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Les polluants atmosphériques
La cinétique de corrosion du cuivre et de ses alliages peut aussi être influencée par la présence de polluants dans l’atmosphère, qui vont charger l’électrolyte en espèces plus ou moins corrosives provenant des gaz atmosphériques, des gaz polluants et des particules présentes dans l’air (Figure 3 gauche). En fonction de la nature du polluant et du métal, la vitesse de corrosion va être modifiée (Tableau 1). Il a été montré que des objets soumis à un environnement industriel se corrodaient beaucoup plus rapidement que des objets exposés à un milieu urbain ou à un milieu rural (Figure 3 droite).
Dans le cas du cuivre et du bronze, deux polluants majeurs interviennent dans la modification de la cinétique de corrosion, le dioxyde de soufre et les dioxydes d’azote. Les sulfates présents dans la couche de produits de corrosion du cuivre proviennent de trois sources principales : l’eau de pluie, l’adsorption et oxydation de SO2 dans la couche d’électrolyte et les particules de sulfates dans les aérosols. Le dioxyde de soufre et son effet corrosif sur les métaux en milieu extérieur a été étudié dès les années 1920 par Vernon [7]. L’augmentation de la corrosion avec le développement de l’utilisation de combustibles fossiles (notamment pour le chauffage domestique) avec des teneurs en soufre élevées, est caractéristique de nombreuses villes en Europe. Cependant depuis les années 1980, des mesures ont été prises afin de diminuer les émissions de SO2 dans l’atmosphère (Figure 4). Cette diminution s’est accompagnée d’une baisse de la corrosion atmosphérique des métaux exposés en extérieur [14]. Les dioxydes d’azote présents dans les polluants atmosphériques vont, eux aussi, avoir un effet sur la cinétique de corrosion du métal, par des phénomènes de synergie, lorsqu’ils sont en présence d’oxydes de soufre, selon l’équation suivante : SO2 + 2NO2 + 2H2O → 2H+ + SO42- + 2HNO2
La réaction entre ces deux gaz va produire de l’acide sulfurique et de l’acide nitrique dans l’électrolyte, augmentant ainsi la dissolution du cuivre et donc la vitesse de corrosion.
Les couches de produits de corrosion et leur définition dans le cadre patrimonial
Dans les conditions atmosphériques classiques, la couche de produits de corrosion formée sur du cuivre est donc après quelques jours ou mois d’exposition composée d’une couche interne constituée de cuprite (Cu2O) et d’une couche externe de brochantite (Cu4SO4(OH)6). Chacune de ces couches a des propriétés propres qui confèrent à la couche de produits de corrosion des caractéristiques particulières.
4Centre technique de référence en matière de pollution atmosphérique et de changement climatique – quantifie, identifie, expertise et communique des données d’émissions dans l’atmosphère, des variables explicatives et des indicateurs d’efficacité.
Formation de la couche interne de produits de corrosion
En considérant la réaction équivalente suivante : 2 Cu+(aq) + 2 OH-(aq) ↔ Cu2O(s) + H2O(aq), cette première équation induit la formation de cuprite, Cu2O, première couche de produits de corrosion formée à la surface du métal de quelques nanomètres d’épaisseur. C’est le premier stade de corrosion, prémices de la couche interne formée sur le long terme qui sera discutée ultérieurement. La croissance de cette couche de cuprite va être contrôlée par la diffusion des ions Cu+ du métal vers l’électrolyte à travers la couche d’oxyde (Figure 5) par la formation de lacunes cationiques, VCu+, formées à l’interface entre l’électrolyte et la couche d’oxyde Cu2O lors du processus de corrosion. Ces lacunes cationiques vont migrer à travers la couche d’oxyde, jusqu’à l’interface avec le métal [9]. Le film d’oxyde de cuivre va donc croître et former une couche compacte entre le métal et l’environnement extérieur [15].
Une fois cette première couche d’oxydes stabilisée, deux autres réactions interviennent alors en parallèle : i) la précipitation de l’oxyde de cuivre (I), la cuprite, qui va accroître l’épaisseur de la couche interne et ii) l’oxydation des ions Cu+ en ions Cu2+ en présence d’espèces oxydantes dissoutes dans la couche d’électrolyte, correspondant à la dissolution de la cuprite.
