INFLUENCE DES COUTS SUR L’EVOLUTION DES PRIX DU MARCHE
Présentation du produit
Le bananier est une herbe géante monocotylédone de grande taille (2 à 9 mètres selon les variétés) de la famille des Musacées. Le pseudo-tronc résulte en réalité de l’imbrication des gaines foliaires les unes dans les autres. Au fil des mutations et des sélections, la banane (baie du bananier) est devenue stérile ; c’est au niveau de la tige souterraine que se différencient les rejets (ou rejetons) qui deviendront les jeunes nouveaux bananiers.
L’inflorescence se forme au niveau de la tige souterraine et parcourt tout le faux tronc. La fleur femelle donne un régime de banane (pouvant dépasser 30 kg), part consommable et commercialisable. Ce régime est constitué de 200 à 250 fruits ou doigts, regroupés en 18 à 22 mains. Le premier cycle de production est de 9 à 12 mois (Lassoudière, 2007). La banane étant un fruit climactérique , elle est cueillie verte et finit de murir, après exportation, dans des mûrisseries. La durée de mûrissage varie entre 4 et 10 jours et dépend des besoins du marché (ODEADOM, 2009).
Pour se développer, le bananier a besoin de chaleur (de 25°C à 40°C) et d’une alternance entre pluies et fort ensoleillement, correspondant à des climats des zones tropicales et subtropicales. Sensible à la sécheresse, aux inondations et aux pluies longues, le bananier est de manière générale fragile face aux conditions climatiques (cyclones qui détruisent les bananeraies par exemple). En outre, il existe de nombreux ravageurs (nématodes, charançons) et maladies telles que les Cercosporioses et les Fusarioses (Lassoudière, 2007).
Les grands flux du commerce de la banane
Caractéristiques de l’offre mondiale
Le marché international de la banane a toujours été spécialisé autour d’un type de banane, la banane dite « dessert » , consommée comme fruit, et depuis 40 ans plus spécifiquement autour du groupe Cavendish (Cepeda, 2009). Cette variété ne représente que 56 % de la production mais 95 % du commerce mondial de la banane. L’unicité variétale et la standardisation (taille, coloration) existant sur ce marché permettent aux opérateurs internationaux d’arbitrer leurs expéditions entre les différents marchés d’importation (Loeillet, 2005). Le marché est donc peu segmenté, malgré l’émergence et la croissance des marchés biologiques et du commerce équitable. Cette situation, peu fréquente dans le commerce des fruits et légumes, permet dans le cadre de l’étude de normaliser et travailler sur des coûts unitaires comparables.
Le commerce de la banane est le premier commerce mondial de fruits et légumes en termes de volume et de chiffre d’affaire. C’est environ 100 millions de tonnes de banane qui sont produites dans le monde chaque année, dont 20 millions réexportées (20 % de la production est exportée, le reste consommé localement) (d’après Faostat, chiffres de 2009).
La production mondiale ne cesse de progresser. En 1990, la quantité de bananes produites dans le monde était évaluée à 47 millions de tonnes ; en 2000, à 65 millions ; en 2010 à plus de 100 millions. Cette progression est à mettre en relation avec l’augmentation des surfaces cultivées et les progrès techniques et agronomiques qui améliorent le rendement (Faostat).
Aujourd’hui, plus de 120 pays produisent des bananes. Les principaux producteurs sont l’Inde, la Chine, les Philippines et l’Equateur (cf Figure 4) qui produisent à eux seuls 60 % du volume total (d’après Faostat, 2010). Il est cependant primordial de noter que les grands producteurs ne sont pas nécessairement exportateurs : dans le cas de la Chine et l’Inde, la consommation intérieure est importante et la totalité de la production est ainsi consommée sur les marchés nationaux . En raison des formes et de la localisation de la production et des négociations du commerce mondial, il est possible de distinguer 3 groupes de pays exportateurs dont la quantité des exportations mondiales:
Le groupe « zone dollar » rassemble des pays traditionnellement sous l’influence du dollar américain et dont le développement des industries bananières fut en général associé à des compagnies multinationales (Cepeda, 2009). Ce groupe représente 66 % des exportations mondiales de bananes dessert (Faostat) et est constitué de l’Equateur (1er exportateur mondial avec 35% du commerce), la Colombie (12%) et de l’ensemble des pays d’Amérique latine producteurs de bananes.
Le groupe ACP est formé par les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique signataires de Convention de Lomé en 1975 avec l’Union Européenne (accord de commerce et d’aide avec 46 anciennes colonies).
Le groupe Asie, représenté majoritairement par les Philippines (80% des exportations asiatiques), correspond à 13% des exportations mondiales de bananes dessert.
