INFRASTRUCTURES D’HÉBERGEMENT POUR DEMANDEURS D’ASILE
Tout demandeur d’asile doit se présenter à l’office des étrangers à Bruxelles. Si la demande reçoit un accueil favorable, il se voit attribuer un centre, non pas en fonction de sa demande mais en fonction des disponibilités et de l’équilibre interrégional. Le premier centre est toujours attribué de façon aléatoire. Par la suite, si la demande en est faite, ils peuvent être dirigés vers des centres plus adaptés à leurs besoins. Ces changements sont cependant soumis à certaines règles. Les infrastructures mises en place pour les demandeurs d’asile sont des structures d’accueil collectives. Autrement dit, des centres. À ce jour, il y en à 53 dans le réseau d’accueil belge. Fedasil gère 17 centres (4.554 places), la Croix-rouge francophone en gère 21 (4.906 places), la Croix-Rouge néerlandophone en gère 15. Il existe également d’autres petits partenaires qui représentent une capacité d’accueil de 949 personnes. Les premiers critères pour l’installation d’un centre sont la disponibilité et le prix de la location. C’est pourquoi il s’agit souvent d’anciennes casernes, d’anciens hôpitaux, des internats ou d’autres bâtiments inutilisés qui sont réaménagés avant occupation. Dans les faits, les centres sont tous des lieux dont la société n’a plus usage. Tous les centres s’avèrent donc être très différents les uns des autres. Ils diffèrent de par leur taille et leur situation. Certains se retrouvent en plein coeur de la ville et d’autres isolés en campagne ou encore au littoral. Le plus souvent, c’est l’opportunité qui prédomine.
Dans ces centres, les demandeurs reçoivent le gîte et le couvert ainsi que des aides sociales et psychologiques. Dans la plupart des cas, il s’agit de centres ouverts . Les 26 résidents sont donc autorisés à entrer et sortir comme bon leur semble. Ils sont cependant soumis à un règlement d’ordre intérieur afin d’éviter les écarts et faciliter la vie en communauté car ces personnes appartiennent à des nationalités, des cultures et des religions parfois très différentes.
LE CENTRE D’ACCUEIL POUR DEMANDEURS D’ASILE DE BIERSET
Ce centre se situe à proximité de la ville de Liège, à Bierset. Il s’agit ici d’une ancienne base aérienne militaire. Le site est défini par une route créant une boucle autour de laquelle se disposent à intervalles réguliers des pistes d’atterrissage hexagonales. De par son ancienne fonction d’hébergement de militaires, des baraquements équipés de sanitaires étaient déjà dispersés sur la propriété. La transformation du site en un centre d’accueil pour réfugiés fût, de ce fait, assez aisée. D’un point de vue programmatique, ce centre, comme toutes les autres structures d’accueil collectives, est composé de restaurants, de logements avec sanitaires et d’espaces rencontre. Cependant, il se démarque des autres par la présence d’infrastructures particulières améliorant le quotidien des résidents. Le bloc principal (rouge) rassemble les bureaux administratifs, la direction, les restaurants, la cuisine et les espaces rencontre. Autour de cela gravitent les blocs de vie où se trouvent les chambres. Elles sont organisées en chambres d’hommes isolés, de femmes isolées ou de familles (bleu clair). Il s’agit de chambres de 4 ou de 6 personnes et de chambres « famille ».
En fonction de la structure, il y a une cuisine communautaire et des sanitaires. La norme Fedasil impose un maximum de 10 personnes pour une douche et de 15 personnes pour un WC. À cela s’ajoutent 22 chalets de vie qui ont chacun une capacités d’accueil de 10 personnes. Ils ont l’avantage de posséder des sanitaires et une cuisine dans chacun d’entre eux. Un bâtiment (bleu foncé) est, quant à lui, spécialisé pour l’hébergement des demandeurs d’asile tout particulièrement fragilisés par leur voyage. Ils y bénéficient d’un meilleur isolement et d’un meilleur suivi psychologique.
ASPECTS PROBLÉMATIQUES DE CES CENTRES D’ACCUEIL
Le centre, qui rassemble un grand nombre de personnes au même endroit présente, pour les résidents, des avantages mais également des inconvénients. De manière générale, ces centres conservent un aspect marginalisant pour les immigrés et renforcent le processus d’exclusion. Leurs faibles qualités urbaines et architecturales sont acceptées par les pouvoirs publics au nom de leurs deux qualités temporelles : urgence et caractère temporaire.
