Innovation et numérique, une opportunité pour accompagner les transformations de la culture professionnelle enseignante ?

L’organisation mondiale de la propriété intellectuelle, l’université de Cornell (État de New-York) et l’Institut Européen d’Administration des Affaires (INSEAD) réalisent depuis 2007, un classement annuel des pays les plus innovants relativement aux secteurs des produits, des systèmes de production et des services. En 2019, la France est classée 16ème au niveau mondial et 9ème au niveau européen. Le fait marquant est que ce résultat « s’expliquerait surtout par la lourdeur de son système éducatif » (Jenik, 2019). Par ailleurs, pour les métiers impactés par les technologies du numérique, la durée de vie d’une connaissance métier est désormais estimée à 4 ans (contre 25 ans auparavant) ce qui implique une nécessaire actualisation des connaissances liées à une profession et impose aux acteurs concernés de se tenir informés des acquis de la recherche, de ses applications et des développements technologiques, en les articulant notamment à leurs pratiques professionnelles.

Comprendre les enjeux de la transformation numérique en éducation ne suffit pourtant pas à créer une stratégie permettant d’accompagner une « organisation » dans les changements pensés comme nécessaires. La diversité des défis et de leurs échelles est une des caractéristiques de cette mutation qui s’opère à un rythme inédit à ce jour. Du fait même de l’impact sur l’ensemble des secteurs d’activités et des domaines, le service public d’éducation en France, est concerné, en cela qu’il a la responsabilité de contribuer à la formation des citoyens qui constitueront la société du XXIème siècle. Dans « la métamorphose numérique », Francis Jutland (2013) indique que le « système numérique, système nerveux et mental de la société humaine, s’organise autour de trois sphères : la sphère de la communication, la sphère de l’information et la sphère de la connaissance ». Appliqués au domaine de l’éducation, et du point de vue plus spécifique de l’École, ce sont tant les savoirs savants, fondés sur les disciplines, que les savoirs sociaux voire sociétaux -qui relèvent de la culture-, les attitudes et les savoirfaire, qui sont concernés. Le choix que nous faisons est de ne pas aborder le sujet du point de vue de l’informatique mais du point de vue du numérique comme « fait global et social », que nous définirons plus loin.

Entre technologies numériques utiles aux pédagogues et cultures numériques pour tous, au sein des contextes éducatifs nationaux néozélandais et français 

D’une manière générale, la technologie, étude des outils et des techniques, peut être appliquée à des domaines spécifiques. Le terme « technologies numériques » peut ainsi être utilisé pour désigner « l’ensemble des pratiques et des possibilités qui ont émergé grâce au développement des technologies » (Vitali-Rosati, 2014). Le terme numérique est lui-même polymorphe. La lecture des statistiques d’emploi du mot «numérique» à partir des livres numérisés par Google® Books et via l’outil Ngram Viewer® est d’ailleurs rendue peu aisée du fait de cette polysémie. Selon l’aspect qui est mis en valeur, les expériences et pratiques diffèrent. Ainsi, Vitali-Rosati développe une réflexion philosophique sur les enjeux des technologies numériques. Il prend l’exemple de l’utilisation de « TIC » qui renvoie à une approche particulière, celles des sciences de la communication. Les pratiques numériques recouvrent alors les pratiques de communication et de l’information. Alors que du point de vue des sciences de l’informatique, s’interroger sur les objets que cette science étudie mène à « des objets très différents les uns des autres : des algorithmes, des machines, des langages et des informations » (Dowek, 2015).