On distingue trois bassins de consommation majeurs : les Etats Unis (qui se fournissent dans la zone dollar), l’Asie avec notamment le Japon (qui se fournit dans la zone Asie) et l’Europe. A ces bassins, il faut rajouter de nouveaux consommateurs émergents tels que la Russie ou le Moyen Orient (cf. carte des flux mondiaux en Annexe III). Dans la suite de l’étude, on ne s’intéressera qu’aux exportations vers l’Europe.
Dans l’UE, plus de 5,2 millions de tonnes sont consommées annuellement. On note une diversité des origines des bananes qui arrivent en Europe :
– Les bananes en provenance des origines ACP : Côte d’Ivoire, Cameroun, Ghana, Surinam, République Dominicaine, Belize, etc.
– Les bananes dollar (en provenance d’Amérique) : Equateur, Costa Rica et Colombie, etc.
– Les bananes d’origine communautaire : Antilles pour la France (Martinique et Guadeloupe), Canaries uniquement pour l’Espagne, et avec un poids plus négligeable Madère pour le Portugal, Chypre pour la Grèce et Malte.
Les Antilles françaises bénéficient d’avantages liés à leur appartenance à l’Union Européenne (aides à la production, absence de tarifs douaniers). Les protections douanières et la règlementation européenne ont beaucoup évolué ces dernières années, réorientant les marchés. Ainsi, la part des bananes d’origine communautaire a reculé (de 19% à 12%) au profit des bananes dollars (de 62% à 69%) entre 2000 et 2009 (données CIRAD) cf.
Description de la filière (importation en Europe)
Entre la production et la consommation, le produit passe par différentes étapes. Il s’agit ici de faire la description la plus exhaustive possible des différents maillons, et d’identifier de façon préliminaire les postes de coût et les dépenses intermédiaires pour la suite de l’étude.
Hauteur de la filière
Production (cf. III.1.2.1.) : Il existe une grande diversité dans les systèmes de production en fonction de la localisation de la plantation et de la destination des bananes, de la bananeraie familiale de taille réduite à la monoculture intensive sur des exploitations importantes en termes de surface et de rendement. Pour des raisons de simplicité, un seul itinéraire cultural devra être retenu pour la suite de l’étude : exploitation intensive tournée vers l’exportation de bananes sur les marchés européens.
La production dure entre 9 et 12 mois en moyenne depuis la sélection du rejet ou la plantation jusqu’à la coupe et regroupe l’ensemble des tâches depuis la création de la bananeraie jusqu’à la récolte. Les principales étapes en sont :
– la mise en place de la bananeraie : assainissement du sol, notamment par la destruction mécanique et phytosanitaire de l’ancienne bananeraie et aménagement de la parcelle (mise en place de l’irrigation et du drainage, du réseau routier et des protections contre le vent) et des sols (amendements et engrais).
– la plantation : sillonnage, trouaison puis plantation des vitro plants.
– les soins aux bananiers et aux régimes : entretien superficiel et en profondeur du sol (désherbage, passage de la sous-soleuse dans les inter-rangs), irrigation.
– la récolte : manuelle. Une fois cueillies, les bananes, vertes, sont transportées vers le centre de conditionnement, soit par un porteur, soit par des chariots-tracteurs à moteur hydrauliques.
Conditionnement : Une fois acheminées au hangar de conditionnement, les bananes sont découpées en couronnes (dépattage), triées selon leur taille et leur qualité et nettoyées (immersion dans une eau chlorée). Les mains sont ensuite découpées en bouquets, traitées (traitements fongiques), triées et emballées dans des cartons, colis de 18,5 kg. Ces cartons sont ensuite placés sur des palettes et protégés par des gaines plastiques, ce qui permet un gain de temps et de main d’œuvre dans toutes les étapes du transport (chargement, déchargement).
Ces étapes, ainsi que le contrôle qualité, sont généralement effectuées dans une station de conditionnement automatisée située sur le site de production (d’après discussions avec Thierry Lescot).
Exportation et transport : Après le conditionnement, les colis déjà palettisés sont acheminés par camion jusqu’au port, où ils sont déchargées et mis en hangar. Les bananes sont ensuite exportées uniquement par voie maritime. Etant donné le caractère périssable du produit, le transport est effectué dans des compartiments ou containers réfrigérés, entre 13 et 14°C. En fonction de la provenance des fruits, le transport maritime prend de 1 semaine (Canaries) à 3 semaines (Equateur). Les bananes arrivent ensuite dans divers ports européens.
Deux voies sont possibles pour le transport maritime : le transport par porte-container et le reefer. Dans le cadre du transport par reefer, les cales frigorifiques des navires sont aménagées pour le transport des palettes qui y sont directement placées via des grues. Pour le transport en container, les bananes sont chargées dans des containers frigorifiques spécifiquement dédiés au transport des denrées alimentaires ; les containers sont ensuite chargés sur les navires.
