Influence du néochamanisme et recherche mystique

Influence du néochamanisme et recherche mystique

Données de consommation Population adulte :

Les substances utilisées dans un but hallucinogène peuvent être d’origine synthétique comme le LSD et la kétamine ou d’origine naturelle avec, pour les plus fréquemment consommées, les champignons hallucinogènes et, de façon plus confidentielle, des plantes telles que la sauge divinatoire, le datura, l’ayahuasca, le peyotl, l’iboga ou la liane d’argent [4]. L’utilisation de substances hallucinogènes naturelles se révèle relativement rare dans la population générale puisqu’une étude de l’INPES (Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé) réalisée en 2014 auprès de plus de 13 000 personnes âgées de 18 à 64 ans estime que seulement 0,3 % de la population aurait consommé des champignons hallucinogènes au cours de l’année précédente (tableau 1). Ce chiffre était de 0,2 % en 2010. Ces taux de consommation se situent au même niveau que ceux du LSD et des amphétamines et sont très légèrement supérieurs à ceux de l’héroïne. De plus, c’est entre 18 et 25 ans que la consommation est maximale (1,6 %) [5].

Cependant, l’expérimentation, c’est-à-dire le fait d’avoir consommé le produit au moins une fois dans sa vie, est importante puisque les champignons hallucinogènes se situent en 4e position après les autres substances illicites que sont le cannabis, les poppers et la cocaïne. Ainsi, 4,8 % de la population des 18-64 ans auraient expérimenté les champignons (tableau 2) [5]. Ce chiffre est en hausse par rapport à 2005 et 2010, années pour lesquelles des études de l’INPES l’évaluaient à 2,8 puis 3,2 % [4,6]. Comparativement, le LSD est presque deux fois moins essayé (2,6 %). Les jeunes générations sont plus marquées par cette tendance puisque la proportion de personnes ayant testé les champignons s’élève en 2014 à 6,6 % et 8,4 % dans les tranches d’âge de, respectivement, 18-25 ans et 26-34 ans. Les champignons hallucinogènes sont aussi plus fréquemment consommés par les hommes (6,8 %) que par les femmes (2,8 %) [5]. L’OFDT (Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies) ne livre pas dans son rapport d’estimation quant à la consommation des plantes hallucinogènes qui semble trop confidentielle pour être évaluée dans des enquêtes réalisées dans la population générale [4].

Population jeune (moins de 18 ans) Selon l’enquête ESCAPAD (Enquête sur la Santé et les Consommations lors de l’Appel de Préparation A la Défense) réalisée par l’OFDT en 2014 auprès de plus de 26 000 jeunes de 17 ans, les champignons auraient déjà été testés par 3,8 % d’entre eux contre 1,6 % pour le LSD. Tendance confirmée à l’âge adulte, les garçons sont presque deux fois plus nombreux que les filles à tenter l’expérience des champignons hallucinogènes : 5 % des garçons contre 2,7 % des filles [7]. La kétamine et le GHB demeurent pour leur part d’utilisation très marginale auprès de cette classe d’âge. Le tableau 3 présente, afin de comparer avec 2014, les résultats de l’enquête ESCAPAD menée en 2011. On observe une légère augmentation de la fréquence d’expérimentation entre 2011 et 2014 [4,7]. Cependant, comme pour la majorité des produits expérimentés à l’âge de 17 ans, les jeunes se limitent souvent à une consommation. Pour les champignons hallucinogènes, 76 % d’entre eux n’en ont consommé qu’une seule fois [7].