Dans le domaine plus particulier de l’éducation, la « technopédagogie » est définie, par l’office québécois de la langue française comme une « science qui étudie les méthodes d’enseignement intégrant les nouvelles technologies de l’information et de la communication». Les technologies de l’information et de la communication (TIC) intègrent « toutes les techniques de l’information, de l’audiovisuel, des multimédias, des télécommunications et d’internet qui permettent de communiquer. La naissance des TIC est le fruit de la convergence de l’informatique, de la télécommunication et de l’audiovisuel. TICE ajoute la dimension de l’éducation à ces technologies. Ainsi, les « technopédagogues » sont des professionnels de l’éducation en capacité de maitriser et de combiner tant les aspects de leur profession relevant de la pédagogie, de la didactique de leur discipline que les aspects technologiques. Le dictionnaire de la formation -apprendre à l’ère numérique- (Cristol, 2018) approche les TIC à la fois comme un « domaine qui réunit technologies et pédagogie et à la fois comme un ensemble de potentiels au service de la transformation des modalités et des processus d’apprentissage des individus et des organisations. Au cœur de ces préoccupations et de ces démarches s’inscrit une conversation riche et nuancée portant sur les liens étroits et complexes existant d’une part entre l’usage et les possibilités des technologies et d’autre part, les différents modèles mentaux et les besoins identifiés des systèmes dans lesquels la technologie doit opérer (site Percolab). Nous relevons de cette approche plus large que les précédentes deux polarités reliées : d’une part les usages et les possibilités technologiques et d’autre part le lien avec les représentations et les besoins identifiés des systèmes. Pour autant, la culture numérique qui se construit est davantage englobante encore. Focaliser sur les usages ou les utilisations (usages domestiques, personnels, scolaires) peut alors être perçu comme une restriction dommageable. Pour Olivier Le Deuff (2012), « culture numérique, au singulier, traduit une culture issue de la médiation du numérique tandis que cultures numériques au pluriel a le mérite de mettre l’accent sur une diversité et une richesse d’approches ». Cette réflexion permet de souligner, notamment en éducation, que le numérique n’est pas qu’un ensemble de dispositifs techniques et technologiques, d’outils, de services qui produisent, induisent ou permettent un ensemble d’usages. Le changement technologique modifie notre façon d’être au monde, de le percevoir, de le vivre, de le comprendre et d’y participer. Pierre Mounier (2018) cite ainsi Milad Doueihi, « le numérique se fait culture et modifie (…) notre rapport au monde et aux autres hommes ». Ainsi, « it’s not just about putting digital into schools…but putting school into digital wolrd » comme le mentionne l’Européean Commisssion digital ed. team. Cette double vision, lorsqu’elle n’est pas perçue comme contradictoire, résonne avec le dispositif numérique qui est analysé dans le cadre de ce travail. Préalablement à la description de ce dispositif, déployé originellement en Nouvelle-Zélande, nous procéderons à une courte présentation des contextes éducatifs nationaux en Nouvelle-Zélande d’abord, puis en France ensuite afin de connaître les contextes dans lesquels ces dispositifs se développent.

« La Nouvelle-Zélande est engagée depuis la fin des années quatre-vingt dans une démarche d’amélioration continue du fonctionnement de l’école, fondée sur le développement de tous les établissements, Le but en est bien sûr l’amélioration générale de la qualité de l’enseignement, mais aussi l’intégration des populations défavorisées » (Annam, 2011). Une nouvelle étape est franchie en 2007 lorsque la Nouvelle-Zélande fait le choix de transformer en profondeur son système éducatif. Le gouvernement néo-zélandais fixe une vision et un cap ambitieux tout en conférant une autonomie accordée aux écoles pour la gouvernance. Le curriculum national définit  le cadre général, les valeurs et les ambitions. Chaque école bâtit ainsi son propre curriculum adossé au cadre national afin d’adapter son projet à la réalité de son territoire et à ses apprenants mais aussi en vue de s’adapter aux changements rapides du monde et des technologies. La diplomation s’incarne dans le National Certificate of Educationnal Achievment. Une refonte du système d’évaluation est également prescrite. Même si les élèves doivent obtenir un certain nombre de crédits (en mathématiques, en histoire, en anglais…) et en sachant que trois niveaux (I, II et III) sont retenus dans chacune des matières, ce sont bien les compétences qui sont désormais évaluées et non plus les disciplines. Le cumul des crédits permet l’obtention de ce diplôme. Ces transformations ont, semble-t-il, contribué à l’amélioration des performances scolaires des élèves (cf. le global Teacher Status, les résultats PISA : 2009, 2013, 2019 et le Legatum Prospertity Index). L’environnement d’enseignement/d’apprentissage est défini dans une acception large comme une partie du système éducatif (établissements, corps d’inspection, familles, élèves, ministère de l’éducation, chercheurs et laboratoires, prestataires professionnels), de l’environnement physique (transformation des espaces scolaires) et de l’environnement numérique. C’est dans ce contexte éducatif que l’expérimentationmère qui nous intéresse a été conduite à Auckland.