Même si ces personnes n’ont pas la certitude d’obtenir leur statut de réfugié, il est tout de même important de leur offrir la possibilité de tisser des liens avec des habitants du pays d’accueil afin d’obtenir de l’aide et d’enrichir leurs souvenirs et leur intégration. Ce n’est pas parce que leur futur en Belgique est incertain que nous devons ignorer leurs besoins humains fondamentaux. Voici une liste non exhaustive des aspects problématiques humains et architecturaux des centres d’accueil belges.
L’IMPLANTATION
Les structures d’accueil collectives sont souvent excentrées par rapport aux villes car ce sont celles qui coûtent le moins cher. Rien qu’en terme de loyer, un espace tel que le centre de Bierset placé en plein cœur de Liège ou de Bruxelles serait inabordable. Fedasil récupère des sites, des endroits qui ne sont plus demandés par la population belge ou qui ne sont plus aux normes pour de l’hébergement classique.
Étant donné que c’est l’opportunité qui décide de l’implantation de ces structures d’accueil collectives sur le territoire belge, la position de celles-ci n’est pas idéale pour les demandeurs d’asile. Selon Eric Buyse, directeur de l’infrastructure d’accueil de Bierset, « ce qui est le plus important pour les demandeurs d’asile, c’est la localisation. Ils demandent à être le plus proche possible des grandes villes. » En effet, c’est la meilleure façon pour eux de construire un réseau social, de comprendre comment on vit en Belgique et quelles sont les priorités. Isolés dans des régions reculées, ils ne comprennent pas mieux la Belgique et ne rencontrent personne. Au bout du compte, cela ne leur apporte pas grand chose en terme d’intégration.
LES SANITAIRES
Les blocs d’habitation plus importants ne disposent que de sanitaires communs, ce qui est source de problèmes d’hygiène et de discrétion. Certaines personnes ont peur d’aller aux toilettes durant la nuit car elles redoutent de croiser quelqu’un dans les couloirs. Dans le centre de Bierset, les chalets ayant des sanitaires privés, les occupants de ces infrastructures ont plus d’autonomie et moins de problèmes de ce type. Il y a donc bien évidemment une très forte demande. L’idéal serait d’envisager la création de petits bungalows où les sanitaires ainsi que la cuisine pourraient être utilisés par un moins grand nombre de résidents. La Croix-Rouge est en possession d’un centre de ce type à Hotton. Ces infrastructures sont principalement mises à disposition de familles.
L’INTIMITÉ
La proximité dans les centres est un problème qui influence le sentiment d’intimité. Les demandeurs d’asile se retrouvent dans des chambres avec des personnes qu’ils ne connaissent pas, qui ont des religions, des mœurs et des cultures différentes. « Certaines personnes s’en retrouvent donc désœuvrées. Ils sont dans la peur, l’anxiété par rapport au résultat de leur demande d’asile. Ils remettent parfois en question leur choix d’exil . » Cela crée donc beaucoup de problèmes simultanément. La dimension et l’appropriation des lieux influencent le repos et le sentiment de soutien ressenti par les résidents. Un grand nombre de demandeurs d’asile ferait tout pour ne pas rester dans ces centres, même si ceux-ci représentent leur seul repère.
Le sentiment d’intimité évolue également en fonction du nombre d’individus résidant en même temps dans une chambre. Il est évident que moins il aura de personnes dans un logement, moins il y aura de problèmes à ce niveau.
L’ARCHITECTURE AU SERVICE DE L’INSTALLATION DES IMMIGRÉS
LOGER L’IMMIGRÉ APRÈS L’OBTENTION DU STATUT DE RÉFUGIÉ
Durant la période d’étude de son dossier, le demandeur d’asile reçoit une aide matérielle de la part de Fedasil. La procédure administrative se conclut, ou non, sur l’obtention du statut de réfugié, d’une protection subsidiaire ou d’une régularisation. Si la réponse est négative, le demandeur d’asile n’est pas reconnu comme réfugié. Il dispose de 3 jours pour se rendre dans un centre spécialisé sur les aides de retour au pays. Il doit en effet quitter la Belgique. S’il décide lui-même de rentrer chez lui, la Belgique l’aidera à acheter un billet d’avion, ou parfois même à reconstruire sa maison ou lancer sa petite entreprise dans son pays d’origine. Il faut savoir que la grande majorité des résidents ne désirent pas rentrer chez eux. Souvent, ils partent tenter leur chance dans un autre pays ou ils décident de rester, en passant dans la clandestinité.
En revanche, si la réponse est positive, le demandeur d’asile est accepté comme réfugié et obtient l’autorisation de rester sur le territoire belge. Il peut encore rester dans son centre d’accueil durant le «temps qui lui est nécessaire» pour trouver du travail et un logement. C’est Fedasil qui s’occupe de réaliser ces recherches.