Dans le cadre de la corrosion sur le long terme et des objets du patrimoine, cette couche interne de cuprite (Cu2O) apporte une propriété intéressante puisque c’est un minéral peu soluble dans l’eau, ce qui va empêcher sa dissolution au contact des eaux de pluie en extérieur[16]. La présence de cette couche dense va donc ralentir la diffusion des ions Cu+ du métal vers l’électrolyte. Elle a donc un effet protecteur et permet le ralentissement du processus de corrosion.
Cet effet protecteur semble lié aux propriétés semi-conductrices de la cuprite, comme l’expliquent les travaux de North et Prior qui montrent le comportement de résistance ohmique des couches d’oxydes de cuivre Cu2O obtenues à la surface du métal [17]. Les travaux de Fitzgerald et al., en 2006 [9], semblent, quant à eux, indiquer que la cuprite se stabilise dans le temps, sur une épaisseur de 5 microns après un certain nombre d’années d’exposition. Ceci semble supposer que la vitesse d’oxydation du métal, et donc la vitesse de formation de la cuprite, est contrôlée par la vitesse de dissolution de cette même cuprite. La stabilité de la cuprite peut cependant être limitée dans certaines circonstances, notamment lors de la présence de chlorures Cl- dans l’électrolyte notamment en conditions côtières ce qui a pour conséquence d’entraîner une dissolution localisée de la couche de cuprite. Ce point est discuté dans la partie suivante relative à la corrosion en atmosphères particulières.
Dans les conditions d’exposition atmosphérique, les ions Cu2+ vont précipiter à la surface de la couche de cuprite avec différentes espèces atmosphériques dissoutes en solution. Il y a donc formation d’une seconde couche au-dessus la première couche de cuprite, dite couche externe de produits de corrosion, dont la nature va être influencée par les conditions environnantes, comme cela a été discuté plus haut (partie I.2).
Formation de la couche externe de produits de corrosion
La nature de la couche externe de produits de corrosion va dépendre de la nature des espèces présentes dans l’atmosphère environnante, et donc dans l’électrolyte à l’interface avec la couche de cuprite [4],[7],[11], [12], [18], [19]. Ces espèces présentes dans l’électrolyte sont des espèces oxydantes qui vont donc oxyder les ions cuivre (I) Cu+ provenant de la dissolution de la cuprite en ions cuivre (II) Cu2+ pour former des sels solubles à la surface de la cuprite.
Dans les conditions atmosphériques standard, les ions Cu2+ vont réagir avec les ions SO42-présents dans l’atmosphère [2]. En présence d’eau et de dioxygène, le dioxyde de soufre SO2 va s’oxyder pour former des ions SO42- selon la réaction suivante : SO2 + H2O + ½ O2 → H2SO4
Les ions Cu2+, formés par dissolution de la cuprite et oxydation des ions Cu+, vont ensuite réagir avec les ions SO42- pour former des oxyhydrosulphates, ou brochantite Cu4SO4(OH)6 au-dessus de la couche de cuprite (Figure 6) : 2Cu+ + ½ O2 + H2O → 2Cu2+ + 2OH- 4Cu2++ SO42- + 6OH- → Cu4SO4(OH)6
La brochantite Cu4SO4(OH)6 va recouvrir la couche de cuprite Cu2O, formant une seconde couche de produits de corrosion à la surface du métal (Figure 7), relativement poreuse de couleur vert-gris, caractéristique de la patina mentionnée précédemment.
La porosité de cette couche de brochantite va donc faciliter le processus de corrosion, puisque la diffusion des ions Cu+/Cu2+ et des espèces oxydantes à travers cette couche est ainsi permise. Il semblerait donc que cette couche externe soit moins protectrice que la couche interne.
Cependant certaines études ont montré que la brochantite n’était pas formée directement mais par l’intermédiaire de phases sulfatées métastables comme la standbergite Cu25 SO4(OH)32H2O et la posnjakite Cu4SO4(OH)6H2O. Ces précurseurs métastables sont très vite convertis en antlérite Cu3(OH)4SO4 et en brochantite [4], [6], [20]–[22]. La langite Cu4(SO4)(OH)6·2H2O est également définie comme précurseur de l’antlérite et de la brochantite lorsque la teneur en soufre dans l’atmosphère est relativement faible [4], [12], [22]. Le schéma en Figure 8 présente les différents composés formés au cours de l’exposition en milieu extérieur d’objets, en présence d’éléments soufrés et en fonction du temps d’exposition.
