectués chez trois Sénégalais, dont deux étudiants (un étudiant en droit et l’autre en médecine) et un travailleur. Il s’agissait de vérifier la compréhension de mes questions par mes interlocuteurs. D’autres questions non prévues initialement comme les principales préoccupations lors du retour temporaire, sont apparues.
Pendant l’enquête proprement dite, lorsque les conditions étaient favorables et avec l’accord du participant, j’utilisais le dictaphone pour m’assurer d’un enregistrement fidèle des propos de mes enquêtés. Dans d’autres cas, cet outil se révélait inhibiteur, et je l’ai remplacé par la prise de notes qui est moins perturbatrice pour l’enquêté, mais qui a des limites pour le chercheur.
Des entretiens informels ont aussi été réalisés auprès des professionnels de santé des services hospitaliers. Parfois, je me référais aux entretiens réalisés avec des médecins généralistes en ville pour connaître la réaction des médecins hospitaliers spécialisés. Les mêmes procédés ont été utilisés chez les migrants lors de petits rassemblements chez l’un d’entre eux : nous procédions à une confrontation des discours entre migrants. Les entretiens informels ont été des compléments précieux aux entretiens formels.
L’observation directe
Toute enquête implique de la part du chercheur une observation particulière des attitudes et des comportements. Ainsi, le jeune chercheur en anthropologie doit « laisser courir son regard sans s’obstiner sur une seule piste unique, écouter tout autour de soi sans se contenter d’un seul message, se pénétrer des ambiances et chercher finalement à discerner les dimensions essentielles du problème à étudier. » (Quivy, Campenhoudt, 1988, p. 75).
Une observation ethnographique directe a été effectuée dans la structure Santé–Voyage. Il s’agissait d’identifier concrètement le type d’information donné au voyageur et la manière dont le médecin délivre cette information. Il s’agissait également de décrire le type de documentation (affiches et brochures) concernant le paludisme mis à la disposition des voyageurs, dans la salle d’attente et dans les différents bureaux des médecins.
La période d’enquête de terrain a coïncidé avec la période estivale lors de laquelle le personnel qui accueille les voyageurs était réduit (chacun prenait à tour de rôle ses congés annuels). Ce déficit de personnel a fait que j’étais souvent interpellée par les voyageurs pour leur donner des informations et pour les aider à obtenir un rendez–vous rapidement. Il est arrivé que je sois interpellée par une femme sénégalaise pour lui servir de traductrice, afin de faire vacciner contre la fièvre jaune son fils de 14 ans né en France. Son fils n’est jamais allé au Sénégal et ne comprend pas non plus le wolof. Cette femme sénégalaise de 52 ans vivait en France depuis 21 ans. Elle me confiait en wolof qu’elle voulait emmener son fils de 14 ans au Sénégal, mais elle ne souhaitait pas qu’il soit au courant de peur qu’il fasse une fugue. Elle m’a alors demandé d’écrire ce qu’elle venait de me dire sur un bout de papier et de le remettre à l’accueil afin que le « docteur qui va faire la consultation ne prononce pas le mot Sénégal », car elle avait dit à son fils qu’ils iraient ensemble à Paris. En cours d’entrevue avec des voyageurs migrants en salle d’attente, il arrivait que je sois interrogée sur la prévention du paludisme et spécifiquement sur les modalités de prise des médicaments. Ils cherchaient souvent à savoir s’il fallait prendre les médicaments avant, pendant ou après le séjour. Dans la plupart des cas, je me sentais obligée de leur apporter une réponse sans pour autant jouer le rôle du médecin.
L’ambivalence autour de la « toubabisation »
Les voyageurs migrants qui ne manifestent pas de réussite lors du retour temporaire dans leur pays d’origine sont dévalorisés. Des travaux ont d’ailleurs conclu que les émigrés qui n’ont pas réussi leur projet migratoire sont considérés comme des « morts sociaux ». Eliane de Latour (2003) et Pascale Jamoulle (2013) l’ont bien démontré. Selon elles, le retour au pays les mains vides ou sans avoir aidé la famille dans le besoin auparavant est un déshonneur. Ils n’ont plus de mots pour la famille au pays. Ils sont souvent accusés d’avoir rompu la solidarité familiale. Djibril avait vécu cette expérience auparavant.