Ces logements sont la plupart du temps des ILA (Initiative Locale d’Accueil) de transition. Les réfugiés peuvent y rester pour une période de plus ou moins 6 mois. Il s’agit de lieux individuels où on va leur apprendre le fonctionnement de la Belgique, que les travailleurs de la Croix-rouge appellent le « BME » (Belgique Mode d’Emploi). On leur y apprend les meilleures façons de s’adapter au quotidien. Comme par exemple le fonctionnement du CPAS, la manière de prendre un rendez-vous chez le médecin, etc.
LA DISCRIMINATION NORMATIVE
Dans le cas où le réfugié est en difficulté financière, comme c’est très souvent le cas, peu de logements sont abordables pour eux. Les ILA sont justement mis à leur disposition pendant une petite période afin de leur laisser le temps de trouver mieux. Dans le cas de ces logements, la problématique des normes apparaît. Il faudrait que de façon générale, la norme ne s’impose pas devant les besoins. Le sujet mérite donc d’être analysé sous deux aspects : réglementaire et architectural. Afin d’augmenter la proposition de « logements abordables », ne faudrait-il pas réviser les mécanismes rigides ou normatifs qui sont l’une des causes du manque de ce type de logements? « Cela permettrait de baisser le coût de la construction neuve, de simplifier la transformation et la mise à disposition d’espaces vacants ou encore de favoriser la densification ponctuelle de certains tissus urbains. Des outils ethnocentrés de l’urbanisme aux modes de production verrouillés du domaine bâti, chacun sait combien de rigidités pèsent sur la fabrique du logement. Il apparait ainsi paradoxalement que le manque d’habitations résulte autant de l’action des pouvoirs publics que de leur inaction . » .
Considérant que les efforts réalisés par les autorités publiques pour fournir à tous et sans discrimination les droits et les besoins humains fondamentaux sont louables mais insuffisants, l’idée d’un « droit à l’habitat minimum universel » semble être un moyen qui pourrait s’avérer efficace afin de résoudre certains problèmes faisant surface dans ce mémoire.
Il est important de ne pas interpréter l’utilisation du terme « minimum » comme une réduction cynique, mais comme « une invitation à renouveler la pensée du logement à partir de besoins élémentaires concrètement observés et réétudiés . » .
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Table des matières
Introduction
1. État de la question
1.1 Cadre réglementaire
1.2 Situation à l’échelle mondiale
1.3 Situation en Europe
1.4 Situation en Belgique
1.5 Problématique des logements pour immigrés en Belgique
1.6 Quel apport de l’architecture pour les demandeurs d’asile et les réfugiés ?
2. L’architecture au service de l’accueil des immigrés
2.1 Infrastructures d’hébergement pour demandeurs d’asile
2.2 Le centre d’accueil pour demandeurs d’asile de Bierset
2.3 Aspects problématiques de ces centres d’accueil
2.3.1 L’implantation
2.3.2 Les sanitaires
2.3.3 L’intimité
2.3.4 L’espace public
2.4 Les points à considérer lors de la reconversion d’un lieu en un centre d’accueil pour demandeurs d’asile
2.4.1 La sécurité
2.4.2 Le confort
2.4.3 L’intimité
2.4.4 L’autonomie
2.4.5 La flexibilité
2.4.6 L’expression de la culture et de la religion
2.4.7 La qualité architecturale
2.5 La pyramide de Maslow et le cercle de Stevenson
2.6 Quelles alternatives aux centres d’accueil ?
2.6.1 « Habiter les bâtiments tertiaires délaissés »
2.6.1.1 Pôle d’accueil et d’orientation de Porte de la Chapelle
2.6.2 Des habitations dans un « quartier d’accueil de la ville »
2.6.2.1 Centre pour demandeurs d’asile d’Ivry-sur-Seine
2.6.3 Conclusion
3. L’architecture au service de l’installation des immigrés
3.1 Loger l’immigré après l’obtention du statut de réfugié
3.2 La discrimination normative
3.3 Quelles alternatives pour améliorer l’installation des réfugiés ?
3.3.1 Associations d’aide au logement
3.3.2 Initiatives citoyennes
3.3.2.1 BXL-REFUGEES
3.3.2.2 « In My BackYard »
3.3.3 « Sécuriser les quartiers précaires »
3.3.4 « Des Maisons du Migrant en ville »
3.3.5 « Un bâtiment neuf, évolutif et réversible »
3.3.6 Occuper des maisons inhabitées
4. Quelles influences sur la ville de demain ?
Conclusion
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