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Insertion de la pédagogie de projet dans le cadre des E.P.I
Cette pédagogie de projet d’abord exportée au secondaire en classe de 1ère, va ensuite conquérir le collège au sein du cycle IV avec la mise en place d’E.P.I : Enseignements Pratiques Interdisciplinaires, à partir de la rentrée 20162. Ainsi, cette idée pratique de l’enseignement, reprend l’idée de pédagogie de projet abordée précédemment, tout en y intégrant la notion d’interdisciplinarité et donc de ponts entre les différentes matières enseignées, ces dernières étant rassemblées autour d’une problématique commune. Toutefois, afin de mieux comprendre ce qu’englobe cette notion d’interdisciplinarité et en quoi elle diffère des notions de multi-, pluri ou encore transdisciplinarité, nous citerons les propos de Mathilde Grodet 3 qui reprend ces différentes définitions : Au sens générique, l’interdisciplinarité est la mise en réseau des savoirs scientifiques. On distingue cependant, selon le type d’interaction, pluridisciplinarité, multidisciplinarité, interdisciplinarité et transdisciplinarité. La pluridisciplinarité ou multidisciplinarité consiste à juxtaposer des approches disciplinaires, sans véritable interaction entre elles, afin d’aborder un même objet d’étude ou un même questionnement. L’interdisciplinarité au sens strict implique la collaboration entre les disciplines autour d’un objet commun, dans une perspective de co-production des connaissances. Enfin, la transdisciplinarité se situe au-delà des champs disciplinaires. Elle suppose une mise en perspective systémique, globale et intégrée des disciplines scientifiques.
Parmi cette interdisciplinarité, nous pouvons en dégager cinq formes, comme l’explique G.Bonnichon1: «L’interdisciplinarité de projet, l’interdisciplinarité d’objet d’étude, l’interdisciplinarité d’idées générales, l’interdisciplinarité de méthode, l’interdisciplinarité de méthodes de travail. » et nous pouvons constater que ces E.P.I mêlent chacune de ces différentes formes. Ainsi, les E.P.I consistent bien à la collaboration des disciplines dans un but commun et c’est d’ailleurs ce que définit Alain Maingain 2 de l’interdisciplinarité scolaire avec cette notion « d’objet traité » : L’interdisciplinarité scolaire vise donc l’élaboration d’une représentation fondée non plus sur des critères propres à une discipline particulière, mais sur des critères négociés en fonction d’un projet théorique et parfois pratique. Dans cette perspective, les matières ne sont plus mobilisées selon leurs objectifs propres : elles sont au service de la représentation interdisciplinaire liée à l’ « objet » traité.
Cette arrivée des E.P.I au collège permet de redonner du sens à l’enseignement que les élèves reçoivent. Rendre plus concret notre enseignement est un devoir en tant que professeur, ainsi en s’adaptant à la réalité de nos élèves et aux connaissances qu’ils possèdent, nous comprenons très vite que certaines réalités historiques, littéraires ou même scientifiques sont très difficiles à comprendre pour eux. C’est pourquoi les E.P.I ont été mis en place dans ce souci d’apporter du sens. Ces derniers ont pour objectifs et compétences, celles du socle commun et s’inscrivent forcément dans l’un de ces 8 thèmes de travail3:
– Corps, santé, bien-être, sécurité .
– Transition écologique et développement durable .
– Information, communication, citoyenneté .
– Langues et cultures de l’Antiquité .
– Langues et cultures étrangères ou, le cas échéant, régionales .
– Monde économique et professionnel .
– Sciences, technologie et société.
De plus, cette instauration des E.P.I montre aussi cette réelle volonté d’enseignement cyclique puisque les élèves pourront s’enrichir de cette expérience, et ainsi ces E.P.I devront contribuer à la mise en oeuvre de deux parcours éducatifs : le parcours d’éducation artistique et le parcours avenir comme spécifié dans les nouveaux programmes de 2016 1:
Ils concernent à la fois le renforcement de la cohérence de la formation de l’élève, les décloisonnements possibles des disciplines, la prise en charge de la formation morale et civique par toutes les disciplines, les travaux des élèves au sein des Enseignements Pratiques Interdisciplinaires et la mise en oeuvre, sur le long terme, du parcours d’éducation artistique et culturelle et du parcours Avenir.
Cette volonté de décloisonnement des enseignements continue, et s’étend même depuis la rentrée 2017 aux classes de 6èmes, tout en donnant davantage de souplesse aux établissements quant à la mise en place de ces E.P.I, ainsi comme nous pouvons le lire sur le site de l’éducation nationale 2: les E.P.I « peuvent commencer dès la sixième » et « n’ont plus de thématique ni de nombre imposés – chaque élève doit en avoir fait au moins un au terme du cycle 4 – mais s’inscrivent toujours dans le cadre des programmes disciplinaires ». Comme nous avons pu le voir précédemment, le réel but est de donner plus de sens à l’enseignement.