L’étude de Graedel de 1987 sur les mécanismes de formation des patines du cuivre en conditions atmosphériques conclut sur la formation très majoritaire de brochantite en couche externe des produits de corrosion du cuivre formée naturellement en milieu extérieur [23].
Dans des conditions atmosphériques particulières, l’atmosphère peut être beaucoup plus riche en chlore que la normale. C’est notamment le cas des zones côtières avec une forte concentration d’aérosols marins ou encore des zones industrielles dans lesquelles les produits d’émission par les usines, souvent chlorés, produisent une atmosphère riche en chlore (sels de déverglaçage, usines d’incinération, mines d’exploitations de sel). Dans ce cas, lorsque l’atmosphère est riche en chlore, les ions Cu+ vont alors réagir avec les ions Cl- d’après la réaction suivante : Cu+ + Cl- → CuCl Ceci donne lieu à la formation de nantokite (CuCl) au-dessus de la couche interne de produits de corrosion. Ce composé de cuivre (I) est cependant thermodynamiquement peu stable et va donc se transformer en atacamite Cu2Cl(OH)3 (structure orthorhombique) et en clinoatacamite Cu2Cl(OH)3 (structure rhomboédrique), deux phases polymorphes qui sont alors majoritaires dans la couche externe de produits de corrosion du cuivre (Figure 9) [4], [12], [20], [22], [24]. Les réactions de cette transformation sont présentées ci-dessous :
2 Cu+ + ½ O2 + H2O → 2 Cu2+ + 2 OH-
2 Cu2+ + Cl- + (OH)3 → Cu2Cl(OH)3
En revanche, quelques études ont révélé la présence de nantokite sous la couche de cuprite. Cela peut s’expliquer par la dissolution localisée de la couche d’oxyde de cuivre(I) en présence de sels solubles comme CuCl2, permettant ainsi le transport de l’électrolyte et des ions Cl- à l’interface entre la couche de cuprite et le métal [12]. La présence de phases chlorées dans la couche de produits de corrosion peut également entraîner un relargage d’ions Cl- et de protons H+ dans le film aqueux lors de leur réaction avec SO2 et créer ainsi un électrolyte acide qui va favoriser la corrosion localisée du métal [12], [20].
Graedel & al. ont étudié la stabilité des différentes phases présentes dans les couches de produits de corrosion et ont montré que l’atacamite et la clinoatacamite étaient thermodynamiquement moins stables que les phases sulfatées comme la brochantite [25]. Les phases chlorées sont donc plus facilement éliminées par les eaux de pluie, diminuant ainsi l’épaisseur de la couche externe des produits de corrosion.
La protection des cuivres et des bronzes pour le patrimoine culturel
La protection du cuivre et des métaux en général est une problématique qui s’applique à de nombreux secteurs, l’objectif étant de protéger le métal de la corrosion. Dans le secteur industriel, les traitements de protection s’appliquent directement sur le métal nu. Dans le cas du patrimoine culturel et de la statuaire en cuivre et en bronze, les traitements de protection sont appliqués sur un métal corrodé, et donc sur une couche de produits de corrosion davantage complexe et hétérogène. Le développement des traitements de protection va donc varier en fonction de la nature du métal et de la couche de produits de corrosion sur lesquels ils vont être appliqués. Bien que l’objectif principal de ralentissement de la corrosion soit le même dans le patrimoine culturel, ce dernier doit en plus considérer la modification de l’aspect de la surface traitée. En effet, la Charte de Venise de 1965 fixe plusieurs impératifs auxquels doit répondre tout traitement de protection avant son application sur un objet patrimonial [26]. Le premier critère est le respect de l’apparence d’origine de l’objet, le second, la réversibilité du traitement. De fait, le développement de traitements de protection pour le patrimoine métallique doit également prendre en compte ces deux critères fondamentaux. La question de l’aspect, ou apparence, de l’œuvre implique donc de travailler avec des produits transparents et solubles, qui vont permettre d’obtenir le résultat souhaité.
