Instrumentation électronique et diagnostic de modules de puissance à semi-conducteur

Matériaux semi-conducteurs pour composants de puissance

    L’élément actif d’un composant ou module de puissance est la puce à semi-conducteur. Actuellement, le matériau utilisé pour la fabrication de puces est le silicium même si apparaissent des composants à base de matériaux grand gap tels le SiC ou le GaN. On constate également une forte volonté d’augmenter la température maximale admissible par les puces. Cette tendance forte est motivée par le développement de certaines applications plaçant les composants de puissance dans un environnement « haute température ». On peut penser aux applications automobiles hybrides avec une température ambiante pouvant atteindre 90 à 120°C ou plus critiques, les applications aéronautiques (200°C au voisinage du réacteur) et pétrolières. La montée en température est également liée à l’intégration de plus en plus compacte des convertisseurs d’énergie. Dans le même temps, une montée en température des puces permet de réduire le volume des refroidisseurs d’où un gain de volume et de masse conséquent sur les convertisseurs. Dans des conditions sévères à haute température, le silicium atteint rapidement ses limites lorsque par exemple la concentration intrinsèque de porteurs générés devient du même ordre de grandeur que le dopage de la région N- assurant la tenue en tension (il devient alors difficile de différencier un semiconducteur de type N d’un semi-conducteur de type P). A titre d’exemple, la limite pour le silicium est de l’ordre de seulement 175°C pour un composant de tension de claquage 1200V alors qu’elle est de l’ordre de 250°C pour une tension de claquage d’environ 100V (cf. figure 1.2). Ainsi pour les applications de puissance à haute température, les matériaux à grand gap sont extrêmement intéressants car ils repoussent les limites en températures rencontrées avec le silicium. Ces matériaux modifient également complètement les domaines d’utilisation potentiels des composants unipolaires et bipolaires. Pour le silicium, les composants unipolaires possèdent de meilleurs performances que les bipolaires tant que la tension de claquage reste inférieure à environ 400V. Ce chiffre ne concerne pas les composants à base de super-jonction dont nous parlerons ultérieurement. Pour les composants SiC cette limite est largement repoussée vers la haute tension. Les composants grand gap présentent en effet un champ critique d’avalanche considérablement plus élevé que celui du silicium (facteur 10 pour le SiC) ce qui permet de concevoir des composant SiC ayant une épaisseur de base 10 fois plus faible qu’un composant Si de même tenue en tension, avec un dopage 100 fois plus élevé. La résistance spécifique d’un composant SiC peut ainsi être environ mille fois plus faible que celle d’un composant Si de même calibre en tension. C’est la raison pour laquelle tant d’efforts sont actuellement consentis sur les matériaux grand gap tels que le SiC ou le GaN.

Intégration hybride, module de puissance

     Contrairement aux domaines d’application visés par l’intégration monolithique que nous ne détaillerons pas dans ce mémoire, l’intégration hybride est utilisée sur les applications de gammes de puissance supérieures. Mes travaux de thèse ayant principalement porté sur l’étude d’une puce dans un module de puissance relativement standard, c’est la raison pour laquelle je décrirais dans le paragraphe suivant, et dans le détail, la structure d’un module de puissance. La mise en œuvre d’une ou plusieurs puces dans une structure de conversion d’énergie nécessite d’assembler cette puce afin de permettre, d’une part la connexion électrique avec l’environnement extérieure, la connexion électrique entre les puces assemblées et enfin l’évacuation des calories (liées aux pertes dans les puces) vers l’extérieur. Cette intégration doit en plus être réalisée tout en maintenant les contraintes de tenue en tension et d’isolation requises par l’application. Le packaging des puces au sein d’un module nous permet ainsi d’intégrer les puces dans un même boîtier en fonction des besoins en courant, en tension et en gestion thermique, et cela dans la diversité des applications de l’électronique de puissance. De façon très classique, un module de puissance à semi-conducteur est constitué par l’empilement de différents matériaux (figure 1.12). La structure multicouche d’un module de puissance à semi-conducteur est à l’origine de contraintes mécaniques aux interfaces lorsqu’il s’échauffe puis se refroidit à cause des différences de coefficients de dilatation thermiques que présentent ces différents matériaux. Ces contraintes mécaniques seront à l’origine des principaux modes de défaillance qui seront rencontrés dans l’utilisation de ces dispositifs. Dans l’assemblage conventionnel d’un module de puissance, les puces assurent les fonctions actives (transistor ou diode seuls ou mise en parallèle de plusieurs puces, hacheur, onduleur triphasé intégrant au minimum six puces IGBT et 6 puces diodes). L’évacuation des pertes se fait à travers la semelle qui est aussi le support mécanique du module de puissance. Afin d’isoler la puce de la semelle, un substrat céramique isolant métallisé sur ces deux faces doit être inséré. Le substrat céramique est reporté sur la semelle par l’intermédiaire d’une brasure tout comme la puce sur le dessus du substrat céramique. La connexion des puces est assurée par des fils de bonding, des connecteurs, généralement brasés sur le substrat céramique permettent la connexion avec l’extérieur.

