Instabilité de Rayleigh-Taylor en géométrie libre et confinée

 Instabilité de Rayleigh-Taylor en géométrie libre et confinée

Dans nos expériences, la phase initiale de l’interpénétration des deux fluides lorsque le tube est vertical correspond au développement d’une instabilité de Rayleigh-Taylor (nous redéfinirons ce terme un peu plus bas). Par ailleurs, même aux temps longs et en écoulement incliné, le « moteur » de l’écoulement reste, comme pour l’instabilité de Rayleigh-Taylor, les forces d’Archimède liées à la composante longitudinale de la gravité et à la différence de densité entre les fluides. Aussi, allonsnous tout d’abord rappeler les propriétés de l’instabilité de Rayleigh-Taylor (RT) observées dans les expériences décrites dans la littérature (l’article de Sharp [51] fournit une bonne vue d’ensemble de cette instabilité). Nous discuterons ensuite, par comparaison avec ces résultats, les caractéristiques spécifiques des écoulements que nous étudions .

L’instabilité de RT apparaît à l’interface entre deux fluides de densités différentes ρ1 > ρ2 soumis à une accélération de composante non nulle normale à l’interface [59]. Cette instabilité se manifeste par une interpénétration des deux fluides : elle se développe lorsque l’accélération (due à la pesanteur ou à toute autre source) est dirigée du fluide le plus lourd vers le plus léger [59]. Le développement de l’instabilité de RT à partir d’une petite perturbation initiale passe par plusieurs étapes [51, 76] :

• Des déformations spontanées de petite amplitude de l’interface apparaissent et nous voyons se dégager celles qui correspondent au taux de croissance maximum (i.e. à la longueur d’onde λ la plus instable dans un modèle linéaire de l’instabilité).
• L’amplitude de cette perturbation croît exponentiellement avec le temps jusqu’à ce qu’elle atteigne une valeur de l’ordre de 0.1λ à 0.4λ, pour laquelle la croissance de l’instabilité ne peut plus être décrite par des équations linéarisées.
• Les perturbations croissent ensuite sous forme de doigts qui évoluent souvent vers des formes de « champignons » qui interagissent non linéairement avec leurs voisines, jusqu’à atteindre une taille d’environ 10λ toujours mesurée perpendiculairement à l’interface.
• Ensuite, nous observons la coalescence des différents doigts et la « mémoire » des conditions initiales est perdue.

Dans cette dernière phase, l’échelle de longueur naturelle du problème est alors la distance h théorique de « chute libre » des volumes de fluide sous l’effet de la poussée d’Archimède (ρ1 − ρ2)g pendant le temps t depuis la mise en contact des fluides : cette distance est déterminée par l’équation de Newton ρdv/dt = (ρ1 −ρ2)g.

Enfin, si on prend en compte l’effet de la diffusion moléculaire que nous avons négligée jusqu’ici, celle-ci peut être dominante aux temps très courts : cet étalement diffusif pourra précéder le développement de l’instabilité. De fait, des simulations numériques 3D récentes réalisées par Cook et Dimotakis en 2001 [17] ont mis en évidence une variation initiale de h en √ t avant le passage à un régime de croissance quadratique. Ce régime lié à la diffusion moléculaire est indépendant des perturbations initiales.

L’évolution est très différente dans une géométrie confinée de tube vertical de faible diamètre, dès lors que la hauteur de la zone de mélange et le diamètre des digitations atteignent l’ordre de grandeur du diamètre du tube. On n’a alors plus qu’un doigt (ou « champignon ») dans celui-ci et la hauteur de la zone de mélange n’augmente alors plus en t2 avec le temps. Nous avons d’ailleurs vu que les expériences de Zukoski et al. [12, 81] et de Baird et al. [2] montraient toutes deux une croissance de la hauteur proche de t0.5 (mais cette fois-ci aux temps longs). Nous verrons que nous n’observons également jamais de variation en t2 (notre dispositif expérimental ne permet d’ailleurs pas les mesures aux temps et distances très courts pour lesquels elle pourrait être observée).

