VALEUR AGRONOMIQUE DES PRO
Des sources abondantes de produits résiduaires organiques
Il existe une très large gamme de produits résiduaires organiques (PRO) pouvant être valorisés en agriculture. Ils proviennent d’abord de l’agriculture elle-même ou des industries qui lui sont directement liées. Les effluents d’élevage représentent plus de 90 % des PRO valorisés en agriculture. Les principaux types de PRO sont :
PRO d’origine agricole : ce sont essentiellement les effluents d’élevage. On distinguera 3 familles principales : les fumiers (mélange d’effluents et de litières de paille le plus souvent), les lisiers (mélanges liquides d’effluents) et les fientes (déjections de volailles).
PRO « de loisir » : dans les zones périurbaines, l’élevage de chevaux et l’équitation sont en pleine expansion.
En 2012, on compte environ en France 617000 chevaux qui produisent un potentiel de 6,2 millions de tonnes de fumier par an (10 tonnes par tête et par an).
PRO d’origine urbaine : les 2 familles principales sont les boues d’épuration urbaine et les PRO issus du traitement des ordures ménagères et autres déchets municipaux, essentiellement des composts puisque les digestats issus du traitement anaérobie de déchets organiques sont encore assez peu représentés bien qu’en plein essor. Selon le mode de collecte et le type de déchets compostés, on distinguera les composts de déchets verts, les composts de biodéchets issus d’une collecte sélective de la fraction fermentescible des ordures ménagères et co-compostée en mélange avec des déchets verts, des composts d’ordures ménagères résiduelles issus du traitement de la poubelle résiduelle après collecte sélective des emballages propres et secs. Les boues elles-mêmes pourront subir différents traitements dont le compostage.
PRO d’origine industrielle : beaucoup d’agro-industries recyclent des effluents liquides soit directement (eaux de lavage par exemple) ou après traitement. On citera en exemple les boues de papeterie largement valorisées.
Concernant les effluents d’élevage, environ 50% de la masse totale produite est émise directement par les animaux lorsqu’ils sont à l’extérieur. La masse potentiellement utilisable pour la fertilisation des cultures représente donc environ 150 millions de tonnes. En 2008, respectivement 38, 50 et 75% des éléments fertilisants N, P et K sont d’origine organique résiduaire, provenant essentiellement de l’élevage.
Ces sources d’effluents d’élevage sont très inégalement réparties sur le territoire national en lien direct avec la répartition de l’élevage . Il en résulte des zones où les PRO sont en excès par rapport aux quantités d’éléments fertilisants dont ont besoin les cultures (zone d’excédent structurel) et la nécessité de traiter et/ou exporter ces effluents d’élevage. En revanche, dans les zones où l’élevage est peu présent, il sera donc intéressant de chercher à développer la valorisation d’autres sources de PRO. Effectivement, les composts de différentes origines ainsi que les boues de stations, les vinasses, les farines animales et importations de fientes, fumiers et composts sont de plus en plus utilisés à partir de 2005 (UNIFA, 2009). En 2008, les apports de N de ces différents PRO représenteraient 2,1% de l’apport d’azote total dans les exploitations agricoles. Les boues de stations et les composts représentent les sources principales pour cette origine d’azote organique. En effet, la part de l’azote provenant des composts représente à elle seule, environ 1% de l’apport total dans les exploitations agricoles, les boues sont ex deuxième position avec environ 0,5%. Ces deux sources représentent à elles seules environ 71% de tous les PRO utilisés hors effluents d’élevage.
Les apports de PRO améliorent les différentes composantes de la fertilité des sols
La fertilité des sols cultivés est définie par trois composantes majeures (Abbott & Murphy, 2007) : la fertilité physique : ensemble des propriétés physiques des sols qui contribuent à la bonne implantation et croissance des plantes : rétention en eau, porosité, stabilité structurale…
la fertilité chimique : c’est essentiellement la fourniture en éléments fertilisants par les sols, mais également le pH du sol. Ces éléments sont présents dans le sol soit sous forme minérale (P, K, oligo-éléments), soit sous forme organique (N, S). Les caractéristiques physico-chimiques du sol telles que le pH, la CEC vont contribuer à la fertilité chimique en favorisant la rétention des cations fertilisants, en conditionnant la solubilisation d’éléments nutritifs. La teneur en N organique et donc la teneur en matière organique du sol, la dynamique de minéralisation des formes organiques d’azote des PRO ou du sol conditionneront la fertilité du sol.
la fertilité biologique : l’activité biologique (faune et microflore) contribue aux transformations et aux cycles biogéochimiques des éléments dans le sol. En particulier, la minéralisation des formes organiques de l’azote, la nitrification sont des activités microbiennes majeures de la fertilité des sols. Ces activités sont directement liées aux teneurs en matière organique dans les sols et à la qualité de ces matières organiques.