Les restaurateurs-conservateurs du patrimoine utilisent ainsi différents types de traitements, tous respectant ces conditions. Mais leur efficacité est variable, bien que la comparaison de cette efficacité soit difficile à établir, puisque dépendant d’un grand nombre de paramètres (lixiviation, pluies acides, pollutions, UV) [27], [28]. Il est cependant possible de distinguer deux catégories de traitements de protection : les revêtements, vernis et cires, et les inhibiteurs de corrosion.
Un autre type de traitement développé ces dernières années et utilisé dans le patrimoine consiste en l’emploi de sol-gels. Leur application dans le domaine du patrimoine est très récente et a d’abord été employée pour la conservation de la pierre. Le sol-gel est alors utilisé comme traitement de consolidation de la pierre grâce à sa pénétration et réticulation dans les porosités du minéral [29]–[32] Ce n’est que très récemment que des premiers essais d’application de coatings sol-gel pour la protection des métaux du patrimoine ont été étudiés.
Les cires et vernis traditionnels
Les cires sont des esters d’acide gras d’origine végétale (expl. la cire de Carnauba) ou animale (expl. cire d’abeille, encaustique) qui vont agir comme une barrière physique entre la surface de l’objet (métal ou couche de corrosion) et l’environnement [33], [34]. Elles sont employées pour la conservation-restauration dès le 19ème siècle, car elles permettent d’obtenir l’effet protecteur recherché, tout en répondant aux critères de la Charte de Venise (aspect transparent, réversibilité). Ces cires d’origine naturelle ont cependant l’inconvénient de produire, en réaction avec l’humidité de l’air, des acides organiques qui vont accélérer la corrosion du métal [59,63]. Autre point négatif de ces cires, leur faible résistance aux contraintes entrainées par les variations de température des objets exposés en extérieur [35].
C’est pourquoi, quelques décennies plus tard, les cires synthétiques sont développées et appliquées au patrimoine métallique. Ce sont des cires dotées d’une microstructure cristalline, composées d’hydrocarbures saturés à longues chaînes [34], [36]–[41].
Malgré tout, ces cires synthétiques ont une limite d’efficacité en termes de durée dans le temps. Les objets protégés à l’aide de cires microcristallines nécessitent donc un entretien régulier, à savoir une application de cire tous les ans ou tous les deux ans, ce qui s’avère souvent difficile dans la pratique [42].
Les vernis sont des polymères qui, appliqués à la surface du métal ou de la couche de produits de corrosion, agissent comme une barrière mécanique (physique) qui va limiter les interactions entre l’objet et son environnement. Les premiers vernis utilisés sur des objets en alliage cuivreux sont des composés de nitrate de cellulose. Ces polymères se sont cependant rapidement révélés peu efficaces en conditions d’exposition extérieure, notamment pour des problèmes d’adhérence et de faible tenue face à l’humidité et aux UV [43], [44]. Ce sont donc des vernis à base de polymères acryliques, composés principalement de copolymères méthacrylate d’éthyle / acrylate de butyle (CH2=C(CH3)COOC2H5 / CH2=CHCOO(CH2)3CH3) (Paraloïd B72, Paraloïd B44), qui sont ensuite utilisés. Ces derniers sont nettement plus résistants, ce qui leur vaut d’être très largement utilisés comme vernis de protection des objets métalliques. Ces vernis peuvent être employés seuls, ou en sous couche avant l’application d’une cire. En 1964, l’INCRA (International Copper Research Association) développe le vernis acrylique Incralac®, synthétisé en ajoutant du benzotriazole (C6H5N3) à la formulation du Paraloïd B44 [44]. C’est ce vernis qui, encore aujourd’hui, est le plus fréquemment employé sur les statues en alliage cuivreux. Cependant des problèmes de bio détérioration ont été rapportés, liés au développement de microorganismes à la surface du revêtement, créant un biofilm et produisant des acides et des enzymes à l’origine d’une détérioration du substrat métallique et de la couche de produits de corrosion [45].
Les inhibiteurs de corrosion
Un inhibiteur est défini, en 1965 par la NACE5 comme « une substance chimique ou un mélange de substances qui, ajouté à un environnement, prévient ou réduit la corrosion» [42], [46].