Dans les tubes fortement inclinés, on s’écarte encore plus du cas de l’instabilité de Rayleigh Taylor en géométrie non confinée. A l’instant initial, si l’interface est perpendiculaire à l’axe du tube, on a un gradient horizontal de concentration (et donc de densité). Plutôt que le développement d’une instabilité par amplification de perturbations de petite amplitude, on a alors mise en mouvement sous l’effet de gradients déterministes de pression présents dès le départ. Le fluide léger monte dans la partie supérieure de la section du tube alors que le fluide lourd descend dans la partie inférieure.

Signalons, également, le cas des instabilités de Rayleigh-Taylor dans une cellule de Hele-Shaw étudiées en particulier par Wooding (Fig. 1.1b) : l’écoulement est alors confiné dans la direction perpendiculaire aux plaques mais non confiné parallèlement à celles-ci. On observe expérimentalement que la taille des déformations augmente d’abord comme le carré du temps, puis linéairement [74] [73]. Cette différence provient probablement du fait que le confinement dans la direction perpendiculaire aux plaques finit par bloquer le processus d’appariement des « doigts » créés par l’instabilité. Ceux-ci se développent ensuite avec une largeur approximativement constante. Les études sur l’instabilité de Rayleigh-Taylor ont également débouché sur des analyses fines du mélange dans ces processus. Des approches intéressantes de la caractérisation de l’efficacité de ce mélange ont ainsi été proposées par Holford [34] et Linden [40] : ces méthodes sont potentiellement susceptibles d’applications à nos expériences.

Mélange transverse dans la zone de mélange et instabilité de Kelvin-Helmholtz

Nous avons vu que, aux temps assez longs pour que la hauteur de la zone de mélange suivant l’axe du tube soit grande devant son diamètre, il apparaît un contre-écoulement global des deux fluides. Les caractéristiques de ce contre-écoulement dépendent fortement de leur contraste de densité (caractérisé par le nombre d’Atwood At), de leur viscosité et du diamètre du tube : cela apparaît bien dans la figure 1.8 extraite de la référence [22] qui compare des expériences réalisées avec trois valeurs de At diminuant de gauche à droite. Pour le contraste de densité le plus faible, on a un contre-écoulement stable des fluides ; pour les deux autres, l’écoulement se déstabilise en arrière du front. D’autre part, plus At est élevé, plus le mélange transverse est efficace : on sépare facilement à l’œil les deux fluides dans la vue du milieu et plus du tout dans celle de gauche qui correspond à la valeur de At la plus élevée, et pour laquelle le mélange est beaucoup plus efficace.

Le développement d’instabilités dans le sillage du front et le mélange transverse qu’elle induisent ont donc clairement une influence clé sur l’écoulement. Nous pensons que ces instabilités, au moins dans leur phase de départ, résultent du mécanisme classique rencontré dans de nombreux écoulements de cisaillement, et appelé instabilité de Kelvin-Helmholtz [30, 31, 13].

Une configuration modèle typique d’apparition de l’instabilité de Kelvin-Helmholtz est la mise en contact de deux courants parallèles d’un même fluide animés initialement de vitesses différentes (problème de la couche de mélange). Cette instabilité est d’origine inertielle et la viscosité n’aura sur elle qu’une influence secondaire, en particulier en atténuant par diffusion de la quantité de mouvement la croissance de l’instabilité. Nous la négligerons dans un premier temps dans la discussion simple qui suit. Considérons alors une configuration où le gradient de vitesse entre les deux fluides (figure 1.9) est localisé autour de leur interface. Une déformation de celui-ci provoque un resserrement des lignes de courant du côté de la face convexe, et donc une augmentation de la vitesse. La pression locale (notée P −) va donc diminuer par effet Bernoulli. Inversement, la pression sur la face concave (notée P +) augmente : l’écoulement induit par cette différence de pression renforcera donc la déformation initiale. De plus, les parties déformées de l’interface arrivent dans des zones de vitesse différente de leur vitesse initiale : cela tend à les faire déferler (figure 1.9) ou même à enrouler l’interface sur elle-même : on a ainsi l’amorce du mélange entre les deux fluides .