Présentation de notre E.P.I et de l’insertion de Perceval
Il est très intéressant de se demander avant tout pourquoi avoir imaginé un E.P.I « banquet médiéval », et en particulier sur cette époque historique ? L’époque médiévale est une de celle qui est la plus difficile à comprendre pour des élèves car elle a ses propres codes : la société féodale, la courtoisie, la langue… Ainsi, pour que ces élèves puissent s’accaparer cette réalité le recours à d’autres disciplines devient évident : cela renforce cette volonté d’être le plus concret possible pour les apprenants. C’est d’ailleurs ce que reprend Mathilde Grodet 3 dans son article : Nous voudrions attirer l’attention sur l’intérêt particulier des médiévistes pour l’interdisciplinarité, un intérêt qui est lié en partie à l’ancienneté de leur objet d’étude. Étudier des oeuvres du Moyen Âge nécessite en effet le recours à des connaissances et à des compétences de linguiste, des notions de paléographie, des rudiments de théologie, ou des savoirs en histoire que la littérature médiévale contribue également à construire… On peut se demander également s’il n’y a pas chez les médiévistes une façon d’envisager le savoir qui serait héritée des arts libéraux médiévaux, ou à tout le moins une conscience accrue de la non-permanence des disciplines.
Le passage de relais
Notre E.P.I s’étale sur toute l’année scolaire avec un découpage selon les disciplines et le moment où elles vont pouvoir l’insérer dans leur progression annuelle. Aucun calendrier n’a été établi par les enseignants, afin que tout le monde puisse bénéficier de sa liberté pédagogique. Cependant, il était essentiel pour moi que les élèves puissent réinvestir ce qu’ils avaient pu voir précédemment, et qu’un passage de relais entre chaque matière s’instaure au fur et à mesure de l’année. D’autre part, je n’envisageais pas cette séquence précédant leur cours d’histoire où ils allaient pouvoir acquérir toutes les notions historiques qu’ils allaient ensuite pouvoir réinvestir au sein de ma matière. Ainsi, le cadre temporel et social serait bien plus clair pour eux. C’est pourquoi, j’ai demandé à ma collègue d’histoire la durée de sa séquence et surtout sur quoi elle portait. Ainsi, j’ai pu découvrir ses cours et voir ce que les élèves allaient apprendre, j’étais donc au fait de ce qu’ils avaient réalisé. Sa séquence se finissant en janvier, j’ai donc décidé de prendre le relais et de continuer de janvier aux vacances de février sur ma séquence. Cela me permettait ainsi de montrer aux élèves que le point de vue historique et le point de vue littéraire n’étaient pas les mêmes, et que nous n’étudions pas de la même manière la même chose. Par exemple, ils avaient étudié la fabrication des livres avec la professeure d’histoire, nous l’avons revu en début de séquence lors de la première séance1, tout en nous attardant davantage sur la langue de ces livres. Nous sommes donc passés du support au contenu, en remettant au clair notamment le fait que le latin n’était parlé que par les nobles et les gens de l’Eglise. Cela a donc permis d’ajouter au fur et à mesure de plus en plus de connaissances, et chaque matière approfondit tout en apportant un savoir supplémentaire. C’est cet exemple de passage de relais, et sur la manière dont comment l’opérer que Benjamin Banasik 2se questionne également :
Avant de faire travailler ensemble, il a fallu faire travailler ensemble les enseignants. Comment allait-on se passer le relai, d’une discipline à l’autre, pour qu’ils soient prêts à travailler le jour de la construction de la lunette ?
Le passage de relais est essentiel dans la pédagogie de projet, c’est même l’un des moteurs avec tous ces rouages où chaque discipline participe dans le même sens que les autres. Mais, cela reste un rouage difficile à entretenir puisque chaque matière reste bien cloisonnée avec ses heures et son programme de l’année en cours. Mais ce passage s’est opéré de manière assez naturelle entre les matières, et c’est donc tout aussi naturellement qu’un nouveau passage de relais s’est effectué entre les écritures que mes élèves ont réalisées au sein de cette séquence sur Perceval ou le conte du Graal, et l’enluminure de ces dernières avec une autre de mes collègues d’histoire lors d’une heure d’E.P.I. Ainsi, les élèves pouvaient vraiment avoir à l’esprit que chaque chose commencée dans une matière pouvait se continuer et terminer dans une autre, et que tout pouvait ainsi se relier.