Mécanismes d’action des inhibiteurs
L’inhibiteur peut être utilisé comme moyen unique de protection en agissant soit de façon permanente, soit de façon temporaire, mais aussi combiné à un autre moyen de protection (par addition d’un revêtement de surface par exemple). Quelle que soit la forme employée, l’inhibiteur doit répondre à un certain nombre de fonctions essentielles :
-abaisser la vitesse de corrosion du métal sans en affecter les caractéristiques (en particulier la résistance mécanique)
-être stable en présence des autres constituants du milieu et des températures d’utilisation -être efficace à faible concentration
-être compatible avec les normes de non-toxicité
Le mécanisme d’action de l’inhibiteur est variable en fonction de sa nature mais il intervient toujours sur le processus de corrosion en agissant sur l’une ou les étapes de réaction élémentaire de ce processus électrochimique et le plus souvent à la surface du métal. Les inhibiteurs sont souvent classés en trois catégories : de type anodique, de type cathodique et de type mixte. Leur action se fait suivant un aspect mécanistique, avec une intervention directe dans les processus fondamentaux de corrosion, ou un aspect morphologique, avec une intervention dans la structure interfaciale. Le mode d’action va dépendre des caractéristiques de l’inhibiteur mais aussi du pH du milieu dans lequel il sera utilisé. Dans le cadre de ce travail, l’attention est portée sur l’étude des inhibiteurs organiques, famille à laquelle appartiennent les acides carboxyliques, sujet de cette thèse. Les processus impliqués entre les inhibiteurs organiques et les surfaces métalliques, dans le cas de métaux industriels puis de façon plus restreinte aux métaux du patrimoine, sont présentés ci-dessous.
Les inhibiteurs de corrosion pour la protection des métaux
Développés depuis les années 40, les inhibiteurs de corrosion sont aujourd’hui très largement utilisés dans le secteur de l’industrie dans différents domaines comme le traitement des eaux ou l’industrie pétrolière (Figure 10). A partir des années 40 et jusque dans les années 70, les techniques de protection par inhibiteurs de corrosion, appliqués en solution à la surface des métaux, se sont largement développées dans le domaine de l’industrie [47], [48]. Ce n’est qu’à partir des années 90 toutefois que des études se penchent sur la toxicité des inhibiteurs utilisés et que l’intérêt se porte sur l’utilisation d’autres composés moins toxiques. C’est durant cette période que la nature des inhibiteurs utilisés est reconsidérée et que les inhibiteurs de corrosion organiques vont progressivement remplacer les inhibiteurs inorganiques [46], [49], [50]. Ces derniers sont majoritairement des azoles (benzotriazole et dérivés), des amines, des acides aminés, des dérivés du triphénylméthane et des carboxylates de sodium.
Les inhibiteurs de corrosion pour la protection du patrimoine métallique
Dans le domaine du patrimoine, les inhibiteurs de corrosion sont utilisés au début des années 20 (Figure 11). Ce sont d’abord les tanins qui vont être utilisés pour l’inhibition de la corrosion dans les objets archéologiques en fer, puis les benzotriazoles et dérivés dans les années 60 [52]. Au cours des années 70 la protection des métaux évolue, avec le développement de mélanges divers d’inhibiteurs et de revêtements et l’emploi de chromates, de phosphates, d’hydroxyles, de nitriles et de carbonates [53], [54]. Quelques années plus tard, l’intérêt se porte sur les composés soufrés et azotés, avec des études menées sur l’emploi de tels composés pour la protection d’objets en alliage cuivreux [55]. Un de ces composés trouve ainsi un emploi courant dans la protection du patrimoine métallique, le 2-amino-5-mercapto-1,2,3,4-thiadiazole (AMT). De nos jours, les pratiques dépendent des ateliers de restauration. En France, les inhibiteurs de corrosion sont généralement appliqués sur des œuvres métalliques de petite taille exposées dans un environnement intérieur souvent muséal (Projet Promet, 2006 [48]). En Italie toutefois, la protection de tels objets se fait encore souvent au moyen de techniques mixtes mélangeant Incralac et cire microcristalline. Par ailleurs, dans le cadre de la protection du patrimoine, les inhibiteurs de corrosion sont appliqués directement sur le métal ou la couche de produits de corrosion, contrairement aux traitements industriels sur le métal nu.