Brasures

   Dans les modules de puissance, les liaisons entre les connexions externes et le substrat céramique, entre la puce et le substrat isolant ou encore entre le substrat et la semelle sont réalisées par l’intermédiaire d’une couche de brasure. La brasure étant à l’interface entre des matériaux aux coefficients de dilatation thermique différents, elle est soumise à des contraintes mécaniques cycliques importantes en cours d’utilisation et joue donc un rôle majeur dans la fiabilité des modules. Elle doit non seulement posséder une bonne conductivité thermique mais aussi électrique (brasures connecteur substrat et puce substrat). Le report à l’aide de matériau de brasure reste aujourd’hui encore le procédé le plus courant pour l’assemblage en électronique de puissance. En raison des températures maximales admissibles des composants généralement utilisés dans les modules, les métaux constituant l’alliage de brasure sont le plus souvent des alliages à points de fusion inférieurs voir très inférieur à 450°C. Le brasage est obtenu en déposant une préforme de l’alliage entre les éléments à braser et en mettant l’ensemble audelà de la température de fusion de l’alliage de brasure selon un profil de refusion précis. La liaison métallurgique sera établie après le refroidissement. Pour améliorer les caractéristiques de la brasure, de faibles quantités d’argent, de cuivre, de zinc, et d’antimoine, d’or, de nickel ou de palladium peuvent être ajoutées en fonction des propriétés recherchées. L’alliage de brasure qui était le plus utilisé avant la réglementation RoHS était l’alliage eutectique Etain Plomb (Sn63Pb37). Cet alliage possède en effet des caractéristiques intéressantes comme une bonne adhésion, une bonne mouillabilité et un très bon comportement en cyclage. Sa température de fusion est toutefois faible, et les réglementations interdisant l’usage du plomb en électronique font que cet alliage ne se rencontre plus. Les alliages à base de Sn, Ag, et Cu sont parmi les meilleures brasures sans plomb, avec comme propriétés intéressantes : approvisionnement facile, bonne mouillabilité, point de fusion plus faible que Sn/Ag et Sn/Cu, bonne résistance à la fatigue. Les alliages Sn/Cu ou Sn/Ag sont également souvent utilisés pour la soudure à la vague.