Toutefois, après voir fixé ce passage de relais entre l’histoire et le français et vice versa, je voulais commencer à préparer « l’après » de ma séquence. En effet, cette dernière sur Perceval ou le conte du Graal allait être terminée aux vacances de février, toutefois il restait à commencer la mise en scène de l’adoubement pour le mardi 19 juin et je ne voulais pas que les élèves aient cette impression d’avoir définitivement coché une case en français, en pensant qu’il restait trois autres matières à cocher pour avoir définitivement terminé cet E.P.I. C’est pourquoi, après en avoir discuté longuement avec ma tutrice mais également avec la professeure d’histoire et la professeure d’éducation musicale, j’ai décidé de mettre en place la mise en scène de l’adoubement pendant les heures d’accompagnement personnalisé à partir du retour des vacances de février. Ainsi, on passerait de l’abstrait avec l’étude des textes et tout ce qu’elle englobe au concret avec la mise en scène.
Par ailleurs, j’avais imaginé à quel point il serait également intéressant d’insérer un passage de relais au sein même de ma séquence puisque cela mêlerait l’interdisciplinarité entre plusieurs matières, et ce serait bénéfique pour les élèves qui seraient déjà dans une première étape de réalisation du projet. Ainsi, je désirais créer un mur des armoiries 1dans ma salle : chaque élève choisit ses armoiries qu’il représente sur une feuille, et dont il explique la signification. Toutefois, je ne voulais pas prendre une partie de projet à ma collègue d’arts-plastiques qui est en charge de la réalisation des blasons pour le banquet. C’est pourquoi, après lui en avoir parlé nous nous sommes mises d’accord assez rapidement : je réaliserai ce mur des armoiries avec mes élèves, et les blasons qu’ils dessineront seront un premier jet de ceux qu’ils réaliseront en beaucoup plus grand au cours d’arts-plastiques.
La co-animation
En effet j’avais beau avoir cette idée de mur des armoiries, j’étais parfaitement consciente que je n’avais pas les savoirs disciplinaires essentiels pour mener une bonne séance avec mes élèves. C’est pourquoi, il était évident de faire intervenir au sein de cette séance, mon collègue professeur documentaliste, passionné par l’héraldique. D’ailleurs c’est ce que reprend Alain Maingain 1 dans son oeuvre, sur la place prépondérante du professeur documentaliste au sein de l’enseignement interdisciplinaire : « Le métier de documentaliste est, par essence, décloisonné, transversal, tourné vers le travail en équipe avec les enseignants de disciplines. Il faut donc définir ensemble les apprentissages nécessaires à l’élève (…) ». Ainsi, mon collègue pouvait davantage leur expliquer avec des mots simples et surtout leur faire comprendre que l’héraldique est certes un langage, mais un langage de la signification. C’est pourquoi, nous nous sommes mis d’accord, il a mené cette première partie de séance sur l’heure d’accompagnement personnalisé de mes élèves. Ainsi, nous avons mis en place de la co-animation sur cette heure, entre mon collègue professeur documentaliste, ma collègue professeure d’éducation musicale toujours présente sur cette heure d’accompagnement, et moi-même. Cette nécessité de la co-animation, c’est ce qu’explique d’ailleurs Sylvie Grau2.
En fait, ce travail a libéré les enseignants du carcan disciplinaire en donnant à chacun une reconnaissance de son expertise, mais en pointant les limites de cette expertise. Chacun s’est retrouvé donc plus humble, réalisant aussi la somme de connaissances que les élèves devaient maîtriser (…) Les élèves ont aussi eu l’occasion de voir leurs enseignants discuter, argumenter, s’opposer.
Je trouvais cette séance très enrichissante pour les élèves, mais également pour nous professeurs puisqu’elle permettait de montrer à ces derniers que nous avions tous un savoir différent mais qui peut se relier et nous enrichir personnellement. C’est pourquoi, je leur ai apporté le point de vue littéraire avec la présentation des différents blasons de l’univers Arthurien que nous pouvons retrouver dans les textes littéraires. De plus, cela leur montrait également que nous n’avions pas la science infuse et que même en ayant ce rôle de professeur nous apprenions de nos collègues, mais également d’eux, élèves. En outre, ces derniers ont tendance à penser qu’un cours doit avoir lieu avec un professeur dans une salle, et c’est justement en ouvrant cette porte de salle, et en faisant intervenir d’autres professeurs que nous pouvons envisager autrement notre manière d’apprendre. Nous étions vraiment dans un travail collaboratif entre élèves et professeurs, où chaque personne était un des moteurs de notre projet, en se questionnant. Ainsi, nous apprenons tellement des autres, que nous sommes dans un réel partage de savoirs sans en être conscient sur le moment.