Bien que largement employés, ces inhibiteurs posent encore la question de la toxicité de tels traitements. Depuis les années 2000, la priorité est donc donnée aux traitements dits verts, non nocifs pour l’environnement et non cancérigènes pour l’utilisateur. Ceci a favorisé le développement d’un autre type d’inhibiteurs organiques : les carboxylates [43],[56]–[58].
Les acides carboxyliques linéaires comme agents de protection
Les acides carboxyliques linéaires saturés sont des inhibiteurs organiques anodiques non oxydants et qui agissent par précipitation d’un film tridimensionnel à la surface du métal. Dérivés d’acides gras extraits d’huiles végétales (ricin, colza, palme, lin ou tournesol), ils ont l’avantage d’être non toxiques et non cancérigènes [43], [56]. La formule chimique des acides carboxyliques est CH3-(CH2)n-2-COOH, généralement notée HCn, avec n le nombre d’atomes de carbone composant la chaîne aliphatique.
L’intérêt de ces composés réside dans leurs propriétés tensioactives. Ils sont en effet composés d’une partie polaire hydrophile, la fonction acide carboxylique, et d’une partie lipophile, la chaîne aliphatique.
Les acides carboxyliques pour la protection des métaux
Dès 1980, Mercer présente les carboxylates comme des inhibiteurs de corrosion du fer et d’autres métaux en milieux aqueux neutres. Ces inhibiteurs sont tout d’abord utilisés dans l’industrie pour protéger temporairement des pièces métalliques durant le transport ou le stockage, et dans les circuits de refroidissement [59]. L’utilisation des sels d’acides carboxyliques se répand dans les années 90 et les études se multiplient [49], [60]–[63].
Le principe de la protection des inhibiteurs carboxylates est fondé sur la formation de liaisons chimiques entre l’inhibiteur et le métal par échange d’électrons entre le centre actif de l’inhibiteur et le métal, entraînant la formation, par cyclisation, de complexes organométalliques (ou savons métalliques), qui vont former une couche de protection à la surface du métal :
Ces savons métalliques agissent comme des surfactants (ou tensioactifs) avec une partie hydrophile et une partie hydrophobe correspondant à la chaîne aliphatique. La couche formée à la surface du métal nu ou de la couche de produits de corrosion va limiter la pénétration de l’eau jusqu’à l’interface avec le métal, mais également ralentir la diffusion des ions vers l’interface entre la couche protectrice et l’environnement corrosif.
Dans le cas de la protection du cuivre nu, deux étapes sont nécessaires pour la formation d’une couche de carboxylates de cuivre protectrice à la surface du métal : 1\ Oxydation du cuivre par le dioxygène de l’air ou à l’aide d’un agent oxydant (expl. Na2SO4) : Cu + ½ O2 + H2O → Cu2+ + 2OH-
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1. ETAT DE L’ART
I. La corrosion atmosphérique du cuivre
1. Mécanisme général de la corrosion atmosphérique du cuivre
2. Influence des paramètres environnementaux sur le mécanisme de corrosion
2.1. Le cycle humidification – séchage
2.2. Les polluants atmosphériques
3. Les couches de produits de corrosion et leur définition dans le cadre patrimonial
3.1. Formation de la couche interne de produits de corrosion
3.2. Formation de la couche externe de produits de corrosion
II. La protection des cuivres et des bronzes pour le patrimoine culturel
1. Les cires et vernis traditionnels
2. Les inhibiteurs de corrosion
2.1. Mécanismes d’action des inhibiteurs
2.2. Les inhibiteurs de corrosion pour la protection des métaux
2.3. Les inhibiteurs de corrosion pour la protection du patrimoine métallique
3. Les acides carboxyliques linéaires comme agents de protection
3.1. Les acides carboxyliques pour la protection des métaux
3.2. Les acides carboxyliques pour la protection du patrimoine métallique
4. La protection des métaux par les procédés sol-gels
4.1. Le procédé sol-gel
4.2. Le revêtement sol-gel comme protection des métaux
4.3. Le revêtement sol-gel comme protection particulière du cuivre
