Ingénierie d’indice optique à base de nanostructures métalliques

Plasmons de surface

Les plasmons de surface sont des modes électromagnétiques en polarisation transverse magnétique (TM) qui se propagent le long d’une interface métal/diélectrique. Ils correspondent au couplage entre une onde lumineuse se propageant dans le milieu diélectrique et l’oscillation des électrons dans le métal. Dans ce chapitre, je vais revenir sur la découverte des plasmons de surface et sur leur définition à partir des équations de Maxwell. Je détaillerai alors leurs propriétés dans la gamme spectrale de l’infrarouge (longueur de propagation et confinement à l’interface) avant de montrer qu’il est nécessaire d’avoir un dispositif de couplage pour pouvoir exciter les plasmons de surface.

Les Plasmons 

Historique

La plasmonique a suscité un intérêt croissant lors de ces quinze dernières années, les plasmons permettent d’obtenir des propriétés optiques uniques grâce à un contrôle de la lumière à des échelles très sub-longueurs d’onde. Si ce regain d’intérêt, confirmé par la croissance exponentielle depuis les années 90 d’articles sur le sujet, est assez récent, les plasmons sont connus depuis bien plus longtemps. Leur « découverte expérimentale » remonte au début du XXème siècle par Wood qui observa des anomalies de réflexion sur un réseau métallique, une de ces anomalies identifiée bien plus tard comme étant due aux plasmons de surface . Il faudra attendre les années 50 pour que soient compris les phénomènes responsables de ces anomalies. En 1956, David Pines attribue les pertes subies lors de la diffraction d’électrons rapides sur une couche métallique aux oscillations collectives des électrons libres. Il dénomme « plasmon » le quantum d’excitation élémentaire des oscillations collectives d’électrons par analogie avec les oscillations électroniques de plasma dans les décharges de gaz . La même année, Ugo Fano introduit le terme de « polariton » pour désigner l’oscillation couplée entre les électrons liés et la lumière à travers un milieu transparent . En 1957, Rufus Ritchie montre que des plasmons peuvent exister proche de la surface du métal, c’est la première description théorique des plasmons de surface .

Propriétés des plasmons de surface dans l’infrarouge 

L’infrarouge

C’est à la fin du siècle des lumières, en 1800 que l’astronome anglais William Herschel confirme l’existence du spectre infrarouge. Avec un simple thermomètre, il mesura la température des différentes longueurs d’onde du spectre solaire visible à la sortie d’un prisme. De manière surprenante, il obtint la température la plus élevée en se plaçant au delà du rouge et en déduisit qu’il existait une lumière « invisible » en dehors du spectre visible, correspondant à l’infrarouge . Je vais présenter succinctement dans cette partie l’intérêt de cette gamme spectrale pour la détection à partir de la loi de Planck et des bandes de transmission de l’atmosphère.

L’infrarouge a de larges applications aussi bien militaires/sécurité (détection des activités humaines, vision nocturne, guidage et détection de missiles…) que civiles (analyse de l’air et détection des polluants par spectroscopie IR, météorologie, astronomie, médical,…) Dans la suite de cette thèse, je vais m’intéresser au potentiel des structures à base de plasmons de surface pour l’optique infrarouge. D’une part pour améliorer les caractéristiques des détecteurs infrarouges avec des structures plasmoniques concentrant la lumière et permettant ainsi un confinement sub longueur d’onde de l’absorption. D’autre part, il est également possible d’ajouter de nouvelles fonctionnalités comme une signature spectrale du pixel. Enfin, les travaux présentés dans cette thèse ont également pour visée la conception de composants micro-optiques. Je me concentre dans la suite de cette thèse au domaine de l’infrarouge, les propriétés des plasmons dans cette gamme spectrale vont maintenant être décrites.

Excitation des plasmons et couplage à un réseau

Nécessité d’un couplage entre les plasmons de surface et les photons

Pour exciter les plasmons de surface avec une onde plane, il faut satisfaire simultanément aux conditions de conservation de l’énergie (ω) et de la quantité de mouvement (vecteur d’onde k), équivalente à une condition d’accord de phase. Or, d’après l’équation 1.9, le vecteur d’onde du plasmon de surface est toujours plus grand que le vecteur d’onde de la lumière dans l’espace libre kSP P > k0.  où la ligne de lumière ω/c ne croise jamais la courbe de dispersion des plasmons de surface, même si elles sont très proches pour les faibles énergies. Il n’est donc pas possible d’exciter les plasmons de surface sur une interface plane quelle que soit la longueur d’onde de la lumière incidente. Pour satisfaire la condition de conservation de la quantité de mouvement, il faut augmenter le vecteur d’onde du photon. Il est nécessaire d’utiliser un système de couplage qui va permettre d’accorder le vecteur d’onde du photon incident de telle sorte qu’il puisse exciter des modes plasmoniques.