Le projet Manaiakalani en Nouvelle-Zélande et son expérimentation miroir dans les académies de Besançon et de Grenoble : un paradigme plurifactoriel 

L’expérimentation néo-zélandaise

Dans ce contexte de transformation générale du système éducatif néo-zélandais, fondée sur l’autonomie des établissements et leur organisation en réseau, différents dispositifs et programmes sont mis en place en Nouvelle-Zélande. C’est dans le cadre de ces changements que le projet « Manaiakalani » trouve sa place. Au sein de la région de Tamaki, de 2001 à 2011, et en lien avec les problématiques locales, un programme d’amélioration de la scolarité intitulé « Tamaki Achievment Pathway (T.A.P.) » est mis en place dans le but d‘améliorer les performances scolaires des élèves éloignés des attendus, notamment en littératie et en numératie. Simultanément à ce dispositif, et entre 2004 et 2006, les équipes pédagogiques de sept écoles de la même région intègrent un programme de perfectionnement professionnel en technologie de l’information et de la communication afin que les enseignants acquièrent les connaissances pédagogiques et les compétences technologiques rendues alors nécessaire par les évolutions sociétales. C’est ainsi qu’en 2007, le noyau originel regroupe officiellement un réseau d’écoles en développant des processus de collaboration, de soutien et de facilitation. Le réseau intègre également certaines problématiques liées aux aspects de l’apprentissage en classe. Pour ce faire, des groupes de « Resource Teachers of Learning and Behaviour (RTLB) », composés de praticiens et d’élèves -anciens et actuels-, travaillent ensemble. Le constat effectué sur un engagement plus important des élèves utilisant les supports numériques dans les tâches d’apprentissage donne alors l’idée de combiner l’amélioration des acquis scolaires et le développement professionnel des enseignants du point de vue des compétences numériques. Ce réseau d’écoles intègre le programme national « Extending High Standards Across Schools (ESHAS) », qui est un programme personnalisé à chaque réseau d’écoles et qui a pour objectif de soutenir le développement professionnel des enseignants. En 2012, cette communauté, forte de son expérience positive de partage de connaissances et de soutien au développement de compétences, intègre le dispositif dénommé « Manaiakalani » qui regroupe douze écoles, primaires et secondaires situées dans le bassin de Tamaki à Auckland -une des régions les plus densément peuplées de la province- et ses communautés. La plupart de ces établissements scolaires sont classés dans le décile 1. Ce sont 2 761 élèves qui sont concernés. Ce dispositif est créé pour penser, vivre et améliorer les processus d’enseignement/apprentissage et de transformations professionnelles créant ainsi le cadre idoine pour qu’un groupe d’écoles travaillent ensemble afin de mieux comprendre les environnements d’apprentissages de leurs élèves dans le but de les rendre plus performants. Il s’agit là d’une approche systémique et multidimensionnelle qui a été co-construite, conformément à la philosophie globale du projet, « apprendre, créer et partager » engageant les enseignants et les parents et créant une gouvernance de type nouveau dans laquelle la recherche de proximité a toute sa place. L’exploration de l’environnement d’apprentissage s’est effectuée par l’observation d’activités en classe (Orr, C., Meiklejohn-Whiu, S, 2011) et par l’évaluation des effets des cycles de développement professionnel des enseignants. Le traitement des enquêtes rendues possibles par les technologies de l’information et la communication retenues ont permis d’identifier les facteurs inhérents à l’amélioration de la scolarisation. Par ailleurs, il convient de souligner que les élèves ont été considérés comme partie prenante de ce dispositif.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1. : CONTEXTE GENERAL DE L’EXPERIMENTATION
I. Entre technologies numériques utiles aux pédagogues et cultures numériques pour tous, au sein des contextes éducatifs nationaux néo-zélandais et français
II. Le projet Manaiakalani en Nouvelle-Zélande et son expérimentation miroir dans les académies de Besançon et de Grenoble : un paradigme plurifactoriel
III. Synthèse
CHAPITRE 2. : QUESTION DE RECHERCHE, ETAT DE L’ART ET PROBLEMATISATION
I. Question de recherche
II. Recherche bibliographique
III. Problématisation
IV. Plan de variables
CHAPITRE 3. : INGENIERIE MISE EN ŒUVRE
I. Cadrage théorique
II. Méthodologie de recueil de données
III. Méthodologie de traitement de données
IV. Méthodologie d’analyse des données
CHAPITRE 4. : ANALYSES ET INTERPRETATIONS
I. Analyse descriptive du corpus
II. Analyse des questions
III. Interprétations
CHAPITRE 5. : CONCLUSION ET PERSPECTIVES
I. Conclusion
II. Perspectives
BIBLIOGRAPHIE
GLOSSAIRE
CONCLUSION

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