Les PRO sont des matières organiques dont l’épandage va influencer les 3 composantes de la fertilité du sol. En fonction de leurs caractéristiques et dynamiques d’évolution dans les sols après apport, ils contribueront plus à l’une ou l’autre des composantes.
Par la suite, nous nous focaliserons sur : la valeur fertilisante, essentiellement azotée des PRO, c’est-à-dire l’effet de leur épandage sur la mise à disposition des cultures des formes d’azote assimilables ; leur valeur amendante, c’est-à-dire leur capacité à entretenir voir augmenter les stocks de matière organique dans les sols.
Mais nous citerons quelques exemples d’autres effets de l’apport de PRO sur les composantes de la fertilité des sols.
Fertilité physique : Les apports répétés de PRO contribuent à l’amélioration de la stabilité de la structure des sols, donc contribuent à améliorer la résistance à l’érosion des sols. Abiven et al. (2009) ont fait une synthèse des références disponibles sur cet effet. Il est lié à l’augmentation des stocks de MO dans les sols (Annabi et al., 2011) mais également à la stimulation de l’activité biologique après apport (Annabi et al., 2007). Différents types de PRO améliorent cette stabilité : les effluents d’élevage (Abiven et al., 2007), les boues d’épuration (Ojeda et al., 2008), les composts d’origine urbaine (Annabi et al., 2007)… Les propriétés de rétention en eau ainsi que l’eau disponible pour les plantes peuvent être améliorées également (Khaleel et al., 1981 ; Foley & Cooperband, 2002). Là encore différents types de PRO se montrent efficaces.
Fertilité biologique : Les apports de PRO peuvent augmenter la biomasse microbienne (Kallenbach & Grandy., 2011) et les activités associées en raison de l’apport de composés carbonés facilement métabolisables (Garcia-Gil et al.,2000). Cette stimulation s’accompagne également d’une modification de la diversité microbienne (Ros et al., 2006; Bastida et al., 2008 ; Leyval et al., 2009 ; Bonila et al., 2012 ). La faune du sol est également stimulée après apport (Capowiez et al., 2009).
Effet du traitement des PRO sur leur valeur fertilisante azotée
Les PRO peuvent être valorisés directement sur les sols en fonction de leurs caractéristiques physico-chimiques.
Mais souvent ils subissent un traitement avant d’être épandus. Ces traitements peuvent viser à : Hygiéniser et stabiliser la MO des PRO. C’est le cas du compostage par exemple (Leclerc, 2001). Augmenter la matière sèche des PRO et faciliter leur transport : c’est le cas du séchage des boues, de la séparation de phase des digestats…
Fournir des PRO dont il sera plus facile de maitriser les impacts environnementaux : c’est le cas par exemple des post-traitements de lisier.
Ces traitements ont des conséquences sur les caractéristiques physico-chimiques et biochimiques des PRO qu’il est important de prendre en compte dans la prévision de leur valeur fertilisante et amendante. Ainsi, la digestion anaérobie de déchets organiques (effluents d’élevage ou autres) augmente la fraction d’azote sous forme minérale donc facilement disponible (Moller & Muller, 2012). En revanche, la séparation de phase post-digestion ou des lisiers, sépare une phase liquide qui contient la majeure partie du N minéral d’une phase solide plus riche en N organique a priori moins disponible (ADEME, 2011).
Le compostage tend à diminuer la quantité d’azote disponible dans les déchets compostés : perte de N minéral au cours du compostage, stabilisation du N sous forme organique plus lentement minéralisable (Doublet et al., 2009).
Le chaulage des boues diminue leur teneur en N via la dilution par l’apport de chaux (Ademe, 2001). Le chaulage diminue aussi la teneur en NH4 qui se volatilise suite à l’augmentation du pH mais le N organique résiduel reste aussi facilement minéralisable que dans une boue non chaulée. Le séchage des boues selon différents procédés par déshydrations par filtre ou centrifugation s’accompagne d’une diminution des teneurs en N minéral ammoniacal de la boue (perte dans la phase soluble). Le séchage thermique augmente encore la perte d’azote total de la boue (dégradation et volatilisation pendant le séchage). Le séchage thermique influence aussi la disponibilité du N organique résiduel avec des résultats pouvant être contradictoires : moins biodisponible pour les végétaux (Tarrason et al., 2008) ; ou au contraire, plus biodisponible (Silva-Leal et al., 2013).
