Au cours de la partie 1 : l’exemple du calcul rénal
Ces commentaires sont pris immédiatement après la question 2, donc avant que la notion de facteur de confusion ne soit explicitée par l’enseignant.Certains élèves ont fait part de leur interrogation sur ce paradoxe, se demandant pourquoi la même étude ne donne pas les mêmes résultats. Un élève a mentionné que « le fait de faire les calculs rend plus confiant », confortant les modalités pédagogiques choisies. Deux élèves ont indiqué qu’ils connaissaient déjà le paradoxe de Simpson. De nombreux élèves, notamment au sein de lu groupe T5G1, ont indiqué qu’il était difficile de choisir sans savoir si le patient était atteint d’un petit ou d’un gros calcul. Six commentaires ont prêté attention à la taille des échantillons, en voici trois :
« Confiance dans la taille de l’échantillon : A pour petit calcul et B pour gros ».
« Des proportions égales de patients traités [par A et par B] aideraient à une meilleure analyse ».
« Les nombres de cas que nous étudions ont un rôle sur les données fournies. »
Changement du niveau de confiance dans l’affirmation « les fumeurs seraient moins touchés par la Covid-16 »
Afin de quantifier le changement du niveau de confiance dans l’affirmation, il a été réalisé les opérations suivantes :
– Chaque évolution dans le sens d’une perte de confiance a été comptée dans le sens négatif, par exemple quelqu’un répondant en question 1 la réponse A : « C’est sans doute vrai » et en question 8 la réponse C : « Je ne suis pas certain mais je pense que c’est faux », a un score associé de -2.
– À l’inverse, une évolution dans le sens d’un gain de confiance dans l’affirmation a été comptée dans le sens positif. Quelqu’un répondant C en question 1 puis B en question 8 voit son total associé à la valeur +1. Comme dit plus haut, cette évolution est jugée contre-productive.
– Certaines (rares) copies font état de réponses indécises, entre C et B par exemple. Ces indécisions ont été associés à un état de confiance intermédiaire entre la réponse B et C, si bien que le score associé a pu être égal à +0,5 (3 cas) ou -0,5 (1 cas).
Nous pouvons classer les élèves en deux catégories, les confiants (réponses A et B) et les méfiants (réponses C et D). La figure 3 récapitule le nombre de confiants et de méfiants pour chaque groupe au cours de la séance. La question 1 désigne le début de la séance, la question 2 désigne après la nd degré) présentation des pourcentages de fumeurs dans la population et dans les patients hospitalisés et la question 8 désigne la fin de la partie II. Nous pouvons observer deux tendances différentes : pour les groupes T5G1 et T6G2, un basculement net est visible entre la Q1 et la Q2 (basculement méfiant -> confiant) puis un autre basculement intervient entre la Q2 et la fin de la séance (rebasculement confiant -> méfiant). Pour les groupes T5G2 et T6G1, le basculement d’un groupe à l’autre est beaucoup plus marginal. L’évolution du nombre précis d’élèves dans chaque catégorie est donnée par les tableaux 5 et 6. Le tableau 5 indique le score total de chaque groupe ainsi que le nombre de changements de catégorie ayant eu lieu au sein des groupe, entre le début et la fin de la séance. Deux groupes montrent une évolution du taux de confiance significative, les groupes T5G2 et T6G2. Cependant, le nombre de changement de catégorie n’est pas spectaculaire. Dans trois des quatre groupes, le nombre de méfiants a augmenté au cours de la séance, mais deux fois de manière marginale. Dans le groupe T6G1, c’est même le nombre de confiants qui a augmenté, ce qui a paru étonnant car aucun n’a mentionné de nouvel argument rationnel entre le début de la partie II et la question 8. Pourtant il était possible de justifier que l’on faisait confiance à l’information car la prise en compte de l’âge ne permettait pas de combler l’intégralité de l’écart entre les deux pourcentages. Il a également été intéressant de prendre le degré de confiance entre la présentation de l’information et l’indication des pourcentages (entre les questions 1 et 2). Le tableau 6 présente les résultats. Nous pouvons constater que la simple présentation d’un pourcentage permet de jouer significativement sur le niveau de confiance des élèves. Neuf élèves sont passés de méfiants à confiants sur simple présentation du pourcentage. Parmi eux, 7 ont la spécialité Mathématiques. Cela semble justifier la nécessité de réaliser ce type de séance pour toute spécialité afin de faire prendre conscience aux élèves de ce qui peut être caché derrière les chiffres. Pour faire écho à la définition d’Elena Pasquinelli et Gérald Bronner, il a également été compté le nombre de gens ayant changé d’avis en cours de séance puis revenus à leur opinion initiale, et qui ont donc également « régulé leur confiance dans l’information, au gré des différents éléments de preuve qu’ils avaient à leur disposition », sans pour autant avoir été pris en compte par la méthode décrite. Ils furent 6/66, dont 4 qui ont changé de catégorie par deux fois (Réponses C puis B puis C). Au total, 38 élèves sur 66 ont modifié leur taux de confiance durant la séance, soit près de 58%. Nous pouvons noter avec étonnement qu’au vu de l’unique critère du nombre d’élèves passant de la catégorie confiants à la catégorie méfiants, la