4.4. Le revêtement sol-gel comme protection du patrimoine culturel
4.4.1. Utilisation des sol-gel dans le patrimoine : consolidation de la pierre
4.4.2. Protection des œuvres métalliques
III. Bilan – Problématique
CHAPITRE 2. METHODOLOGIE
I. Méthodologie
II. Corpus expérimental et préparation des échantillons
1. Corpus expérimental
1.1. Description
1.2. Coupons de cuivre type
1.3. Synthèse des phases de référence
1.3.1. Brochantite de synthèse
1.3.2. Carboxylates de cuivre de synthèse
1.4. Synthèse des solutions traitantes à base d’acides carboxyliques
1.5. Synthèse sol-gel à base d’acides carboxyliques
1.5.1. Synthèse sol-gel TMOS et TMOS dopés en acides carboxyliques
1.5.2. Synthèse des monolithes de sol-gel TMOS et TMOS dopés en acides
carboxyliques 2. Protocole de préparation des échantillons
2.1. Application des solutions traitantes à base d’acides carboxyliques aux coupons de cuivre par immersion
2.2. Application des traitements sol-gels dopés à base d’acides carboxyliques aux coupons de cuivre par dip-coating
2.3. Préparation de coupes transversales pour les caractérisations physico-chimiques
2.4. Dispositif d’étude de la migration des composés sol-gels dopés dans la brochantite de synthèse
2.5. Suivi de l’hydrophobicité des surfaces dans le temps
III. Techniques analytiques
1. Techniques d’analyses globales
1.1. Angle de contact
1.2. Colorimétrie
1.3. Rhéologie : mesures de viscosité
1.4. Porosité et théorie Brunauer-Emmett-Teller (BET)
1.5. Analyses thermogravimétriques (ATG)
2. Méthodes d’analyse à l’échelle micrométrique
2.1. Microscopie optique
2.2. Microscopie électronique à balayage-Spectrométrie à énergie dispersive (MEBEDX)
2.3. Spectroscopie µ-Raman
2.3.1. Les produits de corrosion du cuivre : la brochantite et la cuprite
2.3.2. Les acides carboxyliques
2.3.3. Les carboxylates de cuivre
2.3.4. Le sol-gel TMOS
2.3.5. Tableaux récapitulatifs des pics caractéristiques et distinctifs pour les différentes phases de références en fonction du composé carboxylé
2.3.6. Les cartographies Raman
2.4. Diffraction de Rayons-X (DRX)
2.4.1. La brochantite
2.4.2. Les carboxylates de cuivre
CHAPITRE 3. RESULTATS
I. Choix des acides carboxyliques pour le dopage du revêtement sol-gel
1. Réactivité des solutions de carboxyaltes et influence de la longueur de chaîne
1.1. Hydrophobicité des surfaces traitées
1.2. Réaction de complexation à la surface des coupons traités
1.3. Aspect des surfaces traitées
2. Bilan des acides carboxyliques définitivement sélectionnés pour l’insertion dans la matrice sol-gel
II. Propriétés du sol-gel dopé en acide carboxylique
1. Caractérisation chimique des sol-gels dopés en acides carboxyliques
1.1. Caractérisation chimique des monolithes de sol-gel TMOS non dopés
1.2. Caractérisation chimique des monolithes de sol-gel TMOS dopés en acides carboxyliques
1.2.1. Les monolithes TC7
1.2.2. Les monolithes TC8 et TC10
2. Porosité des sol-gels dopés
2.1. Les monolithes TMOS non dopés
2.2. Les monolithes TC7
2.3. Les monolithes TC8
2.4. Quantification des porosités globales dans les monolithes
3. Capacités de relargage des matrices sol-gels dopées en acides carboxyliques dans une couche de produits de corrosion
4. Evolution de la viscosité des sols-gels dopés en acides carboxyliques avec le temps de séchage
III. Application du traitement sol-gel dopé sur la couche de produits de corrosion126
1. Influence des paramètres d’application des traitements sol-gels dopés sur les propriétés des couches de produits de corrosion
1.1. Hydrophobicité de surface en fonction du nombre de dip-coatings
1.2. Variation d’aspect de surface en fonction du nombre de dip-coatings
2. Morphologie de surface des coupons traités avec TC7, TC8 et TC10
2.1. Morphologie de surface des coupons traités par 1 dip-coating
2.2. Morphologie de surface des coupons traités par 2 dip-coatings
2.3. Bilan des morphologies des surfaces des coupons traités
3. Composition élémentaire de surface des coupons traités TC7, TC8 et TC10
4. Structure cristalline de surface des coupons traités TC7, TC8 et TC10
