Insularité et pétro-dépendance de la production de l’électricité

Insularité et pétro-dépendance de la production de l’électricité 

En posant le constat de la pétro-dépendance totale du secteur électrique martiniquais au début des années 2000, nous comparerons la situation de l’île par rapport à d’autres territoires et d’autres échelles : comment l’électricité est-elle produite à l’échelle mondiale ? Cette organisation se retrouvet-elle dans les territoires insulaires, ou ces derniers sont-ils plutôt un ensemble atypique dont la production d’électricité est spécifique ? Nous comparerons ensuite la production d’électricité en Martinique à celle d’autres territoires proches administrativement (Hexagone) et géographiquement (Guadeloupe, Réunion…) afin de déterminer quels sont les éléments qui influencent réellement la constitution du mix électrique d’un territoire. La Martinique est-elle le territoire le plus pétrodépendant ? Ce mix est-il influencé par la géographie du territoire, ou par ses liens à la France ? Nous répondrons à ces questions en procédant à un « diagnostic comparatif de territoires » (Dumont, 2012), en partant du global vers le local et en nous basant sur des jeux de données publiés par BP Statistical review pour l’échelle mondiale, par Energy Transition Initiative pour la Caraïbe insulaire et par les gestionnaires locaux de l’électricité pour les territoires français comparés (RTE, EDF opendata).

En troisième temps, nous verrons comment le système électrique martiniquais évolue, depuis sa configuration entièrement organisée autour du pétrole dans les années 2000 jusqu’en 2016 où une diversification des sources d’énergie est déjà observable. Nous verrons, par la mobilisation de cartes, comment les énergies autres que les produits pétroliers pénètrent le territoire. Ceci nous permettra de dresser un premier bilan spatial de la transition du secteur électrique.

Évolution du rapport à l’énergie et à l’électricité en Martinique : de l’île coloniale renouvelable au département d’outre-mer pétro-dépendant

L’Histoire de l’énergie en Martinique

Avant de caractériser le rapport contemporain de la Martinique à l’énergie, il est nécessaire de revenir aux évolutions historiques successives qu’a connu le territoire. Comment l’île en est-elle arrivée à cette situation ? Quelles ont été les grandes phases évolutives et les moteurs de ce développement autour des produits pétroliers ?

De la période indigène à la période coloniale : une augmentation des sources d’énergie renouvelables disponibles en Martinique 

L’histoire énergétique en Martinique est majoritairement caractérisée par un enrichissement en continue de sources d’énergie importées. Les indigènes d’Amériques, présents sur l’île, étaient organisés en sociétés hybrides de chasseurscueilleurs pratiquant l’agriculture. Les deux principales sources d’énergie utilisées alors sont le feu et l’énergie endosomatique, à savoir les muscles. L’absence de certaines ressources locales, comme de grands mammifères domesticables, limitera l’accès de ces sociétés à certaines sources d’énergie comme la traction animale (Nicolas, 1996, p. 22).

L’arrivée des colons français en 1635 et la disparition des indigènes (migration vers la Dominique, expéditions punitives…) fait passer la Martinique dans un nouveau régime énergétique, directement importé depuis l’Europe. Ce changement de sociétés en présence va augmenter le nombre d’énergies exploitables avec l’importation du modèle proto-industriel européen permettant la mobilisation de la traction animale , du vent et de l’eau. La spécialisation de ces territoires autour de la production agricole, comme la canne à sucre importée d’Asie du Sud-Est, induit le recours à deux autres sources d’énergie déjà présentes avant l’arrivée des colons :
• La puissance musculaire ; qui sera exploitée dans des proportions bien supérieures avec l’importation d’esclaves depuis l’Afrique, notamment pour la récolte de la canne, et dans une moindre mesure la mobilisation des animaux de trait .
• Le feu, par l’utilisation de la biomasse, était déjà utilisé par les indigènes pour la culture sur brûlis. Dans la société coloniale martiniquaise, cette énergie est particulière mobilisée avec les résidus de cannes à sucre broyées, appelés bagasse , notamment dans les process permettant la production de rhum et de sucre.