Rappel de la description d’un module de puissance

     Un module de puissance à semi-conducteur regroupe un ensemble de puces constituées d’empilements de matériaux conducteurs, semi-conducteurs et isolants. Dans de nombreuses applications, ces modules de puissance sont amenés à fonctionner à haute température ambiante. En effet la température peut monter jusqu’à 120°C dans l’environnement du moteur dans les applications automobiles, ou encore jusqu’à 200°C dans l’environnement du réacteur en aéronautique. A ces variations de température ambiante, provoquant un cyclage thermique dit « passif », s’ajoutent des variations de température plus rapides, dues aux cycles de dissipation de puissance dans la puce, résultant d’un cyclage actif. Or, la constitution particulière de ces puces les rend sensibles à ces cyclages thermiques, et est à l’origine des principales dégradations. Une puce de puissance est constituée (figure 2.34) d’un substrat de Silicium de quelques centaines de µm d’épaisseur métallisé sur ses deux faces. La métallisation de la face inférieure permet le brasage avec la métallisation du substrat céramique, la métallisation supérieure (généralement en aluminium) permet d’assurer la répartition du courant dans l’ensemble des cellules de la puce ainsi que l’interconnexion électrique. Le substrat céramique assure l’isolation électrique entre la puce et la semelle du module ainsi que l’évacuation de la chaleur due aux pertes dans la puce. Le substrat céramique est brasé sur la semelle du module. Sous des cyclages (actifs et/ou passifs) responsables de variations de température au sein du module, les contraintes mécaniques aux interfaces liées aux différences de coefficients de dilatation thermique des différents matériaux sont à l’origine des principaux modes de défaillance observés sur les modules de puissance, tels que le délaminage des brasures, les levées de fils de bondings, la fracture conchoïdale des céramiques, ou encore la dégradation des métallisations. Dans ce contexte, l’analyse du déclenchement et de l’évolution de ces dégradations constitue un enjeu majeur pour l’optimisation de l’utilisation des composants de puissance. En effet, une meilleure connaissance des processus de dégradation doit permettre à terme d’optimiser la structure et les régimes de fonctionnement des composants de puissance, mais encore d’en prévenir les défaillances en cours d’utilisation. En pratique, l’analyse des phénomènes de dégradation est difficile. Par exemple, [IRACE_05] montre la difficulté qu’il y a à suivre l’évolution de la dégradation des fils de bonding au cours d’essais de cyclage. En revanche, la dégradation de la couche de métallisation des puces a été mise en évidence par de nombreux auteurs, [CASTELLAZZI_04] [ARAB_08] [CIAPPA_02], sur des essais de cyclage actif ou lors de régimes extrêmes de fonctionnements répétitifs. Cette dégradation semble participer à la levée des fils de bonding, [CASTELLAZZI_04] [CIAPPA_02], même si d’autres auteurs, [LUTZ_11] ont mis en évidence que la reconstruction de la métallisation n’avait aucun effet sur la structuration de la métallisation sous les fils. Certains auteurs y corrèlent également des défaillances de type ‘latch-up’. Il est donc particulièrement pertinent de s’intéresser à la caractérisation de cette couche de métallisation superficielle, notamment en cours de vieillissement, afin de mieux connaître le processus de dégradation de cette partie des composants de puissance. Comme les études présentées dans la section 4.2 l’ont montrées, l’évaluation du vieillissement de la couche de métallisation réalisée sur une éprouvette simplifié est très prometteuse. Dans cette partie, nous choisissons d’étudier la faisabilité et la pertinence de la méthode des courants de Foucault (CF) pour caractériser le vieillissement de la métallisation sur une puce réelle cette fois. Deux raisons principales motivent ce choix : en premier lieu, cette technique présente l’avantage d’être sans contact, non destructive, et sensible à différents paramètres géométriques et électriques de la métallisation inspectée. En second lieu, les capteurs CF sont réalisables en micro-technologie, [RAVAT_09] et pourront à terme être intégrés aux structures des composants de puissance en vue d’un contrôle in situ réalisé au cours du fonctionnement des composants de puissance dans un approche de maintenance prédictive (health monitoring) telles qu’on peut les rencontrer dans le domaine du contrôle intégré aux structures, [STASZEWSKI_09] [B FLYNN_10].