VALEUR AMENDANTE DES PRO
Définition de la valeur amendante et méthode d’évaluation
La valeur amendante est l’aptitude d’un PRO à entretenir et augmenter la teneur en matière organique du sol. Cette valeur est mesurée au champ (essai de longue durée : comparaison entre les teneurs en matières organiques d’un sol amendé et un sol témoin). Des indicateurs de laboratoire sont développés pour la prédire sans avoir à mettre en place des essais de longue durée. Le suivi de la minéralisation potentielle du Carbone (C) des PRO au cours d’incubations permet d’évaluer le C restant potentiellement dans le sol pour entretenir les stocks de MO du sol. En faisant le lien entre caractéristiques biochimiques des PRO issues du fractionnement chimique de type Van Soest et Wine (1967) et le C résiduel restant à la fin des incubations précédentes, l’indice de stabilité de la matière organique des PRO a été défini (Lashermes et al., 2009). Le calcul de l’indice ISMO a été normalisé (XPU 44-162, AFNOR, 2009).
Cet indice est un indicateur du potentiel humique des PRO et permet de paramétrer des modèles simulant l’évolution des teneurs en C des sols après apports répétés de PRO (Peltre et al., 2012).
Conséquence d’épandages répétés des PRO amendants sur la disponibilité de l’azote
Les augmentations des teneurs en matière organique, donc en azote organique des sols, entrainent également une augmentation de la disponibilité de l’azote pour les cultures, issue de l’augmentation des teneurs en azote organique stable dans le sol (Schlegel, 1992; Mamo et al, 1999; Amlinger et al, 2003; Gabrielle et al, 2005 ; Hartl et al, 2005 ; Mallory et Griffin, 2007; Diacono et Montemurro, 2009).
Généralement, les composts et les fumiers ne peuvent pas apporter des quantités importantes en azote disponible lors de l’année d’épandage (Hartl et al, 2003 ; Eghball et al, 2004). Par contre, la minéralisation de la matière organique stable provenant de ces PRO, après des épandages répétés, peut être importante. L’effet devient visible à partir de 4-5 ans d’épandages répétés, permettant alors une substitution des engrais et un maintien des niveaux de rendements (Eghball et al, 2002 ; Barbarick et Ippolito, 2007). Mallory et Griffin (2007) montrent que les quantités d’azote minéralisé provenant d’un sol amendé avec des fumiers de bovins étaient entre 67 et 79% plus importantes que dans un sol non amendé historiquement, grâce à l’accumulation de matières organiques stables dans le sol. De même, Nevens et Reheul (2003) montrent que dans une monoculture de maïs ensilage avec apports répétés de compost de déchets verts pendant 4 ans, environ 6.9% de la quantité d’azote organique épandue provenant du compost sont potentiellement absorbables par les cultures. Chalhoub et al. (2013), précédemment cités, montrent que des apports répétés de composts et fumiers à hauteur de 4 t C/ha tous les 2 ans pendant 10 ans augmentent la disponibilité de l’azote dans les sols de 50 à 70 kg N par an qui correspond à la minéralisation de 6 à 8% de l’augmentation de N organique dans les sols. Gutser et al. (2005) distinguent également les PRO qui contribuent essentiellement à la valeur fertilisante immédiate, de ceux dont la valeur fertilisante passe par l’augmentation de la MO dans le sol (compost, fumier).
IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX POTENTIELS LIES A LA DYNAMIQUE DU N APRES APPORT DE PRO
Les PRO peuvent cependant engendrer également des problèmes environnementaux importants. Un des problèmes majeurs est la lixiviation des nitrates, qui risquent de polluer les eaux souterraines, et la volatilisation du NH3 et de N2O, qui ont un impact sur la valeur fertilisante azotée des PRO et sur l’environnement (gaz à effet de serre). Il existe également des risques liés à la présence de contaminants minéraux, organiques ou biologiques dans les PRO.