séance semble être contre-productive en ce qui concerne le groupe T6G1, avec en fin de séance 2 élèves en plus ayant désormais confiance dans l’information. À l’aide de la figure 2, nous pourrions penser que l’état de confiance de ce groupe était quasiment déterminé après la question 2, mais après une consultation plus approfondie des données, il a été trouvé que 5 élèves sur 17 ont changé leurs réponses entre la question 2 et la question 8. Il est important de notifier que ce n’est pas parce qu’un élève pense que cette information est vraie que cette séance ne lui a pas été bénéfique. Tout d’abord, si l’efficacité de la nicotine n’a pas été démontrée, son inefficacité ne l’a pas encore été non plus. Les études menées en ce moment par l’AP-HP devraient bientôt livrer leurs résultats [20]. Par ailleurs, même dans le cas où l’information est une information épistémologiquement fausse, il est tout à fait possible qu’un élève y croyant ait quand même davantage la volonté de se renseigner sur la question (et que cela appelle par la suite une volonté d’en savoir plus sur un certain nombre d’autres questions). Ainsi, les ressentis des élèves pourront amener une idée moins globale mais sûrement plus fidèle des acquis réels des élèves lors de la séance
Conclusion et perspectives
Tout d’abord, il est important d’insister sur le fait que l’étude porte sur un échantillon restreint, et que par conséquent les résultats doivent être généralisés à de plus grands ensembles avant de tirer des conclusions affirmées. Cependant, plusieurs éléments sont à relever :
– Une telle séance permet de développer l’esprit critique chez les élèves. Qu’il s’agisse des commentaires laissés par les élèves, de l’évolution de leurs réponses ou bien de leurs ressentis, tous les éléments de résultats concordent pour affirmer qu’une telle séance est bénéfique pour initier une grande partie des élèves à faire preuve d’esprit critique dans l’interprétation de données statistiques.
– Le fait de refaire les calculs avec les élèves semble être une plus value pour le développement de l’esprit critique, qui permet aux élèves de clarifier et consolider leur raisonnement.
– La séance a été bénéfique pour tous les groupes, ce qui indique que de tels enseignements sont tout à fait pertinents dans une discipline telle que l’enseignement scientifique qui figure en tronc commun. Par ailleurs, ce résultat rejoint les conclusions de l’article de Kathleen Dyer et Raymond Hall [13] sur le fait que la capacité à modifier ses croyances dans divers énoncés ne dépend pas des facteurs individuels (en particulier les facteurs individuels scolaires).
Dans les limites de la séance, quelques élèves ont mentionné le fait que la séance était trop rapide, ce qui a été également ressenti par l’enseignant. Il pourrait être encore plus bénéfique de réaliser une véritable séquence sur l’interprétation de données statistiques, ce qui est pourrait s’envisager avec des classes d’enseignement scientifique de terminale au 3e trimestre. Comme décrit en introduction, un enseignement visant le développement de l’esprit critique doit jouer sur l’état d’esprit des élèves et leur transmettre un certain nombre de savoir-faire. Cette tâche peut paraître fort compliquée pour un enseignant isolé. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que ce travail est un travail de longue haleine, enrichi au fil des années et dont l’apprentissage ne se limite pas, loin de là, aux salles de sciences physiques et chimiques. À ce titre, il peut être judicieux pour l’enseignant de sciences physiques de se rapprocher des professeurs des autres disciplines afin de prendre connaissance des actions effectuées en ce sens par les collègues. Cela permet de situer d’autant mieux le niveau de maturité de l’esprit critique des élèves de la classe et surtout de mettre au point des rapprochements, des passerelles qui permettent aux élèves de mettre en lien leurs acquis tout au long de leur scolarité. En effet, la réalisation de connexions entre les différentes disciplines est un levier important pour aider au développement de l’esprit critique chez les élèves.
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Table des matières
Introduction
I. Méthode
I.1. Construction de la séance
I.1.1. Partie I du compte-rendu
I.1.2. Partie II du compte-rendu
I.1.3. Partie III du compte-rendu : le ressenti des élèves
I.1.4. Partie IV du compte-rendu : l’évaluation
I.2. Évaluation de l’efficacité de la méthode pédagogique
I.2.1. Critères d’évaluation de la méthode
I.2.2. Modalités d’évaluation de la méthode
II. Résultats
II.1. Bilan des commentaires
II.1.1. Au cours de la partie 1 : l’exemple du calcul rénal
II.1.2. Au cours de la partie II : Pourcentage de fumeurs dans les patients hospitalisés pour Covid19
II.1.2.1. Immédiatement après la question 1
II.1.2.2. Après la question 3
II.1.2.3. En fin de partie II
II.2. Changement du niveau de confiance dans l’affirmation « les fumeurs seraient moins touchés par la Covid-16 »
II.3. Ressentis des élèves
II.3.1. Ressentis sur la séance
II.3.2. Ressentis à propos du réinvestissement des acquis après la séance
II.4. Partie évaluative
II.5. Bilan des critères d’évaluation de la méthode
Conclusion et perspectives
Bibliographie
Annexes
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