Importateurs, mûrisseurs, grossistes: Les bananes une fois déchargées au port sont transportées jusqu’aux stations de mûrissage où elles achèvent pendant 4 à 7 jours la transformation de leur amidon en sucre et prennent leur couleur jaune. Elles sont ensuite vendues à la distribution directement ou via les marchés de gros comme Rungis.
D’après des sources professionnelles dans le secteur mûrisserie, le prix du murissage comprend le transport du port à la mûrisserie (de 0,03 à 0,04 € /kg) et les frais de murissage, c’est-à-dire la marge du mûrisseur et le coût du murissage (de 0,08 €/kg pour les petites mûrisseries indépendantes à 0,05 €/kg pour les grosses structures). En revanche, la grande distribution se refuse à fournir ses données comptables. Ainsi, toute cette étape de la filière ne sera pas étudiée dans la suite de l’étude.
Principaux acteurs du marché
La filière banane présente une diversité d’acteurs et de structures qui ne représentent toutefois pas le même poids d’importance. Depuis le début des années 90, la multiplicité des opérateurs (importateurs, mûrisseurs, grossistes) s’est fortement réduite et aujourd’hui plus de 80% des bananes commercialisées en Europe passent par des filières intégrées (Loeillet, 2005).
Il existe de nombreuses formes d’organisation qui vont du monopole (de la production à l’importation) à des formes d’organisation plus simples (producteurs indépendants).
Toutefois, une des caractéristiques fortes du secteur est la présence historique de grandes sociétés (Dole, Chiquita, Fyffes, Del Monte, etc.) qui structurent fortement l’offre sur le marché mondial .
Facteurs influençant l’offre et la demande
Le marché de la banane est un marché approvisionné tout au long de l’année, dont les facteurs influençant l’offre et la demande sont nombreux (d’après le suivi conjoncturel hebdomadaire de l’OdM ; Cepeda, 2009). Ainsi, l’offre est grandement dépendante des conditions climatiques et des pressions phytosanitaires qui influent sur le rendement, mais également du contexte sociopolitique des pays producteurs (grèves, guerres civiles) et de la règlementation commerciale.
La demande dépend du « calendrier » et le marché présente des pics de consommation saisonniers. En effet, au printemps et l’été, la demande se tourne davantage vers les fruits de saison (fraises, fruits à noyau..) ; durant les vacances, les ventes sont également très lentes (fermeture des restaurations collectives). De manière plus globale, la demande dépend de la conjoncture économique des pays consommateurs. Le taux de change de change peut être défavorable aux importations (comme cela a été le cas au printemps été 2012 en Russie). Un prix trop élevé a tendance à freiner la consommation alors qu’au contraire des prix bas et des opérations promotionnelles vont l’inciter.
La banane est un produit périssable et un stockage trop long (supérieur à 1 semaine) altère le fruit, voire lui est fatal. Ceci a des conséquences sur le marché : ces fruits stockés sont vendus sous forme d’offre de dégagement c’est-à-dire à des prix très faibles, ce qui déstabilise le marché.
De plus, il y a eu peu de différenciation et de segmentation sur ce produit, ce qui renforce le côté volatil du marché.
Organisation institutionnelle de la filière (européenne)
Evolution de la règlementation européenne
Le commerce de la banane a été fortement affecté par l’évolution de la règlementation et des politiques européennes.
En 1993, l’Union européenne s’est dotée d’une organisation de gestion commune : l’OCMB (Organisation Commune du Marché Banane) qui plafonnait les importations de bananes dollar et ACP afin de protéger les productions européennes et garantir un équilibre d’approvisionnement entre les différentes origines. L’OCMB était fondé sur deux principes :
le contingentement des importations et le soutien aux revenus des producteurs européens.
Ainsi, les bananes communautaires disposaient d’un libre accès au marché européen tandis que les bananes dollar étaient soumises à un contingentement tarifaire. En raison de relations historiques, les bananes des pays ACP bénéficiaient d’un contingentement à droit nul.
Dès sa mise en place en 1993, l’OCMB provoque des tensions au sein de l’UE, opposant l’Allemagne et les pays d’Europe du Nord, consommateurs de bananes dollar, et les pays « producteurs » tels que la France, l’Espagne, le Portugal et la Grèce. Le conflit prend des proportions internationales lorsque les Etats Unis et plusieurs pays producteurs d’Amérique Latine portent plainte en 1994 devant le GATT (ancêtre de l’OMC) et dénoncent le protectionnisme de l’OCMB, contraire aux règles du commerce international (Cepeda, 2009 ; Arias et al., 2004).