Durant cette période coloniale, la société fait usage exclusivement de ressources énergétiques renouvelables. Celles-ci sont en partie est endogène, tandis que les autres reposent sur des importations, mais deviendront par la suite des ressources locales également (persistance des animaux et des esclaves). Avec l’arrivée des Européens, la croissance de la population et la spécialisation agricole de l’île autour de la canne à sucre, deux conséquences sont observables sur l’environnement : le recul des forêts au profit des surfaces agricoles, et l’érosion de la biodiversité endémique, accélérée par les invasions biologiques (rats, mangoustes, chats…) au détriment d’espèces locales, comme les perroquets.

Pas de charbon en Martinique et une révolution industrielle limitée

Malgré l’abolition définitive de l’esclavage le 22 mai 1848, l’espace martiniquais demeure fortement tourné vers la production agricole non mécanisée, avec un recours important à l’énergie endosomatique issue désormais de travailleurs libres. Si l’émergence du capitalisme industriel, au XIXè siècle, a mis fin au capitalisme commercial reposant sur l’esclavage et le monopole (Williams, 1968), les mutations énergétiques sur l’île ne sont pas immédiatement visibles. La Martinique n’a, en effet, pas connu de véritable période charbonnière comme en Europe. Le rail est resté dans les campagnes à des fins de production agricole, appelé « train des plantations » et n’a pas eu vocation à transporter les marchandises ou les individus sur l’île et donc à intensifier les flux dans l’espace. En revanche, le charbon était mobilisé pour générer les flux entre l’île et l’extérieur : les dépôts de charbon à Fort-de-France étaient destinés à l’approvisionnement des bateaux à vapeur (Desse et Saffache, 2008, p. 72) qui était le type de navire le plus répandu puisqu’ils constituaient « en 1900, les trois quarts du tonnage mondial » (Hémery, 2014, p. 30).

Le charbon fait d’ailleurs plutôt référence en Martinique au charbon de bois, obtenu après la combustion contrôlée de branches. Il a été utilisé pour faire du feu afin de faire cuire les aliments, et ce jusque dans les années 50 avant que le gaz et l’électricité ne se démocratisent (Chambre d’agriculture de Martinique, 2017). On n’assiste pas, non plus, à une mécanisation précoce de l’agriculture : au début du 20è siècle, le travail effectué dans les champs de canne à sucre était exclusivement opéré par les Hommes et les bêtes (Kopp, 1927) . Jusqu’aux années 1950, le repiquage de la canne et sa récolte aux Antilles sont encore largement opérés par l’énergie endosomatique (Desse et Saffache, 2008, p. 72). Si on assiste à la modernisation des procédés de certaines usines agricoles (sucrerie, rhumerie), ces structures restent indépendantes des ressources fossiles importées, en brûlant la bagasse.

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Table des matières

Introduction générale
Partie 1 : La Martinique : un territoire insulaire d’outre-mer pétro-dépendant devant organiser sa transition
1Chapitre 1 : Insularité et pétro-dépendance de la production de l’électricité
2Chapitre 2 : Les défis d’une transition énergétique et de son application en Martinique : contexte global, enjeux et potentiels locaux
Partie 2 : Les acteurs de la transition du secteur électrique en Martinique : entre profils variés, enjeux pluriels et multiples modèles de transition
3Chapitre 3 : Les acteurs de la mutation du secteur électrique : profils, intérêts et gouvernance
4Chapitre 4 : La transition énergétique en Martinique telle qu’elle est perçue par les acteurs locaux
Partie 3 : Une transition du secteur électrique martiniquais caractérisée par des jeux d’acteurs multiples autour des projets de production d’énergies renouvelables
5Chapitre 5 : Jeu d’acteurs autour des énergies intermittentes en Martinique : un développement irrégulier en partie contraint par le conflit d’usage du foncier
6Chapitre 6 : Une décennie de gouvernance autour de la centrale Galion 2 : entre développement d’une filière locale et contestation de l’importation de combustible biomasse
7Chapitre 7 : Énergie thermique des mers, géothermie, déchets … des jeux d’acteurs à diverses échelles afin de réaliser la transition énergétique en Martinique
Conclusion générale
Annexes
Bibliographie
Liste des illustrations

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