Instrumentation de l’habitat et performance énergétique

Avec la complexification des systèmes climatiques dans le bâtiment, et la hausse des contraintes énergétiques, l’instrumentation du bâtiment devient un point clé pour la maîtrise des consommations. Le développement des protocoles et des réseaux pour les capteurs et actionneurs du bâtiment permet d’acquérir de plus en plus de données, et contrôler des systèmes de plus en plus variés. En particulier, les réseaux de capteurs sans fil sont très prometteurs pour une démocratisation de l’instrumentation dans l’habitat et incitent à repenser la façon dont nous maîtrisons l’énergie au sein d’un bâtiment. Nous exposons dans ce chapitre quelles sont les spécificités d’intégration de réseaux de capteurs sans fil dans le bâtiment, et en quoi de tels systèmes de capteurs ouvrent des opportunités pour l’implémentation de stratégies de contrôle avancées, telles que la commande prédictive.

Du capteur à l’habitat connecté

Le thermomètre est généralement considéré comme l’un des tout premiers capteurs à avoir fait son apparition dans l’habitat et dans le monde du bâtiment. Ce dispositif, basé sur l’observation de la dilatation thermique de fluides (mercure, alcool) puis sur d’autres effets tels que la thermoresistivité ou l’effet Seebeck, a permis une première mesure objective du confort thermique. Avec l’arrivée des premiers automates, des systèmes de chauffage central et autres chaudières, le capteur de température est devenu partie intégrante des premiers systèmes de régulation de la température. Ainsi ont vu le jour les thermostats à hystérésis, appliquant une commande tout ou rien sur le système de chauffage, selon la valeur de la température par rapport à des bornes minimales et maximales. Les régulateurs à hystérésis sont aujourd’hui progressivement remplacés par des régulateurs PID (Proportionnel Intégral Dérivé) qui régulent de manière plus lisse l’écart entre une température mesurée et une température de consigne. Les bâtiments de grande envergure (tertiaires ou industriels) présentent aujourd’hui un grand nombre d’équipements commandables (ventilation, systèmes de chauffage divers, volets et occultants solaires, portes et fenêtres, éclairage), et comportent donc un nombre conséquent de capteurs supplémentaires pour mesurer l’état du bâtiment et de ses systèmes (luxmètre, capteur de CO2, débitmètres, capteurs de présence…en plus des thermomètres). Les donnés fournies par ces capteurs sont acquises par un système informatique de Gestion Technique du Bâtiment (GTB) qui régule ensuite les équipements en conséquence. Des protocoles de communication spécifiques et des bus de terrain filaires (LonWorks, KNX, BACnet, Modbus, 1-Wire…) ont été développés pour assurer la communication entre le système de gestion, les actionneurs et les différents capteurs. Dans le domaine du bâtiment résidentiel, l’habitant cherche de plus en plus à maîtriser sa dépense d’énergie sans sacrifier son confort. Avec l’intégration des énergies renouvelables (géothermie, panneaux solaires, pompes à chaleur), les bâtiments deviennent également plus complexes à maîtriser. De nouvelles solutions de capteurs et de thermostats connectés (Netatmo, Nest, Ecobee…) permettent de surveiller et piloter sa maison à distance, depuis un ordinateur ou un smartphone, à l’aide de capteurs de température, de CO2 ou encore d’hygrométrie.

Au travers du compteur électrique connecté Linky (développé par ERDF), les pouvoirs publics français investissent également dans les objets communicants pour l’habitat. Ce compteur communiquant (dont le déploiement débute fin 2015) transmettra les consommations électriques par CPL (Courant Porteur de Ligne) et réseau mobile GPRS, et permettra ainsi à chacun de surveiller précisément son historique de consommation en temps réel. Il s’agit également d’une première étape vers le développement des smart grids. L’acquisition de données pertinentes au sein du bâtiment devient un axe de recherche de premier plan pour la maîtrise énergétique. A cet effet, la plupart des bâtiments expérimentaux actuels (maisons INCAS du CEA-INES, plateforme Prédis du G2ELab, la maison MARIA du CSTB …) sont largement équipés en capteurs de toute sorte. Un tel niveau d’instrumentation est lourd et est difficilement généralisable à grande échelle (pour des raisons de coût et de maintenance). Cependant, les nouvelles technologies de réseaux de capteurs sans fil autonomes promettent un déploiement et une maintenance grandement facilitée, à un coût de plus en plus réduit, et laissent même espérer une intégration plus profonde des capteurs dans le bâtiment (au sein des matériaux de construction par exemple). Dans la section suivante, nous dressons un état de l’art de ces technologies (réseaux sans fil, récupération d’énergie…), afin d’évaluer leurs caractéristiques et leur potentiel d’intégration dans un bâtiment. Nous présenterons ensuite en quoi l’usage de capteurs et de réseaux de capteurs sans fil peut être une opportunité de choix pour le déploiement de méthodes de commande optimale prédictive, et ainsi permettre une meilleure gestion de l’habitat et de ses systèmes.

