Préface et épidémiologie
Les douleurs d’épaule sont classées en troisième position dans les causes de douleurs musculo squelettiques après le rachis et le genou (1). On estime que 14 à 20 % de la population générale souffre de l’épaule à un moment donné (2). L’épaule est considérée comme l’articulation la plus complexe du corps, en effet elle comprend trois articulations (l’articulation gléno humérale, l’articulation acromio claviculaire et l’articulation sterno claviculaire) et deux plans de glissement (sous acromial et scapulo thoracique) (3). Ce complexe articulaire privilégie la mobilité au détriment de la stabilité, entrainant de ce fait certaines pathologies comme les luxations aiguës mais aussi les instabilités chroniques .
La grande mobilité de l ‘épaule est permise notamment grâce à une grande mobilité scapulaire. Lors de l’abduction, la scapula se latéralise entre 30 et 50° d’abduction d’épaule, puis subit une rotation de 60°environ (6). La mobilité de l’épaule doit donc intégrer non seulement les mouvements de l’articulation gléno humérale, mais aussi les mouvements scapulo thoracique. Il existe un type de mouvements de la gléno humérale ne nécessitant pas de mouvement de la scapulo thoracique : les rotations interne et externe. Les mouvements d »abduction et d’élévation nécessitent une mobilisation scapulo thoracique importante, surtout dès que les amplitudes dépassent les 90°. Les mouvements de la scapula sont tridimensionnels et doivent se faire au contact du thorax, en le contournant. La scapula peut réaliser des mouvements de rotation interne/externe, rotation haut/bas, une bascule antéro/postérieure, et une translation supero/inférieure .
La stabilité primaire de l’articulation gléno humérale est faible voire inexistante (du fait que ce soit une articulation sphéroïde) et elle est définie par une forme passive et active. La forme passive dite encore statique de cette stabilisation est assurée par les éléments osseux et cartilagineux, le complexe capsulolabral, les ligaments (supérieur, moyen et inférieur) ainsi que par la pression négative intra-articulaire. La forme dite active est permise grâce aux tendons de la coiffe des rotateurs (la musculature intrinsèque) ainsi qu’aux muscles extrinsèques de l’épaule (soit un total de 19 muscles) (3,7,9). Cette participation musculaire conditionne donc la stabilité de l’épaule mais aussi le niveau de performance .
Actuellement et grâce à l’avènement des activités de loisir et sportives nécessitant de larges mouvements, la fréquence de l’épaule douloureuse instable augmente, et particulièrement chez le sujet jeune et sportif (joueur de base-ball, handballeur, joueur de tennis, nageur …) (11). Lors de réalisation de gestes répétitifs de lancer avec armer, les éléments de stabilisation active et passive se voient réarrangés (exemple : déficit musculaire des rotateurs externes par sur-sollicitation, rétraction de la capsule gléno humérale postérieure par étirements violents successifs) entrainant un défaut de maintien et une instabilité sans traumatisme associé (12). L’instabilité de l’épaule correspond à un trouble fonctionnel douloureux rapporté par le patient avec une appréhension et une sensation de luxation imminente .
L’examen de l’épaule doit se faire de façon rigoureuse et de la façon la plus exhaustive possible avec une recherche de limitations d’amplitudes articulaires passives puis actives ainsi que des défauts de cinématique (dans les mouvements assurés par l’articulation gléno-humérale, mais aussi pour les mouvements de la scapula sur le thorax), des tendinopathies, des signes de bursite, de conflit, une hyperlaxité, une reproduction d’une instabilité … (2). Le traitement actuel est axé sur une rééducation bien conduite, en ne travaillant que sur un renforcement des stabilisateurs de l’épaule et du deltoïde ainsi qu’un travail de réveil proprioceptif, donnerait de bons résultats dans 83% des cas (9). Ainsi nous développerons brièvement ce qui apparait comme les cinq éléments les plus souvent retrouvés dans l’épaule douloureuse instable non traumatique.
L’épaule instable
L’épaule instable est une pathologie fréquente du sujet jeune et sportif (14). Jobe a décrit l’association de deux entités que sont le conflit sous acromiale et l’instabilité de l’épaule comme facteur de douleur dans les sports de lancer. Le geste répétitif du lancer provoque un étirement graduel du complexe capsulo ligamentaire antérieur entrainant ainsi une migration antéro supérieure de la tête humérale (15,16). Par exemple, le geste du service au tennis peut être décomposé en quatre phases distinctes :
– Une phase de préparation,
– La phase de l’armer,
– L’accélération du mouvement,
– La phase de freination du mouvement.
Lors de la phase d’accélération du mouvement la scapula est stabilisée par le muscle grand dentelé. Il peut apparaitre une instabilité dite « fonctionnelle » pendant le geste de l’armer si un défaut de stabilisation antérieur de la scapula est présent par déficit ou lésion du sous scapulaire. De même s’il existe un défaut du rapport rotateur interne et rotateur externe, une instabilité fonctionnelle apparait sur défaut de stabilisation dynamique. Cette « dysbalance » notable des forces musculaires peut induire une instabilité sans hyperlaxité .
On peut ainsi décrire une instabilité fonctionnelle considérée comme secondaire par :
1 : déséquilibre musculaire (par exemple une instabilité antérieure si insuffisance (surtout excentrique) de la partie antérieure de la coiffe des rotateurs dont le sous scapulaire) ou bien :
2 : dyskinésie scapulo thoracique (par déficit du grand dentelé ou du trapèze inférieur) entrainant une position incorrecte de la glène lors d’un armer par exemple.