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
Chapitre 1. Etat de l’art, structure, dégradation et modes de défaillance des puces et modules de puissance
Historique
1. Matériaux semi-conducteurs pour composants de puissance
2. Puce à semi conducteur de puissance
2.1. Transistor MOS de puissance
2.1.1. Structure générale d’un transistor MOS de puissance
2.1.2. Caractéristiques en conduction des transistors MOS de puissance
2.2. Transistor IGBT
2.3. Limitation de fonctionnement, second claquage
3. Assemblage, présentation d’un module de puissance à semi-conducteur
3.1. Généralités sur l’intégration de puissance
3.2. Intégration hybride, module de puissance
3.2.1. Substrat isolant
3.2.2. Semelle
3.2.3. Techniques de connexion dans un module de puissance à semi-conducteur
3.2.4. Brasures
4. Modes de défaillance au sein d’un module de puissance
4.1. Modes de défaillance au niveau des puces
4.1.1. Reconstruction de la métallisation
4.1.2. Electro-migration sur la métallisation
4.1.3. Passivation de la zone périphérique de tenue en tension
4.1.4. Oxyde de Grille
4.2. Modes de défaillance au niveau de l’assemblage d’un module de puissance à semiconducteur
4.2.1. Dégradations des fils de bonding
4.2.2. Dégradation du substrat céramique isolant
4.2.3. Dégradation des matériaux de brasure
5. Evolution des assemblages pour modules de puissance à semi-conducteur
5.1. Substrat céramique et semelle
5.2. Connexions
5.3. Brasures
6. Indicateurs de vieillissement pour le diagnostic de composants à semi-conducteur de puissance
6.1. Chute de la tension à l’état passant (VCE)
6.2. Résistance de la métallisation (RAL)
6.3. Résistance thermique (Rth)
6.4. Tension de seuil (VTH)
6.5. Courant de fuite
6.6. Capacité de substrat DCB
6.7. Limitation et discussion
7. Conclusion
Chapitre 2. Evaluation de vieillissement de métallisation par la méthode des courants de Foucault
1. Principe de la méthode des courants de Foucault
1.1. Modélisation
1.2. Cas d’une cible de surface plane
2. Modélisation du couplage sonde CF / cible par transformateur équivalent
2.1. Modèle de « transformateur »
2.2. Impédance normalisée et diagramme d’impédance normalisée
2.3. Cas d’une plaque ultra-fine
2.4. Cas d’une plaque d’épaisseur infinie
2.5. Effet de l’épaisseur de la cible
2.6. Effet du coefficient de couplage (k) sur le diagramme de l’impédance normalisée
2.7. Effet des caractéristiques du matériau conducteur à analyser
3. Instrumentation pour l’évaluation par la sonde CF
3.1. Présentation de la sonde CF utilisée
3.2. Présentation du banc de caractérisation par courants de Foucault
4. Essais préliminaires
4.1. Détection d’une métallisation sur wafer de silicium
4.2. Evaluation du vieillissement de la couche de métallisation d’une éprouvette simplifiée par la technique de courants Foucault
4.2.1. Description de l’éprouvette
4.2.2. Dispositif expérimental pour le vieillissement thermique d’une couche de métallisation de l’éprouvette
4.2.3. Caractérisation CF des éprouvettes
4.2.4. Acquisition des données pour l’évaluation de la conductivité d’une couche de métallisation de l’éprouvette vieillie par la méthode des CF
4.2.5. Caractérisation du vieillissement de la métallisation
4.2.6. Interprétation des résultats d’évaluation du vieillissement de la métallisation de l’éprouvette
5. Evaluation du vieillissement de la couche de métallisation d’une puce réelle par la technique de courant Foucault
5.1. Rappel de la description d’un module de puissance
5.2. Evaluation du vieillissement d’une puce COOLMOSTM par la technique de courant Foucault
5.2.1. Procédure de vieillissement thermique accéléré d’une puce de puissance COOLMOSTM
5.2.2. Evaluation de vieillissement de la métallisation de la puce par la technique des CF
6. Conclusion
Chapitre 3. Estimation des distributions de courant dans une puce à semi-conducteur de puissance
1. Problématique
2. Estimation de la distribution de courants dans une puce à semi-conducteur de puissance à partir de la distribution de tension mesurée sur la métallisation
2.1. Estimation indirecte de la distribution de courant vertical Iz
2.1.1. Estimation de la distribution des courants surfaciques IX et IY
2.1.2. Estimation indirecte de la distribution des courants verticaux IZ
2.2. Estimation directe de la distribution de courant vertical IZ [VAGNON_10]
2.3. Mise en œuvre des méthodes d’estimation des courants sur des données simulées par éléments finis
2.4. Cartographie expérimentale du potentiel de source
2.4.1. Dispositif expérimental et acquisition des données
2.4.2. Estimation des distributions de courant de surface et discussion à partir du potentiel de source
2.5. Estimation de la distribution de courant vertical dans la puce
2.5.1. Estimation de la distribution verticale à partir des courants surfaciques
2.5.2. Estimation de bruit dans l’expérimentation de la cartographie de tension
2.5.3. Considérations sur l’estimation en présence de bruit dans les résultats de simulation
2.5.4. Estimation de courant vertical dans la puce par la chute de tension directe avec hypothèse simplificatrice
2.6. Conclusion sur les effets des levées de fils de bonding associés au vieillissement de la métallisation
3. Estimation de la distribution de courants dans une puce à semi-conducteur de puissance à partir de la mesure du champ magnétique rayonné
3.1. Position du problème
3.2. Généralités sur le modèle DPSM
3.3. Modélisation DPSM des interactions entre un courant de surface et le champ magnétique rayonné. Analyse des problèmes direct et inverse
3.3.1. Modélisation du problème direct
3.3.2. Résultat de l’inversion de champ magnétique et discussion
3.3.3. Influence de la méconnaissance de la position du plan d’observation de Hy
3.3.4. Modélisation des erreurs expérimentales dans l’estimation du courant de surface liées à la résolution spatiale du capteur magnétique
3.4. Modélisation de l’erreur de l’estimation de courant surface à partir de l’inversion de champ magnétique induit par une structure de trois dimensions 3D
3.5. Inversion de champ magnétique avec les données expérimentales
3.5.1. Choix du capteur magnétique
3.5.2. Estimation de la distribution de courant dans la métallisation d’éprouvettes simplifiées
3.5.3. Estimation de la distribution de courant dans les métallisations d’une puce réelle de puissance à semi-conducteur
4. Conclusion
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES
Références bibliographiques
Résumé

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