Apprentissage et Mémoire
Généralités
La cognition décrit l’ensemble des processus qui permettent d’acquérir, de traiter, de mémoriser et d’agir à partir des informations de l’environnement. Elle inclut la perception, l’apprentissage, la mémoire et la prise de décision (Shettleworth 2001). L’apprentissage et la mémoire permettent à un individu de modifier et ajuster son comportement en fonction des fluctuations de son environnement et à partir de son expérience antérieure (Eibl-Eibesfeldt 1984; Pearce 2008; Shettleworth 2010).
L’aspect adaptatif des processus d’apprentissage et de mémoire peut être résumé par la citation suivante de Baddeley (in Schachter et Tulving 1994, p. 351) : « Je suppose que la mémoire, comme d’autres capacités cognitives, a évolué de façon à permettre à l’organisme d’appréhender un monde complexe mais structuré. Le monde n’est jamais entièrement prédictible, mais il a suffisamment de régularités pour que l’organisme puisse tirer avantage du passé pour prédire l’avenir, c’est-à dire utiliser l’apprentissage et la mémoire » En d’autres termes, la capacité à apprendre peut permettre à un individu d’acquérir une réponse comportementale pertinente à un moment donné. Le fait de pouvoir l’encoder, la stocker et la restituer lui permet par la suite de pouvoir exprimer à nouveau cette réponse sans avoir à la réacquérir complètement.
L’apprentissage
Différentes formes d’apprentissage
L’apprentissage peut revêtir des formes très variées. Une dichotomie classique entre les différentes formes d’apprentissage consiste à distinguer les apprentissages dits «nonassociatifs » des apprentissages dits « associatifs », dont font partie les conditionnements instrumentaux qui sont au cœur de ce travail de thèse.
Parmi les apprentissages non-associatifs, on retrouve l’habituation et la sensibilisation. L’habituation peut être définie par la diminution progressive d’une réponse de l’organisme à un stimulus neutre suite à une présentation répétée de ce stimulus. La sensibilisation correspond au contraire à l’augmentation d’une réponse à un stimulus neutre suite à l’exposition à un premier stimulus dit « sensibilisateur » ayant eu une répercussion a priori « négative » sur l’organisme (ex. douleur, peur).
Parmi les apprentissages associatifs, on trouve le conditionnement instrumental, sur lequel nous reviendrons plus en détails, et le conditionnement « classique ». Le conditionnement classique, également appelé conditionnement de type I ou Pavlovien, a été initialement mis en évidence par les travaux de Pavlov sur le modèle canin (1927). Le conditionnement classique décrit la procédure par laquelle un stimulus neutre (ou stimulus conditionnel « SC ») est associé de manière répétée à un stimulus inconditionnel (« SI ») qui induit une réponse exprimée de manière inconditionnelle, de telle sorte que le SC finisse par induire lui-même cette réponse (Bouton 2007). Cette réponse peut alors être qualifiée de « conditionnée » puisqu’elle peut être induite par la seule présence du SC une fois l’acquisition terminée.
L’apprentissage instrumental
Description et définition
La description de cette forme d’apprentissage trouve ses origines dans des travaux réalisés au début du XXème siècle par Thorndike et Skinner. Thorndike (1911), tout d’abord, a mené une série d’expériences où il a observé que des chats enfermés dans une boîte ouvrable par la manipulation d’une sorte de loquet réussissaient de plus en plus rapidement et efficacement à s’extraire de la boîte au fil des répétitions. Thorndike en a conclu qu’un apprentissage avait lieu et se faisait au regard de l’effet que produisait l’action volontaire de l’animal (la manipulation du loquet entraîne l’ouverture de la porte). Il énonce alors ce qu’on appelle la « loi de l’effet » : « tout comportement qui conduit à un état satisfaisant de l’organisme a tendance à se reproduire ». Skinner (1938) a, quant à lui, mis en place le fameux dispositif, connu aujourd’hui sous le nom de « boîte de Skinner », où un rat doit appuyer sur un levier pour obtenir une récompense alimentaire.
Le conditionnement instrumental (ou opérant, de type II, ou Skinnerien) se réfère à la procédure par laquelle un organisme acquière une réponse comportementale active et volontaire en réponse à une situation spécifique et au regard des conséquences qu’aura cette action (Delacour 1998; Bouton 2007). Une procédure de conditionnement instrumental se compose donc :
– d’un ensemble de stimuli constituant la situation spécifique (« S ») où l’animal à l’opportunité de répondre
– d’une réponse active et volontaire produite par le sujet (« R »)
– de conséquences provoquées par la réponse fournie par le sujet (« C ») .