Population fréquentant les CAARUD Les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques chez les usagers de drogues (CAARUD) reçoivent des personnes en situation souvent précaire afin de les aider à diminuer les risques encourus, infectieux par exemple, à travers des programmes d’échanges de seringues, de les informer et les orienter vers le système de soins. La direction générale de la santé a initié en 2006 la réalisation d’enquêtes biennales nationales dans les CAARUD, nommées ENa-CAARUD, afin de mieux cerner les usagers, leurs habitudes et leurs besoins et ainsi d’améliorer les solutions à apporter par les professionnels de santé et les pouvoirs publics [8]. Les substances hallucinogènes ne font pas exception à la large gamme de produits illicites consommés par les personnes rencontrées dans les CAARUD. Dans l’étude ENa-CAARUD de 2012 menée pendant une semaine auprès de 2905 usagers, 16 % des personnes interrogées avaient consommé des substances hallucinogènes dans le mois précédent l’enquête avec, plus précisément, 8 % d’usagers de plantes hallucinogènes, 7 % de LSD et 11 % de kétamine. Ces chiffres sont très largement supérieurs à ceux, précédemment, rencontrés dans la population générale. On atteint même 71 % de consommateurs d’hallucinogènes dans la sous-population des polyusagers de « l’espace festif », catégorie développée dans le prochain paragraphe[8]. Cependant, seul 0,7 % des personnes interrogées dans le cadre de l’enquête de 2012 désigne les hallucinogènes comme le produit consommé au cours du mois précédent leur ayant posé le plus de problèmes. De même, une très modeste proportion des prises en charges de patients dans les centres de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) concerne une consommation problématique de substances hallucinogènes : 0,2 % en 2011 [4,8].

Influence du milieu festif de la musique techno

L’espace festif techno alternatif est très propice à la découverte et à la consommation de substances hallucinogènes. Il regroupe des manifestations organisées autour de la musique techno, détaillées dans la troisième partie de ce travail, telles que les « free party », les « rave party » et les « zones off » de festivals. L’espace festif techno commercial, comprenant les discothèques et soirées privées, est pour sa part moins concerné. L’enquête Quanti-festif menée en 2004 et 2005 par l’OFDT et le collectif TREND (Tendances Récentes Et Nouvelles Drogues) met en évidence l’attrait exercé par les substances hallucinogènes dans ces milieux techno. En effet, 54,9 % des personnes interrogées fréquentant l’espace festif techno reconnaissent avoir expérimenté les champignons hallucinogènes, devant le LSD (45,4 %) et la kétamine. Ce chiffre atteint 81,1 % dans la sous-population de l’espace alternatif (tableau 4). De même, 12,4 % des personnes fréquentant les milieux techno et 24,8 % des adeptes de l’espace alternatif ont consommé des champignons lors du mois précédent l’enquête [4]. Ces chiffres illustrent combien la fréquentation de l’espace techno favorise l’exposition aux plantes et champignons hallucinogènes et conduit à une très importante augmentation de leur consommation par rapport à la population générale.

Législation: Le cadre juridique de la politique française concernant les produits illicites est déterminé par la loi n°70-1320 du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l’usage illicite de substances vénéneuses. Cette loi, intégrée au Code pénal et au Code de la santé publique, établit ainsi que la production, la fabrication, l’importation, l’exportation, l’acquisition, la possession, l’usage, le transport, l’offre, la cession (même gracieuse) et la vente de stupéfiants sont interdits. L’objectif de cette loi est donc de lutter contre la demande et l’offre de stupéfiants : l’usage et le trafic [4,9,10]. La loi s’applique à une liste d’environ 200 produits stupéfiants établie par arrêté du ministre de la Santé, à partir d’une proposition du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) [4].

Sont également inclus dans la liste française les produits classés comme illicites par les conventions internationales de l’ONU sur avis de l’OMS. L’entrée d’une substance sur cette liste des stupéfiants est conséquente à son évaluation en termes de toxicité, d’éventuel intérêt thérapeutique et de potentiel d’abus et de dépendance par l’ANSM en France ou par des recommandations européennes ou de l’OMS. L’établissement de la liste des stupéfiants vise ainsi à garantir la santé publique en prémunissant la population de la libre diffusion de produits jugés néfastes [11]. Plusieurs plantes et champignons hallucinogènes détaillés dans ce travail ainsi que certaines molécules qu’ils renferment et leurs isomères, esters, éthers, sels et préparations les contenant sont classés sur la liste des stupéfiants. Sont ainsi interdits selon l’arrêté du 22 février 1990 dans sa version consolidée du 24 avril 2017 [12]:

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Table des matières

LISTE DES ABREVIATIONS
INTRODUCTION
PARTIE I : ETAT DES LIEUX
1. Quelques notions essentielles concernant les substances abordées
2. Données épidémiologiques
2.1. Données de consommation
2.1.1. Population adulte
2.1.2. Population jeune (moins de 18 ans
2.1.3. Population fréquentant les CAARUD
2.2. Influence du milieu festif autour de la musique techno
3. Législation
3.1. Cadre légal
3.2. Sanctions encourues
3.3. Saisies
PARTIE II : DESCRIPTION DES PLANTES ET CHAMPIGNONS
1. Argyreia nervosa (Burm. f.) Bojer : rose des bois et autres Convolvulacées à graines riches en LSA
1.1. Description botanique
1.2. Utilisation
1.3. Partie utilisée et modes de préparation
1.4. Molécules impliquées et mécanisme d’action
1.5. Effets
1.6. Toxicité
1.7. Potentiel thérapeutique du LSA
2. Banisteriopsis caapi (Spruce ex Griseb.) Morton : ayahuasca
2.1. Description botanique
2.2. Utilisation
2.3. Parties utilisées et modes de préparation
2.4. Molécules impliquées et mécanisme d’action
2.5. Effets
2.6. Toxicité
2.7. Potentiel thérapeutique de l’ayahuasca
3. Lophophora williamsii (Lem. ex Salm-Dyck) J.M. Coult. : peyotl et Trichocereus pachanoi Britton & Rose : san pedro
3.1. Description botanique
3.2. Utilisation
3.3. Partie utilisée et modes de préparation
3.4. Molécules impliquées et mécanisme d’action
3.5. Effets
3.6. Toxicité
3.7. Potentiel thérapeutique de la mescaline
4. Salvia divinorum Epling & Játiva : sauge divinatoire
4.1. Description botanique
4.2. Utilisation
4.3. Partie utilisée et modes de préparation
4.4. Molécules impliquées et mécanisme d’action
4.5. Effets
4.6. Toxicité
4.7. Potentiel thérapeutique de la salvinorine A
5. Quelques Solanacées hallucinogènes : belladone, datura, jusquiame et mandragore
5.1. Description botanique
5.2. Utilisation
5.3. Parties utilisées et modes de préparation
5.4. Molécules impliquées et mécanisme d’action
5.5. Effets
5.6. Toxicité
5.7. Utilisation pharmaceutique de l’atropine et de la scopolamine
6. Tabernanthe iboga Baill. : iboga
6.1. Description botanique
6.2. Utilisation
6.3. Partie utilisée et modes de préparation
6.4. Molécules impliquées et mécanisme d’action
6.5. Effets
6.6. Toxicité
6.7. Utilisation pharmaceutique et potentiel thérapeutique de l’ibogaïne
7. Champignons hallucinogènes
7.1. Amanite tue-mouche : Amanita muscaria
7.1.1. Description botanique
7.1.2. Utilisation
7.1.3. Parties utilisées et modes de préparation
7.1.4. Molécules impliquées et mécanisme d’action
7.1.5. Effets
7.1.6. Toxicité
7.1.7. Potentiel thérapeutique de l’amanite tue-mouches
7.2. Champignons à psilocybine
7.2.1. Description botanique de Psilocybe lanceolata
7.2.2. Utilisation
7.2.3. Parties utilisées et modes de préparation
7.2.4. Molécules impliqués et mécanisme d’action
7.2.5. Effets
7.2.6. Toxicité
7.2.7. Utilisation pharmaceutique et potentiel thérapeutique de la psilocybine
PARTIE III : CADRE SOCIOLOGIQUE
1. Modalités de consommation
1.1. Contexte de consommation
1.1.1. Espace festif techno
1.1.2. Influence du néochamanisme et recherche mystique
1.1.3. Population précaire
1.2. Approvisionnement
1.2.1. Approvisionnement « traditionnel »
1.2.2. Internet
1.3. Motivations des consommateurs
2. Représentations et sens associés à l’usage des substances
2.1. Plantes enchanteresses
2.2. Plantes d’égarement
2.3. Plantes visionnaires
3. Conséquences en termes de risques sanitaires et sociaux
3.1. Risque physique
3.2. Risque psychologique et psychiatrique
3.3. Risque accidentel et criminel
4. Le pharmacien et la prévention
4.1. Conseils aux usagers
4.2. Sources d’information et prise en charge
4.2.1. Sites internet et autres sources d’information
4.2.2. Structures spécialisées en addictologie
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES ILLUSTRATIONS
TABLE DES TABLEAUX
ANNEXES

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