Par la suite, une deuxième heure a été consacrée à cette séance sur le même créneau horaire, mais cette fois, je n’étais présente qu’avec ma collègue d’éducation musicale. Les élèves étaient purement dans la réalisation de leur blason1, et ils nous posaient énormément de questions suite à des doutes qu’ils avaient dans la composition de leur dessin. Par exemple, cela était très difficile pour eux d’envisager que les métaux et les émaux ne se touchent pas. Cette séance s’est déroulée vraiment parfaitement et les élèves étaient plus que surpris que ma collègue d’éducation musicale m’appelle car elle-même ne savait pas répondre à une question et vice versa. Cela leur montrait que nous même nous nous questionnons. Toutefois, ils ont très vite assimilé le fait que l’on était surtout là pour coopérer tous ensemble, et c’est ce que je voulais vraiment leur faire ressentir par la mise en place de ce mur des armoiries : chacun apporte sa contribution à l’autre. Ce mur est représentatif de cet esprit de cohésion de groupe qui s’est mis en place au fil de ces semaines. Cette séance de co-animation et de coopération a également permis à certains élèves très en difficultés de s’investir pleinement dans ce petit projet alors qu’il n’était pas noté, et que c’était pour eux la première fois de l’année qu’ils me rendaient un travail. Et c’est d’ailleurs ce qu’a remarqué Anne Hirbarren2 « Certains élèves en difficulté nous étonnent souvent par leur investissement, leur capacité à travailler en groupe ». La co-animation est un réel moyen pour les élèves de ré-envisager cet apport de connaissances, tout en ayant pour guide non pas un, mais deux enseignants aux savoirs disciplinaires et aux perspectives différents.
Le réinvestissement au sein de la lecture analytique
Cette séquence sur Perceval ou le Conte du Graal était construite sur le schéma typique d’une séquence, et comme nous pouvons le voir dans l’annexe III 3 les principaux objectifs étaient d’accompagner les élèves dans leur découverte de l’univers chevaleresque, tout en analysant la posture de ce jeune homme qui devient chevalier au fil des pages. C’est pourquoi, pour vraiment percevoir le parcours initiatique de Perceval, il fallait que les élèves puissent vraiment se figurer un avant et un après de ce héros. Ainsi, les lectures analytiques devaient être ciblées, non pas seulement pour les valeurs chevaleresques que nous pouvions retrouver de nombreuses fois, mais surtout sur la psychologie que nous offrait le narrateur sur Perceval. Cela permettrait aux élèves de mieux percevoir son côté naïf qui est tout d‘abord très exagéré dans les premières pages, mais qui s’efface au fur et à mesure qu’il grandit.
Par conséquent, j’ai décidé de découper l’oeuvre en plusieurs temps et donc d’effectuer une lecture suivie avec les élèves, avec une avancée semaine après semaine. Cela a vraiment permis à ces derniers de ne pas se retrouver perdus dans le livre, et surtout de pouvoir avoir en tête les différents moments que nous allions pouvoir étudier en classe au cours des différentes lectures analytiques. L’étude de trois textes a été mise en place dans cette séquence1, et c’est seulement à partir de la séance quatre que nous avons découvert le texte de Perceval ou le conte du Graal avec la rencontre entre Perceval et les chevaliers, où les élèves ont pu découvrir un jeune homme qui ne connaissait rien à la chevalerie. Bien que nous ayons pris le le temps d’inscrire l’oeuvre dans le temps et dans le contexte social, les élèves ont été plus que déstabilisés à la première lecture de ce texte avec pour premières impressions « il est bête », « il y connait vraiment rien » ou encore « mais d’où il vient celui-là ? ». Finalement, nous n’avions pas encore commencé à entrer pleinement dans le texte, mais ils avaient déjà perçu à quel point ce personnage n’était pas le chevalier qu’ils avaient pu se représenter, et que c’était notre but. Effectivement, leur horizon d’attente d’un chevalier parfait car considéré comme le meilleur chevalier de la Table Ronde, était plus que modifié, les élèves ne s’attendaient tout simplement pas à un tel personnage. Pour ce qui est de l’étude de ce texte, j’ai décidé de suivre les activités proposées par le manuel Colibris2 puisqu’il était découpé comme je le souhaitais. Ainsi, cette étude de texte partait initialement des représentations des élèves avec la question « Quelle image vous faites-vous de Perceval ? » leur permettant de réinvestir toutes les réactions qu’ils avaient pu me donner à l’oral précédemment, tout en posant le cadre spatio-temporel avec la question « Indiquez la saison et le lieu de l’action ». Cette étude de texte était d’autant plus importante, puisqu’elle permettait de réinvestir la notion de narrateur externe que nous avions étudié dans la séquence précédente et qui restait encore difficile à comprendre pour quelques élèves. Mon but était vraiment que les élèves comprennent à quel point Perceval par la multiplicité de ses questions, montrait son émerveillement face à la chevalerie, notamment lorsqu’il joue à cette sorte de jeu de questions réponses 3:
– Cher Seigneur, vous qui vous appelez « chevalier », quel est cet objet que vous tenez ? – Me voilà bien avancé ! Je voulais te poser des questions, et c’est toi qui m’interroges ! Je te le dirai pourtant : c’est ma lance. – Voulez-vous dire qu’on la lance, comme le je fais avec mes javelots ?