Bien que les qualificatifs d’instrumental et d’opérant sont souvent utilisés indifféremment dans les études, certains auteurs ont mis en lumière une nuance entre les deux termes qui tiendrait de la modalité de la tâche. Ainsi, on parlerait plutôt « d’opérant » dans le cas où l’animal est libre d’exprimer autant de réponses qu’il le souhaite (ex. le rat peut appuyer plusieurs fois sur le levier dans le dispositif de Skinner), et « d’instrumental » dans le cas où l’expérimentateur doit à chaque fois mettre en place la situation où l’animal a la possibilité de répondre (ex. le chat ne peut ouvrir qu’une fois la boîte, jusqu’à l’essai suivant où il est à nouveau enfermé dans le dispositif de Thorndike, Bouton 2007). Cependant, à notre connaissance, aucune étude n’a suggéré jusqu’à présent qu’une différence de nature cognitive ou neurobiologique pourrait exister entre la condition « opérante » et « instrumentale ». Dans le cadre de ce manuscrit de thèse, nous emploierons donc le terme «instrumental » pour désigner an sens large ces deux conditions de test. La notion de « rétroaction » qu’exerce le milieu sur l’action instrumentale réalisée par l’organisme est un élément essentiel dans la compréhension des processus cognitifs mis en jeu lors de l’apprentissage instrumental. Les conséquences, augmentant la probabilité d’apparition d’un comportement dans le cadre de cet apprentissage, sont appelées renforcements et peuvent être de nature positive ou négative. Les renforcements dits « positifs » correspondent aux évènements / stimuli qui apparaissent comme conséquences de la réponse. Les renforcements positifs correspondent souvent à des récompenses alimentaires ou à l’accès à une boisson, mais d’autres types de renforcements positifs peuvent être utilisés. Par exemple, Lee et ses collaborateurs (1999) ont exploré la question de la motivation maternelle en soumettant des rates à un conditionnement instrumental où l’action d’appuyer sur un levier permettait la distribution de nourriture dans un premier temps (phase d’entrainement), puis permettait l’accès à un raton nouveau-né dans un second temps (phase de test). Les renforcements dits « négatifs » correspondent quant à eux aux évènements / stimuli qui cessent ou disparaissent comme conséquences de la réponse. Par exemple, dans le cadre d’une tâche instrumentale d’évitement actif, un animal doit apprendre à se déplacer dans un des deux compartiments délimités dans l’aire de test où il se trouve pour faire cesser l’émission de chocs électriques (exemple chez le rat : Brush et al. 1985; Vicens-Costa et al. 2011; chez le guppy : Budaev et Zhuikov 1998) ou de jets d’air (exemple chez le cheval : Lansade et Simon 2010).
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Table des matières
Liste des annexes
Liste des publications
Autres communications avec comité de lecture
INTRODUCTION
A. Apprentissage et Mémoire
1. Généralités
2. L’apprentissage
3. L’Extinction
4. Les systèmes de mémoire
5. Variabilité interindividuelle des performances d’Apprentissage et Mémoire
B. Tempérament
1. Généralités sur le tempérament
2. Le tempérament chez l’animal
3. Les principaux traits et dimensions de tempérament étudiés chez l’animal
4. Comment mesurer le tempérament ?
5. Influences génétiques et environnementales sur le tempérament
6. L’étude du tempérament dans un contexte plus large
C. Influence du tempérament sur les performances d’Apprentissage et de Mémoire
1. Les différentes approches expérimentales
2. Influence des traits / dimensions de tempérament sur les performances
d’apprentissage
D. Le stress : modulateur des relations entre tempérament et performances d’apprentissage et de mémoire ?
1. Généralités sur le stress
2. Stress et performances cognitives
3. Sensibilité au Stress et tempérament
4. Stress, tempérament et performances cognitives
E. Le modèle équin
1. Pourquoi ce choix du modèle équin ?
2. Etat des lieux des connaissances chez le cheval
OBJECTIFS GENERAUX DE LA THESE
A. Synthèse de la problématique
B. Les questions posées dans le cadre de la thèse
C. Choix expérimentaux
D. Plan de la thèse
CHAPITRE 1 : Relations entre tempérament et performances cognitives en l’absence de stress extrinsèque
A. Objectifs
B. Hypothèses
C. Méthodologie générale
D. Article 1
E. Discussion et conclusion du chapitre 1
CHAPITRE 2 : Relations entre tempérament et performances cognitives en cas
d’exposition à des facteurs de stress extrinsèques
A. Objectifs et contexte
B. Hypothèses
C. Méthodologie générale
D. Article 2
E. Article 3
F. Discussion et conclusion du chapitre 2
CHAPITRE 3 : Relations entre tempérament et performances cognitives en cas
d’exposition à des facteurs de stress extrinsèques et/ou intrinsèques
A. Objectifs
B. Hypothèses
C. Méthodologie générale
D. Article 4
E. Discussion et conclusion du chapitre 3
CONCLUSION GENERALE
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