Les anomalies de Wood

Anomalies de Wood-Rayleigh

En 1902, Wood observe des variations d’intensité importantes dans le spectre d’un réseau en réflexion. La distribution spectrale de la source était continue, ces phénomènes constituaient des anomalies qui n’étaient pas prévues par les théories classiques . Il fut rapidement montré expérimentalement que ces effets sont liés à la périodicité du réseau et dépendent de la polarisation de la lumière incidente (il n’y a pas d’anomalies de Wood lorsque la lumière incidente est polarisée transverse électrique (TE)).

Anomalies de résonance

C’est en 1941 que Ugo Fano montre que des ondes de surface sont mises en jeu dans ces phénomènes , il distingue deux types d’anomalies, une anomalie fine et une anomalie plus large composée d’un minimum et d’un maximum. Mais il n’explique toujours pas la forme des spectres obtenus par Wood (i.e. un maximum proche d’un minimum de réflexion). En 1965, Hessel et Oliner distinguent deux types d’anomalies . Les anomalies de Wood-Rayleigh expliquées précédemment par l’apparition ou disparition d’ordres diffractés d’une part, et les anomalies dues à des résonance qui mettent en jeu des ondes de surface d’autre part, i.e. les plasmons de surface introduits par Ritchie en 1957.

Etude théorique et expérimentale de nanorésonateurs plasmoniques

Dans ce chapitre, je vais décrire nos travaux de dimensionnement, de fabrication et de caractérisation d’une structure MIM vertical, i.e. un réseau de sillons. Pour obtenir des résonances dans l’infrarouge, avec une absorption totale de la lumière, les sillons du réseau métallique ont un grand rapport d’aspect (largeur typique de 100 nm et profondeur typique de 1 µm). Fabriquer des sillons de grand rapport d’aspect dans du métal est un défi technologique. Les techniques classiques de structuration d’une couche métallique comme le lift-off ou le faisceau d’ions focalisé ne sont pas adaptées aux contraintes d’une telle fabrication :
* Ouverture nanométrique (w < 150nm)
* Sillon profond (h > 1µm)
* Structuration sur une large surface (> 4mm²)
Pour fabriquer ces structures, j’ai développé une technique basée sur un moule sacrificiel sur lequel est fait une croissance électrolytique. Par ailleurs, on peut se demander si le fait de structurer quelques pourcents d’une surface métallique qui se comporte comme un miroir quasi-parfait peut en pratique conduire à une absorption totale. Cette structure peut être vu comme un matériau avec un indice artificiel très élevé, autrement dit un métamatériau . L’approche métamatériau de réseaux métalliques a été abordée théoriquement dans la littérature , et je valide et complète cette démarche expérimentalement dans le chapitre . Enfin, nous le verrons, à la résonance, l’absorption se fait en théorie dans les parois métalliques du sillon et le mécanisme par lequel l’énergie de l’onde incidente à une longueur d’onde λ est concentrée dans une ouverture de dimension λ/70 reste à élucider.