Et c’est d’ailleurs par les dernières questions du manuel que nous amenons les élèves à cela, avec notamment « Relisez les paroles de Perceval. Quel est le type de phrases dominant ? » . Un bilan a été établi par les élèves, grâce aux mots fournis par le manuel et qui réinvestissait déjà le vocabulaire de la chevalerie que nous avions pu étudier dans ce texte, et qui avait surtout été vu précédemment par ma collègue d’histoire. Ainsi, le réinvestissement des connaissances était déjà convoqué par cette nécessité de vocabulaire spécifique.
La seconde lecture analytique était également des plus importantes puisqu’elle nous permettait d’analyser l’adoubement de Perceval par Gornemant de Goort et c’est à partir de ce texte, que nous nous baserons ensuite pour la réalisation de notre scène de l’adoubement. Ainsi, il était plus qu’aisé pour les élèves de réinvestir toutes les connaissances qu’ils avaient acquises sur cette cérémonie. C’est pourquoi nous avons lu le texte ensemble, puis nous sommes partis de leurs représentations historiques : ils ne comprenaient pas que Perceval puisse se faire adouber alors qu’il n’était pas noble1. Nous avons donc organisé un jeu de pistes, ensemble nous cherchions à répondre aux questions que tout un chacun pouvait se poser. C’est ici que les carnets de lecture auraient été également des plus importants puisqu’ils auraient pu noter de nombreuses réponses aux questions qu’ils se posaient, mais je n’y ai pensé qu’après et étant en pleine correction de ces derniers je n’ai pas pu les restituer à temps. Après cela, nous avons d’abord mis en avant le type de relation qu’entretenaient Gornemant de Goort et Perceval. Mon but était vraiment qu’ils puissent comprendre que Perceval était en train d’être initié et instruit par Gornemant, qui lui transmettait toutes les valeurs essentielles de la chevalerie. Ils l’ont certes très bien compris, mais pour eux l’essentiel et ce qui passait en premier avant tout était la cérémonie d’adoubement qui ne correspondait pas au déroulement historique qui leur avait été enseigné. En effet, les élèves n’ont d’abord pas compris que Perceval lui-même n’avait pas conscience qu’il était sur le point de se faire adouber, tout simplement car le découpage du texte laissait sous-entendre le contraire notamment avec le paratexte « Perceval, inquiet pour sa mère, souhaite repartir au plus vite. Gornemant accepte de le faire chevalier dès le lendemain. ». Alors que dans le texte en ancien français 2il est bien noté que Gornemant ne dit plus rien suite à l’annonce du départ de Perceval le lendemain : « Li prodon ot que rien ne vaut / Preiere, et la parole faut. » De plus, les élèves trouvaient que cette description de la cérémonie était minimaliste et qu’elle ne montrait pas toutes les étapes telles que la nuit en prières ou encore même la colée. Il a vraiment fallu que j’insiste sur la différence entre les faits historiques qu’ils avaient étudiés en histoire, et la littérature qui pouvait prendre des libertés. Ici comme nous pouvons le voir, le réinvestissement a été total au cours de ces lectures analytiques qui ont mobilisé toutes leurs connaissances acquises, toutefois le réinvestissement peut aussi s’accompagner d’incompréhension lorsque les modalités diffèrent.