L’instabilité de l’épaule est une pathologie complexe. L’instabilité multidirectionnelle est définie par une instabilité antérieure, inférieure et postérieure (donc translation gléno-humérale) avec atteinte de la capsule (9,16,19). Elle est aussi définie par une subluxation voire une luxation symptomatique dans plus d’une direction (9,20). Pour chacune de ces formes, l’origine peut être traumatique ou non, volontaire ou non, associée à une laxité ou non .
Pagnani et Warner ont d’ailleurs proposé une classification en 3 types des instabilités multidirectionnelles :
– Le type I correspondant à une instabilité globale dans toutes les directions (souvent associées à une hyperlaxité constitutionnelle généralisée),
– Le type II correspondant à une instabilité antérieure et inférieure (souvent associée à une lésion de Bankart),
– Le type III correspondant à une instabilité inférieure et postérieure .
La lésion de Bankart correspond à une désinsertion du bourrelet glénoïdien à la suite d’une luxation traumatique .
L’instabilité antérieure correspond à un sentiment de douleur, de bras mort ou de déboitement de l’épaule sans luxation vraie, lors du geste de l’armer. L’instabilité postérieure peut être décrite par une douleur lorsque la tête humérale vient au contact de la glène sur mouvement de flexion antérieure et de rotation interne, de par le stress important imposé aux structures capsulo labrales postérieures (15). L’instabilité est un symptôme ressenti par le patient (ressauts, blocages, engourdissements ou sensation de bras mort), à différencier de la laxité qui est un signe clinique objectivable par l’examinateur (15,16,20). Certains auteurs américains pensent que les instabilités antérieures, sans luxation ou subluxations, peuvent être secondaires à des étirements progressifs de la capsule par hyper sollicitation et/ou à des déséquilibres musculaires chez les sportifs de lancer (22). Par exemple, les mouvements répétés dans le sport tel que la natation (qui est un sport non traumatique), entraine une modification du complexe articulaire de l’épaule avec hyperlaxité antéro postérieure constatée à 67%. Ceci s’explique aussi par une faiblesse du grand dentelé et des rhomboïdes chez les nageurs de haut niveau, entrainant une instabilité de la scapula. De plus, l’instabilité antérieure chez le nageur pourrait s’expliquer par des assouplissements répétés avec impact entrainant un étirement excessif des ligaments compromettant la stabilité statique de l’articulation gléno humérale (23). Le volume capsulaire serait plus important dans les épaules douloureuses instables avec insuffisance de la capsule antérosupérieure (9). Avec ce volume plus important on pourrait en déduire que la pression négative intra-articulaire initialement prévue pour participer à la stabilisation se voit moins efficace, perpétuant l’instabilité de l’épaule. Les sportifs de lancer utilisent des mouvements répétitifs à l’entrainement, avec des actions musculaires lors des lancers nécessitant une adaptation des tissus mous, qui ont pour conséquences :
– Une raideur de la capsule,
– Une raideur des muscles infra épineux et petit rond,
– Une hyperlaxité capsulo ligamentaire antérieure (par étirement des structures antéro-interne lors de l’armer et du contrôle excentrique de la sangle postérieure dans le lancer) .
Ces étirements pouvant léser le complexe capsulo ligamentaire peuvent entrainer un trouble du contrôle neurologique par déficience du système sensori-moteur. Cela peut être mis en évidence grâce à l’utilisation d’une plateforme de force instable en chaîne fermée. Ainsi un lien a été mis en avant entre l’instabilité antérieure et une déficience du contrôle sensori-moteur (5). La chronologie de l’examen de l’épaule permet de ne pas provoquer de vives douleurs dès les premiers tests, risquant de fausser les autres tests qui suivent (1). Ainsi une mesure des mobilités articulaires, une évaluation de la force des muscles ou groupes de muscles, et la douleur font partie d’un examen de qualité (24). L’instabilité multidirectionnelle doit faire rechercher systématiquement un sulcus test (14). Les luxations atraumatiques pour Neer et Matsen sont supposées être des « multidirectionnal instability » avec des traitements standards inefficaces (25). L’évaluation de l’instabilité peut être faite par fiche de Duplay, permettant ainsi de quotter fonctionnellement l’épaule lésée, de voir l’importance des phénomènes douloureux, la limitation de la fonction, les mobilités articulaires actives et passives, la force et pour finir le niveau d’activité physique et quotidienne .
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Table des matières
I. Introduction
1. Préface
2. L’épaule instable
3. L’hyperlaxité
4. Déficit des muscles de la coiffe des rotateurs
5. La dyskinésie scapulo thoracique
6. Raideur des muscles péri-articulaires
II. Méthode
1. Protocole et enregistrement
2. Critères d’éligibilités
3. Sources d’informations
4. Recherche
5. Sélection des études
6. Extraction des données
7. Risque de biais inhérents à chacune des études
8. Synthèse des résultats
9. Risque de biais transversal aux études
III. Résultats
1. Caractéristiques des études sélectionnées
2. Risque de biais relatif aux études
3. Résultats de chaque étude
4. Synthèse des résultats
IV. Discussion
V. Conclusion
VI. Références