Technologies pour les réseaux de capteurs

Dans un bâtiment, intégrer un vaste réseau de capteurs filaires est une opération complexe, coûteuse et peu évolutive. Elle nécessite de préférence de concevoir l’ensemble du routage avant la construction du bâtiment. De fait, une solution filaire est limitée en termes de flexibilité : tout déplacement ou ajout de capteur nécessite une intervention conséquente (recâblages). Même dans le cas d’un réseau basé sur la technologie CPL (Courant Porteur de Ligne) utilisant le réseau électrique domestique préexistant, il est nécessaire d’utiliser des modules spécifiques (codage – décodage) et l’emplacement des capteurs est limité au niveau des prises de courant. Les réseaux de capteurs sans fil (WSN – Wireless Sensor Networks) constituent aujourd’hui un levier d’innovation clé dans le secteur de la domotique. Débarrasser un capteur de l’ensemble de ses fils le reliant à sa centrale d’acquisition / d’agrégation des données facilite grandement le déploiement d’un grand nombre de capteurs. Ce type de solution est donc intéressante pour l’intégration des systèmes de monitoring et de contrôle de l’habitat, et peut même venir se greffer sur un système de GTB (Gestion Technique de Bâtiment) câblé préexistant [Menzel et al., 2008]. Un réseau de capteurs sans fil est classiquement constitué de nœuds capteurs, de nœuds relais et d’une station de base. Les nœuds capteurs réalisent les mesures, les numérisent et les envoient sous forme d’ondes radio. Les nœuds relais assurent la propagation du signal radio jusqu’à la station de base, si cette dernière est trop éloignée d’un capteur. Les nœuds capteurs peuvent également assurer la fonction de relais si ils ont étés conçu pour. Enfin, la station de base, connectée directement à un ordinateur, agrège les données de mesure et peut envoyer des requêtes au réseau (suivant la technologie du réseau). Chaque nœud capteur est typiquement constitué des éléments suivants :
• Étage de mesure : Il s’agit de l’ensemble des composants sensibles réalisant les mesures physiques. Ils sont accompagnés de leur électronique de conditionnement des signaux et de convertisseurs analogiques/numériques.
• Microcontrôleur/Processeur : Hébergeant l’intelligence d’un nœud, il réalise le traitement numérique, le stockage, et pilote la transmission et la réception des données.
• Étage Radiofréquence : Constitué d’une antenne adaptée à la fréquence du réseau et à sa topologie (directionnalité), ainsi que d’une puce gérant l’encapsulation et la transmission des données selon le protocole de communication choisi.
• Élément de stockage : Stocke l’énergie électrique nécessaire au fonctionnement du système. Il peut s’agir d’une batterie (Lithium, couche mince…), d’une pile, d’une capacité ou d’une supercapacitié, généralement accompagnée d’un système de gestion de l’énergie.
• Système de récupération d’énergie (optionnel) : Vise à rendre le système autonome ou à étendre sa durée de fonctionnement en récupérant l’énergie ambiante.

Ce type d’assemblage est adaptable à de nombreuses applications. Par exemple, le projet de capteur de vibrations développé au Léti dans les travaux de thèse de Pierre Gasnier [Gasnier et al., 2014], exploite les vibrations d’une poutre piézoélectrique pour alimenter un système complet avec un capteur de température, un accéléromètre 3 axes, un ASIC de récupération d’énergie et un système de communication Bluetooth Low Energy.

Problématiques et solutions existantes

Si remplacer le système de communication filaire par un dispositif radio-fréquence permet de s’affranchir des principales contraintes des réseaux filaires, cela amène de nouvelles problématiques de fiabilité du transfert des données, d’autonomie et d’intégration du réseau. Le bâtiment est un environnement particulier, avec des contraintes spécifiques sur la propagation des ondes radios (murs, mobilier…) , mais présente également des opportunités en termes de récupération d’énergie ambiante qui peuvent aider à concevoir des capteurs autonomes.

Fiabilité du transfert des données

Dans un réseau de capteurs, la qualité du transfert des données est un critère de premier plan. La bande de fréquences et les antennes utilisées, la structure et la gestion du réseau ainsi que le protocole de communication employé sont des paramètres interdépendants qui ont un impact direct sur la fiabilité du transfert. Concevoir un réseau de capteurs sans fil nécessite de bien connaître les besoins de l’application visée (densité/type de capteurs/étendue de la zone à instrumenter), l’environnement du réseau (architecture du bâtiment), et de disposer de moyens d’évaluer la fiabilité en phase de conception [Jang et Healy, 2010].