Les risques de lixiviation de l’azote des PRO
Dans le raisonnement de l’insertion des PRO dans la fertilisation azotée des cultures, il est important de connaitre la dynamique de minéralisation de l’azote afin que qu’elle coïncide avec les besoins des cultures fertilisées (Singh et al., 2003). La méconnaissance de cette dynamique de minéralisation peut avoir pour conséquences des quantités insuffisantes de N disponible pour les cultures ou, à l’inverse, trop de N minéral dans le sol par rapport aux besoins des cultures, ce qui peut se traduire ensuite par des risques de lixiviation de l’azote et la contamination des eaux profondes par les nitrates. Plusieurs travaux ont mis en évidence ce risque majeur. Ces pertes sont conditionnées par les pratiques de fertilisation, les conditions climatiques, les cultures en place, les pratiques agricoles et le type de sol.
Les PRO caractérisés par une disponibilité potentielle importante de leur azote (forte teneur en N minéral, minéralisation rapide du N organique) seront épandus préférentiellement au printemps ou si l’épandage se fait à l’automne, il faudra assurer un couvert végétal immédiatement après l’apport pour prélever le N minéral disponible (Parnaudeau et al., 2009). Cependant il est plus facile d’ajuster les apports de PRO aux besoins des plantes quand la disponibilité du N est importante, limitant ainsi les risques de sur-fertilisation et perte par lixiviation de nitrates.
En cas d’apport répétés de composts, les flux de minéralisation de N augmentent les flux de nitrates lixiviés (Mamo et al., 1999), le risque de perte étant diminué quand le C/N des composts augmente. En revanche, Hartl et Erhart (2005) signalent que des apports répétés de composts de biodéchets, en doses raisonnées par rapport aux besoins des plantes, n’augmentent pas le risque de lixiviation en comparaison à des engrais minéraux. Pour limiter ces risques de lixiviation de nitrates, il sera important de tenir compte dans le calcul de la fertilisation azotée de l’augmentation de fourniture en N par le sol suite aux augmentations de MO (Hartl et Erhart, 2005). De même, Chalhoub et al. (2013) montrent que les applications répétées d’un compost bien stabilisé augmentent la disponibilité en N pour les plantes mais aussi les risques de lixiviation pendant la période hivernale après apport, nécessitant donc l’implantation d’une culture intermédiaire.
Des résultats similaires ont été observés par Goulding et al (2000) sur l’essai de longue durée de Rothamsted. En effet, l’application de fumiers de bovins depuis 150 ans augmente les quantités d’azote lixiviées quand l’épandage est fait en automne. Les quantités lixiviées varient entre 12 et 140 kg N/ha en fonction des conditions climatiques. Ces quantités, qui peuvent être très importantes, sont largement supérieures à celles d’un témoin fertilisé.
Kleber et al (2000) ont aussi démontré que l’épandage de boues de stations d’épuration en automne peut contaminer les nappes souterraines.
Après épandage de fientes de volailles en période automnale, Machado et al (2010) ont montré que les quantités d’azote lixiviées peuvent être importantes mais l’apport simultané de balle de riz à fort C/N permet non seulement de limiter les pertes de N, mais augmente aussi la valorisation du N par les cultures.
Les risques d’émission gazeuse de l’azote des PRO
En seconde position en termes de pertes de valeur fertilisante azotée, après la lixiviation des nitrates, vient la volatilisation ammoniacale.
Les pertes par volatilisation sous forme d’ammoniac sont très fréquentes lors de l’épandage de PRO et réduisent considérablement la valeur fertilisante d’une matière organique exogène.