Appelons maintenant η(x, t) le déplacement de l’interface perturbée par rapport à sa position moyenne y = y0, ux la perturbation de la composante longitudinale U de la vitesse (U = V¯ + ux où V¯ est la vitesse au départ en y = y0) et k le nombre d’onde. Soit une déformation d’amplitude normale η > 0 de l’interface et de longueur d’onde λ= 2π/k, la composante normale uy de la vitesse près de la zone perturbée sera de l’ordre de kηV¯ (c’est-à-dire du produit de la vitesse moyenne et de la pente locale de l’interface). Supposons maintenant que la perturbation apportée aux champs de vitesse et de pression par la déformation de l’interface décroisse sur une distance de l’ordre de grandeur de λ ∼ 1/k ; par ailleurs, l’équation de conservation de la masse impose que les deux dérivées partielles ∂ux/∂x et ∂uy/∂y soient égales et opposées. Ces deux dérivées seront respectivement alors de l’ordre de ux/λ et uy/λ et il en résulte que ux ∼ uy ∼ kηV¯ .

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Table des matières

1 Introduction
1.1 Cadre général de la these
1.1.1 Problématique du travail
1.1.2 Intérêt fondamental et applications de l’étude
1.1.3 Travaux antérieurs en géométrie confinée
1.1.4 Mécanismes de base
1.1.4.1 Instabilité de Rayleigh-Taylor en géométrie libre et confinée
1.1.4.2 Mélange transverse dans la zone de mélange et instabilité de KelvinHelmholtz
1.1.4.3 Expériences de mélange dans les écoulements stratifiés en conduits inclinés
1.1.4.4 Stabilité des écoulements de cisaillement stratifiés
1.2 Quelques phénomènes reliés au mélange confiné induit par gravité
1.2.1 Écoulements résultant d’un équilibre inertie-gravité
1.2.1.1 Vitesse des bulles de grand diamètre dans un tube vertical
1.2.1.2 Vitesse des bulles de grand diamètre dans un tube incliné
1.2.1.3 Courants de gravité
1.2.2 Effet Boycott
1.2.3 Dispersion de Taylor
1.2.3.1 Dispersion de Taylor dans un écoulement laminaire
1.2.3.2 Dispersion de Taylor dans un écoulement turbulent
1.3 Conclusion
2 Présentation qualitative des observations
2.1 Dispositif expérimental de visualisation
2.2 Du mélange turbulent aux courants de gravité en tubes inclinés : contrôle du mélange transverse par l’angle d’inclinaison
2.3 Dynamique de front en tube incliné
2.4 Cas particulier du tube vertical
2.5 Introduction des paramètres de contrôle du problème
2.6 Objectif et plan
3 Techniques expérimentales
3.1 Motivations
3.2 Etude macroscopique
3.2.1 Montage expérimental
3.2.2 Caractérisation des fluides
3.2.3 Visualisation et mesure de concentration par absorption optique
3.3 Mesures locales de concentration
3.3.1 Montage expérimental
3.3.2 Caractérisation des fluides
3.3.3 Visualisation et méthode de mesure par fluorescence laser
4 Dynamique des fronts de déplacement
4.1 Présentation
4.1.1 Présentation des différents régimes
4.1.2 Etude des régimes sans mélange au front : régimes 2 et 3
4.1.2.1 Présentation des données expérimentales et influence des paramètres de contrôle du système (At, ν et d)
4.1.2.2 Définition de grandeurs caractéristiques du système : Vt et Vν et Ret
4.1.2.3 Régime inertiel saturé
4.1.2.4 Régime visqueux
4.1.3 Mécanismes contrôlant la vitesse d’écoulement
4.1.3.1 Relation vitesse du front – débit du fluide
4.1.3.2 Régime visqueux
4.1.3.3 Transition régime visqueux – régime inertiel
4.1.3.4 Régime inertiel
5 Conclusion

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