Djibril : « Quand mes enfants étaient jeunes, on allait ensemble en vacances. Parce que pour moi c’est important que les enfants connaissent leurs origines, leur culture, la langue. Je me rappelle bien en 1991, je suis allé en Kolda. Je vivais modestement. De toute manière à cette époque, je n’avais pas d’argent à offrir. J’avais les enfants à prendre en charge (…). Mais les gens disaient du n’importe quoi sur moi »
Césarine : « Les gens disaient quoi de vous ? »
Djibril : « Ils disaient que je suis devenu une mauvaise personne, que la France m’a complément changé. Je suis inutile. Tout ce que je vous dis là, vous le savez autant que moi. »
Césarine : « Personnellement je n’ai pas assez d’expérience de retour. Est-ce que vous pouvez m’en dire plus sur en quoi la France vous a changé ? »
Djibril : « Oui, mais l’expérience est toujours là quand on vient ici. Que ce soit votre famille ou une autre personne, ils croient que tu as des millions dès que tu reviens de la France. Mais ils croient qu’on a des millions parce qu’on est venu au mois de juin et même pas un an on est revenu. (…). Tout ce que je peux vous affirmer, ma propre famille c’est-à-dire ma mère, mes frères, les enfants de mes frères et leurs épouses, s’intéressent à l’argent. Si tu leur dis que tu n’as pas d’argent, ils ne te croiront pas. C’est eux qui vont commencer à dire aux gens de l’extérieur que tu es devenu mauvais. Tu es avare, tu es égoïste. (…). Et déjà même si tu satisfais tout le monde, il y a toujours un risque envers toi du moment que tu as vécu ici. »
Césarine : « Quel genre de risque ? »
Djibril : « Il y a un risque si j’essaie de vivre comme si je n’avais pas voyagé. Et si on essaie de montrer aux gens qu’on est généreux, solidaire, il y a aussi un énorme risque. Parce que les gens sont tellement jaloux et ils essayent toujours de vous détruire ou de salir notre nom.
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Table des matières
LISTES DES TABLEAUX
INTRODUCTION GÉNÉRALE
ANTHROPOLOGIE DES RISQUES LIÉS À LA MIGRATION ET AUX VOYAGES
SITUATION DU PALUDISME EN FRANCE
PROBLÉMATISATION DE LA RECHERCHE
CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL
STRUCTURATION DE LA THÈSE
CHAPITRE 1 : Méthodologie et présentation du contexte de l’étude
Introduction
1.1. INTÉGRATION DE L’ANTHROPOLOGUE AU SEIN D’UNE STRUCTURE SANITAIRE : SANTÉ-VOYAGE ET LE SMIT
1.2. STRATÉGIES D’ENQUÊTE À L’EXTÉRIEUR DES STRUCTURES HOSPITALIÈRES
1.3. MÉTHODES ET TECHNIQUES MOBILISÉES
1.4. PRÉSENTATION DES ENQUÊTÉS
Conclusion
CHAPITRE 2 : Situations lors du retour temporaire au pays d’origine
Introduction
2.1. LA MIGRATION ASSOCIÉE À LA RÉUSSITE
2.2. LES ATTENTES DE LA FAMILLE NON-MIGRANTE
2.3. LA NÉCESSITÉ DE SE PRÉPARER POUR AVOIR LES MOYENS DE FAIRE FACE AUX DEMANDES
2.4. L’AMBIVALENCE AUTOUR DE LA « TOUBABISATION »
2.5. LA PLACE DE LA SANTÉ DANS LES INTERACTIONS AVEC LA FAMILLE
2.6. PLACE DES PRÉOCCUPATIONS DE SANTÉ LORS DU RETOUR TEMPORAIRE
2.7. DES STRATÉGIES D’ÉVITEMENT DU RISQUE PALUSTRE : SAISONNALITÉ ET RÉSIDENCE
Conclusion
CHAPITRE 3 : Voyageurs migrants face à la prévention du risque palustre : connaissances, perceptions et recours
Introduction
3.1. Construits sociaux autour du risque palustre et/ou du paludisme