Plusieurs synthèses ont été réalisées donnant des références de proportions de NH3 volatilisé après apport . Les risques de volatilisation de NH3 sont plus importants quand le pH est élevé (effluent/déchet basique, sol calcaire). Un enfouissement immédiat, soit via le mode d’apport (pendillard par exemple pour les effluents liquides) soit immédiatement après l’apport, diminue les pertes par volatilisation. Les émissions de N2O, gaz à effet de serre, sont impliquées dans le réchauffement climatique. Les émissions de N2O sont fonction des conditions anaérobies du sol (saturation en eau du sol). Les apports au sol de substrats organiques peuvent stimuler l’activité des microorganismes dénitrifiants. Les émissions de N2O représentent de faibles proportions du N total apporté par les PRO, mais ces émissions participent aux impacts environnementaux de la pratique. Les quantités émises varient, selon une étude de l’ADEME (2005), entre 0 et 10 g N2O/kg de N des PRO épandus. Les facteurs d’émission peuvent représenter 1% du N apporté par des digestats (Cayuela et al., 2010), et sont signalés comme similaires à ceux observés en cas de fertilisation minérale classique, en cas d’apport de boue (Ambus et al., 2001). Pour des niveaux de fertilisation similaires en N minéral ou organique (300 kg N/ha an), Meng et al. (2005) montrent que les flux de N2O sont multipliés par 6 (856 g N2O/ha an contre 150 g N2O/ha an) après apport de résidus organiques à base de déchets agro-industriels et de pailles. Laville et al. (2013) trouvent des facteurs d’émission variant entre 0.5 et 6% du N apporté pour des boues, composts et fumiers de cheval, ces facteurs d’émission étant en général plus faibles que pour l’engrais minéral. Alluvione et al. (2010) confirment que la fertilisation d’un maïs avec des composts diminue les émissions de N2O par rapport à une fertilisation avec de l’urée (0.11% versus 3.4% pour l’urée).
INSERTION DES PRO DANS LES SYSTEMES DE CULTURE
Les systèmes de culture
Les systèmes de culture sont définis par Sebillotte (1990) comme «l’ensemble des modalités techniques mises en œuvre par un agriculteur sur des parcelles traitées de manière identique. Le système de culture se définit par la nature des cultures et leur ordre de succession les itinéraires techniques appliqués à ces différentes cultures, ce qui inclut le choix des variétés pour les cultures retenues ». Les systèmes de culture sont donc le reflet des décisions techniques des agriculteurs concernant, une fois décidées les cultures à faire figurer dans l’exploitation, les façons de les agencer dans le temps (les successions de culture) et de les conduire techniquement (les itinéraires techniques).
Selon les travaux de Sebillotte (1978), l’itinéraire technique se définit par « la combinaison logique et ordonnée de techniques culturales appliquées à une culture pour contrôler le milieu en vue d’une production donnée ». Ces couples successions de culture*itinéraires techniques sont attribués spatialement par les agriculteurs au sein de leur exploitation, avec, souvent, la nature du terrain (type de sol, pente, pierrosité etc.) jouant comme déterminant majeur de cette affectation.
La connaissance des systèmes de culture est indispensable pour pouvoir valoriser des PRO en agriculture. En effet, les successions de culture déterminent les fréquences possibles d’apport de certains PRO: c’est ainsi qu’en systèmes de grandes cultures, la « tête d’assolement », la première culture de la succession précédant le plus souvent une céréale noble comme le blé tendre, est la culture privilégiée avant laquelle les PRO ayant un rôle amendant sont épandus. En systèmes maraîchers, qui enchainent souvent plusieurs cultures à cycle court le long d’une saison culturale, les agriculteurs peuvent décider, ou non, d’apporter un PRO avant chaque cycle cultural. Les itinéraires techniques intègrent la conduite actuelle de la fertilisation des différentes cultures, c’est-à-dire le choix des fertilisants (engrais chimiques et/ou PRO), les doses appliquées, le ou les moments d’apport dans le cycle cultural, ainsi que les modalités de ces apports (en solide, en liquide, etc.) en lien avec le matériel utilisable. Ainsi, ils déterminent le raisonnement des éventuelles substitutions des engrais chimiques par des PRO, par exemple, en dessinant le champ des possibles pour les quantités, périodes et modalités d’apports.
En termes d’utilisation de PRO, tout système de production agricole peut être représenté par un ensemble de stocks reliés par des flux de deux types (Guerrin, 2004) : flux « agissables » de PRO, qui n’ont lieu qu’en présence d’intervention humaine ; flux « biophysiques », qui ont lieu même en l’absence d’intervention humaine. Ces deux types de flux interagissent par l’intermédiaire des activités humaines : celles-ci génèrent les flux agissables qui détermineront les flux biophysiques conduisant, d’une part, aux produits agricoles, d’autre part, aux émissions vers l’environnement. La gestion du système de production peut être vue comme le contrôle, dans un environnement dynamique, d’un ensemble de stocks et de flux de PRO par les activités de l’exploitant. La modélisation des pratiques des agriculteurs est, par conséquent, indispensable si l’on veut évaluer par simulation les systèmes de production. C’est précisément le point manquant dans la quasi-totalité des modèles d’aide à la décision en agriculture existant à ce jour (Garcia et al, 2005).