5. Bilan des analyses de surface des coupons traités TC7, TC8 et TC10
IV. Interactions physico-chimiques entre le traitement sol-gel dopé et la couche de produits de corrosion
1. Caractérisation chimique globale des ensembles traitements sol-gels dopés et produits de corrosion
1.1. La brochantite de la couche de produits de corrosion non traitée
1.2. Les poudres de coupons traités
2. Pénétration des traitements sol-gels dopés dans les couches de produits de corrosion
2.1. Morphologie des couches sur coupe transversale
2.2. Composition physico-chimique des couches sur coupe transversale
2.3. Structure cristalline des couches de produits de corrosion après traitement par dipcoating des sol-gels dopés
2.4. Bilan de la pénétration des traitements sol-gels dopés en acides carboxyliques dans les CPC et des paramètres d’influence
3. Influence de la viscosité sur la pénétration des traitements sol-gels dopés dans les couches de produits de corrosion
4. Bilan des observations sur les interactions entre les traitements sol-gels dopés en acides carboxyliques et la couche de produits de corrosion
CHAPITRE 4. DISCUSSION
I. Synthèse des caractérisations des monolithes sol-gels dopés en acides carboxyliques et des traitements carboxylates appliqués par voie sol-gel aux coupons de cuivre corrodé
1. Récapitulatif de la répartition des acides carboxyliques dans les monolithes sol-gels : influence du séchage et capacités de relargage
1.1. Répartition des acides carboxyliques dans la matrice sol-gel TMOS
1.1.1. Le monolithe de TMOS seul
1.1.2. Le monolithe TC7
1.1.3. Le monolithe TC8
1.1.4. Le monolithe TC10
1.2. Processus de séchage des monolithes
1.2.1. Formation du réseau poreux dopé en acide carboxylique
1.2.2. Séchage du sol-gel dans le cas des monolithes et influence des solvants
1.3. Capacité de relargage en acide des monolithes de sol-gel dopés
2. Schémas tridimensionnels représentatifs de la répartition des traitements sol-gels dopés en acides carboxyliques en surface et dans les couches de produits de corrosion
2.1. Evaluation de la distribution du traitement en fonction de l’acide carboxylique : propriétés de surfaces et propriétés dans la CPC
2.1.1. Le traitement sol-gel TMOS
2.1.2. Le traitement sol-gel TC7
2.1.3. Le traitement sol-gel TC8
2.1.4. Le traitement sol-gel TC10
2.2. Influence du nombre de dip-coating sur la distribution du traitement
II. Comportement du traitement sol-gel dopé en acides carboxyliques et mécanismes d’interaction avec la couche de produits de corrosion
1. Réactivité en fond de pores des traitements sol-gels dopés en acides carboxyliques avec la brochantite
1.1. Interaction entre le sol-gel et la brochantite
1.2. Interaction entre la brochantite et les acides carboxyliques
1.3. Interaction entre la brochantite et le sol-gel dopé en acides carboxyliques
2. Mécanismes de pénétration des traitements sol-gels dopés en acides carboxyliques et réaction entre les carboxylates et les couches de produits de corrosion à l’échelle del’ensemble de la couche
2.1. Description des processus physico-chimiques en jeu lors de la pénétration et de la réaction du traitement sol-gel dopé avec la couche
2.1.1. Processus en jeu lors d’une application par dip-coating simple (-1d)
2.1.2. Processus en jeu lors d’une application par deux dip-coatings (-2d)
2.2. Effet de la viscosité sur la pénétration du sol-gel dopé
2.2.1. La pénétration du sol-gel très peu visqueux
2.2.2. La pénétration du sol-gel très visqueux
2.3. Phénomènes de diffusion et de complexation des acides carboxyliques dans la couche de brochantite en conditions atmosphériques
III. Application à la restauration-conservation du patrimoine métallique
1. Potentiel et efficacité du traitement sol-gel pour la protection du patrimoine métallique
1.1. Optimisation de l’aspect de surface
1.2. Optimisation du temps de traitement
1.3. Effet sur la tenue à long terme
2. Perspectives
CONCLUSION
REFERENCES
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