Autonomie énergétique du réseau 

L’autonomie d’un capteur sans fil est caractérisée par la durée sur laquelle il possède suffisamment d’énergie pour remplir sa fonction. Recharger la batterie ou remplacer les piles est une opération contraignante sur un tel système, et l’arrêt trop fréquent d’un capteur par manque d’énergie nuit fortement à l’usage et à la fiabilité du réseau de capteurs. Après la fiabilité de transfert des données, l’autonomie est une caractéristique cruciale que l’on cherche à augmenter au maximum si ce n’est la rendre illimitée. L’accroitre nécessite d’intervenir sur tous les composants du système, sur les éléments matériels et logiciels, de l’échelle du composant à celle du réseau complet [Raghunathan et al., 2002].

Consommation : Pour un nœud capteur standard, l’ordre de grandeur de consommation pour une mesure et son envoi est de quelques centaines de microjoules réparti sur différentes phases de fonctionnement (figure 1.2). Cette consommation est impactée autant par la nature de la mesure et le choix des différents composants que par leur mise en œuvre, le protocole RF ou encore la topologie du réseau.

Réduire la consommation peut se faire sur plusieurs plans :
• Choisir les composants les plus économes. Le processeur doit disposer également d’un mode de veille profonde et d’une basse consommation générale. Si certains composants sont naturellement peu consommateurs (thermocouples par exemple) d’autres issus de technologies souvent plus complexes comme les capteurs de CO2 font encore l’objet de recherches pour les miniaturiser et en faire des composants basse consommation [Barritault et al., 2013].
• Disposer d’un système de gestion énergétique embarqué pour optimiser l’utilisation de l’énergie dans les différents composants du nœud. Proposé au moins partiellement dans des SoC (System On Chip) dédiés, il peut également faire l’objet de développement d’un ASIC (Application-specific integrated circuit) et/ou d’un sous programme dédié au sein du processeur du nœud.
• Réduire au maximum le nombre de mesures et de transmissions RF, tout en respectant les exigences de l’application finale visée. Optimiser les chemins de communication empruntés par les données capteurs.
• Réduire la puissance d’émission radio (au détriment de la portée, ce qui peut nécessiter d’augmenter le nombre de nœuds).

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Table des matières

INTRODUCTION
1 Introduction : instrumentation de l’habitat et performance énergétique
1.1 Du capteur à l’habitat connecté
1.2 Technologies pour les réseaux de capteurs
1.2.1 Problématiques et solutions existantes
1.2.1.1 Fiabilité du transfert des données
1.2.1.2 Autonomie énergétique du réseau
1.2.1.3 Intégration et interopérabilité
1.2.2 Solutions actuelles pour le bâtiment / exemples
1.2.3 Perspectives d’intégration dans le bâtiment
1.3 Commande prédictive et instrumentation
1.4 Objectifs des travaux de thèse et contributions
2 Modélisation thermique du bâtiment et optimisation
2.1 Hypothèses générales de modélisation
2.2 Modélisation multizone nodale
2.2.1 Modèle de l’environnement
2.2.2 Modélisation des zones
2.2.3 Modélisation des parois
2.2.3.1 Parois opaques
2.2.3.2 Parois vitrées
2.2.4 Modélisation des équipements climatiques
2.2.5 Modèle de concentration CO2
2.3 Optimisation et méthode adjointe
2.3.1 Formulation et résolution des problèmes d’optimisation
2.3.2 Méthode adjointe pour le calcul de gradients
2.3.2.1 Modèle adjoint d’un système linéaire
2.3.2.2 Équation de la chaleur adjointe
2.4 Mise en œuvre
2.5 Cas d’étude : la maison INCAS MA
2.6 Conclusion
3 Commande optimale
3.1 Formulation d’un problème de commande optimale
3.2 Performance de la commande optimale
3.3 Contrôle du chauffage et de la VMC avec bornes
3.4 Conclusions et perspectives
4 Estimation d’état et commande prédictive
4.1 Stratégie de commande optimale prédictive
4.2 Impact des erreurs d’initialisation et de gains internes
4.3 Estimation d’état
4.3.1 Estimateurs pour la commande prédictive
4.3.2 Estimateur basé sur la reconstruction de gains internes
4.3.3 Performance de l’estimateur
4.4 Tests d’estimation en commande prédictive
4.4.1 Initialisation par température de zone
4.4.2 Initialisation par simulation sur la phase d’estimation
4.4.3 Initialisation avec identification des gains internes
4.4.4 Initialisation avec identification des gains internes inconnus
4.4.5 Réduction du pas de mise à jour
4.5 Conclusions et perspectives
CONCLUSION

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