3.1.1. CONNAISSANCES GÉNÉRALES SUR LE PALUDISME
3.1.2. LES CONNAISSANCES SUR L’ÉTIOLOGIE DU PALUDISME
3.1.3. CRISTALLISATION DES REPRÉSENTATIONS SOCIALES DU PALUDISME EN CONTEXTE DE MIGRATION
3.2. Les perceptions du risque palustre
3.2.1. BANALISATION ET/OU MINIMISATION DU RISQUE PALUSTRE
3.2.2. LA QUOTIDIENNETÉ DU RISQUE PALUSTRE
3.2.3. LA PERCEPTION FATALISTE DU RISQUE PALUSTRE
3.3. Conceptions de la prévention du risque de paludisme
3.4. Les barrières à l’utilisation de la chimioprophylaxie : le frein économique et le rapport différencié au médicament
3.4.1. LE FACTEUR ÉCONOMIQUE
3.4.2. LE RAPPORT AU MÉDICAMENT
3.5. Les limites des stratégies préventives
Conclusion
CHAPITRE 4 : L’expérience du paludisme grave comme événement significatif dans le recours à la prévention du risque palustre
Introduction
4.1. Les expériences du paludisme
4.1.1. L’EXPÉRIENCE INDIVIDUELLE ET CORPORELLE
4.1.2. L’EXPÉRIENCE À TRAVERS LES AUTRES
4.2. Les temporalités de l’expérience vécue et perçue du paludisme
4.2.1. ÉVALUER, DÉFINIR ET APPRÉCIER LA GRAVITÉ DU PALUDISME
4.2.2. L’EXPÉRIENCE PASSÉE DU PALUDISME
4.2.3. EXPÉRIENCE DU PALUDISME EN FRANCE
4.3. Des comportements ambivalents
4.3.1. L’EXPÉRIENCE COMME MOTEUR DE CHANGEMENT DE COMPORTEMENTS PRÉVENTIFS
4.4. Quand l’expérience des parents fait de la prévention du risque de paludisme pédiatrique une priorité
4.4.1. LORSQUE LE FAIT D’ÊTRE PARENT ENCOURAGE LE RECOURS À LA PRÉVENTION DU PALUDISME
4.4.2. LES PARENTS ACCEPTENT PLUS FACILEMENT D’ACHETER LA CHIMIOPROPHYLAXIE QUE POUR LEURS ENFANTS
4.4.3. FAMILLE MIXTE ET RECOURS À LA PRÉVENTION
Conclusion
CHAPITRE 5 : Acteurs de santé : rôle et mobilisation dans la prévention et la prise en charge du paludisme
Introduction
5.1. Rôle et place du médecin généraliste dans le système de soin
5.2. Médecine générale dans la prévention et la prise en charge du paludisme
5.2.1. LES DIFFICULTÉS DU MÉDECIN TRAITANT DANS LA PRÉVENTION DU PALUDISME D’IMPORTATION
5.2.2. PARCOURS DE PRISE EN CHARGE EN CAS D’IMPORTATION DU PALUDISME
5.2.3. QUELQUES FACTEURS EXPLICATIFS
5.3. Le retard de diagnostic et thérapeutique
5.3.1. LORSQUE LA CONSULTATION INITIALE EN MÉDECINE GÉNÉRALE APPARAIT COMME UN DES FACTEURS RALENTISSANT LA PRISE EN CHARGE
5.3.2. L’AUTOMÉDICATION COMME FACTEUR QUI RETARDE LE DIAGNOSTIC ET LA PRISE EN CHARGE
5.4. Le Pharmacien d’officine : quelle place dans la lutte contre le paludisme d’importation ?
5.4.1. LE CONSEIL AUX VOYAGEURS SUR LES MALADIES TROPICALES N’EST PAS UNE ACTIVITÉ QUOTIDIENNE
5.4.2. CONSEIL ET INFORMATION ASSOCIÉS À L’ORDONNANCE
5.4.3. QUAND LE PHARMACIEN D’OFFICINE CONSEILLE SPONTANÉMENT D’AUTRES PRODUITS COMPLÉMENTAIRES
5.4.4. SUBSTITUTION DE PRODUITS PRESCRITS PAR LE MÉDECIN
Conclusion
CONCLUSION GÉNÉRALE
ARBITRER ENTRE RISQUES IDENTITAIRE ET PALUSTRE
LA MÉDICALISATION DE LA PRÉVENTION EN QUESTION ?
LE PALUDISME : UNE MALADIE DIFFICILE À DIAGNOSTIQUER EN MÉDECINE DE VILLE
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Annexe 1 : Présentation du quartier Saige
Annexe 2 : Description des enquêtés
Annexe 3 : Fiche d’informations voyageurs à Santé-Voyage sur le paludisme
Annexe 4 : Questionnaire Santé-Voyage destiné aux voyageurs
TABLES DES MATIÈRES
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