Le réinvestissement au sein de l’écriture et de sa mise en scène
Cette seconde lecture analytique a été essentielle également pour le travail d’écriture de cette séquence, où les élèves devaient s’imaginer comme étant chroniqueurs à la cour du Roi Arthur et donc raconter l’adoubement d’un chevalier avec sa prise des armoiries. Cette écriture a tout d’abord été validée du point de vue de la cohérence historique par ma collègue d’histoire, puisqu’elle permettait de passer de ce qu’ils avaient vu et étudié en classe avec Perceval et leurs cours d’histoire, à un réinvestissement par le biais de l’écriture qui serait ensuite mise en scène un peu plus tard à l’oral. De plus, ce travail assez conséquent permettait de donner un sens supplémentaire au mur des armoiries que l’on avait réalisé, puisque le blason qu’ils avaient dessiné allait servir à leur second paragraphe de l’écriture où il leur était demandé de blasonner. Cette écriture a été guidée, puisqu’une séance en classe a été consacrée à la bonne lecture du sujet et des conseils donnés ainsi qu’aux réponses des questions que les élèves pouvaient se poser. Ainsi le réinvestissement était volontaire, et il me permettait de voir à quel point ces derniers pouvaient réussir dans ce transfert de connaissances qu’ils avaient pu acquérir selon différentes modalités, c’est d’ailleurs ce qu’explique Gilles Bonnichon 1 dans son ouvrage :
Le transfert est la mise en correspondance spontanée un élève d’un modèle entre une situation vécue à un instant « t » et un modèle construit ailleurs, dans une autre situation, un autre contexte . Ce modèle peut être plus ou moins adapté et subir des transformations pour correspondre à la réalité du moment.
Le réinvestissement tient de l’application en ce sens que c’est l’enseignant qui prend l’initiative de la résurgence du modèle. C’est lui qui crée la situation de réinvestissement et qui invite à la convocation du modèle.
Cette convocation du modèle a été effectuée à travers les conseils donnés aux élèves dans ce travail d’écriture et que nous pouvons retrouver en annexe V 1:
– Relisez le texte de l’adoubement de Perceval afin de comprendre les manières de mettre en scène votre récit.
– Relisez votre cours d’histoire afin d’être certain de chaque étape de l’adoubement (listez les sur votre brouillon, cela vous aidera !).
J’avais vraiment prévu ce travail en relisant bien toutes les étapes de l’adoubement, afin d’être certaine que le fait littéraire n’exclut pas le fait historique. Cette écriture a été plus que réussie, avec de très bons résultats (plusieurs 20/20 et seulement une note en-dessous de la moyenne). Ce succès est très certainement dû à la facilité du cadre spatio-temporel déjà posé : les élèves n’avaient pas à inventer totalement une histoire, puisqu’ils avaient déjà les grandes lignes. Mais surtout, ce qui a facilité cela, c’est avant tout la narration de ces différentes étapes de l’adoubement : ils n’avaient qu’à ouvrir le cahier d’histoire et avaient déjà une grande partie du déroulement de la cérémonie. Toutefois, je n’avais pas prévu quelques aspects difficiles. Tout d’abord certains ont rencontré de la difficulté par rapport à la position de leur personnage qui était narrateur, mais qui devait raconter l’adoubement d’un autre personnage. Sans le vouloir, j’ai donc demandé aux élèves de mettre en scène un narrateur intradiégétique avec ce personnage de chroniqueur qui se met à raconter un récit enchâssé. Au début, ils avaient vraiment du mal et ne comprenaient pas qu’un personnage ne soit pas participant de l’histoire. Puis après avoir fait un schéma au tableau et donné des exemples, ils ont très vite compris comment faire et ne se sont pas posés plus de questions. Ensuite, le second point problématique a été notamment que le fait historique soit simplement raconté comme lors d’un cours d’histoire, c’est d’ailleurs ce que nous retrouvons dans l’annexe VI 2 où S a suivi l’ensemble des consignes, sans pour autant étayer son récit et en restant très circonspect. Nous pouvons remarquer cela tout d’abord grâce au cadre du récit posé en deux lignes, tandis que dans l’annexe VII3, Z pose le cadre en marquant l’oralité de son récit par la formule « Ecoutez cette histoire, que moi messire Goublin vais vous raconter, une histoire qui s’est déroulée la semaine dernière, à la cour du roi Arthur ». De plus, la description de la cérémonie par S est beaucoup moins étayée car il prend moins le temps de décrire et de développer les choses avec des expansions du nom par exemple, tandis que Z est beaucoup plus dans le psychologique avec le ressentiment du personnage face à cette cérémonie. Ainsi, le fait historique a pris le dessus sur l’écriture en elle-même, alors qu’à l’origine il ne devait être qu’un simple support.