Après de nombreuses tentatives pour accorder la règlementation européenne aux règles de l’OMC, l’OCMB est progressivement démantelée et remplacée par les règles en vigueur actuellement depuis 2006. Le marché est aujourd’hui soumis à un droit de douane unique dégressif (actuellement de 136€/t depuis le 01/01/2012) sans restriction quantitative pour la banane dollar et un accès illimité sans droit de douane pour les fournisseurs ACP. Quant aux producteurs européens, ils bénéficient d’aides financières à la production et à l’investissement dans le cadre de l’amélioration de la compétitivité économique et technique des filières agricoles (POSEI). Il a été observé que ces changements ont bouleversé le marché de la banane, les parts des bananes dollar ayant progressé au détriment principalement des bananes communautaires.
Normes et certifications
Les normes phytosanitaires européennes en matière de sécurité alimentaire ne sont pas les seules normes régissant le marché. Les standards de qualité pour les bananes concernent le calibrage (longueur et diamètre des fruits), l’homogénéité de la maturité, l’absence de défauts sont définis par la règlementation européenne. En fonction de ces critères, les bananes sont classées en différentes catégories : Super Extra (ou premium) ; Extra ; Catégorie I ; Catégorie II (d’après conversations avec Carolina Dawson).
Depuis quelques années, on observe le développement de normes et de certifications privées, définies par la grande distribution. Ces normes touchent principalement aux certifications environnementales et sociales au stade production, comme la certification Global Gap, majoritairement adoptée en Allemagne. Au Royaume Uni, les produits biologiques et/ou Fairtrade ont aujourd’hui une grande importance (Dawson, 2012).
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Table des matières
I. CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE DE L’ETUDE
1. CONTEXTE GENERAL
2. ORIGINE DE L’ETUDE
3. RAPPEL DES OBJECTIFS ET DELIMITATION DE L’ETUDE
4. INTERET DE L’ETUDE VIS-A-VIS DE TRAVAUX ANTERIEURS
4.1. LIMITES DES OUTILS ET METHODOLOGIES DEJA EXISTANTS
4.2. INTERET DE L’ETUDE
1. ANALYSE DE LA FILIERE
1.1. DEFINITIONS ET GENERALITES
1.2. ETAPES D’UNE ANALYSE FILIERE
2. RECUEIL DE DONNEES
2.1. L’INFORMATION BIBLIOGRAPHIQUE
2.2. EXPERTISES ET ENTRETIENS – DONNEES EMPIRIQUES
2.3. UTILISATION DE BASES DE DONNEES
3. COMPILATION DES DONNEES POUR L’ANALYSE : CREATION D’UN INDICE
3.1. ETAPES SUIVIES
3.2. INDICE DE LASPEYRES
III. MISE EN ŒUVRE DE LA METHODOLOGIE ET PREMIERS RESULTATS
1. ANALYSE FILIERE
1.1. PRESENTATION DU PRODUIT
1.2. LES GRANDS FLUX DU COMMERCE DE LA BANANE
1.2.1. Caractéristiques de l’offre mondiale
1.2.2. Caractéristiques de la demande mondiale
1.3. DESCRIPTION DE LA FILIERE (IMPORTATION EN EUROPE)
1.3.1. Hauteur de la filière
1.3.2. Principaux acteurs du marché
1.3.3. Facteurs influençant l’offre et la demande
1.4. LES INCOTERMS ET AUTRES PRIX
1.5. ORGANISATION INSTITUTIONNELLE DE LA FILIERE (EUROPEENNE)
1.5.1. Evolution de la règlementation européenne
1.5.2. Normes et certifications
2. CREATION DE L’INDICE ET PREMIERS RESULTATS
2.1. ESTIMATION DES POSTES DE COUTS
2.2. INDICATEURS
2.3. INDICE
IV. ANALYSE ET DISCUSSION
1. LA STRUCTURE DE COUT
1.1. LES POSTES DE COUTS
1.2. EVOLUTION DES COUTS INTERMEDIAIRES
1.3. AGREGATION DES INDICATEURS : EVOLUTION DE L’INDICE
2. INFLUENCE DES COUTS SUR L’EVOLUTION DES PRIX DU MARCHE
2.1. EVOLUTION DES DIFFERENTS PRIX
2.2. MISE EN RELATION DES PRIX ET COUTS INTERMEDIAIRES
2.2.1. Analyse à long terme
2.2.2. Analyse à court terme
2.2.3. Leviers de compétitivité
3. LIMITES ET PERSPECTIVES
3.1. LIMITES DE L’OUTIL ET PISTES D’AMELIORATION
3.2. LIMITES METHODOLOGIQUES DE L’ANALYSE
3.3. UTILISATION DE L’INDICE
CONCLUSION
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