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Table des matières

Introduction
I Introduction à la plasmonique
1 Plasmons de surface
1.1 Les Plasmons
1.1.1 Historique
1.1.2 Théorie de Drude : les plasmons de volume et les plasmons de surface
1.1.3 Condition d’existence des plasmons de surface
1.1.4 Relation de dispersion des plasmons de surface
1.2 Propriétés des plasmons de surface dans l’infrarouge
1.2.1 L’infrarouge
1.2.2 Longueur de propagation et confinement du champ
1.3 Excitation des plasmons et couplage à un réseau
1.3.1 Nécessité d’un couplage entre les plasmons de surface et les photons
1.3.2 Dispositifs coupleurs
1.4 Conclusion
2 Résonances plasmoniques dans les réseaux sub-longueurs d’onde
2.1 Les anomalies de Wood
2.1.1 Anomalies de Wood-Rayleigh
2.1.2 Anomalies de résonance
2.2 Les résonances de Fabry-Perot
2.2.1 Indice effectif
2.2.2 Résonance type Fabry-Perot
2.3 Conclusion
II Etude de résonateurs plasmoniques
3 Etude théorique et expérimentale de nanorésonateurs plasmoniques
3.1 Dimensionnement d’un nanorésonateur plasmonique à grand rapport d’aspect dans l’infrarouge
3.2 Fabrication
3.2.1 Utilisation d’un moule cristallin
3.2.2 Procédé de fabrication
3.3 Caractérisation optique de la structure
3.3.1 Description du montage
3.3.2 Caractérisation optique et simulations
3.4 Conclusion
4 Mécanisme de focalisation de l’énergie dans des ouvertures sub-longueur d’onde
4.1 Analyse énergétique
4.1.1 Flux de Poynting
4.1.2 Décomposition du flux
4.2 Analyse d’une interface isolée
4.2.1 Formalisme de l’interface isolée
4.2.2 Étude d’un système résonant
4.2.3 Étude d’un système hors résonance
4.3 Conclusion
5 Métamatériau à grand indice de réfraction
5.1 Equivalence entre un réseau métallique et un métamatériau
5.1.1 Formalisme de Shen, Catrysse et Fan
5.1.2 Application au réseau de sillons en or
5.2 Etude en incidence angulaire
5.2.1 Cas de l’incidence dans le plan perpendiculaire aux sillons
5.2.2 Mesure expérimentale en incidence dans le plan des sillons
5.3 Nouveau formalisme d’équivalence
5.4 Conclusion
6 Couplage de résonateurs plasmoniques
6.1 Couplage fort entre les plasmons de surface et le mode de cavité
6.1.1 Couplage fort dans des réseaux de sillons
6.1.2 Analyse énergétique de la résonance plasmonique à grand facteur de qualité
6.2 Couplage entre des résonateurs plasmoniques MIM verticaux
6.2.1 Couplage entre deux résonateurs de même indice effectif
6.2.2 Absorbant large bande
6.3 Couplage entre des résonateurs MIM plasmoniques horizontaux : application au tri de photons
6.3.1 Les structures métal/isolant/métal horizontales
6.3.2 Couplage entre les résonateurs MIM
6.3.3 Influence de la géométrie du biMIM sur le couplage
6.3.4 Fabrication et caractérisation de multi-résonateurs MIM horizontaux
6.3.5 Application au tri de photons indépendant de l’angle d’incidence
6.4 Conclusion
III Développement de méthodes numériques
7 Méthode modale B-spline
7.1 Méthode modale B-spline
7.1.1 Equation aux valeurs propres
7.1.2 Algorithme de matrices S
7.1.3 Convergence de BMM
7.2 Incidence conique
7.2.1 Equations de Maxwell en incidence conique
7.2.2 Formalisme de matrices S en incidence conique
7.2.3 Exemples numériques
7.3 Conclusion et perspectives
8 Accélération des calculs avec les matrices creuses
8.1 Calculs accélérés de valeurs propres
8.1.1 Problème général et techniques de résolution
8.1.2 Approximation du problème général
8.1.3 Exemples numériques
8.2 Algorithme de matrices S réduit
8.2.1 Principe de l’algorithme réduit
8.2.2 Applications
8.3 Conclusion
9 Modèle analytique multifentes et multisillons
9.1 Modèle analytique multi-fentes et multi-sillons
9.1.1 Présentation du problème
9.1.2 Modèle mono-mode
9.1.3 Modèle d’impédance de surface
9.1.4 Résolution pour les réseaux multi-sillons
9.1.5 Résolution pour une combinaison de fentes et de sillons
9.2 Exemple numérique : Réseaux de multi-sillons
9.3 Conclusion
10 Conception de fonctions optiques avec un algorithme génétique
10.1 Algorithme génétique
10.1.1 Principe de la conception de fonctions optiques
10.1.2 Choix de l’algorithme génétique
10.1.3 Déroulement de l’algorithme génétique
10.1.4 Paramètres et codage de l’algorithme génétique
10.2 Exemples d’optimisation de fonctions optiques avec l’algorithme génétique
10.2.1 Optimisation d’un absorbant large-bande couvrant une octave
10.2.2 Prise en compte de contraintes technologiques
10.2.3 Exploration de nouveau concepts
10.3 Conclusion et perspectives
Conclusion

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