Par ailleurs, le second paragraphe concernant le choix des armoiries a été simple pour eux, puisqu’il n’était qu’un réinvestissement de tout le travail qu’ils avaient effectué au cours de la séance trois 1consacrée à l’héraldique. La principale difficulté de ce paragraphe a été pour eux de donner du sens à ce blason. En effet, ils ne percevaient pas assez que la signification d’un blason permettait de mieux connaître le chevalier et ses valeurs, et ces dernières étaient beaucoup trop abstraites pour eux. Qu’est-ce qu’un chevalier qui fait preuve de largesse ? Ces valeurs morales étaient beaucoup trop abstraites pour eux alors qu’elles avaient été travaillées en séance de vocabulaire, c’est pourquoi nous retrouvons énormément dans ces écritures de simples qualités juxtaposées dans une phrase comme dans l’annexe VII où Z nous dit : « Le tigre jaune sur un fond violet représentait sa richesse, sa puissance, sa force et sa dignité », on peut voir que cette élève a vraiment du mal à rapprocher cela du personnage qu’elle a mis en scène. Cela est de même pour S dans l’annexe VI où il juxtapose toutes ces qualités entre parenthèses, sans sélectionner les plus pertinentes : « santé, largesse, joie, espérance et liberté ». Toutefois, on voit qu’il fait un effort dans les lignes suivantes, notamment lorsqu’il écrit : « il a mis les bois de cerf dans le sinople puisque ça lui fait penser à un cerf dans une forêt ». Ainsi, S tente de relier cette signification aux pensées et sentiments du personnage mis en scène. Cette écriture réalisée par les élèves avait également un but : qu’elle soit le support de la mise en scène l’adoubement pour le jour de l’E.P.I. C’est pourquoi, j’ai lu les quatre écritures qui étaient sorties du lot à la classe, et nous avons sélectionné les écritures de S et de Z pour la mise en scène de l’adoubement. Ces élèves ont été tout d’abord surpris mais surtout fiers que ce soit ce qu’ils avaient écrits de leurs plumes qui soit mis en scène et joué. Avec leur accord, j’ai donc repris leurs écritures que j’ai étoffées et transposées pour qu’elles puissent être jouées et mises en scène. Comme nous pouvons le voir dans l’annexe VIII2, le personnage principal correspond à l’écriture de Z, et la prise des armoiries correspond à l’écriture de S.
Perspectives d’évolution
Comme mentionné précédemment cet E.P.I banquet médiéval, s’étale sur l’ensemble de l’année scolaire aussi bien pour les élèves que pour les professeurs. Malgré des activités totalement différentes et des variations dans les apprentissages, j’ai vraiment pu remarquer une certaine lassitude de la part des élèves vers les mois de mars et avril. Cette dernière s’est ressentie notamment à partir du moment où les élèves ont commencé à travailler sur la légende du roi Arthur en anglais, sur la mise en scène de l’adoubement en français, sur la gymnastique et la jonglerie en EPS. Cet essoufflement des élèves dans ce projet, est surtout dû au fait que les élèves se sentent enfermés dans le sujet de l’année de 5ème et surtout car le rythme s’intensifie davantage à partir du mois de mars. Ainsi, il serait donc peut être plus intéressant de mettre en place cet E.P.I sur la moitié de l’année comme par exemple de janvier à juin, ainsi nous pourrions conserver une forte motivation de la part des élèves, sans leur donner l’impression de toujours faire la même chose. De plus, il faudrait peut être réfléchir à un passage de relais beaucoup plus aisé dans les matières, afin que les élèves ne voient pas cet E.P.I dans trois matières au même moment de l’année.
C’est pourquoi, il est vraiment nécessaire qu’un calendrier commun soit mis en place au sein d’un tel projet. Effectivement, cela permettrait d’éviter des chevauchements de thèmes, et cela permettrait aussi bien aux élèves comme aux professeurs de pouvoir insérer pleinement ce projet dans le calendrier scolaire. Ce projet a été construit et mis en scène l’année dernière, mais en aucun cas il n’a été noté et définit avec un calendrier, des tâches, ou même des évaluations communes, et cette rigueur doit être vraiment indispensable pour pouvoir mener les équipes enseignantes, et les élèves. Le facteur temps est ce qui guide notre projet, ce qui le rythme puisque les élèves doivent avoir en tête cette date butoir qu’est la mise en place de ce banquet médiéval. Toutefois le temps c’est également celui qui nous empêche d’approfondir certaines choses, ou même de connecter diverses matières supplémentaires, ensemble au sein d’une séquence. C’est d’ailleurs ce que relève Alain Maingain1 lorsqu’il évoque les différentes conditions pour une réelle réussite de ces projets : Selon divers enquêtes, le facteur temps constitue le principal obstacle à la mise en réseau des disciplines. Le travail d’équipe et la mise en place de projets pédagogiques novateurs demandent, en effet, du temps : négociation du projet, préparation de modules d’apprentissage, rédaction d’outils, élaboration d’indicateurs communs de compétences, co-présence en classe à certains moments, coordination régulière de la démarche, évaluations communes…Cependant le temps nécessaire diminue dès qu’un projet pédagogique est bien rôdé. A terme, on enregistre même un gain de temps, entre autres si l’on organise en commun les procédures d’évaluation. Quoi qu’il en soit, cet investissement conséquent devrait être reconnu, surtout durant les années de lancement, par un octroi substantiel de crédit d’heures et des aménagements adéquats de l’horaire facilitant ma coordination entre les enseignants. C’est une condition sine qua non de mise en oeuvre d’une pédagogie inter- ou transdisciplinaire et cela constitue une forme de reconnaissance, par l’institution scolaire, d’une dynamique novatrice.