Insertion des PRO dans les systèmes de culture à l’échelle territoriale
Le concept de systèmes de culture s’utilise le plus souvent à l’échelle de l’exploitation agricole, pour appuyer la compréhension et l’évaluation de pratiques individuelles, mais sa définition intègre aussi des territoires plus vastes. Pour notre propos, c’est cette échelle territoriale qui est la plus intéressante. En effet, d’une part, un territoire composé d’un certain nombre d’exploitations agricoles présente une diversité, plus ou moins grande, de systèmes de culture, donc d’utilisations actuelles et potentielles de PRO. D’autre part, la disponibilité en PRO de différentes natures dépend fortement de la répartition des activités sur le territoire: la spécialisation croissante en grandes cultures des plateaux limoneux du nord de la France, dont la Plaine de Versailles sur laquelle nous travaillerons plus spécifiquement, se traduit par une diminution drastique des élevages, donc des effluents d’élevage utilisables comme PRO dans les exploitations du territoire ; à l’inverse, l’urbanisation croissante de ces mêmes zones crée un gisement croissant en PRO d’origine urbaine, éventuellement mobilisables dans certains systèmes de culture (boues de station d’épuration, compost de déchets verts , autres biodéchets etc.).
On se focalise ici sur les « puits » privilégiés de PRO que sont les systèmes de production agricole, en s’appuyant sur des expériences antérieures (Guerrin et Paillat, 2003 ; Aubry et al, 2008). La connaissance des modes de gestion actuels des PRO dans les exploitations agricoles, des règles sous-jacentes et des formes d’échanges, entre exploitations ou entre une structure de production de PRO et des exploitations utilisatrices, sont une base indispensable pour raisonner des gestions territoriales nouvelles ou optimisées de PRO. Cette connaissance permet de définir les conditions d’insertion de nouveaux PRO dans les systèmes existants, ainsi que les évolutions possibles de ces systèmes ou des échanges entre eux (Aubry et al, 2003 ; N’Diénor, 2006).
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Table des matières
INTRODUCTION
0.1. L’augmentation du prix du pétrole et la volatilité des prix des céréales
0.2. Une forte augmentation des déchets
0.3. En France, une agriculture qui pourrait avoir besoin de ces déchets organiques
0.4. Plus et mieux utiliser les PRO en agriculture
0.5. Présentation du projet ISARD
0.6. Objectifs de la thèse
Chapitre 1 : ETAT DE L’ART
1.1. Contexte réglementaire du devenir des déchets organiques
1.2. Valeur agronomique des PRO
1.3. Valeur amendante des PRO
1.4. Impacts environnementaux potentiels liés à la dynamique du N après apport de PRO
1.5. Intérêt de la modélisation pour appréhender le devenir du C et N apportés par les PRO
1.6. Insertion des PRO dans les systèmes de culture
Chapitre 2 : PRESENTATION DU TERRITOIRE D’ETUDE
2.1. Présentation du territoire d’étude : la Plaine de Versailles et le Plateau des Alluets (PVPA)
Chapitre 3 : INVENTAIRE ET CARACTERISATION DES PRO ET DES SYSTEMES DE CULTURE SUR LE TERRITOIRE
3.1. Inventaire et caractérisation des PRO disponibles sur le territoire
3.2. Résultats : Sources de PRO sur le territoire, inventaire et caractérisation
3.3. Caractérisation des systèmes de culture sur le territoire
Chapitre 4 : INTERET ET CALAGE DU MODELE STICS POUR DECRIRE LA DYNAMIQUE DE L’AZOTE EN CAS D’APPORTS REPETES DE PRO : EXEMPLE DE L’ESSAI QUALIAGRO
4.1. Matériel et méthodes
4.2. Résultats et discussion
4.3. Conclusion
Chapitre 5 : SCENARIOS DE SUBSTITUTION DES ENGRAIS AZOTES VIA L’UTILISATION DE PRO FERTILISANTS ET AMENDANTS
5.1. Méthodologie d’élaboration des scenarios de substitution des engrais azotes par l’utilisation des PRO
5.2. Construction des simulations STICS
5.3. Analyse des résultats
5.4. Scénarios de substitution
5.5. Conclusion
Chapitre 6 : Discussion
6.1. Retour sur les Résultats
6.2. Dimension territoriale de l’utilisation agricole des PRO
6.3. Perspectives à l’issue du travail de thèse
CONCLUSION
ANNEXES
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