Nous avons pu bénéficier de quelques uns de ces aménagement pour notre E.P.I, avec une heure une semaine sur trois, réservée dans l’emploi du temps des élèves pour notre projet. Toutefois, cette plage horaire n’est consacrée qu’à ma collègue d’histoire-géographie afin que les élèves bénéficient d’un suivi de projet. C’est pourquoi, il serait intéressant d’organiser un calendrier cyclique pour les élèves, où chaque matière interviendrait une à deux fois sur cette plage horaire dans l’année. Par ailleurs, c’est la seconde année que ce projet est mis en place, donc tout le travail sur lequel repose cet E.P.I a été effectué dans l’urgence l’année dernière, mais nous laissant ainsi davantage de temps pour anticiper et améliorer certaines choses cette année.
D’autre part, en lisant de nombreux ouvrages sur les pratiques interdisciplinaires et cet esprit de projet je me suis rendue compte à quel point il était vraiment dommage que l’on donne dès le début de l’année l’idée du projet aux élèves avec les différentes composantes. Cela ne fait pas émerger l’idée de problèmes aux élèves, et ainsi de connaissances à acquérir pour pouvoir tenter de le résoudre et de mieux comprendre. C’est pourquoi, il serait peut être préférable et davantage enrichissant pour les élèves qu’on leur dise qu’ils doivent organiser un banquet médiéval, et ensuite de les laisser réfléchir par eux-mêmes à ce qu’ils vont devoir faire et mettre en place. Ainsi, le savoir viendra davantage d’eux-mêmes, et on partira de leurs représentations pour ensuite amener le savoir. Par cette idée de quête du savoir par les élèves, nous pourrions davantage prendre en considération leurs représentations initiales, et la manière dont elles vont évoluer grâce à ce projet interdisciplinaire. C’est d’ailleurs exactement ce que relate Antonio Valzan 1.
Pour ce qui nous intéresse, en faisant référence aux modèles constructivistes, apprendre, c’est résoudre des problèmes. Cette démarche amène des auteurs comme Philippe Meirieu à parler « d’objectif-obstacle ». Le fait de partir de ce que l’enfant sait faire s’appuie sur une théorie de l’éducation de type constructiviste, avec des théoriciens comme Bachelard, McLean, Larochelle et Desaultels ou Alain Taurisson ? Ces auteurs donnent l’importance aux représentations préalables des élèves comme point de départ, à l’émergence de ce que sait l’élève de la situation qu’on lui propose : apprendre, c’est transformer des représentations. Piaget parle de « conflit cognitif », c’est-à-dire que la situation d’apprentissage doit déclencher un déséquilibre entre les connaissances empiriques des élèves et le phénomène a étudier, en faisant intervenir un élément perturbateur qi va permettre la restructuration des idées de l’élève.
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Table des matières
INTRODUCTION
I) Présentation du projet autour du Moyen-Âge
a. Présentation de la pédagogie de projet
b. Insertion de la pédagogie de projet dans le cadre des E.P.I
c. Présentation de notre E.P.I et de l’insertion de Perceval
II) Les liens entre les disciplines
a. Le passage de relais
b. La co-animation
c. Le réinvestissement au sein de la lecture analytique
d. Le réinvestissement au sein de l’écriture et de sa mise en scène
III) Bilan et perspectives de ce projet interdisciplinaire
a. Bilan positif
b. L’évaluation
c. Perspectives d’évolution
CONCLUSION
ANNEXES
I) Déroulement du banquet (organisation du banquet de 2017)
II) Carnets de lecture
a. Carnet de lecture d’I
b. Carnet de lecture d’A
c. Carnet de lecture de L
d. Carnet de lecture de N
III) Déroulement de séquence
IV) Mur des armoiries et blasons des élèves
V) Sujet d’écriture
VI) Ecriture de S
VII) Ecriture de Z
VIII) Mise en scène de l’adoubement
IX) Carnets de lecture de J et de M
X) Parchemin de M
XI) Evaluation de lecture cursive
XII) Evaluation sur l’imparfait et le plus-que-parfait
XIII) Evaluation sommative
REMERCIEMENTS
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